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Matthieu 27
Vigouroux


Jésus devant le gouverneur romain

1 Le matin étant venu, tous les princes des prêtres et les anciens du peuple tinrent conseil contre Jésus, pour Le faire mourir.
[27.1 Les princes des prêtres et les anciens du peuple. Voir Matthieu, 26, 3.]
2 Et L’ayant lié, ils L’emmenèrent et Le livrèrent à Ponce Pilate, le gouverneur.
[27.2 Voir Marc, 15, 1 ; Luc, 23, 1 ; Jean, 18, 28. — « Ponce-Pilate fut le cinquième procurateur envoyé de Rome en Judée. Il gouverna cette province de l’an 26 à l’an 36 de l’ère chrétienne, sous les ordres du légat de Syrie. C’était une créature de Séjan, favori de Tibère. Par ménagement pour la susceptibilité des Juifs, il résidait à Césarée de Palestine, place forte sur la côte de la mer ; mais, comme Antipas, il venait à Jérusalem au temps des grandes fêtes, et alors il habitait le prétoire, demeure contigüe au palais d’Hérode et à la tour Antonia. Â» (L. BACUEZ.)]
3 Alors Judas, qui L’avait trahi, voyant qu’Il était condamné, poussé par le repentir, rapporta les pièces d’argent aux princes des prêtres et aux anciens
4 en disant : J’ai péché, en livrant le sang innocent. Mais ils dirent : Que nous importe ? c’est ton affaire.
5 Ayant jeté les pièces d’argent dans le temple, il se retira, et alla se pendre.
[27.5 Voir Actes des Apôtres, 1, 18.]
6 Mais les princes des prêtres, ayant pris les pièces d’argent, dirent : Il ne nous est pas permis de les mettre dans le trésor, parce que c’est le prix du sang.
[27.6 Le trésor était l’endroit du temple où le peuple mettait ses présents et ses offrandes.]
7 Et ayant tenu conseil, ils en achetèrent le champ d’un potier, pour la sépulture des étrangers.
[27.7 Du potier ; c’est-à-dire du potier de ce lieu.]
8 C’est pourquoi ce champ a été appelé jusqu’à ce jour Haceldama, c’est-à-dire champ du sang.
[27.8 Voir Actes des Apôtres, 1, 19. — Haceldama, c’est-à-dire le champ du sang. L’emplacement traditionnel de ce champ, qui porte toujours le même nom, est au sud de Jérusalem, sur le versant méridional de la vallée de Ben-Hinnon.]
9 Alors s’accomplit ce qui avait été prédit par le prophète Jérémie : Ils ont reçu les trente pièces d’argent, prix de Celui qui a été évalué, qu’on a évalué de la part des enfants d’Israël,
[27.9 Voir Zacharie, 11, 12. — Le texte qui est rapporté ici ne se lit pas dans Jérémie ; mais on en trouve la substance dans Zacharie. Saint Matthieu a pu se borner à dire du prophète, sans ajouter aucun nom. Il est certain que la version syriaque et plusieurs anciens manuscrits latins ne nomment pas le prophète. Cependant les interprètes ne conviennent pas tous que saint Matthieu ait fait cette omission, et ils cherchent à maintenir, les uns le nom de Jérémie, les autres celui de Zacharie.]
10 et ils les ont données pour le champ d’un potier, comme le Seigneur me l’a ordonné.
11 Or Jésus comparut devant le gouverneur, et le gouverneur L’interrogea en ces termes : Es-Tu le Roi des Juifs ? Jésus lui répondit : Tu le dis.
[27.11 Voir Marc, 15, 2 ; Luc, 23, 3 ; Jean, 18, 33.]
12 Et comme Il était accusé par les princes des prêtres et les anciens, Il ne répondit rien.
13 Alors Pilate Lui dit : N’entends-Tu pas quels graves témoignages ils portent contre Toi ?
14 Mais Il ne lui répondit pas un seul mot, de sorte que le gouverneur en fut très étonné.
15 Or, le jour de la fête, le gouverneur avait coutume de délivrer un prisonnier, celui que le peuple demandait.
[27.15 A un des jours de la fête solennelle ; c’est-à-dire pendant la fête de pâque (Comparer à Jean, 18, 39). Comme c’était la plus grande de leurs solennités, les Juifs la désignaient assez ordinairement sous le nom de la fête.]
16 Il avait alors un prisonnier insigne, nommé Barabbas.
[27.16 Barabbas, d’après les détails fournis par les divers évangélistes, avait trempé dans une sédition, et il était voleur et assassin.]
17 Comme ils étaient donc assemblés, Pilate leur dit : Qui voulez-vous que je vous délivre ? Barabbas, ou Jésus, qui est appelé Christ ?
18 Car il savait que c’était par envie qu’ils L’avaient livré.
19 Pendant qu’il était assis sur son tribunal, sa femme lui envoya dire : Qu’il n’y ait rien entre toi et ce juste ; car j’ai beaucoup souffert aujourd’hui en songe, à cause de Lui.
[27.19 Sa femme, Claudia Procula ou Procla, d’après la tradition.]
20 Mais les princes des prêtres et les anciens persuadèrent au peuple de demander Barabbas et de faire périr Jésus.
[27.20 Voir Marc, 15, 11 ; Luc, 23, 18 ; Jean, 18, 40 ; Actes des Apôtres, 3, 14.]
21 Le gouverneur, prenant la parole, leur dit : Lequel des deux voulez-vous que je vous délivre ? Ils dirent : Barabbas.
22 Pilate leur dit : Que ferai-je donc de Jésus, qui est appelé Christ ?
23 Ils répondirent tous : Qu’il soit crucifié ! Le gouverneur leur dit : Mais quel mal a-t-Il fait ? Et ils crièrent encore plus fort, en disant : Qu’Il soit crucifié !
24 Pilate, voyant qu’il ne gagnait rien, mais que le tumulte allait croissant, prit de l’eau, et se lava les mains devant le peuple, en disant : Je suis innocent du sang de ce juste ; c’est à vous de voir.
[27.24 Les païens aussi se lavaient les mains, soit dans les alliances, soit dans les sacrifices qu’ils offraient aux dieux supérieurs, soit enfin pour expier un meurtre ou se purifier du sang répandu même à la guerre ; mais on pense généralement que Pilate a voulu dans cette circonstance se conformer à l’usage des Juifs pour leur être agréable.]
25 Et tout le peuple répondit : Que Son sang retombe sur nous et sur nos enfants !
26 Alors il leur délivra Barabbas, et après avoir fait flageller Jésus, il Le leur livra pour être crucifié.
[27.26 Le supplice de la croix était la peine des esclaves, des voleurs, mais surtout des séditieux, suivant les lois romaines. Les Hébreux, selon Maimonide, ne crucifiaient régulièrement pas les hommes en vie, mais après leur mort ; ils les attachaient au poteau et les en détachaient avant le coucher du soleil. Comparer à Deutéronome, 21, vv. 22, 23.]
27 Alors les soldats du gouverneur, emmenant Jésus dans le prétoire, rassemblèrent autour de Lui toute la cohorte.
[27.27 Voir Marc, 15, 16 ; Psaumes, 21, 17. — La cohorte romaine se comportait de six cent vingt-cinq hommes. — Menant Jésus dans le prétoire. Le prétoire, qui désigna d’abord la tente du général en chef dans le camp, fut aussi plus tard le nom donné à la résidence du gouverneur de province, comme était Pilate. C’est là qu’il habitait et qu’il rendait la justice. Les évangélistes ont conservé le nom latin grécisé que les Latins avaient donné au palais du procurateur dans la capitale de la Judée. A la place où s’élevait autrefois le Prétoire est aujourd’hui en grande partie, à ce qu’on croit, la cour actuelle de la caserne turque, au nord-ouest du Temple. On y voit encore de grosses pierres qu’on dit avoir appartenu au prétoire. « L’escalier, qui de la cour supérieure où était le prétoire, conduisait dans la cour inférieure occupée aujourd’hui par une rue, a été transportée à Rome, où il est vénéré près de Saint-Jean de Latran. Â» (J. H. MICHON.)]
28 Et L’ayant dépouillé, ils Le revêtirent d’une chlamyde écarlate ;
[27.28 Ils l’enveloppèrent d’un manteau d’écarlate. En grec : d’une chlamyde. C’était une espèce de manteau de laine, ouvert et retroussé sur l’épaule gauche, où il s’attachait avec une agrafe, afin de laisser le bras droit libre. Le nom est d’origine grecque ; il désigne ici le paludamentum, vêtement militaire des soldats romains. Il était de forme ovale, se portait par-dessus la cuirasse et retombait en arrière, à peu près jusqu’à mi-jambe. Les tribuns le portaient de couleur blanche ; les généraux et les empereurs de couleur pourpre.]
29 puis, tressant une couronne d’épines, ils la mirent sur Sa tête, et un roseau dans Sa main droite ; et fléchissant le genou devant Lui, ils se moquaient de Lui, en disant : Salut, Roi des Juifs !
[27.29 Voir Jean, 19, 2. — Une couronne d’épines. La couronne qu’on mit sur la tête de Notre-Seigneur était de joncs, entrelacés d’épines de zizyphus. La couronne proprement dite est conservée à Notre-Dame de Paris ; Pise possède dans sa jolie église de la Spina une branche de zizyphus. La couronne de joncs de Paris, « cette relique insigne, peut-être la plus remarquable de celles que possèdent les chrétiens, à cause de son intégrité relative ; vient sans conteste de saint Louis. Elle se compose d’un anneau de petits joncs réunis en faisceaux. Le diamètre intérieur de l’anneau est de 210 millimètres, la section a 15 millimètres de diamètre. Les joncs sont reliés par quinze ou seize attaches de joncs semblables. Quelques joncs sont pliés et font voir que la plante est creuse ; leur surface, examinée à la loupe, est sillonnée de petites côtes. Le jardin des Plantes de Paris cultive un jonc appelé juncus balticus, originaire des pays chauds et qui paraît exactement semblable à la relique de Notre-Dame. Quant aux épines, nul doute que ce ne soit du rhamnus, nom générique de trois plantes qui se rapprochent tout-à-fait de l’épine de Pise. [Ce rhamnus était le zizyphus spina Christi ou jujubier. Dans la couronne de Notre-Seigneur, ses] branches brisées ou courbées vers le milieu pour prendre la forme d’un bonnet, étaient fixées par chacune de leurs extrémités, soit en dedans, soit au dehors du cercle de joncs. Il fallait que le cercle fût plus grand que le tour de la tête, afin de l’y pouvoir faire entrer, malgré le rétrécissement causé par l’introduction des branches, et l’on trouve en effet que la couronne de Notre-Dame placée seule sur la tête tomberait sur les épaules. On n’avait même pas besoin de nouveaux liens pour les fixer au cercle de joncs ; et les rameaux passaient alternativement dessus et dessous devaient suffire pour les maintenir. C’est cette opération que les [évangélistes] ont pu appeler le tressage. Les soldats sans doute, évitèrent de toucher à ces horribles épines, dont chacune, plus tranchante que la griffe du lion, fait jaillir le sang en abondance. [La branche de zizyphus de Pise] a 80 millimètres de hauteur. L’épine principale a plus de 20 millimètres de longueur. Â» (ROHAULT DE FLEURY.)]
30 Et crachant sur Lui, ils prenaient le roseau, et Lui frappaient la tête.
31 Lorsqu’ils se furent moqués de Lui, ils Lui ôtèrent la chlamyde, Lui remirent Ses vêtements, et L’emmenèrent pour Le crucifier.

Crucifixion et mort de Jésus

32 Comme ils sortaient, ils rencontrèrent un homme de Cyrène, nommé Simon, qu’ils contraignirent de porter la croix de Jésus.
[27.32 Voir Marc, 15, 21 ; Luc, 23, 26. — Sa croix. Les auteurs avaient émis les opinions les plus diverses sur la nature du bois ou des bois dont était formée la croix. Après l’examen scientifique de diverses reliques, « on peut affirmer que le bois de la croix provenait d’un conifère, et on ne peut douter que ce conifère soit du pin. [D’après l’opinion commune, l’instrument du supplice de Notre-Seigneur se composait d’un montant] avec une traverse laissant passer la tête de la tige, comme l’usage de la représenter s’en est le plus généralement répandu. [D’après] une ancienne tradition, la hauteur du montant était de 4 mètres 80, et celle de la traverse de 2 mètres 30 à 2 mètres 60. Â» Le supplice de la croix, très fréquent chez les Romains, était spécial pour les esclaves. On l’appliquait quelquefois aux hommes libres, mais alors aux plus vils et aux plus coupables, comme les voleurs, les assassins, les faussaires. Chez les Romains, les condamnés portaient leurs croix. Plaute a dit : qu’il porte la potence à travers la ville et qu’il soit ensuite attaché à la croix. « L’intervention de Simon le Cyrénéen peut s’entendre de deux manières. Le texte sacré ne dit pas formellement si Notre-Seigneur fut totalement déchargé de sa croix, ou s’il continua à la porter avec une aide étrangère. Dans la première hypothèse, le Christ aurait marché en avant, Simon portant seul la croix en arrière. Dans la seconde, il aurait porté la partie antérieure et Simon la partie postérieure, le bout traînant à terre. Saint Augustin, saint Athanase, saint Jérôme, saint Léon, Origène et plusieurs modernes supposent que Notre-Seigneur fut entièrement déchargé. [On peut donner] à la croix un [poids total] d’environ cent kilogrammes. La croix devait traîner à terre, [parce que] ce long bois n’aurait pu rester en équilibre sur l’épaule ; la diminution du poids qui en résultait peut être évaluée à 25 ou 30 kilogrammes. [Le Sauveur avait donc encore à porter] environ 75 kilogrammes. [Ce fardeau dépassait ses forces, parce qu’il était] épuisé par les supplices qu’il avait endurés, par la longueur de la voie douloureuse dont on connaît au moins les deux extrémités et qui devait être de 5 à 600 mètres, et par la difficulté des chemins dans un sol montueux. Â» (ROHAULT DE FLEURY.)]
33 Et ils vinrent au lieu appelé Golgotha, c’est-à-dire, lieu du Calvaire.
[27.33 Voir Marc, 15, 22 ; Luc, 23, 33 ; Jean, 19, 17. — Golgotha. Le Golgotha est actuellement enclavé dans l’église du Saint-Sépulcre, dans la partie sud-est de la Basilique. Il s’élève à la hauteur de 4 mètres 70 centimètres au-dessus du sol. Du temps de Notre-Seigneur, le Calvaire était en dehors de Jérusalem, à l’ouest ; aujourd’hui il est dans l’enceinte même de la ville.]
34 Et ils Lui donnèrent du vin mêlé de fiel ; mais, quand Il l’eut goûté, Il ne voulut pas boire.
[27.34 Du vin mêlé avec du fiel. Voir Jean, 19, 29-30.]
35 Après qu’ils L’eurent crucifié, ils partagèrent entre eux Ses vêtements, les tirant au sort, afin que s’accomplît ce qui avait été prédit par le prophète : Ils se sont partagés Mes vêtements, et ils ont tiré Ma tunique au sort.
[27.35 Voir Marc, 15, 24 ; Luc, 23, 33 ; Jean, 19, 23 ; Psaumes, 21, 19. — Après qu’ils l’eurent crucifié. « Tantôt la victime était attachée par terre à la croix, qui était ensuite élevée avec son fardeau ; tantôt la croix était d’abord dressée, et le condamné attaché avec des cordes, puis cloué. Le premier mode paraît avoir été plus probablement employé sur le Calvaire. Les crucifiés étaient souvent fixés avec des clous [placés au milieu des mains et aux pieds.] Avant de clouer les pieds, on préparait le trou avec une broche. Ce que dit le Sauveur à saint Thomas, (voir Jean, 20, 27), prouve qu’il avait eu les mains percées de clous. Les auteurs profanes qui se sont occupés du crucifiement parlent toujours de quatre clous. Toutes les peintures grecques représentent Notre-Seigneur fixé sur la croix avec quatre clous. Le clou [de la passion conservé à] Notre-Dame [de Paris], de 90 millimètres de longueur, n’a pas de tête ; sa pointe méplate est intacte. La forge est en grossière. Le clou que l’on voit dans la basilique de Sainte-Croix de Jérusalem a 120 millimètres de long, 8 millimètres et demi de grosseur à sa plus grande dimension, et sa tête est couverte d’une espèce de chapeau creux au fond duquel il est rivé, comme on le voit à quelques clous antiques, à ceux par exemple de la Bibliothèque du Vatican. Â» (ROHAULT DE FLEURY.)]
36 Et s’étant assis, ils Le gardaient.
37 Ils mirent au-dessus de Sa tête une inscription, indiquant le sujet de Sa condamnation : Celui-ci est Jésus, le Roi des Juifs.
[27.37 Celui-ci est Jésus, roi des Juifs. « Un écriteau destiné à faire connaître les motifs de la condamnation [était] porté en avant du condamné, ou attaché à son cou ; il était parfois remplacé par une proclamation du crieur public, annonçant le nom du criminel et l’arrêt de la justice. Il était préparé quand Notre-Seigneur sortit du prétoire, afin de le précéder dans le long parcours de la voie douloureuse. Le titre ne tenait pas encore à la croix, à laquelle il ne fut attaché avec des clous que sur le Calvaire. Â» Les trois premiers évangélistes n’ont pas rapporté l’inscription ; ils n’en ont donné que le sens. Saint Jean est le seul qui l’ait littéralement reproduite, en nous apprenant qu’elle portait ces mots : Jésus de Nazareth, roi des Juifs, écrits en trois langues, en hébreu ou araméen, en grec et en latin. L’église de Sainte-Croix de Jérusalem, à Rome, possède un fragment considérable du titre de la croix. « C’est une petite planche [de chêne ou bien de sycomore ou de peuplier], de 235 millimètres de largeur sur 130 millimètres de hauteur, sillonnée de trous de vers. On y voit très distinctement deux restes d’inscription grecque et romaine, et dans le haut, l’extrémité de quelques lignes courbes qui paraissent être ceux d’une troisième inscription [en lettres hébraïques]. La seconde inscription porte : Nazarenous (en caractères grecs) et la troisième NAZARENUS RE. Les lettres sont légèrement en creux, comme si elles avaient été tracées avec cet outil particulier dont les charpentiers se servent de nos jours pour marquer le bois, ou simplement avec une petite gouge. Elles ont de 28 millimètres à 30 millimètres. Peintes en rouge sur un fond blanc, elles devaient être très visibles à la hauteur où Ponce Pilate les fit placer. Les mots sont écrits [au rebours] de droite à gauche, en suivant l’ordre du titre hébreu, et les lettres sont renversées, comme si on les voyait dans une glace. Â» (ROHAULT DE FLEURY.) Le titre de la croix, dans son intégrité, devait avoir approximativement 65 centimètres sur 20.]
38 En même temps, on crucifia avec Lui deux voleurs, l’un à Sa droite, et l’autre à Sa gauche.
39 Et les passants Le blasphémaient, branlant la tête
40 et disant : Allons, Toi qui détruis le temple de Dieu, et qui le rebâtis en trois jours, sauve-Toi Toi-même ; si Tu es le Fils de Dieu, descends de la croix.
[27.40 Voir Jean, 2, 19. — Le temple, en grec, naos. Voir Matthieu, 21, 12.]
41 Les princes des prêtres se moquaient aussi de Lui, avec les scribes et les anciens, et disaient :
42 Il a sauvé les autres, et Il ne peut Se sauver Lui-même ; s’Il est le Roi d’Israël, qu’Il descende maintenant de la croix, et nous croirons en Lui.
[27.42 Voir Sagesse, 2, 18.]
43 Il a confiance en Dieu : que Dieu Le délivre maintenant, s’Il L’aime ; car Il a dit : Je suis le Fils de Dieu.
[27.43 Voir Psaumes, 21, 9.]
44 Les voleurs qui avaient été crucifiés avec Lui, Lui adressèrent les mêmes outrages.
[27.44 Saint Luc ne parle que d’un seul voleur qui ait insulté Jésus-Christ ; mais on peut très légitimement supposer que les deux voleurs s’étaient d’abord permis ces insultes, et qu’ensuite l’un d’eux, touché de la grâce, blâma l’insolence de son compagnon. On est encore fondé à dire que saint Matthieu parle ainsi de ces voleurs indistinctement, et qu’il a mis le pluriel pour le singulier, genre de licence qui se rencontre quelquefois dans les écrivains sacrés.]
45 Or, depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième heure, il y eut des ténèbres sur toute la terre.
[27.45 Depuis la sixième heure, etc. ; depuis midi jusqu’à trois heures. — Toute la terre, signifie, selon plusieurs, la Judée et quelques pays voisins.]
46 Et vers la neuvième heure, Jésus cria d’une voix forte : Eli, Eli, lamma sabacthani ? C’est-à-dire : Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi M’avez-vous abandonné ?
[27.46 Voir Psaumes, 21, 2.]
47 Quelques-uns de ceux qui étaient présents, L’ayant entendu, disaient : Il appelle Elie.
48 Et aussitôt l’un d’eux, accourant, prit une éponge et la remplit de vinaigre ; et l’ayant attachée à un roseau, il Lui donnait à boire.
49 Mais les autres disaient : Laisse, voyons si Elie viendra Le délivrer.
50 Mais Jésus, poussant de nouveau un grand cri, rendit l’esprit.
[27.50 Jésus… rendit l’esprit. C’était le vendredi 14 nisan, à trois heures de l’après-midi, c’est-à-dire, selon les calculs les plus probables, le vendredi 7 avril de l’an 30 de notre ère.]
51 Et voici que le voile du temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas, et la terre trembla, et les pierres se fendirent,
[27.51 Voir 2 Paralipomènes, 3, 14. — Le voile du temple, en grec, naos. Il y avait dans le temple de Jérusalem deux voiles ou portières. Le premier voile séparait le portique du Saint ; le second séparait le Saint du Saint des Saints. C’est ce dernier qui fut déchiré en deux au moment de la mort de Notre-Seigneur.]
52 et les sépulcres s’ouvrirent, et beaucoup de corps des saints qui s’étaient endormis ressuscitèrent,
[27.52 Qui s’étaient endormis ; c’est-à-dire qui étaient morts. Souvent dans l’Ecriture le sommeil est mis pour la mort.]
53 et sortant de leurs tombeaux après Sa résurrection, ils vinrent dans la ville sainte, et apparurent à beaucoup de personnes.
54 Le centurion et ceux qui étaient avec lui pour garder Jésus, ayant vu le tremblement de terre et tout ce qui se passait, furent saisis d’une grande frayeur, et dirent : Vraiment cet homme était le Fils de Dieu.
[27.54 Le centurion et ceux qui étaient avec lui pour garder Jésus. « Les corps étaient gardés. Pétrone, dans une satire, dit que les soldats veillaient pour qu’on ne les dérobât pas pour les ensevelir. Il ajoute que les parents d’un crucifié profitèrent d’une nuit où les soldats étaient absents et enlevèrent le corps de la croix. Â» (ROHAULT DE FLEURY.)]
55 Il y avait là aussi, à quelque distance, des femmes nombreuses, qui avaient suivi Jésus depuis la Galilée, pour Le servir ;
56 parmi elles était Marie Madeleine, Marie mère de Jacques et de Joseph, et la mère des fils de Zébédée.
[27.56 « Marie-Madeleine est célèbre dans l’Evangile par ses sentiments de charité ardente envers le Sauveur des hommes, et dans la tradition ecclésiastique par ses larmes et sa pénitence. Le surnom de Madeleine fut donné à Marie, parce qu’elle était du bourg de Magdala, en Galilée, près du lac de Tibériade. On croit qu’elle était d’une famille distinguée par ses richesses. L’Evangile, en la nommant pécheresse, a fait supposer qu’elle s’était abandonnée à des débordements. On connaît le châtiment que Marie-Madeleine subit durant quelques années : elle fut tourmentée du démon jusqu’au jour où le Sauveur, lui remettant ses péchés, l’affranchit de cette domination horrible. [Quand elle versa ses parfums sur les pieds de Jésus, il lui remit ses péchés.] C’est depuis cette époque qu’elle s’imposa des pratiques de pénitence. Après avoir mis sa chevelure et ses parfums aux pieds du Seigneur, comme si elle avait voulu figurer son renoncement à toutes choses vaines, elle se joignit à quelques saintes et nobles femmes qui suivaient le divin Maître, écoutaient ses prédications et l’assistaient de leurs biens dans ses courses évangéliques. Marie-Madeleine et les saintes femmes suivirent Jésus de la Galilée à Jérusalem et elles ne l’abandonnèrent pas, même à sa mort, qui arriva six mois après. Marie avec sa famille habitait le bourg de Béthanie. [C’est là que mourut son frère Lazare, et c’est là que Jésus le ressuscita. Peu après, dans un repas qui fut donné à Béthanie au Sauveur chez un homme qui avait été guéri de la lèpre et où Lazare assistait avec ses deux sœurs, Marie répandit un nouveau vase de parfums sur les pieds du Sauveur.] Malgré les souffrances de son amour, Madeleine accompagna Jésus sur le Calvaire. [Elle lui rendit les derniers devoirs de la sépulture et mérita d’être des premières à voir son maître ressuscité.] A partir de cet instant, on ne trouve plus dans l’Evangile aucune trace de sainte Madeleine. Il est probable toutefois qu’elle se rendit d’abord en Galilée, où Jésus devait se manifester à ses disciples ; ce fut l’opinion générale des anciens que, après la descente du Saint-Esprit et la dispersion des Apôtres, Marie-Madeleine quitta Jérusalem et la Palestine. La tradition [la] plus fondée fait aborder Marie-Madeleine en Provence avec Marthe et Lazare. D’après cette tradition, Lazare devint évêque de Marseille où il mourut ; Marthe porta l’Evangile à Tarascon, et Marie-Madeleine se retira dans la caverne devenue si célèbre sous le nom de Sainte-Baume. C’est là qu’elle finit ses jours dans les pratiques de la pénitence. Â» (Mgr DARBOY.) — Marie, mère de Jaques et de Joseph, femme de Cléophas ou Alphée, sœur ou belle-sœur de la sainte Vierge, mère de saint Jacques le Mineur. — Sur Jacques et Joseph, ou Josès, voir Matthieu, note 13.55-56. — La mère des fils de Zébédée, Salomé, mère de saint Jacques le Majeur et de saint Jean l’Evangéliste.]

Mise au tombeau du corps de Jésus

57 Lorsque le soir fut venu, il vint un homme riche d’Arimathie, nommé Joseph, qui était aussi disciple de Jésus.
[27.57 Voir Marc, 15, 42 ; Luc, 23, 50 ; Jean, 19, 38. — Arimathie, d’après Eusèbe, est la Ramathaïm-Sophim située dans les montagnes d’Éphraïm, non loin de Béthel. D’après saint Jérôme, c’est la Ramléh actuelle, à quelques kilomètres de Lydda.]
58 Cet homme alla trouver Pilate, et demanda le corps de Jésus. Pilate ordonna qu’on rendît le corps.
[27.58 Les lois romaines défendaient de donner la sépulture aux criminels sans la permission des juges. — « La croix était le tombeau du supplicié. Les Juifs attachèrent quelquefois à la croix les cadavres des suppliciés, mais ils ne les y abandonnaient jamais après le coucher du soleil. Les Romains, plus cruels, y fixaient les condamnés vivants et les laissaient périr misérablement de faim, de soif et d’épuisement. Leurs corps devenaient la proie de vautours et des chiens et se détruisaient en général par la putréfaction. Â» (ROHAULT DE FLEURY.)]
59 Et ayant pris le corps, Joseph l’enveloppa d’un linceul blanc.
[27.59 Joseph l’enveloppa dans un linceul blanc. « Le suaire dont se servit Joseph d’Arimathie devait envelopper décemment le corps pour le porter au tombeau, indépendamment des autres linges nécessaires à l’embaumement dont parle saint Jean, 19, 40 ; 20, 5-7. Â» (ROHAULT DE FLEURY.) On honore à Cadouin (Dordogne) et à Turin le saint Suaire de Notre-Seigneur. « La longueur du saint suaire [de Cadouin] est de 2 mètres 81 ; sa largeur de 1 mètre 13. La pièce d’étoffe est entière, ayant une lisière sur les deux côtés larges et une bordure coloriée sur les deux côtés longs. Â» (DE GOURGUES.) Quant au saint Suaire de Turin, « c’est une pièce d’étoffe de quatre mètres environ de longueur, en lin, un peu jauni par le temps et rayé comme du basin. De grandes taches, dont quelques-uns indiquent certainement la place de la tête, ne peuvent être attribuées qu’au sang divin dont ce saint Suaire fut décoré. Le temps a fait dans le tissu des trous imperceptibles dont quelques-uns ont été réparés par les princesses [de Savoie.] Â» (Mgr JEANCART.) Voyez les nombreux ouvrages publiés sur cette sainte et authentique relique, qui fait toujours l’objet de recherches scientifiques, et dont les mystérieuses empreintes ne sont pas explicables naturellement. C’est la plus émouvante relique du Christ crucifié et ressuscité.]
60 Et le déposa dans son sépulcre neuf, qu’il avait fait tailler dans le roc ; puis il roula une grande pierre à l’entrée du sépulcre, et il s’en alla.
[27.60 C’était la coutume dans ce pays de faire tailler dans le roc des tombeaux pour les personnes de considération. — Dans son sépulcre. D’après la tradition, le tombeau de Joseph d’Arimathie était composé de deux chambres, taillées l’une et l’autre dans le roc, et dont la première servait de vestibule à la seconde où avait été déposé le corps du Sauveur. Sainte Hélène, en préparant le terrain pour isoler le tombeau de Notre-Seigneur, placé aujourd’hui au milieu de la rotonde de l’église du Saint-Sépulcre, modifia la forme du monument et le rendit quadrangulaire. La première chambre du tombeau, nommée chapelle de l’ange, parce qu’on croit que c’est là que l’Ange annonça aux saintes femmes la résurrection du Sauveur, est une sorte de vestibule long de 3 m. 45 sur 2 m. 90 de large. On entre par une petit porte très basse percée dans le mur ouest dans la seconde chambre appelée chapelle du tombeau de Notre-Seigneur. Elle a 2 m. 07 de long sur 1 m. 93 de large. Des plaques de marbre blanc couvrent le roc naturel. Le tombeau proprement dit s’élève de 65 centimètres au-dessus du pavement ; il est long de 1 mètre 89 et large de 93 centimètres. Il est creusé en forme d’auge et adhérent aux parois nord-ouest et est. — Il roula une grande pierre. Les tombeaux, étant des grottes ou des édifices, sont fermés par une porte ou par une pierre.]
61 Or, Marie Madeleine et l’autre Marie étaient là, assises en face du sépulcre.
62 Le lendemain, qui était le jour après la Préparation, les princes des prêtres et les pharisiens allèrent ensemble trouver Pilate,
[27.62 Le jour d’après la préparation du sabbat ; c’est-à-dire le jour même du sabbat. Les Juifs appelaient le vendredi la préparation du sabbat, parce qu’on y préparait à manger, ce qu’il n’était pas permis de faire le lendemain.]
63 en disant : Seigneur, nous nous sommes souvenus que cet imposteur a dit, lorsqu’Il vivait encore : Après trois jours Je ressusciterai.
64 Ordonnez donc que le sépulcre soit gardé jusqu’au troisième jour, de peur que Ses disciples ne viennent dérober Son corps, et ne disent au peuple : Il est ressuscité d’entre les morts ; dernière imposture qui serait pire que la première.
65 Pilate leur dit : Vous avez des gardes ; allez, gardez-le comme vous l’entendez.
66 Ils s’en allèrent donc, et pour s’assurer du sépulcre, ils en scellèrent la pierre et y mirent des gardes. [27.66 Scellant la pierre et mettant des gardes. Les gardes furent placés à l’entrée du monument ou du vestibule extérieur, afin de surveiller les scellés. La garde romaine se composait ordinairement de seize hommes, qui se relevaient quatre par quatre de trois heures en trois heures.]

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