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Job 31.20
Vigouroux


1 J’ai fait un pacte avec mes yeux pour ne pas penser même à une vierge.
[31.1 IIIe partie du XIe discours de Job : Conscience de son innocence, chapitre 31. ― Du moins sa conscience est-elle pour lui. ― 1° Il ne s’est jamais abandonné à ses passions, versets 1 à 12 ; ― 2° il ne s’est jamais servi de sa force pour traiter injustement les faibles, versets 13 à 23 ; ― 3° il n’a jamais été arrogant, comme on le lui a reproché, ni envers Dieu ni envers les hommes, versets 24 à 40.]
2 Car (autrement) quelle union Dieu aurait-il d’en haut avec moi ? et quelle part le Tout-Puissant me donnerait-il à son céleste héritage ?
3 Ne perdra-t-il pas le méchant, et ne rejettera-t-il pas (l’aliénation des héritages pour) ceux qui commettent l’injustice ?
4 Ne considère-t-il pas mes voies, et ne compte-t-il pas toutes mes démarches (tous mes pas) ?
5 Si j’ai marché dans la vanité, et si mon pied s’est empressé vers la fraude (ruse),
6 que Dieu pèse mes actions dans une juste balance, et qu’il connaisse ma simplicité.
[31.6 Ma simplicité ; c’est-à-dire ma droiture, mon innocence.]
7 Si mes pas se sont détournés de la voie, si mon cœur a suivi mes yeux, et si la (quelque) souillure s’est attachée à mes mains,
[31.7 La voie droite, juste.]
8 que je sème, et qu’un autre mange, et que ma race soit arrachée (jusqu’à la racine).
9 Si mon cœur a été séduit au sujet d’une femme, et si j’ai dressé des embûches à la porte de mon ami
10 que ma femme soit déshonorée par un autre, et qu’elle soit exposée à une honteuse prostitution.
11 Car c’est là (l’adultère est) un crime énorme et une très grande iniquité.
[31.11 L’adultère ; littéralement Cela (hoc), ce dont Job vient de parler. Or c’est l’adultère qu’il a désigné dans les deux versets précédents.]
12 C’est un feu qui dévore jusqu’à une perte entière, et qui déracine les moindres rejetons.
[31.12 Jusqu’à la perdition. Le terme hébreu abaddôn signifie aussi le lieu de perdition, l’enfer. Comparer à Job, 26, 6. ― L’adultère est effectivement une vraie flamme qui dévore et les richesses, et la réputation, et les qualités les plus excellentes du corps et de l’âme. L’adultère extirpe encore toutes les productions, c’est-à-dire toute la race ou les enfants légitimes.]
13 (Si j’ai dédaigné d’entrer en jugement avec mon serviteur et avec ma servante, lorsqu’ils disputaient contre moi ;
[31.13 Ici commence une suite de phrases conditionnelles entrecoupées de parenthèses que nous avons cru devoir marquer du signe ordinaire, comme on l’a fait dans le latin, au verset 18, pour faciliter l’intelligence du texte. C’est au verset 22 que se trouve la conclusion de ces phrases. ― Si j’ai dédaigné, etc. Les esclaves régulièrement n’avaient pas d’action contre leur maître, en public devant les juges ; le maître avait sur eux un droit absolu ; mais en particulier, les esclaves pouvaient se plaindre ; et il était de l’équité de leur maître d’écouter leurs humbles remontrances et de leur faire justice.]
14 car que ferai-je, quand Dieu s’élèvera pour juger, et lorsqu’il fera son enquête, que répondrai-je ?)
15 Ce(lui) qui m’a créé dans le sein de ma mère ne l’a-t-il pas créé aussi ? Et n’est-ce pas le même Dieu qui nous a formés ?
16 Si j’ai refusé aux pauvres ce qu’ils voulaient, et si j’ai fait attendre les yeux de la veuve ;
17 si j’ai mangé seul mon pain, et si l’orphelin n’en a pas mangé :
18 (car la compassion a grandi avec moi dès mon enfance, et est sortie avec moi du sein de ma mère ;
19 si j’ai négligé ce qui périssait faute de vêtement, et le pauvre dépourvu de manteau ;
20 si ses membres (flancs) ne m’ont pas béni, et s’il n’a pas été réchauffé par les toisons de mes brebis ;
21 si j’ai levé la main sur l’orphelin, alors même que je me voyais le plus fort (supérieur) à la porte (de la ville),
[31.21 A la porte de la ville ; c’était là qu’étaient placés les tribunaux et que se tenaient les assemblées du peuple.]
22 que mon épaule tombe de sa jointure, et que mon bras se brise (entièrement) avec ses os.
23 Car j’ai toujours craint Dieu comme des flots bouillonnant contre moi, et je n’en ai pu supporter le poids (de sa majesté).
[31.23 Ce verset et les suivants sont encore des phrases conditionnelles entremêlées de parenthèses, dont le sens est suspendu, jusqu’au verset 35, qui leur sert de conclusion.]
24 Si j’ai cru que l’or était ma force, et si j’ai dit à l’or pur : Tu es ma confiance ;
25 si j’ai mis ma joie dans mes richesses nombreuses, et dans les (très) grands biens amassés par ma main ;
26 si j’ai regardé le soleil dans son éclat, et la lune dans sa marche brillante ;
27 si alors mon cœur a ressenti une secrète joie, et si j’ai porté ma main à ma bouche pour la baiser,
[31.27 Les peuples anciens qui adoraient les astres, étendaient ordinairement la main vers eux et la portaient ensuite à leur bouche pour la baiser.]
28 ce qui est le comble de l’iniquité, et un reniement du Dieu très haut ;
29 si je me suis réjoui de la ruine de celui qui me haïssait, si j’ai été ravi de ce que le malheur l’ait atteint ;
30 car je n’ai pas abandonné ma langue au péché, pour faire des imprécations contre lui (son âme) ;
31 si les gens de ma maison n’ont pas dit : Qui nous donnera de sa chair, afin que nous en soyons rassasiés ?
[31.31 Qui nous donnera… de sa chair ? Les uns entendent de la chair de l’ennemi de Job, les autres de la propre chair de Job, ou supposant que ses serviteurs étant très mécontents de lui, parce qu’il rendait leur service trop pénible et trop fatigant en pratiquant l’hospitalité envers tout le monde et en tenant dans sa maison une discipline trop sévère, exprimaient ainsi leur mécontentement, ou ne voyant dans ces mots que l’expression d’un sentiment si tendre et d’un si vif attachement pour leur maître, qu’ils auraient, pour ainsi dire, souhaité de le manger ; expression analogue à dévorer des yeux, manger de caresses, etc. Quoi qu’il en soit de ces diverses interprétations, Job a voulu dire que, lorsqu’il était excité à la vengeance même par les gens de sa maison, il n’a pas cédé à ce sentiment.]
32 L’étranger n’est pas demeuré dehors, ma porte a (toujours) été ouverte au voyageur.
33 Si j’ai tenu mon péché secret, comme font les hommes, et si j’ai caché mon iniquité dans mon sein ;
[31.33 Comme homme, est le texte même de la Vulgate : Quasi homo. On prend généralement le mot homme pour un nom collectif, et on traduit : Comme le font ordinairement les hommes. L’hébreu pouvait signifier Comme Adam, le chaldéen ayant traduit ainsi, plusieurs habiles interprètes, soit catholiques, soit protestants, ont adopté ce sens, qui paraît d’ailleurs parfaitement conforme au texte.]
34 si la grande multitude m’a épouvanté, ou si le mépris de mes proches m’a effrayé ; si je ne suis pas au contraire demeuré dans le silence, sans franchir ma porte.
35 Qui me donnera quelqu’un qui m’écoute, que le Tout-Puissant entende mon désir, et que le juge écrive lui-même son (un) livre,
[31.35-36 Un livre, contenant sa sentence. ― Celui qui juge ; le juge par excellence, le juge suprême, Dieu. Après avoir exposé son innocence, Job demande à son souverain juge qu’il daigne prononcer et écrire sa sentence, parce que, loin de craindre qu’elle ne lui soit défavorable, il la portera au contraire comme un trophée et s’en parera comme d’un ornement précieux.]
36 afin que je le porte sur mon épaule, et que je m’en ceigne comme d’une couronne ?
[31.36 Sur mon épaule. Chez les Hébreux, comme chez plusieurs autres peuples de l’antiquité, les princes et les grands portaient sur leurs épaules les marques de leurs dignités. Voir Isaïe, 9, 6 ; 22, 22.]
37 A chacun de mes pas j’en prononcerai les paroles, et je le présenterai comme à mon (un) prince.
[31.37 Comme à un prince ; comme un présent digne d’un prince ; selon d’autres : comme à mon prince ; ce qui est s’écarter du texte. L’hébreu porte littéralement Comme un prince je le présenterai ; ce que l’on explique ainsi : Je donnerai ce livre à lire qui voudra, avec la même assurance, la même hardiesse qu’un prince qui présente les titres de sa qualité, qui prononce une sentence ou qui donne ses ordres.]
38 Si ma terre crie contre moi, et qu’avec elle ses sillons pleurent ;
39 si j’en ai mangé les fruits sans les payer, et si j’ai affligé le cœur (l’âme) de ceux qui l’ont cultivée ;
[31.39 Sans argent, sans les payer.]
40 qu’au lieu de froment naissent pour moi des ronces, et des épines au lieu d’orge. [31.40 Les paroles de Job sont finies ; c’est-à-dire ses paroles à ses amis ; il ne leur parle plus, en effet, dans la suite, il répond seulement à Dieu, qui intervient pour terminer le différend.]

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