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Luc 2.36
Vigouroux


Naissance de Jésus à Bethléhem

1 Or il arriva qu’en ces jours-là, il parut un édit de César Auguste, ordonnant un recensement de toute la terre.
[2.1 César Auguste, premier empereur romain, fils de Caius Octavius et d’Atia, nièce de Jules César, né en 62 avant notre ère. Adopté par Jules César, il forma pour venger la mort de son grand oncle, tué en 44, le second triumvirat avec Marc-Antoine et Lépide. Ce dernier fut bientôt mis de côté et Antoine fut complètement battu à la bataille d’Actium, en 31 avant Jésus-Christ. Octave, après cette victoire, reçut du sénat le titre d’empereur. En 27 avant Jésus-Christ il eut le titre d’Auguste. Il rétablit la paix dans tout l’empire et l’administra avec sagesse. Il mourut à Nole en Campanie, à l’âge de 76 ans, l’an 14 de notre ère. Hérode le Grand avait été nommé roi des Juifs en 40 avant Jésus-Christ par Antoine, avec son assentiment. Devenu seul maître de l’empire, Auguste confirma à Hérode, qui était venu le visiter à Rhodes, son titre de roi et il le favorisa pendant toute sa vie. Hérode à son tour bâtit Césarée sur la Méditerranée en son honneur et fit élever à sa gloire des temples non seulement à Césarée, mais aussi à Samarie et ailleurs. Auguste, de son côté, probablement par politique, fit une fondation pour qu’on offrît tous les jours à ses dépens deux sacrifices en son nom dans le temple de Jérusalem, ce qui fut exécuté fidèlement jusqu’au moment où éclata la guerre juive, en 66 de notre ère. En l’an 6, Auguste incorpora la Judée à la province romaine de la Syrie.] [2.1-2 Le recensement de Cyrinus ou Quirinus. « On a trouvé à Ancyre, en Galatie, sur les murs d’un temple consacré à Auguste, un résumé de l’histoire de son règne, écrit par lui pour être placé dans son mausolée. Or, dans ce résumé il mentionne un recensement qu’il a fait des citoyens romains, recensement qui semble supposer un dénombrement général de l’empire. Il indique la date de cette opération, et cette date coïncide avec celle du Sauveur. Nous avons de plus le témoignage de plusieurs auteurs. Suétone († 140), dans son Histoire des douze Césars, rapporte qu’Auguste a fait trois fois le recensement de l’empire et qu’il en a laissé un cadastre : breviarium. Tacite († 130) dit à peu près la même chose. Saint Justin, né à Sichem, à 12 lieues de Jérusalem, écrivait vers 138, dans son apologie à l’empereur Antonin : Jésus-Christ est né à Bethléem. Vous pouvez vous en assurer, en consultant le recensement de Quirinus, votre premier gouverneur en Judée. Tertullien écrivait de même, 150 ans après la mort d’Auguste : Les pièces originales du dénombrement d’Auguste sont conservées dans les archives de Rome. Leur déposition fournit un témoignage authentique relativement à la naissance du Sauveur. D’après cet auteur, ce serait sous le gouvernement de Saturninus que le dénombrement aurait eu lieu ; mais cela n’empêche pas qu’il ait pu être exécuté par les soins de Quirinus, associé ou subordonné pour cet effet au gouverneur. Â» (L. BACUEZ.)]
2 Ce premier recensement fut fait par Cyrinus, gouverneur de Syrie.
3 Et tous allaient se faire enregistrer, chacun dans sa ville.
4 Joseph aussi monta de Nazareth, ville de Galilée, en Judée, dans la ville de David, appelée Bethléem, parce qu’il était de la maison et de la famille de David,
[2.4 Voir Michée, 5, 2 ; Matthieu, 2, 6 ; 1 Rois, 20, 6. — L’édit d’Auguste amenant la mère de Jésus à Bethléem, patrie indiquée par les prophètes, sert aux fins du Sauveur (saint Chrysostome).]
5 pour se faire enregistrer avec Marie son épouse, qui était enceinte.
6 Or il arriva, pendant qu’ils étaient là, que les jours où elle devait enfanter furent accomplis.
7 Et elle enfanta son fils premier-né, et elle l’enveloppa de langes, et le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie.
[2.7 Son fils premier-né. Cela ne veut pas dire que plus tard la sainte Vierge ait eu d’autres enfants. Les Hébreux appelaient premiers-nés les enfants uniques aussi bien que ceux qui avaient des frères ou des sœurs. Voir le verset 23. — Dans l’hôtellerie. Ce mot ne doit pas être entendu dans le sens moderne. « L’hôtellerie, l’auberge n’existait pas en Orient. Par la loi de l’hospitalité, l’étranger était reçu dans chaque maison où il se présentait. A défaut de cette hospitalité, ou s’il ne voulait pas y recourir, il pouvait se retirer dans une hôtellerie commune, appelée aujourd’hui khan, où hommes et bêtes trouvent un abri. Quand l’hôtellerie commune était occupée, force était à l’étranger de chercher ailleurs un abri. En général, la chose est facile en Palestine, où le terrain montagneux et calcaire offre partout des grottes [naturelles ou] taillées de main d’homme, soit pour servir d’habitation, soit comme chambres sépulcrales. La plupart de ces excavations remontent à des époques très reculées. Â» (J.-H. MICHON.)]
8 Et il y avait, dans la même contrée, des bergers qui passaient les veilles de la nuit à la garde de leur troupeau.
[2.8 Voir la note 27 à la fin du volume.]
9 Et voici qu’un ange du Seigneur leur apparut, et qu’une lumière divine resplendit autour d’eux ; et ils furent saisis d’une grande crainte.
10 Et l’ange leur dit : Ne craignez pas ; car voici que je vous annonce (la bonne nouvelle d’) une grande joie qui sera pour tout le peuple :
11 c’est qu’il vous est né aujourd’hui, dans la ville de David, un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur.
12 Et vous le reconnaîtrez à ce signe : Vous trouverez un enfant enveloppé de langes, et couché dans une crèche.
13 Au même instant, il se joignit à l’ange une troupe (multitude) de l’armée céleste, louant Dieu, et disant :
14 Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et, sur la terre, paix aux hommes de bonne volonté.
15 Et il arriva que, lorsque les anges les eurent quittés pour retourner dans le ciel, les bergers se disaient l’un à l’autre : Passons jusqu’à Bethléem, et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître.
16 Et ils y allèrent en grande hâte, et ils trouvèrent Marie et Joseph, et l’enfant couché dans une crèche.
17 Et en le voyant, ils reconnurent la vérité de ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant.
18 Et tous ceux qui l’entendirent admirèrent ce qui leur avait été raconté par les bergers.
19 Or Marie conservait toutes ces choses, les repassant dans son cœur.
20 Et les bergers s’en retournèrent, glorifiant et louant Dieu de tout ce qu’ils avaient entendu et vu, selon ce qu’il leur avait été dit.

Jésus présenté dans le temple

21 Le huitième jour, auquel l’enfant devait être circoncis, étant arrivé, on lui donna le nom de Jésus, que l’ange avait indiqué avant qu’il fût conçu dans le sein de sa mère.
[2.21 Voir Genèse, 17, 12 ; Lévitique, 12, 3 ; Matthieu, 1, 21 ; Luc, 1, 31. — Pour circoncire l’enfant. La circoncision fut sans doute faite par saint Joseph, dans la grotte de Bethléem. Dans le chœur de la basilique de la Nativité à Bethléem, dans le bras de la croix au sud du maître-autel qui est placé à peu près au-dessus de la grotte où est né Notre-Seigneur se trouve l’autel de la circoncision, à l’endroit où la tradition, mentionnée déjà par saint Epiphane, localise cette cérémonie.]
22 Quand les jours de la purification de Marie furent accomplis, selon la loi de Moïse, ils le portèrent à Jérusalem, pour le présenter au Seigneur,
[2.22 Voir Lévitique, 12, 6.]
23 selon qu’il est prescrit dans la loi du Seigneur : Tout enfant mâle premier-né sera consacré au Seigneur ;
[2.23 Voir Exode, 13, 2 ; Nombres, 8, 16. — Ouvrant un sein ; ouvrant un sein maternel ; c’est-à-dire : un fils dont la mère n’a pas eu d’autre enfant auparavant ; un premier-né, soit que sa mère engendre encore après lui, soit qu’il reste fils unique. Comparer au verset 7. — Sera appelé consacré, hébraïsme, pour sera consacré. Comparer à Luc, 1, 32.]
24 et pour offrir en sacrifice, selon qu’il est prescrit dans la loi du Seigneur, deux tourterelles, ou deux petits de colombes.
[2.24 Voir Lévitique, 12, 8.]
25 Et voici qu’il y avait à Jérusalem un homme appelé Siméon, et cet homme était juste et craignant Dieu, et il attendait la consolation d’Israël, et l’Esprit-Saint était en lui.
[2.25 Siméon. On a conjecturé, mais sans preuve, qu’il était le fils du fameux docteur juif Hillel et le père du Gamaliel dont il parlé dans les Actes des Apôtres, 22, 3.]
26 Et il lui avait été révélé par l’Esprit-Saint qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur.
27 Il vint au temple, poussé par l’Esprit de Dieu. Et comme les parents de l’enfant Jésus l’apportaient, afin d’accomplir pour lui ce que la loi ordonnait,
[2.27 Dans le temple, hiéron.]
28 il le prit entre ses bras, et bénit Dieu, et dit :
29 Maintenant, Seigneur, vous laisserez votre serviteur s’en aller en paix, selon votre parole
30 puisque mes yeux ont vu le salut qui vient de vous
31 que vous avez préparé à la face de tous les peuples :
32 lumière pour éclairer les nations, et gloire d’Israël votre peuple.
33 Son père et sa mère étaient dans l’admiration des choses qu’on disait de lui.
[2.33 L’Evangéliste nomme toujours Joseph père de Jésus, parce qu’il était l’époux de Marie et le père nourricier de Jésus, et qu’il passait pour son père dans le monde.]
34 Et Siméon les bénit, et dit à Marie sa mère : Voici que cet enfant est établi pour la ruine et pour la résurrection d’un grand nombre en Israël, et comme un signe qui excitera la contradiction,
[2.34 Voir Isaïe, 8, 14 ; Romains, 9, 33 ; 1 Pierre, 2, 7. — Dieu n’a pas envoyé son Fils pour la perte d’aucun homme ; mais plusieurs, par leur propre perversité, et par leur refus obstiné de ne pas le recevoir, devaient y trouver l’occasion de se perdre.]
35 et, à vous-même, un glaive vous percera l’âme, afin que les pensées de cœurs nombreux soient dévoilées.
[2.35 Un glaive, en grec romphaia, un grand glaive qu’on avait coutume de porter sur l’épaule droite, marque ici une grande douleur qui transpercera l’âme de Marie.]
36 Il y avait aussi une prophétesse, Anne, fille de Phanuel, de la tribu d’Aser ; elle était très avancée en âge, et elle avait vécu sept ans avec son mari depuis sa virginité.
37 Elle était veuve alors, et âgée de quatre-vingt-quatre ans ; elle ne s’éloignait pas du temple, servant Dieu jour et nuit dans les jeûnes et les prières.
[2.37 Elle ne quitta pas le temple. Il y avait dans le temple, hiéron, une cour avec ses dépendances réservée aux femmes. Voir Matthieu, 21, 12.]
38 Elle aussi, étant survenue à cette même heure, elle louait le Seigneur, et parlait de lui à tous ceux qui attendaient la rédemption d’Israël.
39 Après qu’ils eurent tout accompli selon la loi du Seigneur, ils retournèrent en Galilée, à Nazareth, leur ville.
[2.39 A Nazareth. Voir note 30 à la fin du volume.]
40 Cependant l’enfant croissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était en lui.

Jésus à douze ans dans le temple

41 Ses parents allaient tous les ans à Jérusalem, au jour solennel de la Pâque.
[2.41 Voir Exode, 23, 15 ; 34, 18 ; Deutéronome, 16, 1. — Pâque. Voir Matthieu, 26, 2.]
42 Et lorsqu’il fut âgé de douze ans, ils montèrent à Jérusalem, selon la coutume de la fête ;
43 puis, les jours de la fête étant passés, lorsqu’ils s’en retournèrent, l’enfant Jésus resta à Jérusalem, et ses parents ne s’en aperçurent pas.
44 Et pensant qu’il était avec ceux de leur compagnie, ils marchèrent durant un jour, et ils le cherchaient parmi leurs parents et leurs connaissances.
[2.44 Pour ces fêtes, les hommes allaient ensemble et les femmes aussi de leur côté, les enfants s’unissaient aux uns ou aux autres. C’est ainsi que Marie crut Jésus avec Joseph qui le croyait avec Marie (saint Bède). « La tradition chrétienne rapporte à la localité moderne d’El-Biréh (la Bééroth biblique), le lieu où Marie et Joseph s’aperçurent que l’enfant Jésus n’était pas avec leur parenté. Une église chrétienne [fut bâtie en cet endroit en souvenir de cet événement]. Une portion notable du mur septentrional et de l’abside subsiste encore. El-Biréh est aujourd’hui un village encore important. On y voit une magnifique piscine recevant les eaux d’une fontaine abondante. Â» (J.-H. MICHON.)]
45 Mais ne le trouvant pas, ils revinrent à Jérusalem, en le cherchant.
46 Et il arriva qu’après trois jours ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant.
[2.46 Dans le temple, hiéron (voir Matthieu, 21, 12), dans une des salles qui faisaient partie du hiéron, vraisemblablement dans la synagogue placée dans le parvis des gentils et où avaient lieu les leçons et les discussions des rabbins.]
47 Et tous ceux qui l’entendaient étaient ravis (étonnés) de sa sagesse et de ses réponses.
48 En le voyant, ils furent étonnés. Et sa mère lui dit : Mon fils, pourquoi as-tu agi ainsi avec nous ? Voici que ton père et moi nous te cherchions, tout affligés.
49 Il leur dit : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il faut que je sois aux affaires de mon Père ?
[2.49-51 Jésus ne les reprend pas de l’avoir cherché, mais il déclare qu’il a, comme Fils de l’Eternel, des devoirs supérieurs à remplir (saint Bède). — Jésus obéit pour nous apprendre que l’obéissance est la voie de la perfection (saint Grégoire de Nysse).]
50 Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait.
51 Et il descendit avec eux, et vint à Nazareth ; et il leur était soumis. (Or) Sa mère conservait toutes ces choses dans son cœur.
52 Et Jésus croissait en sagesse, et en âge, et en grâce, devant Dieu et devant les hommes. [2.52 « Comment faut-il entendre ce verset de saint Luc : Jésus avançait en sagesse, en âge et en grâce ? Pour ce qui est de l’intelligence, nous entendons saint Luc en ce sens qu’ayant, comme homme, les mêmes facultés que nous et se trouvant ici-bas dans des conditions analogues aux nôtres, le Sauveur éprouvait des impressions de même genre, voyait les mêmes objets, se formait les mêmes idées, acquérait la même science ; et que laissant paraître cette science au dehors selon qu’il l’acquérait et n’en faisant pas paraître d’autre, il donnait de jour en jour à ceux qui l’observaient de nouvelles preuves de ses connaissances et de sa sagesse. Les Docteurs donnent à cette science le nom d’expérimentale, à cause de la manière dont on l’acquiert pour l’ordinaire. Elle était pour Notre Seigneur la conséquence naturelle de la condition où il s’était mis, et elle rend compte de ce qu’ont dit l’Ecriture et les Pères sur son enfance et sur le développement graduel de son intelligence. Puisqu’il acquérait réellement cette sorte de science, il devait aussi en donner des marques, y faire des progrès, apprendre certaines choses, y appliquer son esprit, interroger, admirer, s’étonner, etc. Cela n’empêche pas de reconnaître en son âme dès le premier moment de l’Incarnation une science surhumaine et des lumières d’un ordre supérieur. Les principaux Docteurs et tous les théologiens enseignent qu’il avait reçu par infusion, à la manière des prophètes et des saints, mais dans un degré incomparablement plus élevé, un degré de science proportionné à sa dignité et à sa mission. De plus, ils s’accordent à dire que son âme jouissait de la vision intuitive de l’essence divine, d’une manière plus parfaite et plus pleine que tous les esprits du ciel. Ils regardent ces privilèges comme une conséquence naturelle de l’union hypostatique, et par conséquent ils ne sauraient admettre qu’il ait dû les mériter par ses œuvres, ni qu’il en ait été un seul instant privé. A plus forte raison n’admettraient-ils pas que son esprit partageât à son entrée dans le monde l’ignorance commune à tous les enfants d’Adam. Dans l’Apocalypse, on entend les élus du ciel célébrer sa sagesse et ses lumières en même temps que sa divinité. Quant à la grâce dont l’âme de Notre Seigneur a été ornée, nous distinguons de même, avec les théologiens, les habitudes et les actes surnaturels, les principes et les effets. Les œuvres de grâce ou les actes de vertus croissaient et se multipliaient sans cesse ; mais les habitudes infuses, les dispositions vertueuses, la grâce sanctifiante, tout ce qu’exigeait en son âme sa dignité d’Homme-Dieu, ne pouvait croître. Le Sauveur a toujours possédé ces dons au degré le plus élevé. Â» (L. BACUEZ.)]

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