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Job 30.7
Vigouroux


1 Mais maintenant je sers de jouet à de plus jeunes qui moi, dont je ne daignais pas (autrefois) mettre les pères avec les chiens de mon troupeau ;
[30.1 IIe partie du XIe discours de Job : Malheurs présents, chapitre 30. ― Ils sont décrits en trois tableaux qui commencent tous par le mot maintenant. ― 1° Maintenant les hommes les plus méprisables s’élèvent contre lui, versets 1 à 8 ; ― 2° maintenant il est pour eux un objet de moquerie ; ils l’attaquent de toutes leurs forces, versets 9 à 15 ; ― 3° maintenant il a cependant assez à souffrir, sans cette peine de surcroît, de la part de ses propres maux et de la part de Dieu, versets 16 à 23. ― 4° Combien moins ses amis devraient-ils se tourner contre lui, puisque sa félicité s’est changée en une douleur si cruelle ! Versets 24 à 31.]
2 car la force de leurs mains (la main) ne m’eût servi de rien, et ils étaient même regardés (qui me paraissaient) comme indignes de la vie.
[30.2 Dont je comptais pour rien, etc. ; la force de leur bras m’était entièrement inutile ; je n’avais nullement besoin de leur secours.]
3 Desséchés par la faim et la pauvreté, ils rongeaient le désert, défigurés par l’affliction (malheur) et la misère.
[30.3 Ce qu’ils pouvaient y trouver. Ces mots ou autres semblables sont sous-entendus ; à moins qu’on ne considère comme complément du verbe actif rongeaient (rodebant), les mots herbes (herbas) et écorces d’arbres (arborum cortices) ; genre de construction qui n’est pas rare dans la Vulgate.]
4 Ils mangeaient l’herbe et l’écorce des arbres, et se nourrissaient de la racine des genévriers.
[30.4 Des herbes, en hébreu malouakh, kali des Arabes, espèce d’accroche, d’une saveur salée, dont les pauvres mangent les bourgeons et les feuilles jeunes. Quelques philosophes pythagoriciens s’en nourrissaient aussi, au rapport d’Athénée. ― La racine des genévriers. Le mot original rôhtem, a été rendu par genévrier dans les anciennes versions, mais on s’accorde généralement aujourd’hui à le traduire par genêt. L’abondance du genêt dans une partie du désert du Sinaï fit donner son nom, Rithmah, à un des campements des Israélites dans la péninsule, voir Nombres, 33, 18. La racine de cette plante est très amère.]
5 Ils allaient ravir ces aliments dans les vallées, et, quand ils les découvraient, ils y accouraient avec de grands cris.
6 Ils habitaient dans les creux (déserts auprès) des torrents, dans les cavernes de la terre ou sur le gravier.
[30.6 Dans les cavernes. Il est question ici d’une espèce de Troglodytes ou d’un peuple semblable à celui que mentionnent Genèse, 14, 6, et Deutéronome, 2, 12, les Chorréens ou Horrhéens. Ces derniers étaient les habitants aborigènes du mont Séir, probablement les alliés des Emim et des Réphaïm. Ils en furent chassés par les enfants d’Esaü. On voit encore par centaines leurs habitations, taillées dans le grès, dans les montagnes d’Edom et surtout à Pétra. Les Troglodytes dont parle Job habitaient le Hauran, dont le nom signifie peut-être « terre des cavernes », parce que les cavernes y abondent. Elles sont encore aujourd’hui en parties habitées. M. Drake en a fait la description suivante, qui nous fait connaître en même temps la vie misérable des Troglodytes, semblable à celle des contemporains de Job. « Ils habitent les antiques cavernes, en commun avec leurs vaches, les brebis et les boucs. L’entrée est généralement un passage taillé dans le roc, d’environ un mètre de large, ouvert au-dessus, et descendant soit par un plan incliné, soit par de petites marches à la porte de la caverne, qui est d’un peu plus d’un mètre sur 0.75 centimètre (?). Les parois de la caverne sont rarement polies. Elle est de forme circulaire ou ovale et a rarement deux mètres de hauteur. Le milieu est occupé par le bétail ; la partie réservée pour la portion humaine des habitants est marquée et délimitée par une ligne de pierres. On porte chaque matin le fumier au dehors… Lorsqu’une pluie abondante amène dans la caverne quelques centimètres d’eau, cette eau, jointe à l’humidité des murs, aux moustiques, à la vermine, à la mauvaise odeur qu’exhalent hommes et bêtes, fait de cette habitation la plus affreuse des étables. Et cependant les hommes indolents, bien constitués, qui possèdent cette écurie, sont trop paresseux pour se construire une hutte. Ils préfèrent demeurer dans ces cavernes que leur ont léguées leurs ancêtres et ils errent sur les collines avec leurs troupeaux, ou bien enveloppés dans leurs haillons, ils sommeillent dans quelque coin abrité, sans autre désir que de remplir leur estomac d’herbes sauvages qu’ils mangent crues. Ces herbes sauvages, du pain de millet et le lait diversement préparé forment leur nourriture ordinaire. »]
7 Ils trouvaient leur joie dans cet état, et ils regardaient comme des délices d’être sous les buissons (des ronces).
[30.7 Sous des ronces. Hébreu : les ronces, ou plutôt les orties leur servent de couche.]

8 Fils d’insensés et d’hommes ignobles, mépris et rebut du pays.
[30.8 Qui ne paraissent, etc. ; c’est-à-dire qui n’osent pas paraître, se montrer dans leur patrie, parmi leurs concitoyens. ― Hébreu : race insensée, gens sans aveu, ils sont le rebut de la terre. La région que décrit Job a été de tout temps habitée par des pillards, vivant en partie de brigandage. La population actuelle de la Trachonitide orientale, qui porte aujourd’hui le nom arabe fort significatif de Ledjah, c’est-à-dire refuge, parce que c’est là en effet que se réfugient comme dans un repaire inaccessible les aventuriers et les bandits, rappelle particulièrement ce trait de la description de Job.]
9 Je suis devenu le sujet de leurs chansons, je suis l’objet de leurs railleries (passé parmi eux en proverbe).
10 Ils m’ont en horreur, et ils fuient loin de moi, et ils ne craignent pas de me cracher au visage.
11 Car Dieu a ouvert son carquois pour me faire souffrir, et il a mis un frein à ma bouche.
[30.11 Il m’a mis un frein à la bouche. Les bas-reliefs assyriens représentent des hommes à qui l’on a mis réellement un frein à la bouche.]
12 Quand je me lève, mes maux se dressent aussitôt à ma droite ; ils ont renversé mes pieds, et ils m’ont accablé de leurs menées comme sous des flots.
[30.12 Ils ont renversé mes pieds, effet de la maladie de Job.]
13 Ils ont rompu mes sentiers, ils m’ont dressé des pièges et ont eu sur moi l’avantage, et il n’y a eu personne pour me secourir.
14 Ils se sont jetés sur moi, comme par la brèche d’une muraille et par une porte ouverte, et ils sont venus m’accabler dans ma misère.
15 J’ai été réduit au néant. Vous avez emporté comme un tourbillon ce qui m’était cher, et mon salut a passé comme un nuage.
16 (Aussi) Mon âme est maintenant toute languissante en moi-même, et des jours d’affliction me possèdent.
17 Pendant la nuit la douleur transperce mes os, et ceux qui me dévorent ne dorment pas.
[30.17 Ceux qui, etc., peut s’entendre de ses ennemis, ou mieux peut-être, des vers qui le rongeaient.]
18 Leur multitude consume mon vêtement, et ils me serrent comme le haut (m’ont couvert comme le capuchon) d’une tunique.
[30.18 Comme d’un capuchon de tunique. C’est le sens qui nous a paru le mieux concorder avec : ils m’ont couvert, littéralement entouré (succinxerunt). Ainsi cette phrase signifie, comme le remarque Ménochius, que les vers qui rampaient au-dessus du cou de Job formaient comme un capuchon qui entourait et couvrait sa tête.]
19 Je suis devenu comme de la boue, et je suis semblable à la poussière (braise) et à la cendre.
[30.19 Je suis devenu comme la boue. Détails pathologiques, exprimés métaphoriquement, sur l’éléphantiasis dont souffre Job. Dans cette maladie, la peau se colore d’abord fortement en rouge ; elle devient ensuite noire et écailleuse et a l’apparence d’une croûte terreuse et sale.]
20 Je crie vers vous, et vous ne m’écoutez pas ; je me présente à vous, et vous ne me regardez pas.
21 Vous êtes devenu cruel envers moi, et vous me combattez d’une main dure.
22 Vous m’avez élevé, et, me tenant comme suspendu en l’air, vous m’avez brisé entièrement.
[30.22 Me posant comme sur le vent, etc. Me tenant comme suspendu en l’air, c’est-à-dire après m’avoir élevé, vous m’avez laissé tomber, etc.]
23 Je sais que vous me livrerez à la mort, où est marquée la maison de tous les vivants.
[30.23-24 Tous les hommes vont à la mort ; mais vous ne voulez pas leur perte entière ; vous les conservez dans cette vie. S’ils font quelques faux pas, vous les relevez. Voilà, Seigneur, la conduite que vous tenez envers le commun des hommes ; mais pour moi, il semble que vous vouliez en tenir une autre.]
24 Toutefois vous n’étendez pas votre main pour les consumer entièrement ; car, lorsqu’ils tombent, vous les sauvez.
25 Je pleurais autrefois sur ce qui était affligé, et mon âme était compatissante envers le pauvre.
26 J’attendais les (des) biens, et les (des) maux me sont venus ; j’espérais la lumière, et les ténèbres se sont précipitées.
27 Un feu brûle sans relâche dans mes entrailles ; les (des) jours de l’affliction m’ont prévenu.
[30.27 N’a cessé de brûler ; c’est le vrai sens de l’hébreu, qui porte à la lettre : Elles (mes entrailles) ont brûlé et n’ont pas cessé. C’est aussi celui de la Vulgate, car l’expression absque ulla requie, qu’on traduit par sans aucun repos, et qui signifie sans aucune interruption, sans jamais cesser, se rapporte à entrailles, et non pas à Job.]
28 Je marchais triste, sans ardeur (fureur) ; je me levais et je poussais des cris dans la foule.
29 J’ai été le frère des dragons, et le compagnon des autruches.
[30.29 J’ai été frère des dragons (en hébreu : des chacals) et compagnons des autruches, c’est-à-dire je leur suis devenu semblable par les cris que m’arrache la douleur. Le glapissement du chacal fatigue tous ceux qui l’entendent, et le cri strident de l’autruche a quelque chose plaintif et de lugubre qui remplit d’effroi. « Lorsque les autruches, raconte un voyageur, se préparent à la course ou au combat, elles font sortir de leur grand cou tendu et de leur long bec béant un bruit sauvage, terrible, semblable à un sifflement. Dans le silence de la nuit, elles poussent des gémissements plaintifs et horribles qui ressemblent parfois de loin au rugissement de lion, mais plus souvent au beuglement enroué du taureau. Je les ai entendues souvent gémir, comme si elles étaient en proie aux plus affreuses tortures. » (SHAW.)]
30 Ma peau s’est noircie sur moi, et mes os se sont desséchés par l’ardeur qui me brûle.
31 Ma harpe s’est changée en un chant de deuil (plainte lugubre), et mon hautbois rend des sons lugubres (orgue en voix de pleureurs). [30.31 Orgue. Voir, pour le sens de ce mot, Job, 21, 12.]

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