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Job 34.15
Vigouroux


La justice souveraine

1 Eliu, continuant encore de parler, le fit en ces termes :
[34.1 IIe discours d’Eliu : Apologie de la justice divine, chapitre 34. ― Job ne lui répond rien. Eliu a consacré en partie son premier discours à montrer que Dieu n’est pas injuste envers l’homme ; il consacre le second tout entier à développer cette idée et à établir que Dieu gouverne le monde avec équité. ― 1° Il prie les assistants de l’écouter et de prononcer. Job accuse Dieu de ne pas le traiter avec justice, versets 2 à 9 ; ― 2° mais comment Dieu pourrait-il être injuste, puisqu’il créé et gouverne le monde librement ? Versets 10 à 18. ― 3° La justice de Dieu envers ses créatures éclate de toutes parts : sa toute-puissance et sa science infinie lui permettent de juger avec pleine justice, versets 19 à 28. ― 4° Comment pourrait-on calomnier les voies de Dieu, puisqu’il se propose comme but le bien des hommes ? On doit plutôt s’humilier devant lui, et c’est parce que Job ne le fait pas qu’il mérite le châtiment divin, versets 29 à 37.]
2 Sages, écoutez mes paroles ; savants, soyez attentifs.
3 Car l’oreille juge les paroles, comme le palais juge les mets par le goût.
[34.3 Voir Job, 12, 11.]
4 Convenons ensemble de ce qui est selon la justice, et voyons entre nous ce qui est le meilleur.
[34.4 Formons-nous, etc. ; c’est-à-dire discutons, examinons ensemble, en commun, toute cette dispute, et voyons ce qui s’y trouve de plus vrai, de plus juste.]
5 Car Job a dit : Je suis juste, et Dieu a renversé mon droit.
[34.5 Mon bon droit ; littéralement Mon jugement. Le mot jugement (judicium) de la Vulgate, comme le terme hébreu dont il est la traduction, signifie aussi juste jugement, cause juste, justice, etc. Job veut dont dire ici que Dieu, en l’affligeant, fait que sa juste cause paraît injuste.]
6 Car la manière dont j’ai été jugé est mensongère : je suis percé de flèches cuisantes sans avoir péché.
[34.6 Une flèche ardente, la maladie qui l’a blessé et couvert de plaies, comme s’il avait été frappé par une flèche qui produit des douleurs cuisantes.]
7 Où trouver un homme semblable à Job, qui boit le blasphème (la dérision) comme l’eau ?
8 Il marche avec ceux qui commettent l’iniquité, et il se joint avec les impies.
9 Car il a dit : L’homme ne saurait plaire à Dieu, quand même il courrait avec lui.
[34.9 Il aurait couru avec lui, dans ses voies ; hébraïsme, pour se conformer à ses désirs, ne faire que sa volonté.]
10 Vous donc, hommes de sens, écoutez-moi. Loin de Dieu l’impiété, et loin du Tout-Puissant l’injustice.
11 Car il rendra à l’homme selon ses œuvres, et il rétribuera chacun selon ses voies.
12 Non, certes, Dieu ne condamne pas sans sujet, et le Tout-Puissant ne renverse pas la justice.
[34.12 Le bon droit. Voir le verset 5.]
13 A quel autre a-t-il confié le soin de la terre (Quel autre que lui a-t-il constitué sur la terre) ? Et qui a-t-il établi pour gouverner le monde (l’univers) qu’il a créé ?
14 S’il regardait l’homme dans sa rigueur (dirigeait vers lui son cœur), il attirerait à soi l’esprit qui l’anime (son esprit et son souffle).
15 Toute chair périrait à la fois, et l’homme retournerait en poussière.
16 Si donc tu as de l’intelligence, écoute ce que l’on te dit, et sois attentif à mes paroles.
17 Peut-on guérir ce qui n’aime pas la justice ? et comment condamnes-tu avec tant de hardiesse celui qui est juste ?
[34.17 Celui qui est juste par excellence, Dieu.]
18 Lui qui dit à un roi : Apostat ; qui appelle les grands : Impies ;
[34.18 Apostat, ellipse pour : Tu es un apostat. ― Le mot traduit par apostat est en hébreu Bélial, homme de rien, homme sans valeur, inutile.]
19 qui n’a pas d’égard à la personne des princes ; qui n’a pas de considération pour le tyran lorsqu’il dispute contre le pauvre ; car tous (les hommes) sont l’œuvre de ses mains.
[34.19 Voir Deutéronome, 10, 17 ; 2 Paralipomènes, 19, 7 ; Sagesse, 6, 8 ; Ecclésiastique, 35, 15 ; Actes des Apôtres, 10, 34 ; Romains, 2, 11 ; Galates, 2, 6 ; Ephésiens, 6, 9 ; Colossiens, 3, 25 ; 1 Pierre, 1, 17.]
20 Ils mourront soudain, et au milieu de la nuit les peuples seront remplis de trouble ; ils passeront, et le violent sera emporté par une main invisible.
[34.20 Sans la main de l’homme ; sans que la main d’un homme le frappe, parce que Dieu lui-même l’enlève par la maladie, etc.]
21 Car les yeux de Dieu sont sur les voies des hommes, et il considère tous leurs pas.
22 Il n’y a pas de ténèbres, il n’y a pas d’ombre de la mort où puissent se cacher ceux qui commettent l’iniquité.
23 Car il n’est plus au pouvoir de l’homme de venir en jugement devant Dieu.
24 Il en brisera une multitude innombrable, et il en établira d’autres à leur place.
25 Car il connaît leurs œuvres, et c’est pour cela qu’il répandra la nuit sur eux, et qu’il les brisera.
26 Il les frappera (a frappés) comme des impies, à la vue de tout le monde :
27 eux qui se sont retirés de lui comme à dessein (de propos délibéré), et qui n’ont pas voulu comprendre toutes ses voies,
[34.27 Toutes ses voies. C’est ainsi qu’on traduit généralement ; selon nous, il serait plus exact de dire : Nulle, aucune de ses voies ; parce que, comme nous en avons déjà fait la remarque, le mot tout en hébreu, étant joint à une négation, signifie nul, aucun.]
28 pour faire monter jusqu’à lui le cri de l’indigent, et pour lui faire entendre la voix des pauvres.
29 Car, s’il donne la paix, quel est celui qui le condamnera ? S’il cache son visage, qui le contemplera, qu’il s’agisse des nations en général, ou de tous les hommes ?
30 C’est lui qui fait régner (un) l’homme hypocrite, à cause des péchés du peuple.
31 Puis donc que j’ai parlé à Dieu, je ne t’empêcherai pas non plus de le faire.
[34.31 J’ai parlé à Dieu ; c’est ainsi que porte la Vulgate, et le texte hébreu ; mais comme la particule hébraïque, traduite dans la Vulgate par ad ou à, signifie quelquefois de, au sujet de, surtout quand elle est jointe aux verbes parler, dire, la plupart des traducteurs lui ont donné ce dernier sens. Dans son discours, en effet, Eliu a parlé de Dieu dont il a entrepris la défense contre les prétendus blasphèmes de Job, mais sans s’adresser directement à lui.]
32 Si je me suis trompé, enseigne-moi ; si ce que j’ai dit n’est pas juste, je n’ajouterai rien de plus.
33 Dieu te demandera-t-il ton avis, si une chose t’a déplu (N’est-ce pas à toi que Dieu demande compte de cette iniquité qui t’a déplu) ? car c’est toi qui as commencé à parler, et non pas moi. Si tu sais quelque chose de meilleur, dis-le.
[34.33 N’est-ce pas à toi, etc. ; selon d’autres : Est-ce à toi, etc. ; mais ce qui suit immédiatement : Car c’est toi qui as commencé, etc., s’oppose évidemment, selon nous, à cette dernière interprétation.]
34 Que les (des) hommes intelligents me parlent, et que l’homme sage m’écoute.
35 Mais Job a parlé inconsidérément, et il ne paraît pas de sagesse (science) dans ses discours.
36 Mon père, que Job soit éprouvé jusqu’à la fin ; n’épargnez pas l’homme d’iniquité.
[34.36 Mon père, c’est-à-dire, mon Dieu, selon la version chaldaïque et plusieurs interprètes. Sanchez pense qu’Eliu appelle ainsi Eliphaz à cause de son grand âge et du respect dont il était environné. Cette explication semble mieux s’accorder avec ce qui suit.]
37 Puisqu’il ajoute le blasphème à ses péchés, qu’il soit encore mis dans l’angoisse parmi nous (pressé par nos raisons), et ensuite qu’il appelle Dieu en jugement par ses discours. [34.37 Ses, omis dans la Vulgate, est exprimé en hébreu.]

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