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Juges 6.2
Vigouroux


Appel de Gédéon

1 (Mais) Les enfants d’Israël firent encore le mal aux yeux du Seigneur, et il les livra pendant sept ans entre les mains des Madianites.
2 Ce peuple les tint dans une si grande oppression, qu’ils furent obligés de se retirer dans les antres et dans les cavernes des montagnes, et dans les lieux les plus fortifiés propres à la résistance.
3 Après que les Israélites avaient semé, les Madianites, les Amalécites et les autres peuples de l’orient venaient sur leurs terres,
[6.3 Tous les autres peuples des nations orientales. En hébreu, Benê-Qédem, ou Fils de l’Orient, désignent toujours dans la Bible les Arabes nomades ou Bédouins qui habitent l’Arabie déserte, depuis la Pérée jusqu’à l’Euphrate. Voir Juges, 6, vv. 3, 33 ; 7, 12 ; Job, 1, 3 ; 3 Rois, 5, 10 ; Isaïe, 11, 14 ; Jérémie, 49, 28 (où Benê-Qédem désigne spécialement les Benê-Qêdar ou habitants du Hauran) ; Ezéchiel, 25, vv. 4, 10.]
4 y dressaient leurs tentes, ruinaient tous les grains en herbes jusqu’à l’entrée de Gaza, et ne laissaient aux Israélites (absolument) rien de tout ce qui était nécessaire à la vie, ni brebis, ni bœufs, ni ânes.
[6.4 Des moissons ; littéralement des herbes ; hébraïsme, du produit de la terre. ― Jusqu’à Gaza. Voir Josué, 10, 41.]
5 Car ils venaient avec tous leurs troupeaux et avec leurs tentes (tabernacles) ; et comme ils étaient une multitude innombrable d’hommes et de chameaux, semblables à un nuage de sauterelles, ils remplissaient tout et gâtaient tout par où ils passaient.
6 Israël fut donc extrêmement humilié sous Madian.
7 Et ils crièrent au Seigneur, lui demandant du secours contre les Madianites.
8 Alors le Seigneur leur envoya un (homme) prophète, qui leur dit : Voici ce que dit le Seigneur, le Dieu d’Israël : Je vous ai fait sortir d’Egypte, et je vous ai (re)tirés d’un séjour de servitude ;
9 je vous ai délivrés de la main des Egyptiens, et de tous les ennemis qui vous affligeaient ; j’ai (les) chassé (les Amorrhéens) de cette terre à votre entrée, et je vous ai livré le pays qui était à eux.
10 Et je vous ai dit : Je suis le Seigneur votre Dieu. Ne craignez point les dieux des Amorrhéens dans le pays desquels vous habitez. Cependant vous n’avez point voulu écouter ma voix.
11 Or l’ange du Seigneur vint s’asseoir sous un chêne qui était à Ephra, et qui appartenait à Joas, père de la famille d’Ezri. Et Gédéon, son fils, était occupé alors à battre le blé dans le pressoir et à le vanner, pour échapper aux Madianites.
[6.11 Ephra, localité située à l’ouest du Jourdain, dans la tribu de Manassé, mais dont la position précise est inconnue. ― Dans le pressoir. Les pressoirs, en Palestine, se composaient de deux espèces de cuves, de niveau différent. On foulait les raisins dans la cuve supérieure, et le jus coulait, par une rigole creusée dans la pierre, dans la cuve inférieure, généralement plus grande, et où l’on pouvait cacher hommes et provisions. Afin de n’être pas remarqué par les Madianites qui rodaient déjà peut-être aux alentours, Gédéon dépiquait les épis, non dans l’aire, mais dans le pressoir, et renfermait probablement ensuite le grain dans la cuve destinée à recevoir le vin.] [6.11-24 Quoi qu’en disent les incrédules et les mythologues de nos jours, il n’y a rien dans l’histoire de Gédéon qui, en bonne critique, autorise à la regarder comme un tissu de faussetés et d’aventures ridicules, ni comme une pure fiction mythique.]
12 L’ange du Seigneur apparut donc à Gédéon, et lui dit : Le Seigneur est avec toi, ô le plus fort d’entre les hommes. (!)
13 Gédéon lui répondit : D’où vient donc, mon seigneur, je vous prie, que tous ces maux sont tombés sur nous, si le Seigneur est avec nous ? Où sont ses merveilles que nos pères nous ont rapportées, en nous disant : Le Seigneur nous a (re)tirés de l’Egypte ? Et maintenant le Seigneur nous a abandonnés, et nous a livrés entre les mains des Madianites.
14 Alors le Seigneur, le regardant, lui dit : Va, avec cette (tienne) force dont tu es rempli, et tu délivreras Israël de la puissance des Madianites. Sache que c’est moi qui t’ai envoyé.
[6.14 Voir 1 Rois, 12, 11. ― Va avec cette tienne force. Nous avons cru devoir conserver cette locution, qui se trouve dans toutes les anciennes versions françaises, et qu’aucune autre ne saurait convenablement remplacer.]
15 Gédéon lui répondit : Hélas ! mon Seigneur, comment, je vous prie, délivrerais-je Israël ? Vous savez que ma famille est la dernière de Manassé, et que je suis le dernier dans la maison de mon père.
16 (Et) Le Seigneur lui dit : Je serai avec toi, et tu battras les Madianites, comme s’ils n’étaient qu’un seul homme.
17 Sur quoi Gédéon repartit : Si j’ai trouvé grâce devant vous, faites-moi connaître par un signe que c’est vous qui me parlez.
18 Et ne vous retirez point d’ici jusqu’à ce que je revienne auprès de vous, et que j’apporte un sacrifice pour vous l’offrir. L’ange lui répondit : (Oui) J’attendrai ton retour.
19 Gédéon, étant donc entré chez lui, fit cuire un chevreau, et fit d’une mesure de farine des pains sans levain ; et ayant mis la viande (chair) dans une corbeille et le jus de la viande dans un pot, il apporta le tout sous le chêne, et il le lui offrit.
[6.19 Un chevreau. Voir 1 Rois, note 16.20.]
20 L’ange du Seigneur lui dit : Prends la viande (chair) et les pains sans levain, mets-les sur cette pierre, et verse dessus le jus de viande. Ce que Gédéon ayant fait,
[6.20-21 Pour lui offrir à manger, parce qu’il ne savait pas que c’était un ange, disent les uns ; pour offrir un sacrifice à Dieu, disent les autres, en plus grand nombre. Mais les détails donnés, voir Juges, 6, 19, indiquent un repas, non un sacrifice, car dans le sacrifice on n’apportait pas la victime cuite.]
21 l’ange du Seigneur étendit le bout du bâton qu’il tenait dans sa main, et en toucha la viande et les pains sans levain ; et aussitôt il sortit de la pierre un feu qui consuma la viande et les pains sans levain ; et (mais) en même temps l’ange du Seigneur disparut de devant ses yeux.
22 (Et) Gédéon, voyant que c’était l’ange du Seigneur, s’écria : Hélas ! Seigneur mon Dieu, j’ai vu l’ange du Seigneur face à face.
23 Le Seigneur lui dit : La paix soit avec toi. Ne crains point : tu ne mourras pas.
24 Gédéon éleva donc en ce même lieu un autel au Seigneur, et l’appela la paix du Seigneur ; nom qu’il garde encore aujourd’hui. Et lorsqu’il était encore à Ephra, qui appartient à la famille d’Ezri,
[6.24 Jusqu’au présent, etc. Il y a devant cette expression l’ellipse de la phrase : Et il a été ainsi appelé. Comparer à Juges, 1, 26.]
25 le Seigneur lui dit la nuit suivante : Prends un taureau de ton père, et un autre taureau de sept ans, et renverse (tu détruiras) l’autel de Baal qui appartient à ton père, et coupe le bois qui est autour de l’autel.
[6.25 Baal. Baal était le principal dieu chananéen. Baal signifie le Seigneur, le Maître, et ce nom devait être un des noms primitifs du vrai Dieu. On le représenta d’abord sous la forme d’une pierre conique, voir 4 Rois, note 3.2. Dans les derniers temps, on le figura la tête entourée de rayons. C’était en effet le soleil divinisé, et aussi la nature considérée comme dieu. On distingua un grand nombre de Baals, qu’on considéra peu à peu comme des dieux différents, mais qui n’étaient en réalité que des personnifications des attributs du baal principal ou bien ce Baal honoré en des lieux différents. Considéré comme présidant aux traités et aux alliances, il devint Baal-Berith, voir Juges, 9, 4 ; comme roi, il prit chez les Ammonites le nom de Moloch, Milcom ou Malkom ; comme dieu des mouches, ces insectes si nombreux et si désagréables en Palestine, il fut appelé Béelzébub, voir 4 Rois, 1, 2. Sur le mont Hermon, on l’appelait Baalhermon, voir Juges, 3, 3, et Baalgad : à Hazor, il devenait Baalhazor, voir 2 Rois, 13, 23 ; à Péor ou Phégor, Béelphégor ; comme maître des cieux, c’était Baal-samaïm ; comme dieu-soleil, c’était Baal-salakh, le dieu qui lance ses rayons ou Baal-haman, le dieu flamboyant. Le Baal, père des autres Baals, quand le souvenir de l’unité primitive de Dieu eut été oubliée, fut appelé avec l’article le Baal par excellence. Il exerça son influence sur les fruits de la terre, et les autres Baals, qui étaient censés être plus jeunes, représentèrent les influences spéciales du soleil et de la terre. ― On célébrait son culte avec une grande pompe, puisque du temps du prophète Elie, sous Achab, le texte sacré nous parle de quatre cent cinquante prêtres de Baal et de quatre cents prêtres d’Aschéra, voir 3 Rois, 18, 19-40 ; Jérémie, 2, 28. Ses autels étaient nombreux, voir Jérémie, 11, 13 ; 3 Rois, 16, 32 ; 4 Rois, 11, 18. On lui offrait des holocaustes et même des victimes humaines, voir Jérémie, 19, 5. Les sacrificateurs exécutaient autour de l’autel des danses frénétiques, accompagnés de cris sauvages : ils se meurtrissaient eux-mêmes et s’enlevaient avec des instruments tranchants des lambeaux de chair pour attirer l’attention du dieu, par la vue de leur corps ensanglanté, voir 3 Rois, 18, 26-28. La nature et le soleil étaient adorés par les Moabites et par les Ammonites sous le nom de Moloch.]
26 Dresse aussi un autel au Seigneur ton Dieu sur le haut de cette pierre, sur laquelle tu as offert ton sacrifice, et prends le second taureau, que tu offriras en holocauste sur un bûcher fait de branches d’arbres que tu auras coupées de ce bois.
[6.26 On peut supposer qu’il n’est parlé que du second taureau, que parce que c’est celui que Gédéon immola en holocauste pour les péchés de la nation ; tandis qu’il avait offert avec le premier un sacrifice particulier pour lui et pour sa famille.]
27 Gédéon, ayant donc pris dix de ses serviteurs, fit ce que le Seigneur lui avait commandé. Il ne voulut pas néanmoins le faire de jour, parce qu’il craignait ceux de la maison de son père, et les hommes de cette ville-là ; mais il fit tout pendant la nuit.
28 Et les habitants de cette ville, étant venus le matin, virent l’autel de Baal détruit, le bois coupé, et le second taureau mis sur l’autel qui venait d’être élevé.
29 Alors ils se dirent les uns aux autres : Qui est-ce qui a fait cela ? Et comme ils cherchaient partout quel était l’auteur de cette action, on leur dit : C’est Gédéon, fils de Joas ; qui a fait toutes ces choses.
30 Ils dirent donc à Joas : Fais venir ici ton fils, afin qu’il meure ; parce qu’il a détruit l’autel de Baal, et qu’il en a coupé le bois.
31 Joas répondit : Est-ce à vous de venger Baal et de combattre pour lui ? Que celui qui est son ennemi meure avant que le jour de demain soit venu. Si Baal est Dieu, qu’il se venge de celui qui a détruit son autel.
32 Depuis ce jour Gédéon fut appelé Jérobaal, à cause de cette parole que Joas avait dite : Que Baal se venge de celui qui a renversé (démoli) son autel.
33 Cependant tous les Madianites, les Amalécites et les peuples d’Orient se joignirent ensemble ; et ayant passé le Jourdain, ils vinrent camper dans la vallée de Jezraël.
[6.33 Ils campèrent dans la vallée de Jezraël. La plaine de Jezraël a toujours exercé sur es enfants du désert une fascination irrésistible. De temps immémorial, au commencement du printemps, ils traversent le Jourdain et se dirigent vers Bethsan, qui, pour eux, est comme la porte du ciel. La plaine de Jezraël est bien en effet un petit paradis et digne de son nom de « semence de Dieu. » Elle charme tous les voyageurs par la richesse de son sol et l’exubérance de sa végétation. Cette exubérance est telle, qu’un homme à cheval y disparaît presque au milieu des hautes herbes. En avril, le blé ondule dans la vaste campagne.]
34 En même temps (Mais) l’esprit du Seigneur revêtit Gédéon, qui, sonnant de la trompette, assembla toute la maison d’Abiézer, afin qu’elle le suivit.
35 Il envoya aussi des courriers dans toute la tribu de Manassé, qui le suivit aussi, et il en envoya d’autres dans les tribus d’Aser, de Zabulon et de Nephtali ; et les hommes de ces tribus vinrent au-devant de lui.
36 Alors Gédéon dit à Dieu : Si vous voulez vous servir de ma main pour sauver Israël, comme vous l’avez dit
37 je mettrai dans l’aire cette toison ; et si, toute la terre demeurant sèche, la rosée ne tombe que sur la toison, je reconnaîtrai par là que vous vous servirez de ma main, selon que vous l’avez promis, pour délivrer Israël.
38 Ce que Gédéon avait proposé arriva. Car, s’étant levé de grand matin, il pressa la toison, et remplit une coupe de la rosée qui en sortit.
39 Gédéon dit encore à Dieu : Que votre colère ne s’allume pas contre moi, si je fais encore une fois une épreuve, en demandant un second signe dans la toison. Je vous prie, Seigneur, que toute la terre soit trempée de rosée, et que la toison seule demeure sèche.
40 Le Seigneur fit cette nuit-là même ce que Gédéon avait demandé. La rosée tomba sur toute la terre, et la toison seule demeura sèche.

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