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Esaïe 14.30
Vigouroux


1 Son temps est proche, et ses jours ne seront pas prolongés (différés) ; car le Seigneur aura pitié de Jacob, il se choisira encore des amis dans (fera encore choix d’) Israël, et il les fera reposer dans leur pays ; les étrangers se joindront à eux, et s’attacheront à la maison de Jacob.
[14.1 Son temps ; le temps de la ruine de Babylone. ― Ne seront pas différés ; c’est le sens du latin elongabuntur, expliqué par le texte hébreu. Comparer à Ezéchiel, 12, vv. 25, 28. ― Les ; c’est-à-dire les Israélites. ― L’étranger, etc. Au retour de la captivité de Babylone, beaucoup de gentils embrassèrent la religion des Juifs. Voir 2 Esdras, chapitre 10.]
2 Les peuples les prendront, et les reconduiront dans leur pays ; et la maison d’Israël les possédera dans la terre du Seigneur comme serviteurs et comme servantes ; (ainsi) ceux qui les avaient pris seront leurs captifs, et ils s’assujettiront leurs oppresseurs.
[14.2 Les peuples, etc. Les livres d’Esdras contiennent le récit de l’accomplissement de cette prophétie.]
3 En ce temps-là, lorsque le Seigneur t’aura donné du repos après ta fatigue (ton travail) et ton agitation (oppression), et après la dure servitude qui t’avait été imposée
4 tu prononceras ce discours figuré contre le roi de Babylone, et tu diras : Qu’est devenu le tyran (l’exacteur) ? Comment le tribut a-t-il cessé ?
[14.4 Cette parabole, en hébreu maschal, nom qui désigne une espèce de poème. Les versets 4b à 21 contiennent en effet une ode ou un chant poétique sur la chute du roi de Babylone. Ce chant peut se partager en cinq strophes : versets 4b à 8 ; 9 à 11 ; 12 à 15 ; 16 à 19 et 20 et 21. Les versets 22 et 23 peuvent être considérés comme un épilogue du poème. On regarde avec raison ce maschal comme un chef-d’œuvre littéraire. « Que de beautés ! Si l’auteur n’était qu’un poète, je dirais que c’est son chef-d’œuvre. Vous trouverez dans quelques autres chapitres autant et peut-être plus de richesses ; mais il n’en est aucun, ce me semble, où la grandeur de l’ordonnance réponde mieux à la majesté des détails. Ce n’est pas un simple morceau détaché ; ce n’est pas même une ode ; c’est un poème. Plus vous l’étudierez, plus vous verrez que rien n’y manque. » (Paroles mises par Bungener dans la bouche de Bossuet.)]
5 Le Seigneur a brisé le bâton des impies, la verge des dominateurs
6 celui qui dans son indignation frappait les peuples d’une plaie incurable, celui qui s’assujettissait les nations dans sa fureur, et qui les persécutait cruellement.
7 Toute la terre est dans le repos et dans la paix (le silence), elle est dans la joie et dans l’allégresse (exultation) ;
8 les sapins mêmes et les cèdres du Liban se sont réjouis de ta perte : Depuis que tu es mort (dors), disent-ils, il ne monte personne pour nous abattre.
[14.8 Tu dors ; c’est-à-dire tu es mort. ― Personne qui nous abatte. Les vainqueurs signalaient ordinairement leur domination sur les provinces conquises en abattant les forêts. Comparer à Isaïe, 37, 24. ― Les arbres du Liban interviennent, parce que le roi de Babylone les avait fait couper pour construire son palais.]
9 Le séjour des morts (L’enfer au-dessous) s’est ému pour t’accueillir à (a été tout troublé au moment de) ton arrivée ; il a fait lever (t’a suscité) les géants (pour toi). Tous les princes de la terre, tous les princes des nations se sont levés de leurs trônes.
[14.9 L’enfer, le scheôl, par une figure très hardie, est personnifié. ― Les géants sont la traduction de rephaïm qui, dans l’original, désigne les morts qui habitent dans le scheôl. Une race de géants est appelée aussi dans l’Ancien Testament rephaïm ; mais ici ce mot est appliqué aux trépassés, pour exprimer des êtres faibles et sans force, de la racine râfâh, « défaillir. » Les Rephaïm sont privés d’une partie de la force vitale ; ils ne sont cependant pas privés de toute force ni de tout sentiment.]
10 Tous prennent (élèveront) la parole ; pour te dire : Toi aussi, tu as été blessé comme nous, tu es devenu semblable à nous ! (.)
[14.10 Elèveront la voix ; vrai sens du respondebunt de la Vulgate expliqué par l’hébreu.]
11 Ton orgueil a été précipité dans les enfers ; ton cadavre est tombé à terre ; sous toi est une couche de vers (la teigne), et les vers seront ton vêtement (ta couverture).
[14.11 Ta couverture. Les tapis de Babylone étaient particulièrement renommés dans l’antiquité.]
12 Comment es-tu tombé du ciel, lucifer, toi qui te levais (si brillant) (dès) le matin ? comment as-tu été renversé sur la terre, toi qui frappais les nations ?
[14.12 Lucifer ; Nabuchodonosor, d’après les uns, Balthasar, suivant les autres, et Sennachérib, selon d’autres ; mais le plus grand nombre des Pères l’entend du démon, qui a voulu devenir semblable au Très-Haut. Jésus-Christ semble fait allusion à ce passage dans Luc, 10, 18. Comparer à Apocalypse, 12, 9. ― Comment es-tu tombé du ciel, Lucifer. Nous n’avons pas seulement ici une poésie d’un éclat incomparable ; nous avons encore des allusions aux croyances et aux coutumes babyloniennes. Le nom de Lucifer correspond à mustilil, le nom assyrien de l’étoile du matin. On sait que les Babyloniens adoraient les astres et étaient très adonnés à l’astronomie et à l’astrologie.]
13 qui disais en ton cœur : Je monterai au ciel, j’établirai mon trône au-dessus des astres de Dieu, je m’assiérai sur la montagne de l’alliance (du Testament), aux côtés de l’aquilon ;
[14.13 La montagne du testament ; ou de l’alliance, c’est la montagne où était bâti le temple, dépositaire des tables de l’alliance que l’on conservait dans l’arche, au milieu du sanctuaire. ― Aux côtés de l’aquilon. Comparer à Psaumes, 47, 3. ― Selon une autre interprétation : Je m’assiérai sur la montagne de l’assemblée des dieux aux extrémités du nord, sur le mont Rowandiz, au nord-est de Babylone. Les Babyloniens considéraient cette montagne comme le séjour des dieux, le ciel. Les Sabéens de Harran se tournaient vers le nord pour prier.]
14 je monterai sur le sommet des nues, je serai semblable au Très-Haut ?
15 Mais tu as été précipité dans l’enfer, jusqu’au plus profond des abîmes (de la fosse).
[14.15-19 De la fosse (laci) ; c’est-à-dire du tombeau. Comparer à Psaumes, 27, 1.]
16 Ceux qui te verront se pencheront vers toi, et t’envisageront : Est-ce là cet homme qui a fait trembler la terre, qui a ébranlé les royaumes
17 qui a fait du monde (de l’univers) un désert, qui en a détruit les villes, et qui n’a pas ouvert la prison à ceux qu’il avait enchaînés ?
18 Tous les rois des nations sont morts avec gloire, et chacun d’eux a son tombeau (maison) ;
19 mais toi, tu as été jeté loin de ton sépulcre comme un tronc inutile et tout souillé tu as été enveloppé dans la foule de ceux qui ont été tués par l’épée et qu’on fait descendre au fond de la fosse, comme un cadavre pourri (putréfié).
20 Tu ne leur seras pas uni dans le sépulcre, car tu as ruiné ton royaume ; et tu as fait périr ton peuple. On ne parlera plus jamais de la race des scélérats (n’existera pas éternellement).
[14.20 N’existera pas ; littéralement, et par hébraïsme, ne sera pas appelé ; son nom ne sera pas prononcé.]
21 Préparez ses fils (enfants) pour le massacre, à cause de l’iniquité de leurs pères ; ils ne s’élèveront pas, ils ne posséderont pas la terre, et ils ne rempliront pas de villes la face du monde (globe).
22 Je m’élèverai contre eux, dit le Seigneur des armées ; je perdrai le nom de Babylone, et ses rejetons, et ses descendants (le germe), et toute sa race, dit le Seigneur ;
[14.22-23 Le chant est fini. Ces deux versets étendent à toute la Babylonie le châtiment du roi de Babylone.]
23 J’en ferai la demeure des hérissons, et des marais pleins d’eau, et je la balayerai avec le balai (de la destruction) (en la raclant), dit le Seigneur des armées.
[14.23 Du hérisson, qui est commun à l’embouchure de l’Euphrate. Quelques modernes croient cependant qu’il s’agit ici, non du hérisson, mais du butor, qui abonde dans les marais pleins de joncs de l’Euphrate et dont le cri sourd a quelque chose de sinistre et de lugubre.]

Prophétie sur l’Assyrie

24 Le Seigneur des armées a juré ; en disant : Oui, ce que j’ai pensé arrivera, et ce que j’ai arrêté dans mon esprit
[14.24-27 Prophétie contre les Assyriens.]
25 s’exécutera ; je briserai l’Assyrien dans mon pays, et je le foulerai aux pieds sur mes montagnes ; et son joug leur sera enlevé, et son fardeau sera enlevé de leurs épaules.
[14.25 Ainsi il arrivera, etc. Voir, pour l’accomplissement de cette prophétie, 4 Rois, chapitre 19. ― Ma terre ; la Palestine. ― D’eux ; des Israélites.]
26 C’est là le dessein que j’ai formé au sujet de toute la terre ; et voilà la main qui est étendue sur toutes les nations.
27 Car le Seigneur des armées l’a ordonné (décrété) ; qui pourra s’y opposer ? Sa main est étendue ; qui la détournera ?

Prophétie contre les Philistins

28 (En) L’année de la mort du roi Achaz, cet oracle (cette prophétie accablante) fut prononcé(e).
[14.28-32 Prophétie contre les Philistins. Vaincus sous Ozias, voir 2 Paralipomènes, 28, 5, ils étaient redevenus indépendants sous Achaz.] [14.28 Prophétie accablante (onus). Voir Isaïe, 13, 1. ― En l’année à laquelle est mort le roi Achaz ; en 728 avant Jésus-Christ.]
29 Ne te réjouis pas, (toi) terre (entière) des Philistins, de ce que la verge de celui qui te frappait a été brisée ; car de la racine du serpent il sortira un basilic, et ce qui en naîtra dévorera les oiseaux.
[14.29 De la race du serpent, etc. Selon la plupart des Pères et des commentateurs, ce serpent est Achaz, et ce basilic Ezéchias ; mais Dom Calmet pense que le serpent marque Sennachérib, et le basilic, Asaraddon, parce que ces deux rois d’Assyrie firent la guerre aux Philistins, au temps d’Isaïe ; que le prophète, au verset 31, nous fait entendre le mal qu’il prédit viendra fondre sur les Philistins du côté de l’aquilon, ce qui signifie ordinairement la Chaldée ou l’Assyrie, et que la comparaison d’Ezéchias à un basilic ne lui paraît pas du style d’Isaïe. ― Terre entière de Palestine. Le mot Palestine désigne ici le pays des Philistins. ― Terre entière ; indique qu’il s’agit des cinq principautés que renfermait la Philistie.]
30 Alors les plus pauvres seront nourris, et les indigents se reposeront en sécurité (confiance) ; et je ferai mourir ta racine par la faim, et je perdrai ce qui restera de toi.
[14.30 Les plus indigents ; littéralement les premiers-nés des pauvres. Comparer, sur cet hébraïsme, à Job, 19, 13. Les Philistins furent frappés successivement par Sennachérib, Nabuchodonosor, Alexandre, et enfin par les Juifs aux temps des Machabées, depuis lesquels leur nom disparut.]

31 Porte, pousse des hurlements ; ville, fais retentir des cris : tout le pays des Philistins est renversé ; car (c’est) de l’aquilon vient une (que viendra la) fumée, et nul ne pourra échapper à ses bataillons.
[14.31 Porte, cité ; c’est-à-dire grands, magistrats qui siégez à la porte de la ville, et vous, habitants de la cité. ― L’aquilon ou le septentrion désigne ordinairement l’Assyrie ou la Chaldée, situées au nord de la Palestine. ― La fumée et le feu désignent en plusieurs endroits de l’Ecriture, la guerre ou une armée. ― Qui fuira son armée ; qui ne voudra pas se joindre à son armée. C’est l’interprétation la plus simple et la plus conforme au texte hébreu.]
32 Et que répondra-t-on aux envoyés de la nation ? Que (c’est) le Seigneur (qui) a fondé Sion, et que les pauvres de son peuple espéreront en lui. [14.32 Aux messagers de la nation (gentis) ; ou bien des nations, en supposant, ce qui a lieu souvent surtout dans les noms collectifs, que le singulier est mis ici pour le pluriel ; et en supposant aussi qu’il est fait allusion à la coutume d’envoyer des messagers aux rois, pour les complimenter quand il leur arrivait quelque chose d’avantageux ou de fâcheux. ― Que c’est le Seigneur, etc. C’est la réponse que les envoyés de Sennachérib reçurent de Juda. Voir 4 Rois, chapitre 19.]

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