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Jean 1.6
Vigouroux


Présentation de Jésus

L’incarnation de la Parole

1 Au commencement était le Verbe, et le Verbe était avec Dieu, et le Verbe était Dieu.
[1.1 Et le Verbe était en Dieu. Comparer à Jean, 14, 10 : Ne croyez-vous pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi ? — « Le choix de ce mot, Verbe, Logos, n’a pas été fait au hasard par saint Jean, ni d’une manière arbitraire. Il paraît lui avoir été révélé. Que le Fils de Dieu l’ait fait connaître à saint Jean avant de sortir de ce monde, ou que la révélation en ait été faite à cet Apôtre au moment où il écrivait l’évangile, c’est ce que rien ne détermine avec certitude ; mais nous savons qu’à Patmos, saint Jean reçut des assurances à cet égard : « Le nom dont on l’appelle est le Verbe de Dieu, Â» lisons-nous dans l’Apocalypse. Certains passages de l’Ancien Testament pouvaient suffire pour en suggérer l’idée. Dans ces textes, la création est attribuée au Verbe ou à la parole de Dieu. Ce Verbe est personnel. Il s’identifie avec la Sagesse et avec l’Ange de Dieu. Quoi d’étonnant qu’au temps du Sauveur ce mot fût employé chez les Juifs pour désigner le Fils éternel de Dieu ? Saint Paul paraît sanctionner cet usage, aussi bien que saint Jean, en parlant de la parole de Dieu vivante et agissante, qui discerne les pensées de l’esprit et les intentions du cœur. Aussi la difficulté pour l’évangéliste n’était pas de faire reconnaître aux Juifs qu’il y a en Dieu un Verbe personnel et tout-puissant, mais de les convaincre que Jésus était ce Verbe. D’ailleurs, la connaissance de la doctrine révélée sur les trois personnes divines était donnée, le nom de Verbe ne devait-il pas s’offrir de lui-même à l’esprit pour désigner la seconde ? Les rapports du Père avec le Fils ont une analogie frappante avec ceux qui existent entre notre esprit et notre parole ou notre verbe. Il était naturel d’appeler le Fils de Dieu, la Parole du Père. Saint Jean n’avait donc pas d’emprunt à faire, ni à Platon (429-348), ni à Philon († 55). Et que leur aurait-il emprunté ? — Si Platon parle de Logos dans sa théorie de la création ou plutôt de la disposition originelle des choses, il donne à ce terme un sens fort différent de celui de saint Jean. Le Logos du philosophe grec n’est pas une personne, mais une abstraction, la raison de Dieu, réceptacle de toutes ses idées. Il n’a pas conscience de son existence. — Il en est de même de celui de Philon, autant qu’on peut saisir la pensée de cet auteur, dans les nuages de ses allégories, Philon ne le nomme pas Dieu, le vrai Dieu ; il ne l’identifie pas avec le Messie. Du reste, s’il avait une vraie connaissance du Verbe personnel, on devrait penser qu’il l’a puisée aussi dans la révélation, c’est-à-dire dans les écrits des prophètes et dans les traditions de leurs écoles. Â» (L. BACUEZ.)]
2 Il était au commencement avec (en) Dieu.
3 Toutes choses ont été faites par lui, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui.
4 En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes ;
5 et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas saisie (comprise).
[1.6 Voir Matthieu, 3, 1 ; Marc, 1, 2.]
6 Il y eut un homme envoyé de Dieu, dont le nom était Jean.
7 Il vint pour servir de témoin, pour rendre témoignage à la lumière, afin que tous crussent par lui.
8 Il n’était pas la lumière, mais il vint pour rendre témoignage à la lumière.
9 C’était (Celui-là était) la vraie lumière, qui éclaire tout homme venant en ce monde.
[1.9 Voir Jean, 3, 19.]
10 Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui, et le monde ne l’a pas connu.
[1.10 Voir Hébreux, 11, 3.]
11 Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu.
12 Mais, à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu ; à ceux qui croient en son nom
13 qui ne sont pas nés du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l’homme, mais de Dieu.
[1.13 La chair et le sang indiquent, dans l’Ecriture, la nature humaine qui s’oppose à la grâce.]
14 Et le Verbe a été fait chair, et il a habité parmi nous ; et nous avons vu sa gloire, gloire comme du Fils unique venu du Père, plein de grâce et de vérité.
[1.14 Voir Matthieu, 1, 16 ; Luc, 2, 7. — Le Verbe a été fait chair, non que sa substance se soit changée en chair mais parce que le Verbe, en demeurant ce qu’il était, a pris la forme de serviteur (saint Chrysostome).]
15 Jean rend témoignage de lui, et crie, en disant : C’est celui dont j’ai dit : Celui qui doit venir après moi a été placé au-dessus de moi, parce qu’il était avant moi.
[1.15 Parce qu’il était avant moi ; puisque comme Verbe, il était de toute éternité. — D’autres traduisent : Parce qu’il était au-dessus de moi, bien plus que moi.]
16 Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce.
[1.16 Voir 1 Timothée, 6, 17.]
17 Car la loi a été donnée par Moïse ; la grâce et la vérité ont été faites par Jésus-Christ.
18 Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, voilà celui qui l’a manifesté.
[1.18 Voir 1 Timothée, 6, 16 ; 1 Jean, 4, 12.]

Témoignage de Jean-Baptiste sur Jésus

19 Or voici le témoignage de Jean, lorsque les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites, pour lui demander : Qui es-tu ?
[1.19 Le témoignage de Jean Baptiste.]
20 Et il confessa, et il ne nia pas ; et il confessa : Je ne suis pas le Christ.
21 Et ils lui demandèrent : Quoi donc ? Es-tu Elie ? Et il dit : Je ne le suis pas. Es-tu le prophète ? Et il répondit : Non.
[1.21 Es-tu Elie ? Et il dit : Non. « Dans un autre endroit (voir Matthieu, 11, 13-14), le Seigneur étant questionné par ses disciples sur la venue d’Elie, répondit : Elie est déjà venu, et si vous voulez le savoir, c’est Jean qui est Elie. Jean interrogé dit au contraire : Je ne suis pas Elie… C’est que Jean était Elie par l’esprit qui l’animait, mais il n’était pas Elie en personne. Ce que le Seigneur dit de l’esprit d’Elie, Jean le nie de sa personne. Â» (Saint GREGOIRE-LE-GRAND.)]
22 Ils lui dirent donc : Qui es-tu ? afin que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu de toi-même ?
23 Il dit : Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Rendez droit le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe.
[1.23 Voir Isaïe, 40, 3 ; Matthieu, 3, 3 ; Marc, 1, 3 ; Luc, 3, 4. — Dans le désert de Judée. Voir Matthieu, 3, 1.]
24 Or ceux qui avaient été envoyés étaient des pharisiens.
25 Ils continuèrent de l’interroger, et lui dirent : Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es ni le Christ, ni Elie, ni le prophète ?
26 Jean leur répondit : Moi, je baptise dans l’eau ; mais, au milieu de vous, se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas.
[1.26 Voir Matthieu, 3, 11.]
27 C’est lui qui doit venir après moi, qui a été placé au-dessus (fait avant) de moi : je ne suis (même) pas digne de dénouer la courroie de sa sandale.
[1.27 Voir Marc, 1, 7 ; Luc, 3, 16 ; Actes des Apôtres, 1, 5 ; 11, 16 ; 19, 4. — Qui a été avant moi. Voir au verset 15. — Délier la courroie, etc. Voir Matthieu, 3, 11. — La courroie de sa chaussure, de ses sandales. Voir Marc, 6, 9.]
28 Ces choses se passèrent à Béthanie, au delà du Jourdain, où Jean baptisait.
[1.28 Béthanie, sur la rive orientale du Jourdain, à un endroit où le fleuve était guéable et qui, d’après plusieurs, s’appelait Bethabara ou maison du passage.]
29 Le lendemain, Jean vit Jésus qui venait à lui, et il dit : Voici l’agneau de Dieu, voici celui qui enlève le péché du monde.
30 C’est celui dont j’ai dit : Après moi vient un homme qui a été placé au-dessus (fait avant) de moi, parce qu’il était avant moi.
31 Et moi, je ne le connaissais pas ; mais c’est pour qu’il soit manifesté en Israël que je suis venu baptiser dans l’eau.
32 Et Jean rendit témoignage, en disant : J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe, et se reposer sur lui.
[1.32 Voir Matthieu, 3, 16 ; Marc, 1, 10 ; Luc, 3, 22.]
33 Et moi, je ne le connaissais pas ; mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’a dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et se reposer, c’est celui qui baptise dans l’Esprit-Saint.
34 Et j’ai vu, et j’ai rendu témoignage qu’il est le Fils de Dieu.
35 Le lendemain, Jean était encore là, avec deux de ses disciples.
[1.35 Jean Baptiste avec deux de ses disciples, André et saint Jean l’Evangéliste. André est nommé au verset 40. Saint Jean, par humilité, ne se nomme jamais par son nom ni dans son Evangile, ni dans ses Epîtres, et quand il a besoin de parler de lui, il se désigne par une périphrase.]
36 Et regardant Jésus qui passait, il dit : Voici l’agneau de Dieu.
37 Les deux disciples l’entendirent parler ainsi, et ils suivirent Jésus.
38 Jésus, s’étant retourné, et voyant qu’ils le suivaient, leur dit : Que cherchez-vous ? Ils lui dirent : Rabbi (ce qui signifie Maître), où demeurez-vous ?
[1.38 Rabbi, qui veut dire Maître. C’est le titre que l’on donnait aux docteurs de la loi en Palestine et nous voyons par saint Jean, qui répète ce titre huit fois dans son Evangile, que c’était celui que les Apôtres donnaient à Jésus. Saint Matthieu et saint Marc ont rarement conservé le mot sémitique Rabbi : ces deux évangélistes ont ordinairement, et saint Luc a toujours traduit la signification de ce mot : Maître.]
39 Il leur dit : Venez et voyez. Ils vinrent et virent où il demeurait, et ils restèrent chez lui ce jour-là. Il était environ la dixième heure.
[1.39 La dixième heure ; c’est-à-dire environ quatre heures après midi.]
40 Or André, frère de Simon-Pierre, était l’un des deux qui avaient entendu les paroles (ce témoignage) de Jean, et qui avaient suivi Jésus.
41 Il trouva le premier son frère Simon, et lui dit : Nous avons trouvé le Messie (ce qui signifie le Christ).
42 Et il l’amena à Jésus. Jésus, l’ayant regardé, dit : Tu es Simon, fils de Jona ; tu seras appelé Céphas (ce qui signifie Pierre).
43 Le lendemain, Jésus voulut aller en Galilée, et il rencontra Philippe. Et il lui dit : Suis-moi.
[1.43 En Galilée. Voir la note 29 à la fin du volume.]
44 Or Philippe était de Bethsaïde, la ville d’André et de Pierre.
[1.44 Bethsaïde de Galilée. Voir Matthieu, 11, 21.]
45 Philippe rencontra Nathanaël, et lui dit : Celui de qui Moïse a écrit dans la loi, et qu’ont annoncé les prophètes, nous l’avons trouvé ; c’est Jésus de Nazareth, fils de Joseph.
[1.45 Voir Genèse, 49, 10 ; Deutéronome, 18, 18 ; Isaïe, 40, 10 ; 45, 8 ; Jérémie, 23, 5 ; Ezéchiel, 34, 23 ; 37, 24 ; Daniel, 9, 24-25. — Nathanaël, c’est-à-dire Dieudonné. On croit communément que c’est celui qui devint l’apôtre saint Barthélémy, Nathanaël étant son nom propre et Barthélémy étant un surnom qui veut dire fils de Tolmaï.]
46 Et Nathanaël lui dit : De Nazareth peut-il venir quelque chose de bon ? Philippe lui dit : Viens et vois.
47 Jésus vit Nathanaël qui venait à lui, et il dit de lui : Voici un véritable Israélite, en qui il n’y a pas de fraude.
48 Nathanaël lui dit : D’où me connaissez-vous ? Jésus lui répondit : Avant que Philippe t’appelât, lorsque tu étais sous le figuier, je t’ai vu.
[1.48 Sous le figuier. Le figuier peut atteindre une grande hauteur en Palestine et son feuillage serré et touffu produit une ombre très épaisse. Les rabbins juifs allaient volontiers étudier la loi de Moïse à l’ombre des figuiers.]
49 Nathanaël lui répondit : Rabbi, vous êtes le Fils de Dieu, vous êtes le roi d’Israël.
[1.49 Rabbi ; c’est-à-dire Maître.]
50 Jésus lui répondit : Parce que je t’ai dit : Je t’ai vu sous le figuier, tu crois ; tu verras des choses plus grandes que celles-là.
51 Et il lui dit : En vérité, en vérité, je vous le dis, vous verrez le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l’homme.

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