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Matthieu 6.19
Vigouroux


Les pratiques religieuses

1 Gardez-vous de faire vos oeuvres de justice devant les hommes pour en être vus ; autrement, vous n’aurez pas de récompense auprès de votre Père qui est dans les Cieux.
2 Lors donc que tu fais l’aumône, ne sonne pas de la trompette devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues, pour être honorés des hommes. En vérité, Je vous le dis, ils ont reçu leur récompense.
3 Mais toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ne sache point ce que fait ta main droite
4 afin que ton aumône soit dans le secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.
5 Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites, qui aiment à prier debout dans les synagogues et aux coins des places publiques, pour être vus des hommes. En vérité, Je vous le dis, ils ont reçu leur récompense.
[6.5 Les Juifs priaient ordinairement debout ; mais cet usage n’était point général, tantôt ils se tenaient à genoux, et tantôt ils se prosternaient le visage contre terre.]
6 Mais toi, quand tu pries, entre dans ta chambre, et, après avoir fermé la porte, prie ton Père dans le secret : et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.
[6.6 Jésus-Christ ne défend point ici les prières publiques qui se font dans les assemblées des fidèles, puisqu’il nous dit lui-même qu’il se trouve au milieu de deux ou trois personnes rassemblées pour prier en son nom ; mais il veut que dans les prières particulières et de simple dévotion chacun se retire dans le secret pour prier avec plus de recueillement et pour éviter l’ostentation. Il ne condamne pas non plus d’une manière absolue les longues prières, puisque lui-même a passé quelquefois les nuits à prier ; il s’élève seulement contre l’abus qu’en faisaient les Juifs à l’imitation des païens, qui croyaient se rendre plus aisément leurs dieux propices lorsqu’ils parlaient beaucoup en priant.]
7 Quand vous priez, ne multipliez pas les paroles, comme les païens, qui s’imaginent que c’est par la multitude de leurs paroles qu’ils seront exaucés.
8 Ne leur ressemblez donc pas ; car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant que vous Le lui demandiez.
9 C’est donc ainsi que vous prierez : Notre Père, qui êtes aux Cieux, que Votre nom soit sanctifié ;
[6.9 Voir Luc, 11, 2. — « Notre Père. Dès ce premier mot de l’oraison dominicale le cœur se fond en amour. Dieu veut être notre Père par une adoption particulière. Il a un Fils unique qui lui est égal, en qui il a mis sa complaisance ; il adopte les pécheurs. Les hommes n’adoptent des enfants que lorsqu’ils n’en ont point ; Dieu qui avait un tel Fils, nous adopte encore. L’adoption est un effet de l’amour ; car on choisit celui qu’on adopte ; la nature donne les autres enfants, l’amour seul fait les adoptifs. Dieu qui aime son Fils unique de tout son amour, et jusqu’à l’infini, étend sur nous l’amour qu’il a pour lui. — Notre Père qui êtes dans les cieux. Vous êtes partout, mais vous êtes dans les cieux comme dans le lieu où vous rassemblez vos enfants, où vous vous montrez à eux, où vous leur manifestez votre gloire, où vous leur avez assigné leur héritage. Â» (BOSSUET.)] [6.9-10 « Votre nom soit sanctifié ; votre règne arrive ; votre volonté soit faite en la terre comme au ciel. C’est la perpétuelle continuation de l’exercice d’aimer. Sanctifier le nom de Dieu, c’est le glorifier en tout et ne respirer que sa gloire. Désirer son règne, c’est vouloir lui être soumis de tout son cœur, et vouloir qu’il règne sur nous, et non seulement sur nous, mais encore sur toutes les créatures. Son règne est dans le ciel, son règne éclatera sur toute la terre dans le dernier jugement. Â» (BOSSUET.)]
10 que Votre règne arrive ; que Votre volonté soit faite sur la terre comme au Ciel.
11 Donnez-nous aujourd’hui le pain qui nous est nécessaire,
[6.11 « Donnez-nous aujourd’hui notre pain de chaque jour. C’est ici le vrai discours d’un enfant qui demande en confiance à son père tous ses besoins jusqu’aux moindres. O notre Père, vous nous avez donné un corps mortel ; vous ne l’avez pas fait tel d’abord ; mais nous vous avons désobéi, et la mort est devenue notre partage. Le corps infirme et mortel a besoin tous les jours de nourriture ; ou il tombe en défaillance, ou il périt. Donnez-la nous simple, donnez-la nous autant qu’elle est nécessaire. Que nous apprenions en la demandant que c’est vous qui la donnez, de jour à jour. Vous donnez à vos enfants, à vos serviteurs, à vos soldats, si on veut qu’ils combattent sous vos étendards, vous leur donnez chaque jour leur pain. Que nous le demandions avec confiance ; que nous le recevions comme de votre main avec action de grâce ! Â» (BOSSUET.)]
12 et remettez-nous nos dettes, comme nous les remettons nous-mêmes à ceux qui nous doivent ;
[6.12 « Pardonnez-nous comme nous pardonnons. C’est une chose admirable comment Dieu fait dépendre le pardon que nous attendons de lui, de celui qu’il nous ordonne d’accorder à ceux qui nous ont offensés. Non content d’avoir partout inculqué cette obligation, il nous la met à nous-mêmes à la bouche dans la prière journalière, afin que si nous manquions à pardonner, il nous dise comme à ce mauvais serviteur : Je te juge par ta propre bouche, mauvais serviteur. Tu m’as demandé pardon, à condition de pardonner ; tu as prononcé ta sentence, lorsque tu as refusé de pardonner à ton frère. Va-t’en au lieu malheureux où il n’y a plus ni pardon ni miséricorde. Â» (BOSSUET.)]
13 et ne nous abandonnez pas à la tentation, mais délivrez-nous du mal. Ainsi soit-il.
[6.13 « Ne nous induisez point en tentation. On ne prie par seulement pour s’empêcher de succomber à la tentation, mais pour la prévenir, conformément à cette parole : Veillez et priez, de peur que vous n’entriez en tentation. Non seulement de peur que vous n’y succombiez, mais de peur que vous n’y entriez. Il faut entendre par ces paroles la nécessité de prier en tout temps, et quand le besoin presse, et avant qu’il ne presse. N’attendez pas la tentation ; car alors le trouble et l’agitation de l’esprit vous empêcheront de prier. Priez avant la tentation et prévenez l’ennemi. — Délivrez-nous du mal. L’Eglise explique : Délivrez-nous de tout mal passé, présent et à venir. Le mal passé, mais qui laisse de mauvais restes, c’est le péché commis ; le mal présent, c’est le péché où nous sommes encore ; le mal à venir, c’est le péché que nous avons à craindre. Tous les autres maux ne sont rien qu’autant qu’ils nous portent au péché par le murmure et l’impatience. C’est principalement en cette vue que nous demandons d’être délivrés des autres maux. Délivrez-nous du mal. Délivrez-nous du péché et de toutes les suites du péché, par conséquent de la maladie, de la douleur, de la mort ; afin que nous soyons parfaitement libres. Alors aussi nous serons souverainement heureux. Â» (BOSSUET.)]
14 Car si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi vos péchés.
[6.14 Voir Ecclésiastique, 28, 2-5 ; Matthieu, 18, 35 ; Marc, 11, 25.]
15 Mais si vous ne pardonnez point aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos péchés.
16 Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste, comme les hypocrites ; car ils exténuent leur visage, pour faire voir aux hommes qu’ils jeûnent. En vérité, Je vous le dis, ils ont reçu leur récompense.
17 Mais toi, lorsque tu jeûnes, parfume ta tête, et lave ton visage
18 afin de ne pas faire voir aux hommes que tu jeûnes, mais à ton Père, qui est présent dans le secret ; et ton Père qui voit dans le secret, te le rendra.

Les biens matériels

19 Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où la rouille et les vers détruisent, et où les voleurs percent et dérobent.
20 Mais amassez-vous des trésors dans le Ciel, où ni la rouille ni les vers ne détruisent, et où les voleurs ne percent ni ne dérobent.
[6.20 Voir Luc, 12, 33 ; 1 Timothée, 6, 19.]
21 Car là où est ton trésor, là est aussi ton cœur.
22 La lampe de ton corps, c’est ton œil. Si ton œil est simple, tout ton corps sera lumineux ;
[6.22 Voir Luc, 11, 34.]
23 mais si ton œil est mauvais, tout ton corps sera ténébreux. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes les ténèbres mêmes !
24 Nul ne peut servir deux maîtres ; car, ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon (l’argent).
[6.24 Voir Luc, 16, 13. — Jésus-Christ ne défend pas absolument aux chrétiens d’avoir des biens temporels, mais seulement d’y attacher leurs cœurs et d’en être les esclaves.]
25 C’est pourquoi Je vous dis : Ne vous inquiétez pas, pour votre vie, de ce que vous mangerez ; ni pour votre corps, de ce dont vous serez vêtus. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ?
[6.25 Voir Psaumes, 54, 23 ; Luc, 12, 22 ; Philippiens, 4, 6 ; 1 Timothée, 6, 7 ; 1 Pierre, 5, 7.]
26 Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent pas dans des greniers ; et votre Père céleste les nourrit. N’êtes-vous pas beaucoup plus qu’eux ?
[6.26-28 « Regardez les oiseaux du ciel. Voyez les lis des champs. Jésus-Christ nous apprend dans ce sermon admirable, à considérer la nature, les fleurs, les oiseaux, les animaux, notre corps, notre âme, notre accroissement insensible, afin d’en prendre occasion de nous élever à Dieu. Il nous fait voir toute la nature d’une manière plus relevée, d’un œil plus perçant, comme l’image de Dieu. Le ciel est son trône ; la terre est l’escabeau de ses pieds ; la capitale du royaume est le siège de son empire ; son soleil se lève, la pluie se répand pour nous assurer de sa bonté. Tout nous en parle : il ne s’est pas laissé sans témoignage. Â» (BOSSUET.)]
27 Qui de vous, en se tourmentant, peut ajouter une coudée à sa taille ?
28 Et au sujet du vêtement, pourquoi vous inquiéter ? Considérez comment croissent les lis des champs : ils ne travaillent ni ne filent.
29 Cependant Je vous dis que Salomon lui-même dans toute sa gloire n’a pas été vêtu comme l’un d’eux.
30 Mais si Dieu revêt ainsi l’herbe des champs, qui existe aujourd’hui, et qui demain sera jetée dans le four, combien plus vous-mêmes, hommes de peu de foi !
[6.30 Est jetée dans le four. Comme le bois est rare dans plusieurs parties de la Palestine, on se sert d’herbes sèches pour faire cuire le pain.]
31 Ne vous inquiétez donc pas, en disant : que mangerons-nous, ou que boirons-nous, ou de quoi nous couvrirons-nous ?
32 Car ce sont les païens qui se préoccupent de toutes ces choses ; mais votre Père sait que vous avez besoin de tout cela.
[6.32 Les païens qui n’avaient point d’espérance solide, mettaient toute leur confiance dans leur travail et dans leur industrie. Un chrétien doit travailler de manière à attendre tout de la main et de la bénédiction de Dieu.]
33 Cherchez donc premièrement le royaume de Dieu et Sa justice, et toutes ces choses vous seront données par surcroît.
34 Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit son mal.

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