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Juges 3.29
Vigouroux


1 Voici les peuples que le Seigneur laissa vivre, pour servir d’exercice et d’instruction aux Israélites, et à tous ceux qui ne connaissaient point les guerres des Chananéens ;
2 afin que (dans la suite) leurs enfants apprissent après eux à combattre contre leurs ennemis, et qu’ils s’accoutumassent à la guerre :
3 les cinq princes (satrapes, note) des Philistins, tous les Chananéens, les Sidoniens et les Hévéens, qui habitaient sur le mont Liban, depuis la montagne de Baal-Hermon jusqu’à l’entrée d’Emath.
[3.3 Les cinq satrapes, etc. Ces mots se rapportant à : Voici les nations, etc., 1er du verset dont ils sont l’explicatif ; mais ils sont à l’accusatif, parce qu’on peut les considérer aussi comme complément du verbe, qui les précède immédiatement, livrer bataille, ou abandonner (verset 1). ― Baal-Hermon. Voir Josué, 11, 17. ― Emath. Voir 2 Rois, 7, 9.]
4 Le Seigneur laissa ces peuples pour éprouver ainsi Israël, et pour voir s’il obéirait ou s’il n’obéirait pas aux commandements du Seigneur, qu’il avait donnés à leurs pères par (l’entremise de) Moïse.
5 Les enfants d’Israël habitèrent donc au milieu des Chananéens, des Héthéens, des Amorrhéens, des Phérézéens, des Hévéens et des Jébuséens.
6 Ils épousèrent leurs filles, et donnèrent leurs filles en mariage à leurs fils, et ils adorèrent leurs dieux.

Les juges et leurs exploits

Victoire d’Othniel sur le roi de Mésopotamie

7 Et ils firent le mal aux yeux du Seigneur ; et ils oublièrent leur Dieu, adorant les Baalim (Baals) et les Astaroth.
[3.7 Baalim. Voir Juges, 2, 11. ― Astaroth, pluriel féminin hébraïque, signifie les idoles de la divinité, qui dans le texte original se produit sous la forme aschtoreth, ou mieux haschthoreth, et dans la Vulgate sous celle d’Astharthé. L’hébreu lit ici aschéroth, qui veut dire bois sacré, parce qu’on l’adorait plus particulièrement dans les bois. ― Astoreth ou Astarté avait beaucoup de traits de ressemblance avec Vénus. Elle est souvent nommée dans le livre des Juges, en compagnie de Baal. Il y avait d’ailleurs plusieurs Astoreths ou Astartés, comme il y avait plusieurs Baals : chaque Baal avait son Astarté, la multiplication du dieu impliquant la multiplication de la déesse. De même que Baal était quelquefois le ciel, Astarté était aussi la terre fécondée par le ciel. Mais de nombreux indices montrent aussi qu’elle est souvent la lune, emblème de la beauté féminine, de même que le soleil, qui fait pousser les plantes et dessèche, est le symbole de la force et de la destruction ; elle est le principe passif et productif, la mère, comme Baal est le principe actif et générateur, le père. Une figurine en albâtre du Musée du Louvre représente Astarté portant un croissant d’or au-dessus de sa tête, mais on la représente le plus souvent sous la forme d’un pieu symbolique.]
8 Le Seigneur, étant donc irrité contre Israël, les livra entre les mains de Chusan Rasathaïm, roi de Mésopotamie, auquel ils furent assujettis pendant huit ans.
[3.8 Chusan-Rasathaïm ne nous est connu que par ce passage du livre des Juges. ― Sur Amalec, voit Exode, 17, 8.]
9 Et ils crièrent au Seigneur, et il leur suscita un sauveur qui les délivra : Othoniel, fils de Cénez, frère puîné de Caleb.
[3.9 Un sauveur qui les délivra ; ce qui semblerait donner à ce verbe le mot Seigneur pour sujet. Mais voir Josué, 24, 7.]
10 L’esprit du Seigneur fut en lui, et il jugea Israël. Et il se mit en campagne, et le Seigneur livra entre ses mains Chusan Rasathaïm, roi de Syrie, qu’il défit.
11 (Et) Le pays demeura en paix durant quarante ans, et Othoniel, fils de Cénez, mourut.

Victoire d’Éhud sur Moab

12 Alors les enfants d’Israël recommencèrent à faire le mal aux yeux du Seigneur, qui fortifia contre eux Eglon, roi de Moab, parce qu’ils avaient péché devant lui.
13 Il joignit les enfants d’Ammon et d’Amalec à Eglon, qui, s’étant avancé avec eux, défit Israël et se rendit maître de la ville des Palmes.
[3.13 La ville des Palmes, probablement Jéricho.]
14 Les enfants d’Israël furent assujettis à Eglon, roi de Moab, pendant dix-huit ans.
15 Après cela ils crièrent au Seigneur, et il leur suscita un sauveur nommé Aod, fils de Géra, fils de Jémini, qui se servait de la main gauche comme de la droite. Les enfants d’Israël envoyèrent par lui des présents à Eglon, roi de Moab.
[3.15 Aod… se servait des deux mains comme de la droite. Aod n’était pas le seul Israélite habitué à se servir également des deux mains dans le combat. Les Benjamites, à la tribu desquels appartenait Aod, étaient célèbres comme archers et comme frondeurs, comme également habiles à se servir de la main gauche et de la main droite, et capables de frapper un cheveu avec leur fronde, voir Juges, 20, 16 ; 1 Paralipomènes, 12, 2. Mucius Scævola, qui se rendit célèbre chez les Romains par un acte semblable à celui d’Aod, était aussi gaucher ; et c’est la signification même de son surnom de Scævola.]
16 Aod se fit faire une dague (glaive) à deux tranchants, qui avait une garde de la longueur de la paume de la main, et il s’en ceignit sous sa tunique (son sayon) au côté (sur la cuisse) droit(e).
17 Et il offrit les présents à Eglon, roi de Moab. Or Eglon était extrêmement gros.
18 Et Aod, lui ayant offert les présents, s’en retourna vers ses compagnons qui étaient venus avec lui.
19 Puis étant revenu de Galgala, où étaient les idoles, il dit au roi : J’ai un mot à vous dire en secret, ô prince. Le roi fit signe qu’on se tût ; et tous ceux qui étaient auprès de lui étant sortis,
[3.19 De Galgala. Voir Juges, 2, 1. ― Où étaient les idoles, c’est peut-être un nom de lieu, Pesilim. Au verset 26, nous lisons le lieu des idoles.] [3.19-22 Si on était obligé de justifier cette conduite d’Aod, on pourrait dire qu’il croyait, d’après les préjugés du temps, et le droit de la guerre, beaucoup plus rigoureux à cette époque reculée qu’il ne l’est aujourd’hui, qu’il lui était permis de recourir à un pareil stratagème. N’est-il pas possible d’ailleurs que Dieu ait suscité ce général pour sauver son peuple, sans lui inspirer ce meurtre ? ― Chez tous les peuples et dans tous les temps, on a admiré le sang-froid, l’audace, le courage et le dévouement qu’indiquent, dans leurs auteurs, des actes comme ceux d’Aod, quoique ces actes ne soient pas du tout point irrépréhensibles. Les Athéniens ont chanté les louanges d’Harmodius et d’Aristogiton, les Romains ont glorifié Mucius Scævola.]
20 Aod s’approcha de lui. Il était alors seul assis dans sa chambre d’été. Et il lui dit : J’ai à vous dire une parole de la part de Dieu. Aussitôt le roi se leva de son trône.
21 Et Aod étendit sa main gauche, tira la dague (le glaive) qu’il avait à son côté (de sa cuisse) droit(e), et la (le) lui enfonça si avant dans le ventre
22 que la poignée y entra tout entière avec le fer, et se trouva serrée par la grande épaisseur de graisse. Aod ne retira donc point sa dague ; mais, après avoir donné le coup, il la laissa dans le corps, et aussitôt les excréments qui étaient dans le ventre s’écoulèrent par les conduits naturels.
23 Puis Aod, ayant fermé avec grand soin les portes de la chambre
24 sortit par la porte de derrière. Cependant les serviteurs du roi, étant venus, trouvèrent la porte fermée, et ils dirent : Peut-être se soulage-t-il dans sa chambre d’été.
25 Et après avoir longtemps attendu jusqu’à en devenir tout honteux (troublés), voyant que personne n’ouvrait, ils prirent la clef, ouvrirent la chambre, et trouvèrent leur seigneur étendu mort sur la place.
26 Pendant ce grand trouble où ils étaient, Aod s’échappa, et ayant passé le lieu des idoles, d’où il était revenu, il vint à Séirath.
[3.26 Séirath, localité inconnue de la montagne d’Ephraïm.]
27 Aussitôt il sonna de la trompette sur la montagne d’Ephraïm, et les enfants d’Israël descendirent avec Aod, qui marchait à leur tête.
28 Il leur dit : Suivez-moi, car le Seigneur a livré entre nos mains les Moabites nos ennemis. Les Israélites suivirent Aod, se saisirent des gués du Jourdain par où l’on passe au pays de Moab, et ne laissèrent passer personne.
[3.28 Personne ; c’est-à-dire aucun des Moabites. ― Il n’y avait pas de ponts sur le Jourdain ; on ne pouvait le passer qu’à gué.]
29 Ils tuèrent environ dix mille Moabites, qui étaient tous des hommes forts et vaillants. Nul d’entre eux ne put échapper.
30 (Ainsi) Moab fut humilié en ce jour-là sous la main d’Israël, et le pays demeura en paix pendant quatre-vingts ans.

Victoire de Shamgar sur les Philistins

31 Après Aod il y eut Samgar, fils d’Anath. Il tua six cents Philistins avec un soc de charrue, et il fut aussi le défenseur d’Israël. [3.31 D’entre les Philistins. Sur les Philistins, voir Juges, note 13.1.]

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