/   /   /  Ezéchiel 4:7     

Ezéchiel 4.7
Vigouroux


Siège de Jérusalem

1 Et toi, fils de (d’un) l’homme, prends une brique, place-la devant toi, et trace (sur elle) la ville de Jérusalem.
[4.1-17 2° Dans le second discours, il lui commande de prophétiser le siège de Jérusalem et ses horreurs par quatre signes : ― 1° le siège lui-même, en le représentant, au moyen du dessin, sur une brique, chapitre 4, versets 1 et 2 ; ― 2° son issue fatale, en prenant une poêle de fer, image de la sentence irrévocable portée contre son peuple par le Seigneur, qui ne se laissera pas fléchir par la prière et ne sauvera pas la ville, voir Isaïe, 59, 2 ; Lamentations de Jérémie, 3, 44 ; Ezéchiel, 4, 3 ; ― 3° afin de montrer combien les péchés du peuple sont grands et nombreux, le Prophète reçoit l’ordre de se coucher 390 jours sur le côté gauche, pour figure les crimes d’Israël, et 40 jours sur le côté droit, pour figurer ceux de Juda : il obtiendra ainsi une diminution de châtiment pour ses frères, chapitre 4, versets 4 à 8 ; ― 4° pour marquer la disette qui désolera Jérusalem assiégée et la pénurie de combustible dont elle aura à souffrir, Dieu commande à Ezéchiel de se nourrir avec très peu de nourriture et de la faire cuire à l’aide d’excréments desséchés. Comme ce mode de cuisson excite la répugnance du Prophète, le Seigneur lui permet de substituer la fiente de bœufs aux excréments humains, versets 9 à 16.] [4.1 Fils d’un homme. ― Voir, sur cette expression, Ezéchiel, 2, 1. ― Une brique. Plusieurs la supposent de terre molle et non cuite, à cause des dessins que le Prophète devait tracer dessus ; au reste, sur une brique cuite il pouvait les tracer avec un burin ou avec de la craie. ― C’était un usage commun en Chaldée de tracer des plans de villes, de champs, etc., sur la brique molle. On pouvait, si l’on voulait, la faire cuire ensuite. On a retrouvé des briques contenant des dessins de ce genre. Sur l’une d’entre elle est représentée une partie de la ville de Babylone.]
2 Tu mettras le siège contre elle, tu bâtiras des remparts, tu dresseras un retranchement, tu l’environneras d’un camp et tu placeras des béliers (tout) autour.
[4.2 Et tu disposeras, etc. ; dans ton tracé, tu figureras un siège, etc.]
3 Prends aussi une poêle de fer, et mets-la comme un mur de fer entre toi et la ville ; puis regarde-la d’un visage ferme (fixement), et elle sera assiégée, et tu l’assiégeras (entoureras). C’est un signe pour la maison d’Israël.
[4.3 Prends, etc. ; c’est-à-dire pour te mettre à couvert, ou pour montrer qu’il y a entre eux et moi un mur de fer, et que leurs péchés m’ont rendu inexorable pour eux. ― Une poêle de fer ; plaque de fer qu’on faisait chauffer pour cuire dessus du pain ou des galettes.]
4 Ensuite tu dormiras sur le côté gauche, et tu mettras sur lui les iniquités de la maison d’Israël ; pendant les jours où tu dormiras sur ce côté, tu porteras leur iniquité.
[4.4 Tu mettras, etc. Par cette posture le Prophète représentait la peine due aux Israélites ; ce qui peut s’entendre de la captivité ; car les captifs ne peuvent se tourner de côté et d’autre. ― Selon les uns, le Prophète se couche réellement, de la manière indiquée, pendant le temps marqué, en vaquant cependant, le jour, pensent plusieurs, à ses occupations ordinaires ; selon les autres, tout se passe en vision. On est également en désaccord sur le point de savoir à quoi correspondent les chiffres de 390 et 40 ; ils désignent des années d’iniquité, chapitre 4, versets 5 et 6. Les 390 années d’Israël sont à peu près celles qui se sont écoulées depuis le schisme des dix tribus jusqu’alors, 976 - 595 = 381 ; les 40 de Juda, depuis la 18e année de Josias, où fut renouvelée l’alliance du peuple avec Dieu, à la prise de Jérusalem en 588.]
5 Je t’ai donné trois cent quatre-vingt-dix jours pour les années de leur iniquité, et tu porteras l’iniquité de la maison d’Israël.
[4.5 Au nombre, etc. Ce nombre n’est nullement impossible, s’il ne s’agit ici que d’une simple vision ; mais quand il s’agirait de réalité, il ne serait pas absolument impossible, puisque les fakirs de l’Inde gardent plusieurs années la même posture. D’ailleurs rien n’empêche de croire qu’Ezéchiel ne demeura dans cette position que pendant le jour, lorsqu’il pouvait être vu par ceux que ce spectacle était destiné à instruire. Ajoutons qu’il était obligé de se servir dans ses divers besoins, de préparer et de se procurer ses aliments, etc. (voir versets 9 à 15 ; chapitre 5, verset 2). Enfin, lors même qu’aucune de ces hypothèses ne serait fondée, Dieu ne pouvait-il pas faire un miracle, s’il voulait que son prophète restât ainsi couché pendant ce long intervalle ?] [4.5-6 Les nombres de 390 et de 40 ans s’expliquent facilement, si l’on considère que les iniquités d’Israël dataient de la séparation des dix tribus, et qu’elles cessèrent à la ruine de Jérusalem, car, d’après les chronologistes, cet intervalle est de 390 ans. Quant aux prévarications de Juda, il est probable qu’elles datent du temps où Jérémie commença à prophétiser ; or, depuis cette époque à la ruine de Jérusalem, il s’est écoulé 40 ans. A la vérité, le siège de Jérusalem dura 540 jours ; mais l’Ecriture nous fait remarquer que le siège fut interrompu par l’arrivée des Egyptiens qui le firent lever. Or il est très probable que cette interruption dura 100 jours ; car les Juifs, qui ne pouvaient oublier aussitôt une époque qui leur était si connue, n’auraient pas manqué de s’inscrire en faux contre Ezéchiel, s’il eût fait un faux calcul.]
6 Et lorsque tu auras accompli cela, tu dormiras une seconde fois, sur le côté droit, et tu porteras l’iniquité de la maison de Juda pendant quarante jours ; je te donne un jour pour chaque année.
[4.6 Voir Nombres, 14, 34.]
7 (Et) Tu tourneras le visage vers Jérusalem assiégée, et ton bras sera étendu, et tu prophétiseras contre elle.
8 Voici, je t’ai environné de liens, et tu ne te retourneras pas d’un côté sur l’autre, jusqu’à ce que tu aies accompli les jours de ton siège.
9 Et toi, prends du froment, de l’orge, des fèves, des lentilles, du millet et de la vesce ; mets-les dans un vase, et fais-en des pains pour autant de jours que tu dormiras sur le côté : tu les mangeras pendant trois cent quatre-vingt-dix jours.
[4.9 De la vesce. Voir Isaïe, 28, 25.]
10 La nourriture que tu mangeras sera du poids de vingt sicles (statères) par jour, tu en mangeras de temps à autre.
[4.10 Statères. Voir Jérémie, 32, 9.]
11 Tu boiras aussi de l’eau par ration (mesure), la sixième partie du hin ; tu la boiras de temps à autre.
[4.11 Hin ; mesure qui valait environ cinq pintes de Paris.]
12 Tu le mangeras comme du pain d’orge cuit sous la cendre, et tu le couvriras devant eux de l’ordure qui sort de l’homme.
[4.12 Tu le couvriras, etc. ; selon l’hébreu, tu le cuiras sous la cendre avec des excréments, etc. Personne n’ignore que, dans les pays pauvres de l’Orient, on emploie souvent, faute de bois, de la fiente de bœuf, de chameau, etc., sèche, pour la cuisson des aliments. Ainsi Dieu veut que le prophète fasse, pour cuire son pain, du feu, non avec la fiente des animaux, mais avec des excréments humains, dont les plus pauvres ne sont pas forcés ordinairement de se servir, afin de marquer par là que l’excès de misère où les Juifs seront réduits en punition de leurs crimes sera tel, qu’ils se trouveront forcés d’employer pour préparer leur nourriture ce dont les hommes ont horreur. La concision de la Vulgate pourrait à la rigueur favoriser une autre interprétation, mais cette version doit s’expliquer par le texte hébreu.]
13 Et le Seigneur dit : C’est ainsi que les enfants d’Israël mangeront leur pain souillé, parmi les nations vers lesquelles je les chasserai.
[4.13 Voir Osée, 9, 4.]
14 Et je dis : Ah, ah, ah, Seigneur Dieu, voici, mon âme n’a pas été souillée, et depuis mon enfance jusqu’à maintenant je n’ai pas mangé de bête morte d’elle-même ou déchirée par d’autres, et aucune chair impure (immonde) n’est entrée dans ma bouche.
15 Il me répondit : Voici, je te (t’ai) donne(é) de la fiente de bœuf au lieu d’excréments humains, et tu feras ton pain avec.
[4.15 L’usage d’employer les excréments d’animaux desséchés comme combustible est commun dans un grand nombre de contrées de l’Orient où le bois est rare ou bien fait défaut. « En différents endroits de la Palestine, dit Korte, j’au vu cuire le pain au moyen d’excréments de bœufs et de chameaux, moins parce que, en ces lieux-là, le bois était trop rare ou trop cher, comme cela arrive en Egypte et dans les déserts d’Arabie, que parce qu’on trouve ce combustible plus commode. » ― D’Arvieux décrit dans les termes suivants la manière dont on fait ainsi le pain : « [Les Arabes] mangent de trois sortes de pain… La seconde sorte de pain se cuit sous la cendre ou entre deux brasiers de fientes de vaches allumées, qui brûlent d’un feu lent et cuisent le pain tout à loisir. Ce pain est épais comme nos gâteaux, la mie en est fort bonne quand elle est mangée le même jour… Ce n’est pas seulement chez les Arabes qu’on se sert de cette espèce de pain et de la fiente de vaches pour les cuire, les paysans s’en servent aussi, et tous les villageois qui sont dans les lieux où il n’y a guère de bois prennent grand soin d’en faire des provisions. Les petits enfants les ramassent toutes fraîches et ils les appliquent contre les murailles pour les faire sécher ; ils en détachent la quantité dont ils ont besoin pour cuire du pain ou pour se chauffer ; elles brûlent peu à peu et conservent longtemps un feu semblable à celui des mottes des tanneurs ; on en fait de petites mottes qu’on laisse sécher au soleil. » Cette espèce de combustible n’est pas inconnue en France. On s’en sert, par exemple, au Croisic (Loire-Inférieure), où l’on fait sécher aussi la fiente de vache, comme le dit d’Arvieux, en l’appliquant contre les murs des champs. ― Voltaire a fait les plus fades plaisanteries sur ce qu’il appelait le déjeuner d’Ezéchiel ; il suppose que Dieu ordonna au prophète de se nourrir d’excréments ; mais le texte original ne contient rien de semblable ; il dit seulement que les aliments doivent être cuits sur ce combustible.]
16 Il me dit encore : Fils de (d’un) l’homme, voici que je briserai dans Jérusalem le bâton du pain ; ils mangeront le pain au poids et dans l’inquiétude, et ils boiront l’eau à la mesure et dans l’angoisse,
[4.16 Voir Ezéchiel, 5, 16 ; 14, 13. ― Le pain est appelé bâton, parce qu’il est le soutien de la vie, comme le bâton est le soutien du corps. Comparer à Lévitique, 26, 26.]
17 de sorte que, manquant de pain et d’eau, ils tombe(ro)nt les uns sur les autres, et périront (se dessèchent) dans leurs iniquités.

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