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Juges 16.2
Vigouroux


Samson prisonnier des Philistins

1 Samson alla ensuite à Gaza, et y ayant vu une courtisane (femme de mauvaise vie), il entra chez elle.
[16.1 Gaza. Voir Josué, 10, 41.]
2 Les Philistins l’ayant appris, et le bruit s’étant répandu parmi eux que Samson était entré dans la ville, ils l’environnèrent, et mirent des gardes aux portes de la ville, où ils l’attendirent en silence toute la nuit pour le tuer le matin lorsqu’il sortirait.
3 Samson dormit jusque vers minuit (milieu de la nuit). Et s’étant levé alors, il alla prendre les deux battants d’une (de la) porte avec leurs poteaux et la barre, les mit sur ses épaules, et les porta sur le haut de la montagne qui regarde Hébron.
[16.3 Il prit les deux battants de la porte avec ses poteaux et son verrou. « Les portes des villes sont ordinairement cintrées ; elles sont gardées et fermées la nuit. Elles sont larges, massives, à deux battants (voir Isaïe, 45, 1), construites en bois solide et bardées de fer (voir Actes des Apôtres, 12, 10). Une forte barre de fer, formant crochet à l’une de ses extrémités, est suspendue à un lourd anneau de même métal, fixé à un fort montant solidement encastré dans la muraille de chaque côté de la porte. Quand la porte est fermée, le crochet des arcs-boutants entre dans un anneau de fer, attaché derrière chaque battant, de sorte que la porte est capable de résister à une forte pression venant du dehors. La serrure est massive, de fer travaillé, et la clef à longue poignée, fort lourde, est portée à la ceinture par le gardien de la porte ou suspendue à un clou dans le petit appartement qui est tout près. Il fallut la force de Samson, pour arracher les portes de Gaza de leurs gonds, avec les deux montants, barre et tout, et les porter au sommet de la colline qui regarde Hébron. Une tour, quelquefois deux, flanquent la porte. Des bancs sont fixés de chaque côté de l’entrée et souvent occupés par des gardes qui vivent dans des appartements ouvrant sur le porche. Ce porche est le rendez-vous favori des habitants, spécialement des plus riches, qui y sont attirés par la brise fraîche qui souffle à travers la porte ombragée, et par la distraction qu’ils trouvent à voir aller et venir constamment hommes et bêtes… Les juges et même le gouverneur se rendent souvent en ce lieu pour régler les affaires les plus importantes : les causes civiles et criminelles y sont souvent discutées et jugées… Les portes de la ville sont fermées au coucher du soleil ou bientôt après. Quelques-unes d’entre elles ont, dans un de leurs battants, une petite porte, qui demeure ouverte une heure ou même plus après le coucher du soleil, pour permettre aux piétons accidentellement en retard d’entrer dans la ville ou d’en sortir. On peut la faire ouvrir aussi plus tard, moyennant un backschisch. Mais les animaux doivent rester dehors et les voyageurs attardés sont ainsi fréquemment forcés de camper hors des murs, quand ils n’arrivent pas à la porte avant le coucher du soleil. » (VAN LENNEP.) ― Hébron. Voir Genèse, note 13.18.]
4 Après cela, il aima une femme qui demeurait dans la vallée de Sorec, et qui s’appelait Dalila.
[16.4 La vallée de Sorec. La vallée qui sépare Bethsamès de Saraa est très probablement la vallée qu’habitait Dalila. Les plants de vigne de la vallée de Sorec étaient les plus célèbres de la Palestine.]
5 Et les princes des Philistins vinrent trouver cette femme et lui dirent : Trompe Samson et sache de lui d’où lui vient une si grande force, et comment nous pourrions le vaincre et le tourmenter après l’avoir lié. Si tu fais cela, nous te donnerons chacun onze cents pièces d’argent.
[16.5 Pièces ; c’est-à-dire sicles. Voir Genèse, 45, 22.]
6 Dalila dit donc à Samson : Dis-moi, je te prie, d’où vient ta si (très) grande force, et avec quoi il faudrait te lier pour t’empêcher de fuir.
7 Samson lui dit : Si on me liait avec sept cordes à (de) boyaux qui ne fussent pas sèches, mais qui eussent encore leur humidité, je deviendrais faible comme les autres hommes.
8 Les princes (satrapes) des Philistins lui apportèrent donc sept cordes, comme il avait dit, dont elle le lia ;
9 et ayant fait cacher dans sa chambre des hommes qui attendaient l’issue de cette action, elle lui cria : (Voilà) les Philistins sur toi, Samson ! Et aussitôt il rompit les cordes comme se romprait un fil d’étoupe lorsqu’il sent le feu ; et on ne connut point d’où lui venait cette grande (sa) force.
10 Et Dalila lui dit : Tu t’es joué de moi et tu m’as dit un mensonge. Découvre-moi donc au moins maintenant avec quoi il faudrait te lier.
11 Samson lui répondit : Si on me liait avec des cordes neuves dont on ne se serait jamais servi, je deviendrais faible et semblable aux autres hommes.
12 Dalila l’en ayant encore lié, après avoir fait caché des gens dans sa chambre, elle lui cria : (Voilà) les Philistins sur toi, Samson ! Et aussitôt il rompit ses cordes comme on romprait des fils (de toile).
13 Dalila lui dit encore : Jusqu’à quand me tromperas-tu, et me diras-tu des choses fausses ? Dis-moi donc avec quoi il faudrait te lier. Samson lui dit : Si tu entortilles sept cheveux de ma tête avec la chaîne du tissu (fil de la trame), et qu’ayant fait passer un clou par dedans, tu l’enfonces dans la terre, je deviendrai faible.
[16.13 Si tu entrelaces, etc. Pour bien comprendre la fin de ce verset, il faut supposer que Samson partageait ordinairement ses cheveux en sept tresses, et qu’il était alors couché par terre auprès de Dalila, qui faisait de la toile sur son métier. Quant au clou que le texte hébreu détermine par l’article, c’était probablement le principal parmi ceux qui servaient à soutenir le métier.]
14 Ce que Dalila ayant fait, elle lui dit : (Voilà) les Philistins sur toi, Samson ! Et s’éveillant tout à coup, il arracha le clou avec ses cheveux et la chaîne de tissu (fil de la trame).
15 Alors Dalila lui dit : Comment dis-tu que tu m’aimes, puisque ton cœur n’est pas avec moi ? Tu m’as menti par trois fois, et tu n’as pas voulu me dire d’où vient ta (très) grande force.
16 Et comme elle l’importunait sans cesse, se tenant plusieurs jours attachée auprès de lui, sans lui donner aucun temps pour se reposer, son âme tomba dans la défaillance et se lassa jusqu’à la mort.
17 Alors, lui découvrant toute la vérité de la chose, il lui dit : La rasoir n’a jamais passé sur ma tête, parce que je suis nazaréen, c’est-à-dire consacré à Dieu dès le sein de ma mère. Si l’on me rase la tête, (toute) ma force m’abandonnera, et je deviendrai faible comme les autres hommes.
18 Dalila, voyant qu’il lui avait confessé tout ce qu’il avait au cœur, envoya vers les princes des Philistins, et leur fit dire : Venez encore cette fois, parce qu’il m’a maintenant ouvert son cœur. Ils vinrent donc chez elle, portant avec eux l’argent qu’ils lui avaient promis.
19 (Ainsi) Dalila fit dormir Samson sur ses genoux et lui fit reposer la tête dans son sein ; et ayant mandé un barbier, elle lui fit raser les sept touffes (tresses) de ses cheveux ; après quoi elle commença à le chasser et à le repousser d’auprès d’elle, car sa force l’abandonna au même moment.
20 Et elle lui dit : (Voilà) les Philistins sur toi, Samson ! Samson, s’éveillant, dit en lui-même : J’en sortirai comme j’ai fait auparavant, et je me dégagerai d’eux ; car il ne savait pas que le Seigneur s’était retiré de lui.
21 Les Philistins, l’ayant donc pris, lui arrachèrent aussitôt les yeux, et ils le conduisirent à Gaza chargé de chaînes ; ils l’enfermèrent dans une prison, où ils lui firent tourner la meule (d’un moulin).
[16.21 Ils lui firent tourner la meule. On ne peut imaginer d’occupation plus fastidieuse et plus fatigante. Aussi celui qui était obligé de s’y livrer était considéré comme la plus malheureuse des créatures, et chez les peuples anciens, on condamnait souvent les captifs à tourner la meule, comme Samson. Il est donc impossible de rien concevoir de plus humiliant pour le héros israélite que cette besogne de femme et d’esclave. Sur le moulin à bras, voir Deutéronome, note 24.6.]

Mort de Samson

22 Or ses cheveux commençaient déjà à revenir
23 lorsque les princes des Philistins s’assemblèrent tous pour immoler des victimes solennelles à leur dieu Dagon, et pour faire des festins de réjouissance, en disant : Notre dieu nous a livré entre les mains Samson notre ennemi.
[16.23 Dagon leur dieu. Dagon était le dieu principal des Philistins. Sur cette idole, voir 1 Rois, note 5.2.]
24 Et le peuple, voyant cela, louait aussi son dieu, en disant comme eux : Notre dieu a livré entre nos mains notre ennemi, qui a ruiné notre pays et qui a fait tant de victimes (tué un grand nombre de Philistins).
25 Ils firent donc des festins avec de grandes réjouissances ; et après le repas ils commandèrent que l’on fit venir Samson, afin qu’il jouât devant eux. Samson, ayant été amené de la prison, jouait devant les Philistins, et ils le firent tenir debout entre (les) deux colonnes.
[16.25-27 Jouait en chantant et en dansant, pour les amuser, selon l’usage de ce temps-là. ― La description suivante de Shaw permet de se rendre bien compte des faits racontés ici : « Il y a dans ce pays-ci [en Afrique] plusieurs palais et Don-wânas, comme ils appellent les cours de justice, qui sont bâtis [comme les enclos sacrés] lesquels étaient entourés les uns en partie seulement, les autres tout à fait, de bâtiments avec des cloîtres par-dessus. Les jours de fête, on couvre la place de sable, afin que les pello-waan ou lutteurs ne se fassent point de mal en tombant, pendant que les toits des cloîtres d’alentour fourmillent de spectateurs. J’ai souvent vu à Alger, plusieurs centaines de personnes dans ces sortes d’occasions sur le toit du palais du Dey qui, de même que plusieurs autres grands édifices, a un cloître avancé qui ressemble à un grand appentis, n’étant soutenu dans le milieu ou sur le devant que par un ou deux piliers. C’est dans de semblables bâtiments ouverts, que les bachas, les cadis et les autres grands officiers s’assemblent et s’asseyent au milieu de leurs gardes et de leurs conseillers, pour administrer la justice et pour régler les affaires publiques de leur province. Ils y font aussi des festins, comme les principaux d’entre les Philistins en faisant dans le temple de Dagon. De sorte qu’en supposant que ce temple était construit à peu près comme les bâtiments dont je viens de parler, il est aisé de concevoir comment Samson, en faisant tomber les piliers qui soutenaient le cloître, le renversa, “ et tua plus de Philistins en sa mort qu’il n’en avait fait mourir en sa vie â€. »]
26 Alors Samson dit au jeune homme (à l’enfant) qui le conduisait : Laisse-moi toucher les colonnes qui soutiennent toute la maison, afin que je m’appuie dessus et que je prenne un peu de repos.
27 Or la maison était pleine d’hommes et de femmes. Tous les princes des Philistins y étaient, et il y avait environ trois mille personnes de l’un et de l’autre sexe, qui du haut de la maison regardaient jouer Samson.
28 Samson, ayant alors invoqué le Seigneur, lui dit : Seigneur Dieu, souvenez-vous de moi, mon Dieu ; rendez-moi maintenant ma première force, afin que je me venge (tire une seule vengeance, note) de mes ennemis, et que je leur rende (en une seule fois) ce qui leur est dû pour la perte de mes deux yeux.
[16.28 Je tire une seule vengeance ; je me venge en une seule fois du mal qu’ils m’ont fait en m’arrachant les deux yeux.]
29 Et prenant les deux colonnes sur lesquelles la maison était appuyée, tenant l’une de la main droite et l’autre de la gauche
30 il dit : Que je meure avec les Philistins ! Et les colonnes ayant été violemment ébranlées, la maison tomba sur tous les princes et sur le reste du peuple qui était là ; et Samson en tua beaucoup plus en mourant qu’il n’en avait tué pendant sa vie.
31 (Or) Ses frères et tous ses parents, étant venus en ce lieu, prirent son corps et l’ensevelirent entre Saraa et Esthaol, dans le sépulcre de son père Manué. Il avait été juge d’Israël pendant vingt ans. [16.31 Esthaol, aujourd’hui Aschoua. ― Dans le sépulcre dont l’oualy (tombeau) de Scheikh Gherib actuel, occupe probablement l’emplacement.]

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