/   /   /  Esaïe 6:4     

Esaïe 6.4
Vigouroux


Appel et mission d’Ésaïe

1 L’année de la mort du roi Ozias, je vis le Seigneur assis sur un trône sublime (haut) et élevé, et le bas de ses vêtements remplissait le temple.
[6 L’inauguration du prophète Isaïe (versets 1 à 9) a été traitée par certains critiques de pure invention, Isaïe voulant par ce récit prévenir la haine du peuple, que ses menaces ne pouvaient manquer d’exciter contre lui.] [6.1-13 ― 4° Vocation d’Isaïe au ministère prophétique, chapitre 6. ― Le chapitre 6 nous raconte les détails de la vocation du prophète à sa mission prophétique. « La tradition place cette prophétie après la mort d’Ozias et à la première année de Joathan… Les modernes se sont écartés de cet arrangement : 1° parce que le sujet de ce chapitre doit le faire considérer comme le premier dans l’ordre des temps ; 2° parce que le titre : En l’année où est mort le roi Ozias (758), se rapporte non au temps qui a suivi, mais à celui qui a précédé la mort de ce roi de Juda… Ces raisons, quoique plausibles, ne vont pas au-delà de simples vraisemblances… Les interprètes ont examiné : 1° quel a été l’objet de cette vision prophétique ; 2° quelle en est la scène ; 3° quelle en est la nature. ― 1° Selon quelques-uns, l’objet de la vision a été le Père, selon d’autres Dieu le Fils, et selon d’autres la Sainte Trinité. Ce dernier sentiment est plus probable, attendu que l’Eglise, dès les premiers siècles, a reconnu une allusion aux trois personne divines dans les mots : Saint, saint, saint, et dans cette interrogation : Qui enverrai-je (unité de substance), et qui ira pour nous (pluralité de personnes) ? ― 2° La scène s’est passée, selon les uns, dans le temple de Salomon ; selon d’autres, dans le ciel montré à l’imagination du prophète sous des formes semblables à celles du temple… ― 3° On peut admettre une apparition réelle, comme celles dont furent honorés tant d’autres avant Isaïe. Cependant Cornelius a Lapide, après saint Augustin, soutient que tout s’est passé dans l’imaginaire du prophète, et ce sentiment paraît bien plus probable. » (LE HIR.)] [6.1 Le Seigneur ; c’est-à-dire selon Jean (voir Jean, 12, 40-41), le Fils de Dieu. ― Et ce qui était au-dessous de lui ; les tapis sur lesquels le trône était placé ; ou plutôt, selon le texte original, le bas, le bord, l’extrémité de sa robe ; car c’est le sens qu’a le terme hébreu dans Exode, 28, 33-34. ― Le temple ; en hébreu hékal, mot qui signifie palais des rois et temple de Dieu. C’est la demeure extra-terrestre, le ciel où Dieu réside.]
2 Les (Des) séraphins se tenaient au-dessus du trône ; ils avaient chacun six ailes : deux dont ils voilaient leur face, deux dont ils voilaient leurs pieds, et deux dont ils se servaient pour voler.
[6.2 Leur face ; littéralement et par hébraïsme, sa face ; parce que le pluriel ils voilaient (velabant) est pour chacun d’eux voilait. ― Des séraphins, mot qui signifie brûlants, enflammés, et qui désigne un chœur des anges. Ce passage est le seul endroit, soit de l’Ancien, soit du Nouveau Testament où nous lisions leur nom.]
3 Ils criaient l’un à l’autre et disaient : Saint, Saint, Saint est le Seigneur, le Dieu des armées ; toute la terre est remplie de sa gloire.
[6.3 Voir Apocalypse, 4, 8. ― Saint, saint, saint. Cette triple glorification d’un seul Dieu désigne, d’après les Pères, le mystère de la trinité des personnes divines dans l’unité de la divine essence.]
4 Les linteaux des portes (gonds) furent ébranlés par la voix (des anges) qui retentissait, et la maison fut remplie de fumée.
5 Alors je dis : Malheur à moi de ce que je me suis tu, car je suis un homme aux lèvres impures (souillées), et j’habite au milieu d’un peuple dont les lèvres sont impures (souillées), et j’ai vu de mes yeux le roi, le Seigneur des armées. (!)
[6.5 Malheur, etc. Saint Jérôme, saint Cyrille, Théodoret, et plusieurs interprètes après eux, pensent qu’Isaïe se reproche ici d’avoir offensé Dieu par le silence qu’il garda envers Ozias lorsqu’il s’empara du sacerdoce (voir 2 Paralipomènes, 26, 17-18). D’autres veulent que le prophète se reproche de n’avoir pas mêlé ses louanges à celles des séraphins. D. Calmet croit qu’Isaïe fait ici la même confession ou la même excuse au Seigneur que Moïse après l’apparition de Dieu dans le buisson ardent. Comparer à Exode, 4, 10 ; 6, vv. 12, 30. ― Et que j’ai vu, etc. Les hébreux croyaient qu’on ne pouvait voir Dieu ou un ange sans mourir (voir Genèse, 16, 13 ; Exode, 33, 20).]
6 Mais (Et) un des séraphins vola vers moi, tenant dans sa main un charbon ardent (caillou) qu’il avait pris avec des pincettes de dessus l’autel ;
[6.6 Caillou (calculus) ; dans l’hébreu, pierre rougie au feu ; dans le grec, charbon. ― De l’autel. Isaïe voit dans le ciel un autel analogue à celui du temple de Jérusalem, sur lequel brûle le feu. Le feu est l’emblème de la purification.]
7 et il (en) toucha ma bouche, et dit : Ceci a touché tes lèvres ; ton iniquité sera enlevée (effacée), et ton péché sera purifié.
8 Et j’entendis la voix du Seigneur disant : Qui enverrai-je ? et qui ira pour nous ? Je répondis : Me voici ; envoyez-moi.
[6.8 Qui enverrai-je ? Ce singulier marque l’unité d’essence. ― Pour nous ; exprime la distinction des personnes dans l’essence divine.]
9 Et il dit : Va, et dis à ce peuple : Ecoutez ce que je vous dis (Ecoutant, écoutez, note), et ne (le) comprenez pas ; voyez ce que je vous fais voir, et ne le discernez pas.
[6.9 Voir Matthieu, 13, 14 ; Marc 4, 12 ; Luc, 8, 10 ; Jean, 12, 40 ; Actes des Apôtres, 28, 26 ; Romains, 11, 8. ― Ecoutant, écoutez ; hébraïsme, pour écoutez bien.]
10 Aveugle le cœur de ce peuple, et rends ses oreilles dures, et bouche-lui les yeux, de peur qu’il ne voie de ses yeux, et qu’il n’entende de ses oreilles, et qu’il ne comprenne de son cœur, et qu’il ne se convertisse, et que je ne le guérisse.
[6.10 Aveugle, etc. Saint Jean, saint Paul et Jésus-Christ même ont appliqué ce passage à l’endurcissement des Juifs au temps de l’Evangile. Voir Matthieu, 13, 14 ; Luc, 8, 10 ; Jean, 12, 40 ; Actes des Apôtres, 28, 26 ; Romains, 11, 8. ― Le cœur ; l’intelligence.]
11 Et je dis : Jusques à quand, Seigneur ? Et il dit : Jusqu’à ce que les villes soient désolées et sans citoyens, les maisons sans habitant, et que la terre demeure déserte.
12 Le Seigneur éloignera les hommes, et celle qui avait été délaissée au milieu du pays se multipliera.
[6.12 Eloignera ; bannira les Juifs loin de leur pays. ― Elle se multipliera, etc. ; la nation des Juifs.]
13 Et elle sera encore décimée, et elle reviendra au Seigneur, et elle paraîtra dans sa grandeur comme un (le) térébinthe, et comme un (le) chêne qui étend ses rameaux ; la race qui demeurera en elle sera sainte. [6.13 Elle sera encore décimée. Cette décimation que quelques interprètes ont prise à tort en bonne part, pourrait s’expliquer du carnage qui fut fait des Juifs sous Adrien ; carnage si horrible, qu’à peine la dixième partie put s’y soustraire.]

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