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Le Nouveau Testament nous parle du baptême de Jean et du baptême chrétien ; mais la Bible (Ancien et Nouveau Testaments) nous fait connaître des coutumes analogues, pratiquées dans le judaïsme, fort en vogue au temps de Jésus, et qui n’ont certainement pas été sans influence sur l’apparition du baptême de Jean (Le 14 ; Nombres 19 ; 2Ro 5.10 ; voir Ablutions). Nous savons par d’autres témoignages, extra-bibliques, que les prosélytes (voir ce mot) n’étaient admis dans la communauté juive qu’après une cérémonie purificatrice qui était un véritable baptême. La secte des Esséniens usait aussi de bains purificateurs. La Bible parle d’ailleurs souvent de l’eau comme d’un symbole de la purification (Esa 1.16 ; Zac 13.1 ; Eze 36.24-30).
Si ces coutumes et ces textes ont contribué à inspirer à Jean l’idée de son baptême, il faut cependant remarquer qu’aucune indication biblique ne nous permet de préciser la signification qu’il donnait à cet acte. Y voyait-il une purification rituelle, analogue à celle des prosélytes, ou simplement un symbole de la repentante ? Les évangélistes établissent bien un rapport entre le baptême et la repentante, mais ne songent pas à en préciser la nature. On notera néanmoins que la repentante devant, une fois pour toutes, inaugurer une vie meilleure chez le disciple de Jean, le baptême qui l’accompagne ne sera pas un acte à reproduire sans cesse, comme la plupart des ablutions cultuelles de l’époque : il marquera, d’un signe unique, l’orientation nouvelle d’une vie transformée.
Sur la question des origines du baptême chrétien, les livres du Nouveau Testament ne nous apportent que très peu de clarté. A cet égard, le baptême de Jésus par Jean-Baptiste ne nous apprend rien, car il ne nous fait pas sortir dur cercle d’activité du Précurseur. Pour des raisons que nos Evangiles ne précisent pas, Jésus a voulu être baptisé par Jean, mais il n’en résulte pas qu’il ait introduit le baptême de Jean dans sa propre activité missionnaire. Nulle part les trois synoptiques (Mt Marc et Luc) ne nous montrent Jésus ou ses disciples baptisant ceux qui se laissent gagner par leur prédication. Un seul texte, dans l’Evangile de Jean (Jean 3.1-3), nous présente un tableau différent de leur ministère : « Ayant su que les Pharisiens avaient ouï-dire qu’il faisait plus de disciples et baptisait plus que Jean (quoiqu’il ne baptisât pas lui-même, c’étaient ses disciples qui baptisaient), le Seigneur quitta la Judée et repartit pour la Galilée ». Si ces lignes sont historiquement vraies, il n’y a qu’un moyen d’en maintenir le témoignages côté de celui qui se dégage du silence absolu des trois premiers évangiles c’est d’admettre que Jésus ait d’abord autorisé ses disciples, particulièrement peut-être ceux qui avaient été disciples de Jean, à baptiser, mais que cette autorisation ne concerne que les premiers temps de son activité, auxquels se rapporte le texte ci-dessus. Dans la suite, Jésus aurait entièrement rayé le baptême de son programme d’Évangélisation. On comprendrait alors que les anciens disciples du Baptiste n’ayant continué l’activité de leur premier maître que fort peu de temps, les Synoptiques aient pu négliger de rapporter ce fait ou même l’avoir oublié, et le témoignage de leur silence garderait toute sa valeur : le baptême n’a pas eu de place dans le ministère proprement dit de Jésus. Mais il faut bien voir aussi qu’une autre conclusion découlerait de là : c’est que Jésus, à un moment de son ministère, et de fort bonne heure, aurait pris position contre le baptême, et cette considération serait absolument concluante dans la question, souvent discutée, de savoir si Jésus, selon l’expression consacrée, a « institué » le baptême.
En faveur de cette institution du baptême par Jésus, on ne peut invoquer qu’un texte, Mt 28.19. Jésus, ressuscité, dit aux onze : « Allez faire de toutes les nations mes disciples, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du saint Esprit ». Ce texte est appuyé par tous les manuscrits et toutes les versions que nous possédons, mais ne l’est pas avec la même unanimité par les citations des Pères de l’Église et il est certain que ces citations ont été tirées de manuscrits plus anciens qu’aucun de ceux que nous possédons. Il faut alors tenir compte du fait qu’Eusèbe de Césarée (mort en 340), qui cite vingt-cinq fois le texte en question, le reproduit vingt et une fois sous une forme où il n’est pas question du baptême. Quatre fois seulement le texte apparaît avec la forme que nous lui connaissons, mais deux fois dans des ouvrages dont l’authenticité n’est pas certaine et une fois dans une traduction en langue syriaque où la citation peut être imputable au traducteur. Ajoutons que ces quatre cita lions sont de la dernière période de la vie d’Eusèbe. Il semble donc bien que jusqu’au commencement du IVe siècle beaucoup de manuscrits aient mis dans la bouche du Christ ressuscité une recommandation dernière à ses disciples où il n’était pas fait mention du baptême. Si telle fut, comme il est probable, la forme primitive de Mt 28.19, la question de l’institution du baptême par Jésus est tranchée par la négative et toute contradiction disparaît entre la pratique de l’évangélisation par Jésus durant son ministère et la suprême recommandation du Ressuscité à ses disciples. La forme actuelle du texte serait le fait d’un copiste prêtant au Christ la doctrine de l’Église de son temps.
Reste alors la question de savoir pourquoi l’Église naissante a, dès l’abord adopté le baptême que Jésus avait répudié.
A cette question, ni les Actes des Apôtres ni les Epîtres ne nous donnent de réponse. Peut-être la seule conjecture qui explique, en une certaine mesure, ce fait surprenant doit-elle être tirée de la composition même de l’Eglise des premiers jours, beaucoup plus nombreuse qu’on ne l’imagine souvent, même avant la Pentecôte (1Co 15.6), et où les apôtres, malgré le respect dont ils étaient entourés, peuvent avoir été débordés, quant à leur influence sur le développement des idées, par une masse journellement croissante, au sein de laquelle figuraient sans doute des personnages plus instruits qu’ils ne t’étaient eux-mêmes (Ac 6.7 ; 15.5). Comment auraient-ils résisté à la pression d’une opinion dont ils étaient sans doute à peine détachés eux-mêmes et qui fit prévaloir dans la jeune Eglise une tendance rituelle largement répandue dans le judaïsme de l’époque ?
Ce baptême, que l’Eglise primitive a pratiqué dès ses origines, comment l’administrait-elle ? Le Nouveau Testament est très sobre de détails à cet égard, et son silence absolu sur certains points, très controversés dans la suite de l’histoire chrétienne, explique les divergences de doctrine et de pratique auxquelles la question du baptême a donné lieu.
Méthode. — Baptisait-on par immersion ou par aspersion ? Aucune description biblique de la cérémonie ne nous permet de répondre à cette question de façon péremptoire. Le fait que le baptême était, — dans certains cas tout au moins — administré en un lieu où se trouvait une eau courante (Ac 8.36), et qu’alors le néophyte et celui qui le baptisait entraient tous deux dans l’eau, n’implique pas nécessairement une immersion totale, que le peu de profondeur de la plupart des rivières orientales rend d’ailleurs improbable. Debout dans l’eau, le baptisé, dans de telles circonstances, devait simplement être aspergé. Ainsi déjà pouvait avoir pratiqué Jean-Baptiste, même dans la rivière profonde qu’était le Jourdain. En tous cas, le récit du baptême de Jésus (Mt 3.16 et Marc 1.9-10) ne permet pas d’affirmer le contraire.
Nous savons en outre que les Juifs, qui connaissaient et pratiquaient, dans certains cas, le bain purificateur, en étaient venus, dans la plupart des cas, sans cloute à cause de la rareté des eaux profondes, à se contenter d’aspersions ou d’ablutions partielles, symbolisant l’immersion. On sait quel rôle joue le symbole dans les rites religieux de la plupart des religions et l’on sait en particulier qu’à la base de beaucoup de pratiques rituelles de caractère magique se trouve l’idée que la partie équivaut au tout. On peut s’expliquer ainsi la substitution, chez les Juifs, du rite d’aspersion au rite d’immersion ; et il ne serait pas surprenant qu’une semblable substitution ait passé de l’usage juif à l’usage chrétien.
Il faut ajouter qu’en grec, la langue du Nouveau Testament, le verbe baptiser ne s’applique pas seulement au baptême proprement dit (celui de Jean-Baptiste ou celui de l’Eglise), mais également aux ablutions partielles des Juifs. Dans l’Evangile de Luc (Lu 11.33), nous voyons les Pharisiens s’étonner que les disciples de Jésus « ne se soient pas baptisés » avant le repas. Nos versions françaises traduisent avec raison : « qu’ils ne se soient pas lavés » ou « qu’ils n’aient pas pratiqué les ablutions ». Le mot baptême, dans la langue du Nouveau Testament, n’implique donc pas par lui-même, l’idée d’immersion.
En faveur de la pratique du baptême par immersion, dans l’Eglise primitive, on invoque parfois un texte de l’Apôtre Paul : « Nous avons été ensevelis avec lui (Jésus-Christ) par le baptême en sa mort » (Romains 6.3). L’image de l’ensevelissement, dit-on, ne peut s’appliquer qu’à un baptême où le corps disparaît momentanément dans l’eau. Mais si cet argument devait être retenu, impliquerait-il que l’immersion, pratiquée quand les circonstances le permettaient, n’ait pas été remplacée, dans des circonstances moins favorables et peut-être dans la généralité des cas, par l’aspersion ? Il se pourrait qu’en droit le baptême eût impliqué l’immersion et qu’en fait il fît souvent place à l’aspersion. Si la comparaison de Paul"comporte la conclusion qu’on en tire, il pouvait encore la faire en songeant au baptême dans sa forme la plus complète.
Ce qui résulte de l’examen des textes c’est qu’aucun d’entre eux ne nous contraint d’attribuer l’introduction du baptême par aspersion à l’Eglise du IIe ou du IIIe siècles et de l’expliquer par son infidélité aux usages primitifs.
Age. — Baptisait-on les adultes seuls ou aussi les enfants ? A cette seconde question les textes ne répondent pas davantage.
Assurément le baptême était en principe administré aux nouveau-convertis, aux hommes et aux femmes qui se repentaient de leurs péchés, devenaient disciples du Christ et entraient dans l’Eglise, ce qui semble bien exclure le baptême des petits enfants.
En faveur de ce baptême des enfants les seuls textes que l’on invoque sont loin d’être décisifs : ce sont ceux où il est spécifié que tel ou tel converti a été baptisé « avec sa famille » (Lydie Ac 16.15), « avec tous les siens » (le geôlier de Philippes : Ac 16.33) ou « avec sa maison » (Stéphanas : 1Co 1.16). Il est à peine nécessaire de faire remarquer que les familles ci-dessus désignées pouvaient fort bien ne pas comprendre d’enfants, et il faut ajouter que les écrivains sacrés n’auraient pas hésité à parler de familles baptisées même si les enfants en bas âge qui en faisaient partie n’avaient pas reçu te baptême. Il n’y a rien à tirer de ces textes pour trancher la question qui nous occupe.
Il faut, croyons-nous, en dire autant de la comparaison faite par l’Apôtre Paul entre le baptême et la circoncision (Colossiens 2.11-12). Du fait que la circoncision était, en principe, pratiquée sur les nouveau-nés, on tire la conclusion que Paul n’en aurait pas rapproché par la pensée le baptême, si celui-ci n’avait été donné qu’aux adultes. L’argument est loin d’être probant : non seulement parce qu’une comparaison ne comporte pas nécessairement le degré de précision qu’on lui prête ici, mais encore parce que la circoncision n’était pas, selon la loi cérémonielle des Juifs, réservée aux petits enfants seuls, mais qu’elle était exigée des païens adultes qui embrassaient le judaïsme.
On ajoute, il est vrai, que si le judaïsme était si soucieux d’imprimer, par la circoncision, sa marque sur les petits enfants pour les agréger ainsi visiblement à la communauté sainte d’Israël, il n’était guère possible que le Christianisme naissant, avec sa doctrine de l’Eglise corps du Christ et avec sa sollicitude pour les enfants, « saints » comme les adultes (1Co 7.14), n’ait pas eu la même préoccupation et n’ait pas étendu le baptême aux nouveau-nés. Nous savons, certes, que c’est à des vœux semblables que l’Eglise donna satisfaction à l’époque, quelle qu’elle soit, où elle commença à baptiser les enfants ; mais aucun texte ne nous autorise à affirmer qu’elle le fit dès la première heure. Il est vrai qu’aucun ne nous permet davantage de le nier. Ici encore, la Bible ne répond pas à nos questions.
Formule. — On sait quelle est la formule traditionnelle du baptême chrétien, administré « au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ». Cette formule apparaît de très bonne heure dans l’Église où l’on n’a cessé de la justifier par le texte Matthieu 28.19. Nous avons vu ce qu’il faut penser de ce texte. A ce que nous avons dit de sa forme originelle la plus probable, nous devons ajouter maintenant que la formule trinitaire n’apparaît nulle part dans la pratique du baptême telle qu’elle nous est décrite dans le Nouveau Testament et particulièrement dans le livre des Actes des Apôtres. Dans tous les cas où une formule baptismale est indiquée, cette formule ne mentionne que Jésus seul. On baptisait alors « au nom de Jésus-Christ » (Ac 2.38 ; 10.48) ou « au nom du Seigneur Jésus » (Ac 8.16 ; 19.5 ; comparez 1Co 1.13 ; Romains 6.3 ; Galates 3.27). Aucun indice ne nous permet de conclure à l’emploi d’une autre formule dans l’Eglise primitive.
Signification. — C’est surtout Paul qui nous renseigne sur la signification du baptême pour les premiers chrétiens.
1° Le baptême est le signe de l’union mystique du chrétien avec le Christ mort et ressuscité, le symbole d’une mort et d’une résurrection spirituelles (Romains 6.1 ; Colossiens 2.11) et même d’une identification morale avec le Christ (Galates 3.27).
2° Le baptême est accompagné du don du saint Esprit (1Co 12.12).
3° Il signifie l’agrégation au corps du Christ qui est l’Église (ibid.).