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Ce terme est bien connu des lecteurs du Nouveau Testament, et chacun sait qu’il désigne une portion de l’élite religieuse du peuple juif au temps de Jésus. Mais les indications des Evangiles sont trop incomplètes pour nous donner une idée exacte du rôle que ces hommes ont joué dans l’histoire. Il est nécessaire de les compléter par les renseignements que nous fournissent les écrits des rabbins et des scribes (les Talmuds), ainsi que ceux de l’historien Josèphe. — On comprend alors que les Pharisiens ne formaient pas ce qu’on appelle une secte religieuse, car ce terme implique une dissidence de ceux auxquels on l’applique par rapport à la croyance ou à la pratique religieuse des adeptes de la même foi. Telle n’était en aucune mesure ta position des Pharisiens qui furent, depuis la première heure jusqu’à la fin, les plus fidèles représentants, les plus stricts défenseurs de l’orthodoxie juive. Ils ne se distinguaient de la masse des croyants que par cette attitude de farouche conservatisme. Le but qu’ils assignaient à leur effort spirituel était de maintenir et de renforcer l’autorité de la Loi mosaïque au sein de la nation. C’est ainsi que Jésus comprenait leur position quand il disait : « C’est dans la chaire de Moïse que sont assis les Scribes et les Pharisiens : observez donc ce qu’ils vous disent et faites-le ; mais n’imitez pas leurs œuvres, car ils disent et ne font pas » (Mat 23.2). Les Pharisiens étaient donc un parti religieux plutôt qu’une secte.
Ils avaient déjà une longue histoire à l’époque de Jésus. Pour saisir l’origine de leur mouvement, il faut remonter jusqu’au lendemain des temps d’Esdras et de Néhémie. Les hommes dévoués et sincères qui continuèrent l’œuvre de ces réformateurs, les Hassidim (les Pieux ou Dévots), furent amenés, après la conquête de la Palestine par Alexandre le Grand, à combattre la civilisation grecque qui s’infiltrait dans la nation juive et menaçait, pensaient-ils, de ruiner l’œuvre de reconstruction qui était leur héritage. Les partisans de la culture grecque étaient nombreux (voir Sadducéens). Les partisans de la fidélité à la tradition s’organisèrent fortement pour les combattre : les Hassidim s’appelèrent, à partir du milieu du IIe siècle avant J.-C., les Pharisiens, c’est-à-dire les Séparés. Au temps de Jésus, la haine du Grec avait fait place, dans leur cœur, à la haine du Romain.
L’histoire de la lutte de ces deux partis est trop longue pour être racontée ici. Il suffira de dire que la tendance des Pharisiens finit par l’emporter et qu’à l’époque évangélique des Sadducéens, affaiblis, ne comprenant plus guère que la caste des prêtres, étaient relégués dans le Temple d’où ils ne sortaient plus. La lutte entre les deux partis n’était plus qu’une lutte d’école, faite d’âpres discussions théologiques.
Ce qui distinguait particulièrement la doctrine pharisienne de celle des Sadducéens, c’était leur attachement à la Tradition. Au cours des siècles, la Loi écrite avait été grossie d’innombrables traditions orales, qui en étaient le commentaire ; commentaire plus volumineux, quand il fut à son tour mis en écrit, que la Loi primitive, et devenant toujours plus volumineux à mesure que les écoles de scribes et de rabbins, non contents du commentaire, entreprenaient le commentaire du commentaire. Or, les Pharisiens tenaient cette énorme masse de la tradition pour aussi sainte et aussi contraignante que la Loi elle-même. Et s’il semblait y avoir parfois quelque contradiction entre la Loi et la Tradition, certains Pharisiens étaient d’avis qu’il fallait donner la préférence à la Tradition. Ainsi s’expliquent les paroles bien, connues de Jésus : « Et vous, pourquoi transgressez-vous, au profit de votre Tradition, le Commandement de Dieu : Honore ton père et ta mère ? » (Mat 15.1-10).
Entre les mains des Pharisiens, la Loi était ainsi devenue un code formidable et minutieux, aux exigences innombrables, amplifié d’une casuistique dont les discussions nous paraîtraient aujourd’hui le comble du ridicule (voir : Sabbat) si nous ne savions pas que Jésus est mort pour avoir établi la glorieuse liberté des enfants de Dieu en face de ce monument effrayant d’oppression spirituelle et de bigoterie religieuse. Un mouvement dont tes origines étaient pures s’achevait dans l’épanouissement du formalisme le plus aveugle et parfois de l’hypocrisie la plus caractérisée (Mt 23).
Que les Pharisiens, contrairement aux Sadducéens, aient cru à la Résurrection des Justes, qu’ils aient attendu l’apparition d’un Messie temporel et politique et qu’ils aient favorisé le développement de la Synagogue (voyez ce mot), ne suffit pas à contrebalancer l’influence néfaste exercée par leurs doctrines sur le peuple juif. Ce qui peut être dit de meilleur pour leur défense, c’est qu’un petit nombre d’entre eux, sincères et clairvoyants, furent les amis de Jésus.