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En hébreu (langue de l’Ancien Testament) et en grec (langue du Nouveau Testament) les mots que nous traduisons par ange signifient messager et s’appliquent aussi bien aux hommes qu’à des êtres surhumains.
Dans les parties de l’Ancien Testament écrites avant l’Exil, il est extrêmement rare qu’il soit question d’anges (au pluriel); mais il est souvent fait allusion à l’Ange de Yahvé ou à l’Ange de Dieu (au singulier).
Quand on étudie les textes où apparaît cet Ange, on s’aperçoit que les anciens Israélites n’en avaient pas une représentation bien précise. Quelquefois l’Ange de Yahvé est vraiment un messager, parti d’auprès de Dieu, parlant en son nom et parlant de lui à la troisième personne ; tel est le cas dans l’histoire d’Agar, où l’Ange dit à la femme : « Dieu a entendu la voix de l’enfant » (Ge 21.17) Dieu est resté au séjour de sa divinité et a délégué son serviteur auprès d’Agar. Mais il est très rare qu’il y ait, dans l’esprit du narrateur, une distinction aussi nette entre Yahvé et son Ange. Il semble que les auteurs de ces vieux récits aient considéré l’Ange comme une sorte de double de la divinité, comme une manifestation de Dieu à peine distincte de Dieu lui-même. Cette curieuse conception se trahit même dans un récit comme celui que nous venons de citer, où Dieu et l’Ange semblent bien être deux, et où le lecteur attentif s’étonne cependant de constater qu’à un certain moment de la narration il n’est plus question de l’Ange, comme interlocuteur d’Agar, mais de Dieu lui-même.
Il en est très souvent de même ailleurs il semble, dans bien des récits; que l’apparition divine soit appelée indifféremment Ange ou Dieu. — Dans le livre des Juges il nous est dit que l’Ange de Yahvé vint s’asseoir sous le térébinthe d’Ophra pour annoncer à Gédéon l’aide et le secours de Dieu. Gédéon répond avec découragement que, loin de secourir son peuple, Dieu l’a visiblement abandonné. Alors, continue le narrateur, « Yahvé se tourna vers lui et lui dit : Va ! avec cette force que tu as » (Juges 6.14) ! Dieu a-t-il subitement pris la place de son messager ? Non, mais le messager est, en quelque sorte, Dieu lui-même. — Dans le livre de l’Ex nous voyons l’Ange de Yahvé apparaître à Moïse « dans une flamme de feu, au milieu d’un buisson », et, plus loin, c’est Dieu lui-même qui l’appelle du milieu du buisson, (Exode 3.4). — Dans le livre de la Genèse au récit du sacrifice d’Isaac, l’Ange de Yahvé dit : « Je le jure par moi-même, — parole de Yahvé » (Ge 23.15-16 ; comparez Ge 16.13 ; 31.13 ; 48.15-16 ; Juges 2.1 ; 13.22 ; Esa 63.9). — On croyait évidemment que Yahvé était, de quelque manière, présent en son Ange, et c’est ce que l’on voulait exprimer en disant que le nom de Yahvé résidait en lui (Ex 23.21 ; voir le mot nom).
Le développement de cette conception ne se lit pas dans le sens d’une identification toujours plus grande de Dieu et de son Ange pour aboutir à l’idée que Dieu lui-même et Dieu seul se manifeste directement à l’homme ; elle se fit au contraire dans le sens d’une distinction toujours plus nette entre Yahvé et son messager. Et il eut des raisons pour cela. Les Hébreux primitifs, en effet, comme les Israélites des temps postérieurs, avaient un très vif sentiment que Dieu était invisible, inabordable et que sa proximité ou sa présence réelle consumerait comme un feu les hommes pécheurs, il devait paraître moins inadmissible et moins dangereux d’entrer en contact avec son Ange, même si quelque chose de la divinité résidait en lui. Et c’est pourquoi l’on a pu émettre l’hypothèse que, dans plusieurs des récits que nous avons cités, la tradition primitive faisait intervenir Yahvé en personne et Yahvé seul : l’Ange aurait été introduit plus tard dans le récit pour le rendre moins choquant, et le correcteur, par négligence, aurait laissé subsister par endroits la mention de Dieu sans lui substituer celle de l’Ange.
Une seconde raison peut encore expliquer cette substitution de l’Ange à Dieu. On crut pendant assez longtemps, après la conquête de Canaan, que Dieu résidait, comme à l’origine, au mont Sinaï. C’est, de là, pensait-on, qu’il pouvait, à l’occasion, venir au secours de son peuple comme il l’avait fait aux jours fameux de Débora (Juges 5.4). Mais il était naturel, dans les idées de ce temps, de penser que pour l’ordinaire des rapports entre Yahvé et Israël un messager devait suffire à ce Dieu lointain.
Ces deux raisons qui tendaient à bannir la pensée d’une manifestation directe de Dieu à son peuple ont trouvé leur expression dans une tradition relative aux ordres que Moïse reçut de Yahvé au Sinaï : « Yahvé dit à Moïse : Va, pars d’ici, toi et le peuple que tu as fait sortir du pays d’Egypte ; monte vers le pays que j’ai juré de donner à Abraham, à Isaac et à Jacob... J’enverrai devant toi un ange, ...mais je ne monterai point au milieu de toi, de peur que je ne te consume, car tu es un peuple au cou raide » (Ex 33.1-3).
Parmi les vieux récits de la Bible, trois seulement, plus récents d’ailleurs que les autres, parlent d’anges au pluriel : celui du songe de Jacob (Ge 28), où « les anges de Dieu » montent et descendent sur l’échelle mystérieuse (ce qui semble impliquer qu’on ne les conçoit pas comme des êtres ailés) ; celui, probablement écourté, qui mentionne, sans aucun détail, une rencontre de Jacob avec « des anges de Dieu » lors de son retour en Canaan (Ge 33.1) ; enfin celui qui raconte la destruction de Sodome (Ge 18-19), où les anges sont tantôt deux, tantôt trois, sont souvent appelés des « hommes » et disparaissent parfois, comme l’Ange unique, pour faire place à Yahvé seul.
Le développement de la conception primitive s’est donc accompli dans le sens de la pluralité d’abord, puis de la multiplicité des anges. Cela était d’autant plus naturel que les Heb depuis les temps les plus anciens, croyaient à l’existence de beaucoup d’êtres surhumains qui n’étaient pas, à l’origine, des anges, parce que ce nom implique une sujétion absolue à Dieu, mais qui furent, dans la suite, incorporés les uns après les autres dans les rangs des serviteurs célestes de la divinité. Voici quelques-uns de ces êtres surnaturels, qui, selon l’âge des récits où ils paraissent, deviendront ou sont déjà devenus, dans la pensée de l’époque, des anges de Dieu : les « fils de Dieu », êtres divins assurément, le nom l’implique, mais qui (dans Ge 6.1-3) ne nous sont pas présentés comme accomplissant la volonté de Dieu ; — les « séraphins » (voyez ce mot) qui jouent, dans le seul passage où ils soient mentionnés (Esa 6), le rôle de serviteurs de Yahvé ; — les « chérubins » (voir ce mot) qui sont les gardiens des choses saintes telles que l’arbre de vie (Ge 3.24) et l’arche (1Ro 6.23-28) ; — dans la vision du prophète Michée (1Ro 22.19), Yahvé, assis sur son trône, est entouré de « toute l’Armée des cieux » (voir Dieu des Armées et Ciel) ; l’un des êtres qui la composent se charge de devenir pour Achab un esprit séducteur (comparez avec Satan et voyez ce mot) ; — dans Josué (Jos 5.13-15) cette Armée de Dieu est sous les ordres d’un « capitaine » ; — il est probable que les « chars » et les « chevaux de feu », mentionnés dans 2Ro 2.12 ; 6.17, étaient conçus comme appartenant à cette Armée céleste ; — il est également question d’un messager de mort, « le Destructeur », qui peut remplacer Dieu lorsqu’il s’agit pour celui-ci de châtier des coupables (Ex 12.23 ; 2Sa 24.16-17) et qui parfois n’est autre que cet Ange de Yahvé dont nous avons, parlé (2Ro 19.35).
Mais c’est surtout à l’époque de l’Exil et dans les temps qui suivirent que les. Israélites firent aux anges une place considérable dans leurs croyances, soit. sous l’influence d’autres religions, comme celle des Perses, avec lesquelles les juifs étaient entrés en contact, soit par le développement d’une tendance naturelle à donner à Dieu un caractère de plus en plus transcendant.
On voit alors disparaître définitivement l’idée que Dieu peut se manifester à l’homme sous une forme visible (comme dans Ex 24.10 ; 33.11 ; Ge 32.20). Désormais le terme Ange de Yahvé désigne un être complètement distinct de Dieu, comme on le constate, par exemple, dans le récit de la vision de Zac où l’Ange parle à Yahvé et où Yahvé lui répond (Zac 1.12-13). Et il devient de plus en plus rare, d’ailleurs, qu’on entende parler d’un être particulier auquel seul appartienne ce nom d’Ange de Yahvé. On parle des anges (au pluriel) : « Bénissez Yahvé, vous ses anges, héros vaillants qui exécutez ses ordres (Psaume 103 20).
Ce n’est plus directement, mais par l’intermédiaire de ces anges que Dieu communique avec l’homme. Ezekiel il est vrai, aura encore tantôt une révélation directe (Eze 44.2), tantôt la visite d’un ange (Eze 40.3) ; mais Zacharie et Daniel n’entendront plus la voie de Dieu que par la bouche de ses messagers. Les mêmes anges qui parlent à l’homme de la part de Dieu, pourront, à l’occasion parler à Dieu en faveur de l’homme malheureux ou coupable : « S’il se trouve pour lui un ange intercesseur, — l’un d’entre les mille qui indiquent à l’homme le chemin qu’il doit suivre, — alors Dieu a compassion de lui et il dit à l’ange : délivre-le, afin qu’il ne descende pas dans la fosse » (Job 33.23).
Les anges sont innombrables (Daniel 1.10) et sont répartis suivant une hiérarchie (Daniel 10.13,21 ; 12.1). Leurs chefs seront appelés, plus tard, en langue grecque, les archanges (1Th 4.16 ; Jude 1.9). Michel et Gabriel sont les noms de deux d’entre eux (Daniel 10.13, 21 ; 12.1). La théologie postérieure en comptera sept et donnera leurs noms (Raphaël, Uriel, etc.). Il y a des anges qui sont les protecteurs de certains peuples (Daniel 4.10 ; 10.12-13). Leur aspect est éblouissant et leur voix est semblable au tonnerre (Daniel 10.5ss).
Il ne semble pas que la croyance aux anges ait été partout accueillie avec une égale faveur en Israël. Plusieurs des livres de l’Ancien Testament n’y font aucune allusion. A l’époque de Jésus, c’était un sujet de controverse. Les Pharisiens croyaient aux anges (ainsi que la masse du peuple) : Les Sadducéens n’y croyaient pas (Ac 23.8 ; voyez Sadducéens).
Jésus n’a pas combattu la croyance populaire, mais il n’a pas prononcé une seule parole exprimant la pensée que les anges puissent intervenir dans la vie actuelle des hommes. Il n’en parle que pour dire ce qu’ils sont dans le monde supérieur où ils résident : ils ne se marient pas (Mt 22.30) ; ils ne savent pas toutes choses (Mt 24.36) ; ils se réjouissent de la repentante des pécheurs (Luc 15.10) ; ils accompagneront le Fils de l’Homme à son retour glorieux (Mt 16.27). Nous ne voyons jamais Jésus encourager l’idée, très populaire à cette époque, que les anges sont les intermédiaires prédestinés des révélations de Dieu. Il la combat implicitement, au contraire, en se présentant lui-même comme le seul révélateur (Matthieu 11.27), en annonçant à ses disciples que lui-même sera toujours avec eux (Mat 28.20) pour les instruire (Luc 21.15), ou en leur promettant les inspirations de l’Esprit saint (Jean 14.17,26 ; 15.26). L’apôtre Paul met ses lecteurs en garde contre le culte que certains rendaient aux anges (Colossiens 2.18).