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Arche
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet
Westphal Bost

Arca. Le mot français arche, que l’usage a conservé, est très-impropre pour signifier ce que l’Écriture entend par arca.

Arche de L’alliance>

Ce terme latin signifie proprement un coffre, et c’est la vraie signification de l’hébreu aran, aron, arca, que Moïse emploie pour désigner le coffre dans lequel on mit en dépôt les tables où étaient écrites les paroles de l’alliance, ou les dix principaux commandements de la loi.

Ce coffre était de bois de séthim, couvert de lames ou de feuilles d’or, ayant deux coudées et demie de long, une coudée et demie de large, et une coudée et demie de haut. Elle avait tout autour par le haut une petite espèce de couronne d’or, et deux chérubins étaient attachés au couvercle du coffre. Aux deux côtés de ce coffre il y avait quatre anneaux d’or, deux de chaque côté, dans lesquels on passait des bâtons pour aider à la porter dans les marches du désert. Voilà ce que c’était que l’arche d’alliance, un coffre précieux où l’on mettait les deux tables de pierres écrites de la main de Dieu.

Après le passage du Jourdain, l’arche demeura quelque temps à Galgal, de là elle fut placée à Silo. Elle était en ce lieu-là, lorsque les Israélites la firent venir pour livrer la bataille aux Philistins, et c’est alors qu’elle tomba entre les mains des ennemis. Les Philistins, accablés sous la main du Seigneur qui s’appesantissait sur eux, renvoyèrent l’arche, et elle fut mise à Cariath-ïarim. On la vit ensuite à Nobé sous Saül. David la transporta de Cariath-ïarim, dans la maison d’Obédédom ; de là dans son palais à Sion, et enfin Salomon la fit venir dans le temple qu’il avait fait bâtir dans Jérusalem.

Depuis Moïse jusqu’au temps de Salomon et de la construction du temple, il fut assez ordinaire de porter l’arche d’alliance dans l’armée d’Israël. Elle demeura toujours au milieu du camp dans le désert. Lorsque les Hébreux voulurent, contre le commandement du Seigneur, s’avancer vers la terre de Chanaan, il est remarqué que l’arche et Moïse ne quittèrent pas le camp (Nombres 14.44). Josué mena ordinairement avec lui ce gage précieux de la protection du Seigneur. Les Israélites ayant été mis en fuite par les Philistins, du temps du grand-prêtre Héli (1 Samuel 4.4-5) ; les Anciens du peuple firent venir l’arche du Seigneur. Sa venue remplit d’allégresse le camp d’Israël, et jeta les Philistins dans la consternation. Mais Dieu permit que l’arche fût prise, et Israël mis en déroute, en punition des crimes des prêtres et du peuple. L’arche était apparemment à Galgal, lorsque Saül y offrit des holocaustes (1 Samuel 13.9), puisque ce prince, peu de temps après, dit à Achias de consulter le Seigneur devant son arche (1 Samuel 14.18-19). David avait eu soin qu’on la portât au siège de Rabbath, où était l’armée d’Israël, puisque Urie disait (2 Samuel 11.11) : L’arche de Dieu, Israël et Juda, sont sous des tentes, et moi, j’irais dans ma maison ! Enfin David-étant contraint de se sauver devant Absalom, le prêtre Sadoc lui apporta l’arche ; mais David la fit reporter à Jérusalem (2 Samuel 14.24). Les païens portaient dans leurs armées leurs divinités et ce qu’ils avaient de plus sacré, comme les Hébreux y portaient l’arche qu’ils regardaient comme le trône du Seigneur. Les Philistins portaient aussi leurs dieux dans leur camp (1 Chroniques 14.12), et les Israélites des dix tribus (2 Chroniques 13.8) leurs veaux d’or.

Voici maintenant sur ce que devint l’arche.

Elle demeura dans le temple avec le respect convenable jusqu’aux derniers rois de Juda, qui, s’abandonnant à l’idolâtrie, osèrent placer leurs idoles jusque dans le lieu saint : Alors les prêtres ne pouvant souffrir cette profanation, prirent l’arche du Soigneur et.la portèrent de lieu en lieu pour la soustraire à la fureur de ces princes impies. Josias leur ordonna de la remettre dans le sanctuaire (2 Chroniques 35.3), et leur défendit de la porter par le pays, comme ils avaient fait jusqu’alors.

Quelque temps avant la captivité de Babylone, Jérémie prévoyant les malheurs qui devaient arriver à sa nation, et éclairé d’une lumière surnaturelle, transporta le tabernacle et l’arche d’alliance (2 Machabées 2.4-9) dans une caverne de la montagne où Moïse avait monté peu avant sa mort, et d’où il avait vu l’héritage du Seigneur. Jérémie alla à cette montagne, cacha dans une caverne ces sacrés dépôts ; et les prêtres qui l’accompagnaient ayant voulu marquer l’endroit pour s’en souvenir, ne le purent jamais retrouver. Le prophète les reprit de leur curiosité, et leur déclara que ce lieu demeurerait inconnu, jusqu’à ce que le Seigneur rassemblât son peuple dispersé, et se réconciliât avec lui. On doute avec raison que l’arche d’alliance ait été rétablie dans le temple depuis le retour de la captivité de Babylone.

Les Thalmudistes racontent que Salomon ayant appris par révélation, qu’un jour les Assyriens bruleraient le temple qu’il avait bâti, et enlèveraient les choses précieuses qu’il y avait mises, fit faire sous terre une cache secrète, où l’on pouvait mettre, en cas de besoin, les ornements les plus précieux et les choses les plus sacrées du temple pour les dérober à la connaissance des ennemis. Josias, prévoyant les maux qui allaient fondre sur la nation des Hébreux, cacha dans ce lieu l’arche d’alliance, la verge d’Aaron, le vase de la manne, le pectoral du grand-prêtre, et l’huile sainte. Mais, pendant la captivité de Babylone, les prêtres ayant perdu la connaissance du lieu où ces choses avaient été cachées ; on ne les revit plus depuis, et elles ne se trouvèrent pas dans le second temple.

D’autres assurent que Nabuchodonosor emporta l’arche à Babylone, et qu’elle, était du nombre des autres vases précieux qu’il enleva du temple. Il y en a qui croient que le roi Manassès ayant placé des idoles dans le temple, en ôta l’arche ; qui n’y fut plus rétablie depuis son règne. L’auteur du quatrième livre d’Esdras fait dire aux Juifs de la captivité que l’arche du Testament a été prise par les Chaldéens dans le pillage du temple.

La Gemare de Jérusalem et celle de Babylone reconnaissent que l’arche d’alliance est une des choses gui manquaient au Second temple ; après le retour de la captivité de Babylone. Les Juifs se flattent qu’elle paraîtra de nouveau avec le Messie qu’ils attendent. Mais Jérémie (Jérémie 3.16), parlant du Messie et de la vocation des gentils à la foi, dit qu’alors on ne parlera plus de l’arche du Seigneur, qu’on n’y pensera plus, qu’on ne s’en souviendra plus. Esdras, Néhémie, les Machabées, Josèphe, ne font jamais mention de l’arche d’alliance dans le second temple ; et Josèphe même dit expressément qu’à la prise de Jérusalem par Tite, il n’y avait rien du tout dans le sanctuaire.

Saint Épiphane raconte, sansiloute sur l’ancienne tradition des Juifs, que Jérémie, prévoyant la ruine prochaine du temple, porta l’arche d’alliance dans une caverne, et obtint par ses prières qu’elle fût enfoncée et absorbée dans le rocher, en sorte qu’elle ne parût plus. Alors dit aux prêtres et aux anciens qui l’accompagnaient : Le Seigneur est monté de Sion dans les cieux, d’où il doit descendre un jour avec son armée céleste ; et le signe de sa venue sera lorsque toutes les nations adoreront le bois. Nul ne pourra découvrir cette arche, sinon Moïse, le prophète du Seigneur ; et nul prêtre ni nul prophète n’ouvrira les tables qui y sont renfermées, si ce n’est Aaron, l’élu de Dieu. Mais dans la seconde résurrection, cette arche s’élèvera et sortira du rocher, sera placée sur la montagne de Sina, et tous les saints s’assembleront autour d’elle ; attendant le retour, du Seigneur et.cherchant à se garantir de l’ennemi qui la voudrait prendre. Jérémie en même temps scella la pierre, en écrivant avec ses doigts sur la place le nom de Dieu, de même que si on l’eût taillé avec le fer. Dès ce moment, une nuée ténébreuse parut sur le nom de Dieu ; et l’a tenu caché jusqu’à ce jour ; de manière que nul n’a pu ni découvrir l’endroit, ni lire ce nom divin. On voit encore toutes les nuits cette nuée toute lumineuse sur la caverne, comme pour montrer que la gloire du Seigneur ne quitte point sa loi et le rocher est entre les deux montagnes où moururent Moïse et Aaron.

Josèphe, fils de Gorion, qui avait vu les livres des Machabées, après avoir raconté que Jérémie avait caché l’arche et les voiles du tabernacle de Moïse, fait dire à Jérémie ces paroles aux prêtres qui l’avaient suivi, et qui voulaient savoir le lieu où ces choses étaient cachées : Le Seigneur a juré qu’aucun homme ne connaîtrait ce lieu et ne le découvrirait, jusqu’à ce que le prophète Isaïe et moi revenions au monde : alors nous replacerons l’arche dans le sanctuaire et sous les ailes des chérubins. Enfin les rabbins s’accordent à dire que l’arche ne parut plus depuis la captivité de Babylone, et qu’on mit à sa place, dans le sanctuaire, la pierre du fondement, qu’on croit être le centre de la montagne sainte. Les Pères et la plupart des commentateurs chrétiens conviennent avec les Juifs, en ce point, que l’arche ne fut point retrouvée après la captivité. On peut, voir notre Dissertation sur cette matière, à la tête du livre des Machabées, et celle de Frischmut, De non speranda aroce foederis restitutione.

Outre les tables de l’alliance que Moïse mit dans le coffre sacré, le Seigneur ordonna aussi qu’on y mît la verge d’Aaron qui fleurit (Nombres 17.10), et le gomor plein de manne (Exode 17.33 Hébreux 9.3-4) qu’on ramassa dans, le désert. Tertullien veut qu’on y ait mis.aussi les douze pierres que l’on tira du fond du Jourdain, lorsque les Israélites le passèrent, à pied sec (Josué 4.4-5). Les mahométans assurent qu’on y conserva aussi un des souliers de Moïse, dont il se déchaussa devant le buisson ardent (Exode 3.5) ; qu’on y conservait de plus la tiaré pontificale d’Aaron, un morceau du bois nommé Alouah, dont Moïse s’était servi pour adoucir les eaux de Mara. Ils, ajoutent que cette arche avait été donnée de Dieu toute faite à Adam, et qu’elle était passée de main en main, et de patriarches en patriarches jusqu’à Moïse ; que, tous les portraits des patriarches et des prophètes étaient représentés autour de l’arche, et que la Schekinath, ou la majesté de Dieu reposait, sur cette arche, qu’au temps de guerre, il sortait de l’arche un vent impétueux, qui fondait sur les ennemis d’Israël et les défaisait entièrement ; que c’est pour cela faisaient souvent marcher l’arche d’alliance à la tête de leurs armées.

Les païens avaient aussi dans leur religion, des coffrets, ou cistes, dans lesquels ils serraient ce qu’ils avaient de plus sacré. Apulée dit que, dans certaines processions profanes qu’on faisait en Égypte, on voyait, un porte-coffre, qui tenait une cassette renfermant ce qu’il y avait de plus superbe dans la religion. Plutarque, dans son livre intitulé d’Isis et d’Osiris, dit à-peu-près la même chose. Pausanias parle d’un coffre dans lequel les Troyens serraient leurs mystères, et qui, ayant été pris au siège de Troie, échut en partagé à Euripile. Les anciens Hétrusciens avaient aussi des cistes parmi leurs vaisseaux sacrés : les Grecs et les Romains avaient le même usage ; mais souvent ces cassettes ne renfermaient que des choses honteuses, profanes, superstitieuses et ridicules, au lieu que l’arche du Seigneur contenait les choses du monde les plus sacrées et les plus sérieuses, savoir les tables de la loi de Dieu, etc [M. Victor Rennequin dit nettement que l’arche d’alliance n’était qu’une copie de la bari des Égyptiens. Je réponds nettement à M. Victor Rennequin que c’est une de ses assertions qui ne méritent pas de réfutation sérieuse. Nous avons vu ci-dessus, à propos des Hébreux qui avaient la coutume de porter l’arche dans leurs armées, que les païens portaient, aussi dans leurs guerres des objets sacrés. L’histoire constate cet usage ; mais je n’y trouve aucun document qui nous révèle son introduction chez les païens antérieurement aux Hébreux. La mythologie nous offre plusieurs traits que les poètes semblent avoir empruntés de J’arche d’alliance. Delort de Lavaur, en a fait ressortir quelques-uns.

L’arche d’alliance, espèce de coffre fait d’un bois incorruptible, par l’ordre et suivant le modèle que même en avait donné, et dont, les prodiges étaient célèbres, a fourni plusieurs idées à la fable. Les Israélites la gardaient religieusement comme un gage de la protection de Dieu ; battus par les Philistins, ils la tirèrent du lieu où elle était gardée… ; elle fut prise, et l’on compta dès-lors qu’Israël ; en perdant, avait perdu toute sa force et toute sa gloire.

De là S’est formé le fameux palladium (effigie de Minerve) ; envoyé du ciel, placé au haut du temple qu’on avait bâti dans Troie à Cette déesse. Les oracles avaient prédit que cette ville serait imprenable tant qu’elle conserverait ce gage de là protection de la déesse, et que les Troyens seraient perdus dès qu’ils le laisseraient emporter l’arche, dont la prise avait si fort réjoui les Philistins, devint, quand elle fut parmi eus, le sujet de leurs afflictions. Sa présence renversa leurs idoles ; les habitants de la ville d’Azot, où elle fut portée, furent frappés de plaies et de douleurs dans les parties secrètes du corps ; la ville et le voisinage étaient ravagés par la mort ; tous les lieux où on la promena en furent également frappés. Enfin, les Philistins se virent forcés de renvoyer l’arche chez les Israélites ; et, par l’avis de leurs prêtres et des devins, ils firent faire des figures d’or des parties dans lesquelles ils avaient été frappés, pour les offrir à Dieu, et lui demander grâce en renvoyant l’arche et ces figures avec tout l’honneur qu’ils purent imaginer. Ils la firent porter jusque chez les Bethsamites, qui la reçurent avec les plus vives démonstrations de joie. Les fléaux des Philistins cessèrent ; mais les Bethsamites ayant voulu considérer l’arche de trop près, le Seigneur en fit mourir cinquante mille (1 Rois 6). Voyons les copies dans la fable.

Pausanias, dans ses Achaïques, conte que les Grecs trouvèrent dans Troie une arche où l’effigie d’un Dieu était enfermée ; que cette effigie-avait été donnée à Dardanus par Jupiter même, et qu’Eurypyle, petit-fils d’Hercule, un des princes grecs, ayant ouvert ce coffre, par la curiosité de voir l’effigie, en avait d’abord perdu l’esprit ; sur quoi l’oracle de Delphes, consulté ; avait répondu que là où il trouverait des hommes qui sacrifieraient avec des cérémonies et un culte différent de ceux des autres nations (il ne pouvait entendre par là que les Juifs), il déposât cette arche et la dédiât à la divinité qui y serait représentée. Ce qu’Eurypyle ayant fait, fut remis dans son bon sens. On a aussi attribué les infortunes des principaux chefs des Grecs, persécutés des dieux, après la ruine de Troie, à l’enlèvement du palladium fatal ; qu’on fait rendre à Buée par Diomède, poussé sur les côtes d’Italie, et garder ensuite religieusement à Rome par, les Vestales.

Les fables ont ajouté, comme le remarque Bochard, que Bacchus, irrité contre les Athéniens qui ne l’avaient pas reçu avec assez de pompe, lorsqu’il leur fut porté de la Béotie, les avait frappés de maladies et de douleurs violentes dans les parties, secrètes de leur corps, et que tous ceux qui en étaient attaqués périssaient, jusqu’à ce que, par ordre d’un oracle, ils offrirent à ce Dieu des représentations des mêmes parties dans lesquelles ils avaient été frappés. Peut-on méconnaître dans ces copies l’original des maux envoyés aux habitants d’Azot et aux Bethsamites, et des remèdes que Dieu leur fit enseigner ?

La fable semble aussi avoir emprunté, des effets prodigieux de l’arche, l’idée du fameux cheval qui fit prendre Troie ; ce n’était qu’un grand coffre de bois, que Paléphate, très-ancien et docte grammairien égyptien ou grec, met au nombre des narrations fabuleuses, qui ne méritent aucune foi. À la seule approche de l’arche, les murailles de Jéricho tombèrent d’elles-mêmes, comme si les habitants eussent travaillé de leur côté à les renverser (Josué 6) ; les Israélites entrèrent dans la ville sans résistance ; ils firent un carnage horrible des habitants ; ils réduisirent la ville en cendres ; la seule Rahab, avec ses parents réfugiés chez elle, fut exempte de la ruine générale, comme on le lui avait promis, pour avoir favorisé les Israélites.

Sur cela la fable a imaginé ce cheval suggéré par la déesse de la Sagesse, comme l’arche avait été ordonnée par la Sagesse divine. Il avait aussi été prédit aux Grecs que le dernier coup fatal à la ville de Troie, d’où suivraient sa prise et sa destruction, devait venir d’un cheval de bois qui en renverserait les murs. Les habitants, qui voyaient sans frayeur approcher cette machine, parurent aider eux-mêmes à détruire les murs de leur ville pour l’y recevoir ; les Grecs, entrés sans obstacle, la mirent à feu, à sang ; les maisons, les temples et tous les édifices ne furent qu’un bûcher pitoyable. Enée et Anténor seuls furent sauvés dans leurs maisons avec ceux de leurs sujets qui s’y étaient réfugiés, parce qu’ils avaient été d’intelligence avec les Grecs. Le rapport de cette copie avec l’original est sensible.

Jetons les yeux sur la punition d’Oza, frappé d’une mort subite pour avoir eu la témerité de porter la main sur l’arche, lorsqu’elle parut chanceler, dans le temps que David (2 Samuel 6.6-7), avec tout le peuple, jouait des instruments et chantait en l’honneur de Dieu devant elle.

Considérons ce châtiment, duquel David et tout Israël furent effrayés, nous y reconnaîtrons sans difficulté l’original de la mort de Laocoon, qui, suivant la fable, courut sur la machine fatale et lui donna un coup qui la fit chanceler, pendant que tout le peuple troyen chantait des hymnes à la louange des dieux ; ce qui fut, dans l’instant, suivi de sa mort, par un châtiment qui épouvanta tous les Troyens. La fable, tournant cette aventure à son système, semble avoir voulu conserver dans le nom de Laocoon, qui veut dire une voix forte, le sens d’Oza, qui, en hébreu, signifie force. [Voyez Josué].

Arche de Noé

En hébreu Thébat, est une espèce de coffre. Le terme dont se sert Moïse pour l’exprimer, est différent du nom ordinaire qu’il emploie pour marquer un coffre. C’est le même terme hébreu, Thébat, qu’il emploie, lorsqu’il parle du petit vase de jonc, dans lequel il fut exposé sur le Nil. C’etait une manière de barque ou de nacelle, approchant de la forme d’un coffre. Les Anciens nous apprennent que les Égyptiens se servaient de nacelles de jonc, pour aller sur le Nil, et qu’elles étaient si légères, que quelquefois ils les portaient sur leurs épaules, lorsqu’ils rencontraient des chutes d’eau qui les empêchaient de passer.

À l’égard de l’arche de Noé, il y a toute apparence qu’elle avait la même forme que ces nacelles des Égyptiens. ; mais d’un volume infiniment plus grand. Elle avait trois cents coudées de long, cinquante de large et trente de haut. En prenant la coudée hébraïque à vingt pouces, ou presque vingt pouces et demi, mesure de Paris, l’arche de Noé devait avoir par dehors cinq cent douze pieds 32/89 de longueur, et quatre-vingt-cinq pieds 35/89 de largeur, et cinquante-un pieds 31/89 de hauteur ; et toute la capacité du vide de l’arche était de trois cent cinquante-sept mille six cents coudées cubes hébraïques ; et en ne prenant la coudée qu’à dix-huit pouces, sa longueur était de quatre cent cinquante pieds de long de soixante-quinze de large, et de quarante-cinq pieds de haut. Sa figure était d’un carré oblong, dont la couverture pouvait avoir quelque pente, afin de laisser écouler les eaux qui tombaient sur son toit. Sa longueur était telle, qu’il y a peu d’églises dans l’Europe qui soient plus grandes. Sa hauteur pouvait être partagée en quatre étages donnant trois coudées et demie au premier, sept au second, huit au troisième, et six et demie au quatrième, et laissant les cinq coudées restant des trente de hauteur, pour les épaisseurs du fond de comble, et des trois ponts ou planchers des trois derniers étages.

Le premier de ces étages pouvait être le fond, ou ce qu’on appelle la carène dans les navires. Le second pouvait servir de grenier ou de magasin. Le troisième pouvait contenir les étables ; et le quatrième les volières. Mais la carène ne se comptant point pour un étage, et ne servant que de réservoir d’eau douce, Moïse dit que l’arche n’avait que trois étages ; et si les interprètes y en mettent quatre, c’est qu’ils y comprennent la carène. Les étables servaient à loger les animaux à quatrepieds ; et les volières, à mettre les oiseaux. Quelques-uns mettent autant d’étables qu’il y avait de sortes d’animaux, ce qui n’est nullement nécessaire, puisqu’il y a plusieurs sortes d’animaux et d’oiseaux, qui peuvent fort bien vivre ensemble, et qui usent d’une même nourriture.

Le nombre des animaux qui devaient entrer dans l’arche n’est pas si grand qu’on pourrait se l’imaginer. Nous ne connaissons des animaux à quatre pieds, qu’environ cent trente espèces ; des oiseaux, de même cent trente espèces ; et des reptiles, au plus trente espèces. On ne connaît que six espèces d’animaux qui soient plus gros que le cheval. Il yen a peu qui lui soient égaux et il y en a un grand nombre qui sont bien moins grands, et qui sont même au-dessous de la brebis. En sorte que tous les animaux à quatre, pieds, y compris trois mille six cent cinquante brebis, que l’on met pour la nourriture des animaux carnassiers, n’occupent à-peu-près qu’autant d’espace que six-vingts bœufs, que trois mille sept cent trente brebis, et que quatre-vingts loups.

Des-oiseaux, il y en a peu qui soient plus gros que le cygne, et presque tous le sont moins.

Pour les reptiles, leur nombre n’est pas grand. La plupart sont petits. Il y en a aussi un grand nombre qui peuvent vivre longtemps dans l’eau, et qu’il ne fut pas nécessaire de faire entrer dans l’Arche.

On pouvait aisément loger tous les animaux à quatre pieds dans trente-six étables ; et tous les oiseaux dans autant de volières, en donnant à chacune des étables et des volières, vingt-cinq pieds et demi de long, vingt-neuf de large, et treize et demi de haut.

L’eau douce qui était dans la carène, pouvait être de plus de trente et un mille cent soixante-quatorze muids ; ce qui est plus que suffisant pour abreuver pendant un an quatre fois autant d’hommes et d’animaux qu’il y en avait dans l’arche.

Le grenier, ou magasin qui était dans le premier étage, pouvait contenir plus de provisions qu’il n’en fallait pour la nourriture de tous les animaux en un an, soit qu’ils vécussent tous de foin, de fruits et de légumes ; ce qui est très-probable dans cette conjoncture, n’y en ayant aucun qui ne puisse dans la nécessité se passer de viande ; soit qu’il y eût des brebis destinées pour la nourriture des animaux carnassiers.

Outre le logement des animaux et des oiseaux, et de leurs provisions, Noé put ménager dans le troisième étage trente-six loges pour serrer les ustensiles du ménage, les instruments du labourage, les grains, les semences pour ensemencer la terre après le déluge. Il s’y pouvait ménager une cuisine, une salle, quatre chambres, et un espace de quarante-huit coudées de longueur, pour se promener. On peut consulter l’ouvrage de M. le Pelletier de Rouen sur l’Arche de Noé, et celui de Jean Butéo, Anglais sur la même matière, et notre Commentaire sur la Genèse, 4.14.

On forme plus d’une difficulté sur l’arche de Noé. Par exemple, on demande combien de temps Noé fut à la bâtir. La plupart des interprètes croient qu’il fut six-vingts ans : on fonde ce sentiment sur ces mots de la Genèse (Genèse 6.3) : Mon esprit ne contestera plus avec l’homme ; ses jours seront de six-vingts ans. On a prétendu que Dieu en cet endroit voulait marquer qu’il n’y avait plus que six-vingts ans jusqu’au déluge, et qu’il fallut tout ce temps a Noé pour faire ses préparatifs, pour construire l’Arche, pour prêcher la pénitence aux hommes, pour ramasser les provisions et les animaux qui devaient entrer dans l’Arche.

Mais comment concilier cela avec ce qui est dit ailleurs (Genèse 5.32), que Noé était âgé de cinq cents ans lorsqu’il eut Sem, Cham et Japhet ? et lorsque Dieu lui ordonne de bâtir l’arche, il lui dit (Genèse 7.18) : Vous entrerez dans l’arche, vous et vos fils, votre femme et les femmes de vos fils. Noé avait donc alors non-seulement ses trois fils, qui ne naquirent qu’après l’an 500 ; de son âge ; mais ses fils étaient tous mariés, et toutefois il est certain que le déluge arriva l’an six cent de Noé. Il est donc impossible qu’il ait reçu l’ordre de bâtir l’arche six-vingts ans avant le déluge.

Quelques Pères répondent que les cinq cents ans de Noé marqués au chapitre 5.32 de la Genèse (Genèse 5.32) ; sont mis pour cinq, cent vingt ; un nombre rond pour un nombre rompu ; et que Noé avait réellement cinq cent vingt ans, quand Dieu lui commanda le bâtir l’arche. D’autres veulent que Dieu ait retranché vingt ans des six-vingts qu’il leur avait d’abord donnés pour faire pénitence, et que le déluge vint au bout de cent ans, au lieu qu’il ne devait venir qu’au bout de six-vingts ans.

Mais ces réponses ne sont que de simples conjectures avancées sans aucune preuve solide ; ce sont des peut-être qui ne sont pas capables de détruire des textes exprès et formels : de plus elles ne satisfont qu’à une partie de la difficulté ; reste toujours à savoir comment Noé, depuis l’âge de cinq cents ans jusqu’à vingt ans de là, a pu avoir ses trois fils et les marier, pour que Dieu pût lui dire : Vous entrerez dans l’arche, vous et votre femme, vos fils et leurs femmes. Il est bien difficile a croire qu’en ce temps que les hommes vivaient des huit et neuf cents ans, ils fussent nubiles dès l’âge de dix-sept à dix-huit ans. Enfin on peut dire que quand il est dit que Noé, âgé de cinq cents ans, engendra Sem, Cham et Japhet, il faut traduire, il avait engendré, au lieu de il engendra.

Aussi plusieurs commentateurs ne donnent à Noé pour bâtir l’arche que cinquante-deux ans, ou soixante-dix-huit ans ; d’autres, en donnent beaucoup moins. Les mahométans ne lui donnent que deux ans pour cet ouvrage. Ils ajoutent que Dieu lui montra l’arbre dont il devait se servir pour la structure de son vaisseau, qu’il le planta, et que dans vingt ans il devint d’une grosseur suffisante pour l’usage auquel on le destinait, après quoi Noé se mit à travailler à l’arche et l’acheva en deux ans ; c’est ce que disent les interprètes de l’Alcoran.

Quant à l’espèce du bois dont l’arche fut bâtie, l’Hébreu porte (Genèse 6.14), du bois de Gopher, les Septante, des bois équarrés, d’autres des bois de cèdre ou des bois de buis, ou des bois incorruptibles. Bochart soutient que Gopher signifie le cyprès ; dans l’Arménie et dans l’Assyrie, où l’on suppose avec raison que l’arche fut construite, il n’y a que le cyprès propre à faire un long vaisseau, comme était l’arche. Alexandre le Grand voulant faire une flotte, ne put, trouver de bois propre dans la Babylonie, il fut obligé de faire venir des cyprès d’Assyrie. D’autres croient que l’hébreu gopher signifie en général des bois gras et résineux, comme le pin, le sapin, le térébinthe. Le mot gophrit qui approche beaucoup de gopher, signifie du soufre, et qu’on peut étendre à là résine, à la poix et aux autres matières inflammables tirées du bois. Saint Jérôme traduit ici des bois taillés ; ailleurs il entend l’hébreu des bois enduits de bitume, ou des bois bitumineux, ligna bituminata. Les paraphrastes Onkélos et Jonathan et quelques autres, ont estimé que ce bois était le cèdre. Il faut convenir que la chose est indécise ; mais si j’avais à choisir un sentiment, je préférerais, celui qui l’entend du cyprès. On a vu ci-devant que les mahométans l’expliquent du sag, ou platane des Indes.

Ils croient de plus que Noé s’embarqua dans l’arche à Coufah, ou, selon d’autres, près du lieu où dans la suite on bâtit Babylone,. ou dans Ain-varda, dans la Mésopotamie ; d’autres le font embarquer dans les Indes, et veulent qu’il ait fait le tour du monde dans les six mois que dura le déluge.

Pendant que Noé était occupé à ce bâtiment, les pécheurs s’en raillaient en disant : À quoi bon bâtir un vaisseau en pleine campagne, et loin de l’eau ? Les autres lui disaient par une raillerie qui a passé en proverbe : Vous faites un vaisseau, faites-y donc venir l’eau. D’autres lui insultaient, en disant qu’après avoir fait longtemps le métier de laboureur, il était enfin réduit à celui de charpentier. Mais il leur répondait : J’aurai mon tour, et vous apprendrez à vos dépens qui est celui qui punit les méchants en ce monde, et qui leur réserve des châtiments dans l’autre.

La plus grande difficulté que l’on forme sur l’arche de Noé, roule principalement sur sa grandeur et sa capacité, et comment on a pu construire un vaisseau capable de contenir les hommes, les animaux et les provisions nécessaires pour l’entretien des uns et des autres pendant un an entier. Il a fallu pour résoudre ces difficultés, entrer dans de grands détails sur la grandeur de la coudée dont parle Moïse, sur le nombre des animaux qui entrèrentsdans l’arche, sur toutes les dimensions de ce vaste bâtiment ; et après l’examen, les supputations et les dimensions prises dans toute la plus grande précision géométrique, les plus savants et les plus exacts calculateurs, et les plus entendus en fait de bâtiments de mer, concluent que quand on aurait consulté les plus habiles mathématiciens pour régler les proportions des divers appartements de l’arche, ils n’auraient pu le faire avec plus de justesse que l’a fait Moïse ; et bien loin que ce que nous en dit l’histoire sainte fournisse des armes aux déistes pour affaiblir l’autorité des saintes Écritures, sa narration nous fournit au contraire des arguments pour la confirmer, puisqu’il paraît comme impossible qu’un homme au temps de Noé, où la navigation n’était pas encore perfectionnée, ait pu, par son propre esprit et par son invention, trouver cette justesse et cette régularité de proportions qui se remarquent entre les différents appartements de l’arche, et le but auquel ils étaient destinés. D’où il s’ensuit qu’on doit donc l’attribuer à l’inspiration de Dieu et à une lumière surnaturelle.

Quelques-uns ont formé des difficultés sur la figure carrée et oblongue de l’arche, mais ils n’ont-pas fait attention que ce bâtiment n’était pas fait pour voguer, mais simplement pour flotter, pour se tenir sur les eaux pendant un terme considérable, et pour conserver l’espèce des hommes, des animaux et des plantes qui y étaient renfermés ; de plus on peut leur prouver par des exemples qu’il n’était pas moins commode pour voguer que pour porter beaucoup. George Hornius, dans son Histoire des empires, rapporte qu’au commencement du siècle dix-septième, un nommé Pierre Hans de Horne fit construire deux navires sur le modèle et les proportions de l’arche, dont l’un avait six-vingts pieds de long, vingt de largeur, et douze de hauteur. Ces bâtiments eurent le même sort que celui de Noé, ils furent d’abord un sujet de raillerie et de risée à ceux qui les virent, mais l’expérience fit voir que ces bâtiments portaient un tiers plus que les autres, encore qu’ils n’eussent pas besoin d’un plus grand équige, qu’ils étaient meilleurs voiliers et qu’ils allaient beaucoup plus vite. Tout l’inconvénient qu’on y trouva, fut qu’on reconnut qu’ils n’étaient propres qu’en temps de paix, à cause qu’ils étaient incommodes pour le canon.

Le nombre des hommes et des animaux qui devaient entrer dans l’arche, fournit aux critiques une ample matière de dispute. Pour le nombre des hommes, si l’on s’en tenait au texte de Moïse et à celui de saint Pierre, il n’y aurait pas la moindre contestation, car Moïse dit expressément (Genèse 7.13) que Noé entra dans l’arche lui, sa femme, ses trois fils et leurs trois femmes ; et saint Pierre dit (1 Pierre 3.20) qu’il n’y eut que huit personnes sauvées des eaux du déluge. Mais l’esprit humain, fécond en imaginations et toujours curieux et inquiet, a bien su augmenter ce nombre. Quelques-uns ont cru rendre en cela service à Dieu, s’imaginant que huit personnes ne suffisaient pas pour subvenir aux besoins de tant d’animaux. D’autres se sont imaginé que ce serait donner des bornes trop étroites à la miséricorde de Dieu, que de dire qu’il n’avait sauvé du déluge que huit personnes. Mahomet, dans l’Alcoran dit que Noé étant monté sur le toit de l’arche, criait aux hommes incrédules : Embarquez vous au nom de Dieu ; et pendant qu’il leur disait ces choses, l’arche s’avançait et s’arrêtait par l’invocation du nom du Seigneur. Dieu lui avait ordonné de recevoir dans l’arche ceux qui s’y présenteraient, même les infidèles, mais il lui avait prédit qu’il y en aurait fort peu. Les interprètes mahométans croient, qu’outre les huit personnes dont nous avons parlé, il y en entra encore soixante-douze, tant des enfants des fils de Noé, que de leurs domestiques. Il n’y eut, selon le Coran, de toute la famille de Noé, que le seul Chanaan, son petit-fils, qui refusa d’y entrer, et qui fut englouti par les flots.

Quelques rabbins enseignent qu’un roi de Basan se sauva des eaux du déluge, s’étant mis à cheval sur le toit de l’arche ; d’autres veulent que Philémon, prêtre égyptien et sa famille s’y retirèrent avec Noé ; la sybille de Babylone dit qu’elle y fut préservée avec son mari. Fables.

Le nombre des animaux est sans comparaison plus difficile à fixer que celui des hommes. Moïse lui-même nous jette dans l’embarras, en disant : Vous ferez entrer dans l’arche de tous les animaux purs, sept, et sept, males et femelles, et de tous les animaux impurs, deux, et deux, males et femelles (Genèse 7.2). On forme sur ces paroles plusieurs questions : premièrement, quels étaient ces animaux purs et impurs, et secondement, si l’on en fit entrer dans l’arche quatorze de purs, et quatre d’impurs, ou seulement sept de purs, et deux d’impurs. Le texte hébreu lit : Vous prendrez des animaux purs sept, sept males et femelles, et des animaux impurs deux. Il ne met qu’une fois deux (male et femelle). Mais le texte samaritain, les Septante et la Vulgate lisent deux fois deux ; et l’Hébreu lui-même, au vers. 9 du chapitre 7 (Hébreux 7.9), lit deux fois deux, duo et duo ; ce qui laisse la difficulté, dans toute sa force, le texte pouvant également marquer sept et sept, c’est-à-dire, quatorze ; ou vous les ferez entrer par sept et par couple, ou deux à deux et sept à sept ; de même que dans l’Évangile il est dit que le Sauveur envoya ses disciples deux à deux (Marc 6.7), et qu’il fit asseoir les troupes par troupes, par troupes, et qu’elles s’assirent par rangs, par rangs (Marc 6.39-40), de cent et de cinquante ; c’est-à-dire, qu’ils s’assirent par rangs distingués de cent et de cinquante, et qu’ils s’en allèrent deux à deux, et non quatre à quatre.

Ce sentiment est suivi par Josèphe l’historien, par plusieurs Pères et par presque tous les commentateurs. Mais l’opinion contraire ne manque pas de défenseurs, et le texte original peut les favoriser. Il peut marquer : Vous les introduirez dans l’arche, quatorze animaux purs, ou sept paires,

Et s’ils sont impurs, deux paires, ou seulement une paire, deux et deux. Origène, l’auteur des Questions aux orthodoxes sons le nom de saint-Justin, Abestezta, Denis le Chartreux., Oleaster, et quelques autres, ont suivi cette dernière opinion.

Mais que doit-on entendre ici par le nom d’animaux, purs et impurs ? La distinction que Moïse a marquée dans la loi entre les animaux dont il était permis de manger, et ceux dont l’usage était illicite ; cette distinction était-elle connue et usitée dès avant le déluge, ou Moïse l’a-t-il marquée ici par anticipation ? Il y a apparence que cette distinction n’était pas inconnue à Noé, puisque, sans autre explication, Dieu lui dit de prendre un plus grand nombre d’animaux purs que d’animaux impurs ; et qu’à l’égard de Noé, les animaux purs et impurs étaient les mêmes qu’à l’égard des Juifs, puisque Moïse n’y distingue rien. Or, il paraît que sous le nom d’animaux purs en général on n’entendait que ceux que l’on pouvait offrir en sacrifice, comme le bœuf, le mouton, la chèvre et leurs espèces ; et quelques sortes d’oiseaux, comme la colombe la tourterelle, la poule, le moineau.

Dans l’usage de la vie, Moïse permet un plus grand nombre d’animaux ; mais je doute que, dans l’endroit que nous examinons, il l’aille étendre le nom d’animaux purs au delà de ceux que l’on sacrifiait. Le couple d’animaux immondes ne pouvait être que d’un mâle et d’une femelle : mais le septenaire des animaux purs pouvait être de deux mâles et de cinq femelles ; l’un des mâles était réservé pour le sacrifice, et l’autre pour la multiplication de l’espèce.

Nous nous sommes expliqué ci-devant sur le lieu où s’arrêta l’arche, dans les articles d’Arabat, et d’Apamee de Phrygie.

Le déluge universel est un fait universellement transmis de génération en génération partons les peuples ; les incrédules eux-mêmes reconnaissent la vérité de ce fait et de ce témoignage. Maintenant donc, de ces deux choses, une seule est vraie : ou un couple de chaque espèce d’êtres vivants fut préservé du déluge, ou il y eut après le déluge une création nouvelle. Personne n’a osé dire qu’il y eut une création nouvelle ; l’histoire, au contraire, nous apprend que Noé, sa femme, leurs trois fils, autant de brus, et un couple de chaque espèce d’animaux, furent préservés du cataclysme universel, au moyen d’un vaisseau fait exprès. On voit bien qu’aucun autre moyen ne pouvait être employé ; mais on a dit et on répète que, à en juger d’après les dimensions données à ce vaisseau par l’historien du déluge, il ne pouvait contenir un couple de chaque espèce d’animaux, avec les vivres nécessaires pendant un longtemps. Il me semble qu’il eût été plus raisonnable d’avouer qu’on ne comprenait point les mesures énoncées par l’historien, ou qu’on ne savait pas l’arithmétique. Mais voici un mathématicien, né en 1733, mort en 1815, M. Thévenard chef de construction, vice-amiral, ministre de la marine, sénateur, pair de France, et auteur de Mémoires relatifs à la marine, publiés en 1800, et formant 4. vol in-8°. Il s’exprime, sur la capacité de l’arche, dans les termes suivants :

Sa longueur était de 300 coudées, sa largeur de 50, et sa hauteur de 30.

Ces trois dimensions forment un volume cubique de 450 mille coudées, pour la capacité de l’arche. Or, la coudée hébraïque qui a servi, sans doute, pour ces mesures, était de vingt pouces, mesure de France.

Ainsi les 300 coudées donnent 500 pieds de long ; les 50 coudées, 83 pieds de large ; et les 30 coudées, 50 pieds de haut.

Ces trois dimensions forment un volume de deux millions 75 mille pieds cubes pour la capacité de l’arche.

L’espace pour contenir un homme à l’aise et sans gène pourrait être estimé à 6 pieds de hauteur, 2 pieds de largeur et 1 pied 8 pouces d’épaisseur. Ces dimensions donnent 20 pieds cubes d’espace qu’on assigne ici pour un homme,

En prenant ce nombre de 20 pour diviseur des 2075000 pieds cubes, capacité de l’arche, le quotient est 103750 pour le nombre d’hommes que l’arche pourrait contenir, si on les suppose placés les uns près des autres, sans être ni pressés entre eux, ni gênés.

Mais assignons un espace suffisant à chaque homme, tel qu’il conviendrait pour un logement libre et aisé, pour pouvoir agir, se mouvoir en tout sens, et pour vivre dans un air suffisant en quantité, en salubrité. Dix pieds en tout sens, c’est-à-dire, en longueur, largeur et profondeur, feraient un espace ce mille pieds cubes capacité qu’on peut croire plus grande qu’il ne faut pour le logement d’un seul homme. Mais nous supposerons cet espace nécessaire pour le cas présent. Ainsi ce nombre de 1000 étant admis pour diviseur de 2075000, le quotient 2075 exprime le mombre d’hommes qui auraient pu être logés avec aisance et commodité dans l’arche du déluge.

Mais la famille de Noé n’était que de huit personnes, à chacune desquelles assignant 1000 pieds cubes d’espace pour le logement, les 8000 pieds cubes étant déduits de la capacité totale de l’arche (2075000), il restera 2067000 pieds cubes d’espace, destiné pour contenir tous les animaux, les provisions, munitions, ustensiles et usines nécessaires pour Sustenter les hommes et les bêtes, pendant les quatre-vingt-dix jours qu’ils restèrent dans l’arche, suivant le texte.

Calcul approximatif de l’espace que les hommes et les animaux pouvaient occuper.

On assignera ici pour chacune des différentes grandeurs d’animaux une aisance telle qu’on l’a désignée ci-devant pour les hommes.

Il reste donc 1 794 805 pieds cubes de libres, ou 37 391 tonneaux d’arrimage, suivant l’usage de mer, à raison de 48 pieds cubes au tonneau. Ainsi la capacité totale du bâtiment (2 075 000 pieds cubes) était de 43 229 tonneaux d’arrimage, et de 86 458 000 livres en pesanteur, l’usage de mer étant de compter deux mille livres en poids pour un tonneau. La capacité de l’arche était donc plus que suffisante pour contenir les huit personnes et les quatre mille cinq cent soixante animaux, qui n’exigeaient, suivant nous, que 280 195 pieds cubes de capacité, pour être contenus à l’aise, ce qui n’est qu’environ le 1/8 de la capacité totale de l’arche. Or, les autres 7/8 restant libres, étaient un beaucoup plus grand espace qu’il ne fallait pour toutes les provisions, les ustensiles et les usines nécessaires pour vivre pendant les quarante jours d’inondation croissante, et les cinquante jours que les eaux mirent à se ranger dans leur lit, et à laisser l’arche sur le mont Baris, partie du Taurus, entre l’Arménie et la Mésopotamie.

Si l’on porte ici à 4 560 le nombre d’animaux des deux sexes, on n’en sait pas moins que ce nombre est excessif, en le comparant a celui de chaque espèce d’animaux qui existent sur la terre. Aristote, Pline, Gesner, Aldovrande, n’en ont remarqué que cent cinquante espèces primitives. Quant aux insectes et aux reptiles, ils n’en ont pu nombrer que 48. Ces naturalistes ne connaissaient donc que cent quatre-vingt-dix espèces d’animaux ; et ce nombre devant être doublé à raison des deux sexes. Il n’aurait existé suivant eux, que trois cent quatre-vingts espèces d’animaux accouplés. Mais comme depuis l’époque où Aristote et les autres ont écrit leurs ouvrages, les recherches et les voyages ont fait découvrir de nouvelles espèces, le nombre qui eu est allégué ci-dessus est plus grand qu’on ne le connaissait alors, surtout en oiseaux ser pents et autres reptiles. On ne comprend pas ici les poissons qui devaient nager dans les eaux du déluge.

Résumons, en disant que la capacité totale de l’arche était de 2 075 000 Pieds cubes.

Que les hommes et les animaux occupaient avec aisance 280 195 Pieds cubes.

Et que l’espace restant libre était de 1 794 805 Pieds cubes.

Supposons ensuite que les provisions occupassent quatre fois plus d’espace que n’en occupaient les 4 568 individusvivants ; cet espace serait de 1 120 780 Pieds cubes.

Il resterait donc d’espace libre en sus de celui nécessaire pour les hommes, les animaux et pour leurs provisions, ci 954 220 Pieds cubes.

C’est-à-dire, qu’après avoir destiné suffisamment et même largement un espace pour contenir et faire vivre les gens et les animaux dans l’arche, il restait libre encore dans ce bâtiment près d’un tiers de sa capacité totale.

Il n’est pas besoin d’expliquer comment toutes ces choses étaient logées et arrangées dans l’arche ; on sent bien que les gros quadrupèdes, les moyens et les plus petits étaient contenus sur le premier étage, ou rez-de-chaussée ; que les hommes étaient au premier étage, qui pouvait être élevé de vingt pieds au-dessus du fond du bâtiment ; que le second étage, ou plancher au-dessus du logement des hommes, pouvait être élevé de douze pieds au-dessus du premier étage, et qu’il restait après cela dix-huit pieds en hauteur pour arriver jusqu’au sommet du comble ; espace suffisant tant pour les oiseaux et les insectes voltigeants, que pour les autres insectes, les vers et les reptiles, pour lesquels on avait pu pratiquer des compartiments relatifs à leurs espèces et à leurs habitudes, sur chacun des trois étages (compris le rez-de-chaussée) dont les surfaces étaient assez grandes pour les y distribuer aisément ;

Qu’enfin les provisions, tant solides que liquides, pour ce nombre d’êtres vivants, pouvaient être maintenues dans des compartiments ou magasins, pratiqués vers chacun des bouts de l’arche, sur chacun des trois planchers, en y plaçant, pour les individus qu’ils supportaient, les aliments nécessaires pour chacune de leurs espèces ou genres.

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