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Nommée auparavant Jébus (Josué 18.28), ou Salem (Genèse 14.18 ; Hébreux 7.1 ; Psaumes 76.3). Quelques-uns l’expriment par Solyma, ou Jerosolyma ; les Hébreux, par Jeruschalaim ou Jeruschelem. Ce nom peut signifier, ou la vision de paix, ou la possession, l’héritage de paix [Jérusalem s’appelait autrefois Salem, pacifica (Hébreux 7.1), ensuite Jébus, et après cela Jébusalem, mot composé de deux noms : ainsi en changeant une lettre elle a été appelée Jérusalem. Voyez saint Jérôme sur le Psaumes 76. d’autres croient qu’elle a été appelée Jérusalem de jereh, videbit, parce que quand Abraham voulut immoler son fils, il nomma ce lieu Domines videbit, Jehova jirche de ce dernier mot et de l’ancien nom Salem a été forme le mot Jérusalem, que les Hébreux appellent Jerusalaïm, parce qu’elle renferme deux parties, la haute et la basse ville (Hué). Voyez Melchisedek].
Josué la donna à la tribu de Benjamin (Josué 18.28). Il prit et fit mourir le roi de Jérusalem dans la fameuse journée de Gabaon (Josué 10.23-40 ; 12.10) ; et il y a toute sorte d’apparence qu’il ne laissa pas cette seule ville au milieu du pays sans la réduire, comme il avait fait les autres. Il faut toutefois avouer qu’il n’est dit en aucun endroit qu’il l’ait prise. Il parait même, par d’autres passages, qu’elle demeura aux Jébuséens jusqu’au temps de David (2 Samuel 5) ; et il est dit expressément que les enfants de Benjamin ne chassèrent point les Jébuséens de Jérusalem (Juges 1.21).
D’un autre côté, cette ville parait avoir été dans le partage de la tribu de Juda. Il est dit dans Josué (Josué 15.63) que les enfants de Juda ne purent exterminer les Jébuséens qui habitaient à Jérusalem ; et dans le livre des Juges (Juges 1.8), on lit que les enfants de Juda prirent et brûlèrent Jérusalem. Enfin David, qui était de la tribu de Juda, n’eut pas plutôt été reconnu roi de tout Israël, qu’il marcha contre Jérusalem et la réduisit à son obéissance (2 Samuel 5.6-7), en chassa les Jébuséens, et y établit le siège de son royaume. Enfin le Psalmiste attribue assez clairement Jérusalem à Juda, lorsqu’il dit (Psaumes 78.67) que le Seigneur n’a pas choisi Éphraïm, mais la tribu de Juda et le mont de Sion. Pour concilier ces différents textes, on peut dire que Jérusalem étant sur la frontière des deux tribus, elle est tantôt attribuée à l’une, et tantôt à l’autre ; que Benjamin y avait plus de droit, par le partage que Josué avait fait du pays ; et Juda, par le droit de conquête qu’il en avait faite jusqu’à deux fois : premièrement sous les Juges, et ensuite sous David.
Depuis que le Seigneur eut déclaré que Jérusalem était le lieu qu’il avait choisi pour sa demeure et pour son temple, elle fut regardée comme étant la métropole de toute la nation, et comme étant à tous les Israélites en commun. Elle n’appartenait donc proprement ni à Benjamin, ni à Juda.
La ville de Jérusalem était bâtie sur une ou deux collines, et elle était tout environnée de montagnes (Psaumes 125.2), et dans un terrain pierreux et assez stérile, à la longueur de soixante stades, selon Strabon. Le territoire et les environs de Jérusalem étaient assez arrosés, ayant les fontaines de Géhon et de Siloé, et le torrent de Cédron au pied de ses murailles, et outre cela, les eaux d’Ethan, que Pilate avait conduites dans la ville par des aqueducs. L’ancienne ville de Jérusalem ou de Jébus, que David prit sur les Jébuséens, n’était pas bien grande. Elle était assise sur une montagne, au midi du temple. La montagne opposée, qui était au septentrion, est celle de Sion, où David bâtit une nouvelle ville qu’il appela la cité de David, dans laquelle était le palais royal et le temple du Seigneur. Ce temple était construit sur la colline de Maria, qui était un des coteaux du mont de Sion (Psaumes 48.3 ; Isaïe 14.13 ; 2 Samuel 5.7-9 ; 1 Chroniques 11.5 ; 1 Rois 8.1 ; 2 Chroniques 5.2 ; Ézéchiel 40.2).
Entre ces deux montagnes était la vallée de Mello, qui séparait autrefois l’ancienne Jébus de la cité de David, mais qui fut ensuite comblée par David et par Salomon, pour joindre les deux villes (1 Rois 9.15-24, 27). Depuis le règne de Manassé, il est parlé d’une nouvelle ville, appelée la seconde, qui fut fermée de murailles par ce prince (2 Chroniques 24.22 ; 33.14 ; 2 Rois 22.24). Les Machabées y firent encore quelques additions, et agrandirent considérablement la ville de Jérusalem du côté du nord, en y enfermant une troisième colline. Josèphe parle encore d’une quatrième colline, nommée
Bézéta, qu’Agrippa avait jointe à la ville, et qu’il avait commencé à fermer de murailles. Cette nouvelle ville était au nord du temple, le long du torrent de Cédron. Ainsi la ville de Jérusalem n’avait jamais été si grande, que lorsqu’elle fut attaquée par les Romains. Elle avait alors trente-trois stades de tour, qui font quatre mille cent vingt-cinq pas, ou une lieue et presque demie, à trois mille pas la lieue. Ce qui se confirme encore par ce que dit le même Josèphe, qui nous apprend que le mur de circonvallation que Tite fit faire autour de la ville, avait trente-neuf stades, qui font quatre mille huit cent soixante-quinze pas, ou un peu plus d’une lieue et demie d’autres lui donnent une bien plus grande étendue. Il faut voir Villalpand pour l’affirmative, et M. Reland pour la négative.
Nous n’entreprendrons pas de décrire tous les édifices publics et particuliers de cette célèbre ville. Les anciens nous sont presque entièrement inconnus. Ceux dont parle Josèphe, et dont il donne la description, n’ont que peu ou point de rapport à la Bible, que nous nous sommes principalement proposé d’éclaircir dans cet ouvrage. Nous donnerons la description du temple dans son article particulier. Nous parlerons aussi des synagogues dans un autre endroit. Le plan que nous avons donné de Jérusalem, nous dispense de répéter ici beaucoup de choses que l’on peut voir en jetant les yeux sur cette description. Les portes que nous avons marquées, ne sont peut-être pas précisément au lieu où nous les avons mises : mais dans ces sortes de choses, il faut, malgré qu’on en ait, donner un peu aux conjectures. J’ai parlé de la Piscine probatique dans son lieu, sous Bethzaide, ou Bethesda ; j’ai aussi parlé des fontaines de Siloé et de Gehon.
Le sentiment le plus commun est que Melchisédech était roi de Jérusalem quoiqu’il y ait sur cela quelque difficulté. Saint Jérôme croit que cette ville de Salem, dont l’Écriture dit que Melchisédech était roi (Genèse 14.18), était une bourgade près de Scythopolis, où l’on voyait encore de son temps les ruines du palais de ce prince, lesquelles par leur grandeur, montraient assez quelle avait été autrefois la magnificence de cet édifice. L’auteur de la Chronique Pascale dit aussi qu’il a vu le village où était autrefois la demeure de Melchisédech. M. Réland de même ne veut pas croire que Melchisédech ait régné à Salem. Nous aimons mieux suivre le sentiment du commun des Pères et des interprètes, puisqu’il n’a rien de contraire à l’Écriture, qui donne quelquefois à Jérusalem le nom de Salem, et puisque l’opinion contraire n’est point d’accord sur la situation de la ville de Salem, qu’elle donne pour demeure à Melchisédech [Il ne s’agit ici que de critique historique. Suivant M. Poujoulat, Jérusalem, cette ville que le Seigneur s’était choisie, cette capitale du pays occupé par le peuple dont il était le roi, n’était pas, comme on le croit, celle où Melchisédech faisait sa demeure. Voici ses paroles :
« Nous n’avons pas le moyen de percer la profondeur de la nuit qui enveloppe les premiers temps de cette ville, dont le nom a passé avec tant de bruit par toutes les langues humaines. Jérusalem commença par une forteresse sur le mont Sion, voilà ce que nous savons. La montagne qui fut témoin du sacrifice d’Abraham, est-elle la même que le mont Moriah où devait s’élever le premier et le plus beau temple consacré à l’unité de Dieu ? La ville de Salem, dont Melchisédeh fut pontife et roi, est-elle la même que Jérusalem ? La tradition la plus générale a résolu affirmativement ces deux questions, et Bossuet lui-même l’a adoptée ; l’imagination chrétienne aime à placer l’autel de l’immolation d’Isaac, dans ces lieux où, dix-neuf siècles plus tard, se dresse la croix d’une plus grande victime ; elle aime à rapprocher le Salem pontife de Salem du pontife éternel du monde moral, et leur donner la même cité pour terrestre royaume ; la critique historique a gardé des doutes à cet égard.
Nous pourrions entrer dans des dissertations qu’il serait facile de rendre savantes. Bornons-nous à éclaircir en deux mots la seule question dont nous ayons à nous occuper ici, celle qui touche à Jérusalem. La cité de Melchisédech appartenait, d’après la Genèse (33.18), au territoire de Sichem ; Jacob y planta ses tentes en revenant de Mésopotamie ; il avait passé auparavant par Socoth, sur la rive orientale du Jourdain ; c’est après avoir quitté Salem, que le patriarche voyageur arriva à Béthel, située à l’orient de Sichem. Cette simple indication des lieux doit, selon nous, suffire pour trancher la difficulté ; du moment que la Genèse place Salem, ville de Melchisédech, sur la rive occidentale du Jourdain, au nord de Béthel, il n’est plus permis de la confondre avec l’autre cité de Salem qui, tombée au pouvoir de Jébus, ajoutant à son nom celui de son nouveau maître, s’appela Jébusalem, ou Jérusalem : celle-ci était située à douze heures de la mer, dans les montagnes, à neuf heures à l’occident du Jourdain, à douze heures au sud-ouest de Béthel. Nous ne pensons pas que la confusion des deux Salem, tant de fois reproduite, puisse désormais se montrer encore. » Poujoulat Histoire de Jérusalem chapitre 3 tome 1 pages 51, 52].
Les Jébuséens en étaient les maîtres sous Moïse, sous Josué, sous les Juges, et jusqu’au commencement du règne de David. On conjecture que Josué la prit sur eux, comme nous l’avons déjà remarqué. Les enfants de (Juges 1.8) Juda s’en rendirent maîtres après la mort de Josué ; mais ou ils ne la purent conserver, où ils ne prirent que la ville basse, la citadelle étant demeurée au pouvoir des Jébuséens : et c’est là la première prise de cette ville qui soit bien marquée dans le texte sacré. La seconde est celle qui se fit au commencement du règne de David. Ce prince ne se vit pas plutôt affermi sur le trône d’Israël (2 Samuel 5.6), qu’il marcha contre Jérusalem. La ville était si forte, que les Jébuséens qui l’occupaient, se vantaient de la défendre seulement avec des aveugles et des boiteux. Mais David la força, en chassa les Jébuséens, et la choisit pour capitale de son royaume (An du monde 2956, Avant. Jésus-Christ 1044, Avant l’ère vulgaire 1048). Depuis ce temps, Jérusalem fut le théâtre d’une infinité d’actions importantes ; en sorte que vouloir faire l’histoire de cette ville, ce serait entreprendre le récit de presque toute l’histoire sainte.
David l’embellit et l’augmenta considérablement. Mais Salomon y fit tant de grands et de beaux ouvrages, qu’il la rendit une des plus belles villes de l’Orient. Sous le règne de Roboam, fils et successeur de Salomon, elle fut prise (1 Rois 14.25-27), et pillée par Sésac, roi d’Égypte. Ce prince enleva tous les trésors du temple et du palais royal (An du monde 3033, Avant. Jésus-Christ 967, Avant l’ère vulgaire 971).
Hazael, roi de Syrie (An du monde 3165, Avant. Jésus-Christ 835, Avant l’ère vulgaire 839), était venu contre Jérusalem, et menaçant de la prendre, Joas, roi de Juda, racheta la ville par une grande somme d’argent qu’il envoya au roi de Syrie, pour l’obliger à lever le siège (2 Rois 12.17 ; 2 Chroniques 24.24-25). Il épuisa pour cela le trésor de la maison de Dieu, et ceux du palais, pour contenter l’avidité d’Hazael, qui ne laissa pas d’envoyer contre lui l’année suivante une armée, qui défit celle de Juda, prit plusieurs princes, les fit mourir et laissa Joas lui-même dans d’extrêmes langueurs.
Quelque temps après (An du monde 3178, Avant. Jésus-Christ 822, Avant l’ère vulgaire 826), Joas, roi de Juda, ayant témérairement déclaré la guerre à Amasias, roi d’Israël (2 Rois 14.13 ; 2 Chroniques 25.23), ce dernier prince défit l’armée de Juda, prit Joas prisonnier ; et étant entré dans Jérusalem, enleva tous les trésors qui étaient, tant dans le temple, que dans le palais royal, fit démolir quatre cents coudées des murailles de la ville, depuis la porte d’Éphraïm, jusqu’à la porte de l’Angle, puis s’en retourna à Samarie.
Néchao, roi d’Égypte, au retour de son expédition contre Carchemise sur l’Euphrate (An du monde 3394, Avant. Jésus-Christ 606, Avant l’ère vulgaire 610), entra dans Jérusalem, prit Joachaz, que le peuple de Juda avait établi sur le trône de Josias, mit en sa place Eliakim, et emmena Joachaz en Égypte, où il mourut (2 Rois 23.30 ; 2 Chroniques 36.1-3). On ne lit pas dans l’Écriture que Néchao ait pillé la ville ou le temple, mais il imposa sur tout le pays une taxe de cent talents d’argent, et de dix d’or, que Joakim fut obligé de payer, en imposant sur tout le peuple une capitation ou taxe réelle, à proportion de leurs biens. Il paraît par Ézéchiel (Ézéchiel 19.2-3), que, Joachaz avait attaqué Néchao, ou du moins qu’il lui avait fait une forte résistance, avant que de se rendre à lui : Votre mère est une lionne, qui est couchée au milieu de ses lionceaux qu’elle a nourris. Elle a pris un de ses lionceaux (c’est Joachaz) et il est devenu lion ; il a appris à prendre sa proie et à dévorer des hommes. Les nations en ont été averties, et l’ont pris, mais non pas sans avoir reçu bien des blessures, et l’ont conduit en Égypte.
Nabuchodonosor étant venu dans la Judée (An du monde 3398, Avant. Jésus-Christ 602, Avant l’ère vulgaire 606) la quatrième année du règne de Joakim, roi de Juda (2 Rois 24.1-2 ; Daniel 1.1 ; Jérémie 25.1 ; 2 Chroniques 36.6), assiègea Jérusalem, qui était alors tributaire des rois d’Égypte ; et l’ayant assujettie à la domination des Chaldéens, il y laissa Joakim, qu’il avait eu d’abord dessein de mener chargé de chaînes à Babylone. C’est ainsi que l’on concilie les différents passages où il est parlé de cet événement, et dont les uns portent que Joakim fut mené à Babylone, d’autres qu’il régna à Jérusalem. Il y régna dans la dépendance de Nabuchodonosor, ainsi qu’il y régnait auparavant sous le bon plaisir des rois d’Égypte. Au bout de trois ans (An du monde 3400 ou 3401, Avant. Jésus-Christ 599, Avant l’ère vulgaire 603), il se lassa de cette soumission, et se souleva contre Nabuchodonosor. Le roi de Chaldée occupé à d’autres affaires, ne put sitôt réduire Joakim ; il envoya seulement contre lui des troupes de Chaldéens, de Syriens, de Moabites et d’Ammonites, qui ravagèrent la Judée et emmenèrent à Babylone trois mille vingt-trois Juifs, la septième année de Joakim (Jérémie 52.28), du monde 3401 ; et quatre ans après, du monde 3405, qui était la onzième année de Joakim, ils entrèrent dans Jérusalem, prirent et mirent à mort ce prince, et jetèrent son corps à la voirie.
Jéchonias, son fils, lui succéda ; mais après un règne de trois mois et dix jours, Nabuchodonosor étant venu assièger Jérusalem, Jéchonias fut obligé de se rendre (2 Rois 24.2-4) : la ville fut encore prise par les Chaldéens, et les trésors du temple et du palais royal enlevés et emportés à Babylone (2 Rois 25.10). Enfin Nabuchodonosor prit Jérusalem pour la quatrième et dernière fois, l’an du monde 3416, avant l’ère vulgaire 588, et la onzième année de Sédécias. Voici le sujet de cette guerre. Sédécias, la septième année de son règne (An du monde 3412), prit des mesures secrètes avec Ephrée, ou Apriès, roi d’Égypte, pour secouer le joug des Chaldéens (Ézéchiel 17.15-18), et deux ans après, il se déclara ouvertement, et refusa de payer le tribut à Nabuchodonosor. Ce prince, lassé de la mauvaise foi et de l’inconstance des Juifs, résolut d’exterminer cette perfide nation, de ruiner leur royaume, et d’en transporter les habitants au delà de l’Euphrate. Il vint donc avec une puissante armée contre Jérusalem, et arriva dans la Judée au commencement de l’an du monde 3414, qui était une année sabbatique (Jérémie 34.8-10), où le roi et le peuple devaient renvoyer leurs esclaves, suivant la loi du Seigneur (Exode 21.2 ; Deutéronome 15.1-2, 12), qui ordonne de mettre en liberté les esclaves hébreux toutes les septièmes années ; ce qui fut exécuté d’abord, et les esclaves demeurèrent en liberté, tandis que le roi de Babylone fut occupé à investir la ville. Mais le roi d’Égypte s’étant avancé avec son armée pour secourir Jérusalem, et Nabuchodonosor ayant quitté le siège pour le repousser, les Juifs reprirent leurs esclaves, sans se mettre en peine, ni de leur parole, ni de la loi du Seigneur. C’est ce que Jérémie leur reproche si fortement, en les menaçant des plus grandes calamités. Cependant Nabuchodonosor livra la bataille au roi d’Égypte, et après l’avoir vaincu et mis en fuite, revint au siège de Jérusalem, la prit, fit brûler et ruiner, tant la ville que le temple, et emmena les princes et le peuple en captivité. Ainsi on peut compter avant la captivité de Babylone, neuf prises de la ville de Jérusalem.
Observations sur le blocus et sur le siège de Jérusalem par Nabuchodonosor (Folard, 2 Rois 25). De toutes les villes les plus célèbres dans l’antiquité, il n’en est point de plus fameuse que Jérusalem, tant par ses bâtiments magnifiques, que par le grand nombre de sièges qu’elle a soutenus. Le plus mémorable et le dernier est celui qu’elle soutint contre Tite à la tête des Romains sous l’empire de Vespasien. Tout ce que l’art a de plus profond et de plus merveilleux est mis en œuvre dans ce siège ; le courage et la résistance des assiégés ne le cèdent en rien à la science, à la valeur et à l’opiniâtreté des assiègeants. Tous les maux qui accompagnent ordinairement les longues résistances, fondirent sur cette malheureuse ville, ainsi que Jérémie l’avait prédit (Jérémie 9) ; la peste et la famine ne la désolèrent pas moins que la fureur de ses ennemis. Enfin ce fut le dernier coup de la colère de Dieu, qui décida du sort et de l’anéantissement de cette superbe ville, pour punir l’ingratitude et la perfidie des Juifs. La description que Josèphe nous en a donnée est si admirable, et écrite avec tant d’art, qu’il n’y a personne, si intelligent qu’il soit dans le métier des armes, qui puisse s’en tirer aussi habilement qu’il a fait. Mais revenons au siège de cette ville par Nabuchodonosor, dont nous avons à parler ici.
L’auteur sacré, à son ordinaire, loin de nous donner un détail un peu circonstancié de ce siège, passe même par-dessus les circonstances les plus nécessaires. Les lecteurs qui ignorent ce que c’est que la guerre, ne s’en mettent pas beaucoup en peine ; mais ceux qui sont au fait de cet art, ont un sensible regret de ne pas trouver dans les historiens, le récit circonstancié de tant de belles actions qui se sont passées, et dont il ne nous reste qu’une ébauche imparfaite. Cependant comme l’Écriture rapporte en certains endroits quelques circonstances et quelques pratiques qu’elle écarte dans d’autres, tout cela joint ensemble ne laisse pas de nous conduire à la découverte de la méthode des Juifs dans l’art de l’attaque et de la défense.
La situation de Jérusalem, la force de ses murailles, et la résistance des assiégés, rendaient cette ville presque imprenable, et par conséquent les sièges fort longs. Aussi Nabuchodonosor étant arrivé devant la ville, ne tenta pas de la prendre d’assaut ; il se contenta de la bloquer d’abord par deux lignes environnantes, c’est-à-dire par une contrevallation et une circonvallation. Le roi d’Égypte s’étant mis en campagne pour venir promptement au secours de la place, Nabuchodonosor marcha au-devant de lui, le défit, et le mit en fuite, et, après cette expédition, revint au siège. Ce mouvement du roi de Babylone ne nous permet pas de douter qu’il ne fit tirer une ligne de contrevallation contre les sorties de ceux de la ville, où le roi Sédécias commandait en personne, et une ligne de circonvallation contre les ennemis du dehors ; car quoique l’auteur sacré dise au second verset, que la ville demeura enfermée par la circonvallation, jusqu’à la onzième année du roi Sédécias, ce n’est pas à dire pour cela qu’on ne tira qu’une seule ligne ; les termes du premier verset prouvent assez qu’on pratiqua deux lignes environnantes, l’une contre la ville, et l’autre contre le secours. Ils environnèrent la ville, et firent des retranchements tout autour.
On voit dans ce siège comme dans beaucoup d’autres, dont l’Écriture fait mention, que les lignes de circonvallation et de contrevallation étaient connues et pratiquées des peuples de l’Asie longtemps avant les Grecs et les Romains, et que ceux-ci n’en sont pas les inventeurs. Je crois qu’il ne sera pas hors de propos de rapporter ici ce que j’ai dit là-dessus dans mon Commentaire sur Polybe. La méthode d’environner les villes par un fossé et un retranchement contre les assiégés, et un autre en dehors du côté de la campagne, le camp entre ces deux lignes, était en usage parmi les nations asiatiques, longtemps avant les Grecs et les Romains, et peut-être plusieurs siècles avant Moïse. Lorsque vous mettrez le siège devant une ville, dit ce grand législateur (Deutéronome 20.19-20), et que le siège sera long, et que vous l’aurez environnée de machines pour la détruire, vous ne couperez point les arbres fruitiers, et vous ne ravagerez point la campagne des environs, en abattant tous les arbres à coups de cognées ; parce que ce n’est que du bois, non des hommes qui puissent accroître le nombre de vos ennemis. Que si ce sont des arbres sauvages et qui ne produisent point de fruit, vous pouvez les couper pour en faire des machines ou des fortifications contre la ville.
On employait ces sortes de moyens et de précautions, lorsque les villes étaient extrêmement fortes et peuplées ; on les bloquait par une ligne ou une contre-ligne avec son fossé palissadé en dedans, et quelquefois sur-fermé avec un parapet, dont on soutenait les terres par un fascinage.« Ce sont proprement les fossés, les murs, les palissades, les terrasses, dont on environnait la ville, qui sont appelés en hébreu matzur, dit dom Calmet Commentaire sur (Deutéronome 20.19), et tout cela ne se pouvait faire sans y employer les arbres de la campagne. »
Ce qu’il y a d’admirable dans ces sortes d’ouvrages, c’est qu’ils sont tout semblables à ceux des Grecs et des Romains, dans leur construction, si on en excepte les tours qui donnaient des flancs à ces sortes d’ouvrages. Je n’en remarque point dans les camps des Hébreux, non plus que dans ceux des peuples avec lesquels ils étaient en guerre, avant le siège de Jérusalem par Nabuchodonosor.
Il y a un si grand nombre de passages dans les auteurs sacrés, qui démontrent les lignes de circonvallation et de contrevallation qu’il serait superflu de les rapporter tous ; nous nous bornerons seulement à ce qu’en dit Isaïe (Isaïe 29.2-3) : J’environnerai Ariel de tranchées, je ferai tout autour de tes murailles comme un cercle, j’élèverai des forts contre toi, et je ferai des fortifications pour te tenir assiégée. Ce prophète parle de ces sortes d’ouvrages, comme d’une chose qui n’était pas nouvelle de son temps. Et ailleurs (Isaïe 37.33), il promet au roi Ézéchias que Sennachérib n’assiègera point Jérusalem, qu’il n’entreprendra rien sur elle, et qu’elle ne sera point environnée de retranchements, ni de terrasses. Cela ne signifie autre chose, sinon que le roi des Assyriens n’en ferait point l’investiture [lisez l’investissement], et qu’il ne l’environnerait pas d’une ligne de circonvallation.
Le prophète va encore plus loin il distingue la ligne environnante des terrasses ; et je crois que ces terrasses ne marquent pas toujours de hautes élévations de terre, qui dominaient les murs, ou qui les égalaient presque en hauteur, sur lesquelles on dressait des tours ou des machines de jet, et où l’on plaçait des archers, des frondeurs et autres gens de traits ; c’est le sentiment de dom Calmet, et je crois qu’il se trompe ; c’était seulement un épaulement environnant sur le Nord du fossé, tout semblable à nos tranchées, où les frondeurs et les archers tiraient sans cesse à couvert contre les défenses de la ville, pendant qu’on l’insultait de toutes parts. On voit même en plusieurs endroits de l’Écriture, que ces sortes d’ouvrages ne servaient pas seulement à cet usage, mais encore de contrevallation pour brider et resserrer de plus près les assiégés.
Il y a toute apparence que Nabuchodonosor n’assiègea pas la ville d’abord dans les formes, et qu’il se contenta de la bloquer, ayant été averti que le roi d’Égypte venait avec toute son armée au secours de la place : car il eût fallu garder la circonvallation, de peur qu’on ne fît entrer du secours dans la ville, et laisser un grand corps de troupes pour la garde des travaux, et capable de résister contre les sorties des assiégés ; ce qui l’aurait tellement affaibli qu’il n’eût pu aller au-devant du roi d’Égypte, et celui-ci n’eût pas manqué de lui couper les vivres et de l’attaquer, pendant que les assiégés, ayant leur roi à leur tête, eussent fait de vigoureuses sorties sur lui. Mais il prévint tout cela ; il marcha au-devant de l’armée égyptienne, et, après l’avoir défaite et mise en fuite, revint à Jérusalem, en fit le siège dans toutes les formes, fit dresser toutes les machines contre les murailles, la battit pendant longtemps, en sorte qu’étant désolée par la famine, et la brèche ayant été faite, tous les gens de guerre s’enfuirent la nuit par le chemin de la porte qui est entre les murailles près la porte du Jardin du Roi, pendant que les Chaldéens étaient occupés au siège autour des murailles. Les Chaldéens entrèrent donc par la brèche dans la ville, et s’en rendirent maîtres après environ deux ans et demi de siège, la onzième année du règne de Sédécias, le neuvième jour du quatrième mois (Jérémie 39.2), c’est-à-dire un mercredi 27 juillet de l’an du monde 3416.
On sera surpris de voir dans ce siège des machines de toute espèce, des tours, des béliers, des balistes et des catapultes, dont les Grecs se sont servis dans leurs sièges ; elles étaient connues des peuples de l’Asie, et l’on ne peut douter un moment que le roi de Chaldée ne les ait mises en usage au siège de Jérusalem, puisque Ézéchiel en parle si clairement en différents endroits (Ézéchiel 4.2 ; 21.22), et surtout dans sa prophétie contre Tyr (Ézéchiel 26) : Nabuchodonosor, roi de Babylone, dit-il, viendra avec des chevaux, des chariots de guerre, de la cavalerie et des troupes nombreuses ; il vous environnera de toutes parts de retranchements et de terrasses ; il lèvera le bouclier contre vous, il dressera contre vos murs ses mantelets et ses béliers, selon l’hébreu, ses machines de corde, ses balistes, ses catapultes ; et il détruira vos tours par la force de ses armes. Peut-on rien voir de plus précis ? qu’on ne s’avise donc pas de vouloir révoquer en doute les dessins que j’ai fait graver de ce siège de Jérusalem, où l’on voit toutes ces machines représentées. On ne peut non plus douter que les Chaldéens n’aient mis en pratique la méthode de se couvrir, pour aller du camp aux batteries, par des parallèles blindées ou par quelque autre chose d’équivalent ; il n’y avait rien de plus simple et de plus aisé : je les trouve encore pratiquées dans le dernier siège de Jérusalem par Tite.
On trouvera peut-être à redire que le dessinateur ait mis l’armée en bataille à la tête de la contrevallation ; mais c’est qu’il a voulu animer son dessin et préparer le lecteur à l’assaut qui fut donné lorsque la brèche fut faite. Il parut que les assiégés furent tout d’un coup surpris ; car on ne voit pas qu’ils aient défendu la brèche.
Josèphe dit que les Chaldéens étant entrés dans la ville vers minuit, montèrent d’abord au temple, et que le roi Sédécias et ses gens se sauvèrent à la faveur des ténèbres, et s’enfuirent par des défilés dans le désert ; mais que les Chaldéens, en ayant été avertis par des transfuges, se mirent à les poursuivre dès la pointe du jour, et les arrêtèrent dans la plaine de Jéricho. L’auteur sacré dit à-peu-près la même chose : Sédécias s’enfuit par le chemin qui mène aux campagnes du désert, et l’armée des Chaldéens poursuivit le roi et le prit dans la plaine de Jéricho ; et tous les gens qui étaient avec lui furent dissipés et, l’abandonnèrent. Les rabbins avancent que Sédécias s’enfuit par un chemin souterrain, qui allait depuis le palais des rois de Juda jusqu’aux campagnes de Jéricho ; on pourrait les en croire, s’ils n’ajoutaient pas à cela quelques rêveries à leur ordinaire. Ils disent que le roi, s’étant voulu sauver par ce souterrain, Dieu permit qu’une biche le suivit au dehors, et fit autant de chemin sur terre qu’il en faisait par dessous, et que les Chaldéens, s’étant mis à poursuivre la biche, trouvèrent sans y penser le roi qui sortait du chemin couvert. À l’égard de ce souterrain, il n’est pas incroyable ; l’Écriture et Josèphe n’en font aucune mention : mais Dion, que dom Calmet a cité, dit, en parlant du dernier siège de Jérusalem, que « les Juifs avaient des conduits souterrains qui, passant sous les murs de la ville, allaient se rendre bien loin de là dans la campagne (Oui, mais pas jusqu’aux campagnes de Jéricho). »
Ayant donc pris le roi, ils l’amenèrent au roi de Babylone, à Réblatha ; et le roi de Babylone lui prononça son arrêt, etc. Ce verset nous fait entendre que Nabuchodonosor, voyant que le siège tirait en longueur, en avait abandonné la conduite à ses généraux, et qu’il n’était point à Jérusalem quand elle fut prise, mais à Réblatha, que l’on croit être Apamée de Syrie, sur l’Oronte. [Ici finissent les Observations de Folard, et dom Calmet reprend son récit].
Après la captivité de Babylone, la ville de Jérusalem fut rétablie et repeuplée de nouveau, l’an du monde 3468, avant Jésus-Christ 532, avant l’ère vulgaire 536, qui est la première année du règne de Cyrus à Babylone. Mais on ne rebâtit ses murs et ses portes qu’après le retour de Néhémie, l’an du monde 3550, avant l’ère vulgaire 454. Alexandre le Grand entra dans Jérusalem après la prise de Tyr, l’an du monde 3672, avant Jésus-Christ 328, avant l’ère vulgaire 332.
Après la mort de ce prince (An du monde 3681, Avant. Jésus-Christ 319, Avant l’ère vulgaire 323), Jérusalem demeura en la puissance des rois d’Égypte ; et Ptolémée, fils de Lagus, prit Jérusalem par artifice (An du monde 3684, Avant. Jésus-Christ 316, Avant l’ère vulgaire 320), si l’on s’en rapporte à Aristée et à Josèphe, et emmena captifs dans l’Égypte environ cent mille hommes qu’il avait pris dans la Judée. Le même Josèphe dit que Ptolémée Èvergètes, roi d’Égypte, vint aussi à Jérusalem et y offrit plusieurs sacrifices d’actions de grâces. Enfin Ptolémée Philopator, après la victoire qu’il avait remportée sur Antiochus le Grand, près la ville de Raphia, vint à Jérusalem, alla au temple et y offrit des sacrifices ; les prêtres l’empêchèrent d’entrer dans le Sanctuaire, ce qui l’irrita de telle sorte qu’il résolut de faire périr tous les Juifs qui étaient en Égypte (An du monde 3787, Avant. Jésus-Christ 213, Avant l’ère vulgaire 217), ce qu’il aurait exécuté si Dieu n’avait protégé son peuple d’une manière toute miraculeuse, qui est rapportée au long dans le troisième livre des Machabées.
Antiochus le Grand ayant repris la CoeléSyrie et la Judée sur le roi d’Égypte (An du monde 3806, Avant. Jésus-Christ 194, Avant l’ère vulgaire 198), vint à Jérusalem, où il fut fort bien reçu par les Juifs, qui nourrirent son armée et ses éléphants, et lui donnèrent du secours pour réduire la garnison que Scopas avait laissée dans la citadelle de Jérusalem. Pour reconnaître ces bons services, Antiochus n’oublia rien pour rétablir Jérusalem dans sa première splendeur, accorda de grands privilèges aux Juifs, et donna de grandes sommes pour les sacrifices du temple. Séleucus, fils et successeur d’Antiochus le Grand, ne fut pas aussi favorable aux Juifs que l’avait été Antiochus. Il envoya Héliodore au temple de Jérusalem (An du monde 3828, Avant. Jésus-Christ 172, Avant l’ère vulgaire 176) pour en enlever les trésors (2 Machabées 3) ; mais il fut obligé de s’en retourner sans rien faire, après avoir été fort maltraité par des anges qui lui apparurent dans le temple même.
Antiochus Épiphane, frère et successeur de Séleucus, vint à Jérusalem (An du monde 3831, Avant. Jésus-Christ 169, Avant l’ère vulgaire 173) et y fut reçu par Jason, usurpateur de la souveraine sacrificature, avec de très-grands honneurs (2 Machabées 4.21-22), à la lumière des flambeaux et au bruit des acclamations publiques. Pour cette fois, il n’y fit aucun mal ; mais trois ans après, et l’an du monde 3834, ayant appris que ceux de Jérusalem avaient témoigné quelque joie à la fausse nouvelle qui vint qu’il était mort en Égypte, il en conçut tant d’indignation (1 Machabées 1.21 ; 2 Machabées 5), qu’à son retour il assiègea la ville, la pilla, enleva tout l’or et les vases les plus précieux du temple, et y fit mourir plus de quatre-vingt mille hommes.
Deux ans après, il envoya à Jérusalem un nominé Apollonius, intendant des tributs, avec des ordres secrets de piller et de brûler la ville (1 Machabées 1.30). Cet homme vint d’abord en apparence avec un esprit de paix ; mais tout d’un coup il se jeta sur la ville, y fit un grand carnage, prit des dépouilles et mit le feu à la ville, ruina la plus grande partie des maisons, et ne réserva que ce qu’il fit enfermer de murailles au haut de la cité, près le temple du Seigneur, où il bâtit une citadelle et où il laissa une forte garnison. Alors Jérusalem fut abandonnée de ses propres citoyens et livrée aux gentils. L’année suivante, 3837, les sacrifices furent interrompus dans le temple, la statue de Jupiter Olympien fut placée sur l’autel, et on vit dans la Maison de Dieu l’abomination de la désolation (1 Machabées 1.62). Les choses demeurèrent en cet état pendant trois ans (jusqu’à l’An du monde 3810, Avant. Jésus-Christ 160, Avant l’ère vulgaire 164). Judas Machabée ayant battu Nicanor, Gorgias et Lysias, monta à Jérusalem, nettoya le temple et y rétablit les sacrifices (1 Machabées 4.36).
L’année suivante, Antiochus Eupator fut reçu dans Jérusalem par Judas Machabée (An du monde 3841, Avant. Jésus-Christ 159, Avant l’ère vulgaire 163), en suite d’une paix qui avait été conclue entre eux. Ce prince honora le temple et y fit des présents. Mais avant que de sortir de la ville, il fit abattre le mur qui était entre le temple et la citadelle, et qui mettait à couvert le lieu saint contre les entreprises des Syriens (1 Machabées 6 ; 2 Machabées 13). Cette citadelle, qui tenait toujours Jérusalem dans la dépendance des rois de Syrie, subsista pendant vingt-six ans, depuis l’an du monde 3836 jusqu’en 3862, qu’elle fut prise et minée par Simon Machabée.
Antiochus Sidètes, outré de dépit des maux que lui avait faits Simon Machabée, fit la guerre à Jean Hircan, son fils et son successeur. Il vint en Judée, et après avoir fait le dégât dans la campagne et contraint Hircan de se retirer dans Jérusalem, il l’y assiègea (An du monde 3869, Avant. Jésus-Christ 131, Avant l’ère vulgaire 135) ; mais il trouva beaucoup de résistance de la part des assiégés. Il se campa à deux stades ou à deux cent cinquante pas du temple, vers la partie septentrionale de la ville, et fit dresser cent trente tours sur lesquelles il plaça grand nombre de soldats pour écarter tous ceux qui défendaient les murailles. Et comme on travaillait à les saper, on trouva que les fondements en étaient posés sur du bois ; Antiochus y fit mettre le feu, ce qui fit tomber un grand pan de muraille. Mais les assiégés se mirent sur la brèche et arrêtèrent l’effort des ennemis qui voulaient entrer dans la ville. En même temps, Hircan fit une vigoureuse sortie sur les assiègeants, et contraignit Antiochus et ses gens de se retirer assez loin de la ville ; après cela Hircan revint et fit brûler les tours qu’Antiochus avait fait construire.
Observations sur le siège de Jérusalem par Antiochus Sidètes (4 Machabées 11). Je ne puis revenir de ma surprise sur le silence de Polybe à l’égard des Juifs et des guerres des rois Antiochus contre cette nation, et particulièrement de cet Antiochus Sidètes ; car l’auteur grec entre dans un fort grand détail des expéditions de ces princes ; et cependant il ne fait nulle mention des Machabées, il ne dit pas un mot de tant de batailles et de sièges mémorables ; enfin, l’on dirait que le roi Hircan, et ce fameux siège de Jérusalem par Sidètes, que Josèphe appelle Soter, sont imaginaires. Tite-Live n’est pas mieux informé que Polybe ; on ne trouve rien des Juifs dans les autres auteurs contemporains, et ce n’est que dans ceux qui ont écrit longtemps après. Que penser de ce silence et qu’en croire ?
Ce siège de Jérusalem arriva vers la fin de l’an du monde 3869. Josèphe, qui l’a décrit, rapporte des circonstances particulières que nous ne lisons pas dans le quatrième livre des Machabées. Il dit qu’Antiochus « partagea son armée en sept corps, pour enfermer ainsi toute la place ; qu’il fut fort incommodé par le manquement d’eau, auquel une grande pluie remédia ; qu’il fit une double circonvallation fort grande et fort large, pour ôter aux Juifs toute sorte de communication du dedans avec le dehors ; que les assiégés faisaient de leur côté quantité de sorties, avec grande perte des assiègeants lorsqu’ils ne se tenaient pas sur leurs gardes, et que quand ils y étaient, ils se retiraient facilement dans la ville. » Il ajoute encore cette particularité : « Hircan, voyant que la quantité de bouches inutiles qui étaient dans la place pourrait consumer inutilement ses vivres, les fit sortir, et ne retint que ceux que la vigueur de l’âge rendait propres pour la guerre ; mais Antiochus les empêcha de gagner la campagne, et ainsi ils demeuraient errants dans l’enceinte des murs de la ville, où la faim les consumait misérablement. Cependant la fête des tabernacles étant arrivée, les assiégés, touchés de compassion pour leurs concitoyens, les firent rentrer dans la ville, » etc. C’est avec regret que nous ne trouvons pas dans les historiens sacrés le détail entier de ces sièges si fameux.
Sidètes marcha sans doute avec un grand appareil de troupes, de machines de guerre et de toutes les choses nécessaires pour un long siège, à quoi il devait s’attendre par le souvenir des précédents ; car cette ville fit toujours beaucoup de résistance, tant à cause de la force et de la hauteur de ses murailles que par la valeur des assiégés.
Sidètes se campa dans la partie septentrionale de la ville, et fit dresser cent trente tours sur lesquelles il plaça des soldats pour écarter tous ceux qui paraissaient sur les murailles. Et cependant il fit travailler à saper les fondements du mur. Josèphe ne met que cent tours de trois étages ; c’en est bien assez, pour ne pas dire trop. Il est surprenant qu’il ne soit pas fait mention de béliers, et qu’on s’attacha uniquement à aller par des conduits souterrains jusque sous les fondements des murs de la ville. Mais à quoi bon toutes ces tours près à près et sur tout le front de l’attaque, si on n’avait pas dessein de la battre au dessus aussi bien qu’au dessous, où les assiégés eussent pu aller et rendre l’entreprise inutile et sans effet ? Je doute fort que l’on s’en soit tenu là, car je considère bien moins la grande dépense de ces tours que la difficulté de trouver des bois pour leur construction, dans un pays qui en devait être dénué : car il est rare d’en trouver dans un pays ravagé par des guerres presque continuelles. De plus, ces tours deviennent inutiles lorsqu’on s’en tient à réduire une ville par des galeries souterraines sous les fondements des remparts, où il faut encore une quantité prodigieuse de bois de charpente, car ces galeries ne pouvaient être que coffrées.
Les murs de Jérusalem étaient extraordinairement forts et élevés ; l’auteur des Machabées nous l’apprend, et Josèphe, qui en a donné une description très-exacte, les fait d’une hauteur surprenante. Les archers postés sur ces tours roulantes empêchaient certainement que personne ne parût sur les défenses ; mais à quel dessein cette précaution, puisqu’on n’allait que par des conduits souterrains aux fondements des murs de la ville ? Était-ce pour empêcher, lorsque le mur viendrait à s’écrouler, que ceux qui étaient aux défenses n’incommodassent trop ceux qui monteraient à l’assaut ? C’était trop peu de chose que cela pour un si grand appareil de tours. Pour moi, je pense que les béliers et toutes les machines de ce temps-là furent mis en pratique, et il faut croire qu’Antiochus ne s’attacha pas moins à ruiner le dessus que le dessous des murs.
Les assiègeants abrégèrent extraordinairement leur sape, car ils trouvèrent les murs de la ville bâtis sur pilotis, en sorte qu’ils ne firent que retirer les terres d’entre les pilotis et remplir les vides de matières combustibles et de fascines goudronnées auxquelles on mit le feu, ce qui fit une large brèche, en faisant écrouler le mur. Ensuite Antiochus fit donner un terrible assaut ; les assiégés le soutinrent avec tant de vigueur et de bravoure, que les assiègeants furent honteusement repoussés. Et en même temps Hircan ayant fait une sortie sur les ennemis, leur tua bien du monde et obligea Antiochus et ses gens de se retirer assez loin de la ville. Cette sortie dut être vigoureuse et des plus sanglantes, puisque les troupes d’Antiochus furent obligées de reculer fort loin de la ville et d’abandonner sans doute leurs retranchements. Cependant Hircan ne jugea pas à propos de s’engager plus avant, il revint prudemment sur ses pas, et se contenta de faire mettre le feu à toutes ces tours pour les réduire en cendres.
Il parait par la suite qu’Antiochus fut charmé de la belle résistance des Juifs, et qu’il ne put s’empêcher d’avoir une estime singulière pour Hircan : car la fête des tabernacles étant arrivée, Hircan lui envoya demander une suspension d’armes jusqu’après la solennité (pour 8 jours). Le roi l’accorda et envoya même au temple des victimes et des présents d’or et d’argent, et le grand prêtre ordonna aux prêtres de recevoir ce que le roi envoyait. La libéralité et la piété d’Antiochus engagèrent Hircan et les siens à lui demander la paix ; le roi y consentit et entra dans la ville. Hircan l’y reçut avec les principaux de son armée et leur donna un grand festin.
Antiochus se tira de cette affaire en habile homme et plus glorieusement qu’il n’eût dû s’y attendre. Sa générosité engagea le grand prêtre à lui demander la paix, et, quoiqu’elle ne fût pas fort honorable aux Juifs, la suite fit voir qu’elle servit beaucoup à leur agrandissement et à leur élévation.
Cette paix peut être mise au nombre des plus rares, car elle ne dura pas seulement pendant tout le règne d’Antiochus, mais même longtemps après la mort de ce prince, qui périt malheureusement dans une guerre qu’il eut contre les Parthes. Et Hircan, qui l’avait suivi comme son ami, profita de l’occasion de cette mort pour se rendre maître de plusieurs bonnes places ; il reprit toutes les villes qui avaient été aux Juifs, assujettit les Iduméens, reçut sous sa protection tous ses voisins, qui lui promirent de demeurer dans l’obéissance et en paix ; enfin il renouvela l’ancienne alliance qui avait été contractée par Judas Machabée et affermie par Jonathas entre les Juifs et les Romains (1 Machabées 8.17 ; 12.1). [Ici finissent les Observations de Folard].
La ville de Jérusalem jouit d’une assez grande paix jusqu’au règne d’Hircan et d’Aristobule, fils d’Alexandre, roi des Juifs. Hircan, comme l’aîné, avait été reconnu pour roi ; mais comme sa stupidité et sa lenteur le rendaient peu propre à régner, Aristobule, son frère, s’empara du royaume ; et trois ans après qu’Hircan fut monté sur le trône (An du monde 3938, Avant. Jésus-Christ 62, Avant l’ère vulgaire 66), il l’obligea d’en descendre, l’ayant vaincu dans une bataille près de Jéricho, et l’ayant forcé dans le temple. Arétas, roi des Arabes, ayant entrepris de rétablir Hircan dans ses États, et assiègeant Aristobule dans Jérusalem, les deux frères s’adressèrent à Pompée qui était dans l’Orient, pour lui demander sa protection. Pompée entreprit de rétablir Hircan sur le trône, à l’exclusion d’Aristobule (An du monde 3940, Avant. Jésus-Christ 60, Avant l’ère vulgaire 64). Il attaqua Jérusalem, la prit après un siège de trois mois, et en fit abattre les murailles. Il entra dans le temple et pénétra jusque dans le sanctuaire, mais il eut la modestie de ne toucher à rien de tout ce qui était dans ce saint lieu. Il y laissa de très-grands trésors, et admira surtout l’attachement des prêtres à leurs cérémonies, qu’ils n’interrompirent pas même au milieu des alarmes du siège et de l’épée des victorieux. Le lendemain qui suivit la prise du temple, il le fit purifier et ordonna que l’on y offrit des sacrifices.
Quelques années après, Jules César, à la prière d’Hircan, et à cause des services qu’il lui avait rendus en Égypte, lui permit de rebâtir les murailles que Pompée avait fait abattre. Le décret en fut dressé à Romet et il ne fut pas plutôt apporté à Jérusalem, qu’Antigone fit travailler à ses réparations, et elle se trouva bientôt aussi forte qu’auparavant. Comme la ville s’augmenta encore considérablement dans la suite, le roi Agrippa entreprit d’enfermer de murailles la nouvelle ville ; mais Narsus, préfet de Syrie, en ayant donné avis à l’empereur Claude, cet empereur lui défendit de les continuer. Josèphe dit que si on l’eût laissé faire, il les aurait faites si hautes et si fortes, que nulle puissance humaine ne les aurait pu forcer. Tacite remarque que quand Tite l’assiègea, elle renfermait deux grandes collines fortifiées par de très-fortes murailles ; que ces murailles n’étaient point tirées en droite ligne, mais étaient dressées par angles rentrants et par des tours, afin que lorsque l’ennemi les attaquerait, il fût à découvert par le côté, et obligé de montrer le flanc aux assiégés. C’était la bonne et ancienne manière de fortifier les places, selon Vitruve et Vegéce.
Antigone, fils d’Aristobule, soutenu du secours des Parthes, attaqua quelques années après (An du monde 3964, Avant. Jésus-Christ 36, Avant l’ère vulgaire 40), son oncle Hircan dans Jérusalem. Hérode et Phasael défendaient la ville : mais Hircan et Phasael en étant sortis, pour aller traiter avec Pacore, fils du roi des Parthes, on les arrêta tous deux, et on les chargea de chaînes. Hérode fut obligé d’abandonner la ville, et de se sauver. Il alla à Rome, où par le crédit de Marc-Antoine et de César, il obtint du sénat le titre de roi. Étant de retour dans la Palestine (An du monde 3965, Avant. Jésus-Christ 35, Avant l’ère vulgaire 39), et aidé de Sosius, qui commandait l’armée romaine dans la Syrie, il assiègea Antigone dans Jérusalem (An du monde 3966 et 3967). Après un siège de cinq mois, Antigone se rendit et se vint jeter aux genoux de Sosius, qui insulta encore à son malheur, en l’appelant Antigona ; comme pour marquer sa lâcheté et sa faiblesse.
Après qu’Archélaüs, fils et successeur du grand Hérode, eut été envoyé en exil, la Judée fut réduite en province, sous l’obéissance du gouverneur de Syrie. Les empereurs romains entretinrent toujours une garnison dans la citadelle Antonia, jusqu’à la dernière révolte des Juifs (An du monde 4069, de Jésus-Christ 69, de l’ère vulgaire 66), qui commença par le siège qu’ils firent de la forteresse Antonia, où ils forcèrent et mirent à mort la garnison romaine qui y était. L’année suivante, 70 de Jésus-Christ, Tite assiègea la ville, l’emporta, la brûla, et la réduisit en solitude.
Josèphe remarque que Tite, après avoir pris la ville de Jérusalem, ordonna à ses soldats de la démolir entièrement, à la réserve de trois tours, qui étaient les plus grandes et les plus belles, qu’il voulut réserver comme un monument de la valeur des Romains, qui avaient pu prendre une si forte place. Ces tours furent celles de Phasael, d’Hippique et de Mariamne. Il fit aussi réserver le mur qui enveloppait la ville du côté du couchant, afin qu’il servit Comme de rempart au camp des troupes qu’il y laissa pour la garde du pays. Tout le reste de la ville fut ruiné et aplani, de manière que ceux qui ne l’avaient pas vue auparavant avaient peine à se persuader qu’elle eût jamais été habitée.
Les auteurs juifs assurent que Turnus Rufus, ou plutôt Terentius Rufus, que Tite y laissa pour commander les troupes, fit passer la Charrue sur la place du temple, afin qu’il ne fût plus permis de le rétablir : En effet les lois romaines défendaient de rebâtir les lieux où on avait fait cette cérémonie, sans en avoir obtenu la permission du sénat. Mais on croit que cela n’arriva, c’est à dire qu’on ne fit passer la Charrue sur la place du temple, qu’après la révolte des Juifs sous Adrien. On croit même que Jérusalem ne fut pas tellement détruite ; qu’il n’y restât encore quelques habitants, soit qu’ils habitassent dans ses ruines, avec les troupes romaines, ou auprès d’elles, soit qu’ils se fussent fait quelques demeures aux environs.
Saint Épiphane assure que la maison où les apôtres se retirèrent après l’ascension du Fils de Dieu, et dans laquelle ils reçurent le Saint-Esprit, fut conservée avec sept synagogues, qui étaient aussi sur la Montagne de Sion ; et voisines de cette maison. De plus, on sait les noms des évêques tirés de la Synagogue, qui ont gouverné l’église de Jérusalem sans interruption depuis Jésus-Christ jusqu’à Adrien, qu’on mit un évêque tiré des gentils.
Eusèbe va encore plus loin que saint Épiphane, puisqu’il veut que Tite ait conserve la moitié de cette ville, conformément à l’oracle du prophète Zacharie (Zacharie 14.2), qui avait prédit qu’une portion de la ville serait conservée, et que ce ne fut que sous Adrien que la ville fut rasée jusqu’aux fondements. Enfin saint Jérôme soutient que la montagne de Moriah, où était le temple, et celle de Sion, où était le palais, furent conservées par Tite. Tout cela n’est fondé que sur ce que Josèphe dit que Tite laissa cette partie du mur de Jérusalem, qui la fermait du côté de l’occident ; ce qu’on a interprété de là, moitié de la ville ; et de plus, qu’il laissa en entier les tours de Phazael, d’Hippique et de Mariamne, qu’on a cru avoir été dans la partie supérieure de la ville ; d’ailleurs on a présumé avec raison ; que la dixième légion qui fut laissée dans la ville, n’y demeura pas seule, qu’elle conserva des maisons pour se loger, et qu’elle permit à quelques familles des Juifs d’y habiter, pour le service des troupes.
Les rabbins prétendent que Dieu faisait des miracles continuels dans le temple et dans la ville de Jérusalem :
1° Aucune femme n’y avait jamais eu de fausses couches causées par l’odeur des viandes immolées dans le temple, ou pour en avoir mangé avec excès.
2° La chair posée sur l’autel ne se corrompait jamais, quand même on l’y aurait laissée plusieurs jours sans la faire consumer par le feu ; ce qui arrivait quelquefois lorsque la quantité des victimes était trop grande.
3° Il n’arrivait jamais au grand prêtre de tomber en pollution la veille du jour de l’expiation solennelle.
4° La pluie n’éteignait jamais le feu de l’autel.
5° Le vent n’empêchait pas la fumée de monter comme une colonne vers le ciel.
6° On ne trouva jamais de défaut ni de corruption dans la manne conservée dans le Gomor d’or ; ni dans les pains de proposition.
7° Jamais les Israélites ne se trouvèrent trop serrés dans les parvis du temple, quelque nombreuse qu’y fût l’assemblée.
8° Jamais personne n’a manqué de trouver un logement à Jérusalem pour y coucher.
9° Jamais Jérusalem n’a cessé d’être sainte, depuis qu’elle fut consacrée par Salomon ; tout ce qui y est arrivé depuis ce temps-là n’a pas été capable de la profaner.
Ils assurent de plus que cette ville était commune à toutes les tribus, et n’appartenait à aucune en particulier ; et qu’elle n’était point sujette à la loi, qui commandait d’expier par l’immolation d’une jeune vache, le meurtre commis sur les confins d’une tribu. Aucune maison n’appartenait en propre à celui qui l’avait achetée. Il n’était pas permis d’avoir des jardins ou des vergers dans l’enceinte de la ville ; et quand on transportait des corps morts d’un lieu dans un autre, il n’était pas permis de les passer par la ville, de peur qu’ils ne la souillassent. Il n’y avait dans la Ville que deux sépulcres celui de David et celui d’Holda, qui avaient été bâtis par les anciens prophètes. Toutes ces remarques sont tirées des rabbins, dont l’exactitude n’est pas toujours sans reproche.
Dans les commencements et du temps des Jébuséens, Jérusalem était fort petite. Elle s’accrut dans la suite à diverses reprises. Voici, selon les docteurs juifs, ce qui s’observait dans ces circonstances de l’agrandissement d’une ville (Talmud). Le grand sanhédrin, le roi et un prophète consultaient sur cela l’Urim et Thummim. Après qu’ils étaient convenus du sens de l’oracle, les conseillers du sanhédrin prononçaient deux cantiques, dans lesquels il y avait une action de grâces au Seigneur. Après cela, ils prenaient deux pains levés, et sortant à l’heure même au milieu des joueurs de cymbales, de lyre et de psaltérion, ils s’arrêtaient à chaque coin de rue et à chaque bâtiment public qu’ils trouvaient en leur chemin, et prononçaient ces paroles (Psaumes 30.2) : « Je vous louerai, mon Dieu, parce que vous m’avez élevé. » Étant enfin arrivés au lieu jusqu’où la ville devait être agrandie, la procession s’arrêtait là et des deux pains qu’on avait apportés l’on en mangeait un, et on brûlait l’autre.
Les Orientaux, de même que les anciens Juifs, donnent à Jérusalem le nom de Ville sainte, et quelquefois Maison sainte, à cause du temple qui y était bâti. Ils l’appellent aussi Ilia, qui est un nom corrompu de celui Elia, que l’empereur Adrien lui fit porter lorsqu’il la rétablit. Ils tiennent que Jérusalem a été bâtie par Melchisédech, fils de Sem, qui y transporta le corps d’Adam, que Noé avait conservé dans l’arche. Ils soutiennent aussi qu’elle est située au centre de la terre habitable, selon cette parole du Psalmiste (Psaumes 74.12) : « Vous avez opéré le salut ou milieu de la terre. »
Mahomet, dans les premières années de la publication de sa secte, ordonna que les musulmans se tourneraient du côté de Jérusalem en faisant leurs prières ; et après sa mort, la plupart de ses compagnons étaient d’avis qu’on l’enterrât dans l’enceinte de cette ville : ils croient que la pierre que Jacob oignit en allant en Mésopotamie, fut transportée à Jérusalem sur la montagne où l’on bâtit le temple de Salomon. Depuis la ruine de ce temple les chrétiens bâtirent une église magnifique au même endroit ; et enfin, les Turcs s’étant rendus maîtres de la ville, Omar, un de leurs califes, bâtit près de la même pierre une mosquée, qui passe pour le premier pèlerinage des lieux de dévotion qu’ils fréquentent ; après ceux de la Mecque et de Médine ; et le pèlerinage de la Mecque ayant été interrompu par l’incursion des Carmates, depuis l’an 317 jusqu’à l’an 339 de l’hégire, les musulmans se rendirent à Jérusalem pour y faire leurs dévotions.
Le cadhi Gemaleddin, fils de Vustel, écrit que, passant par Jérusalem pour aller en Égypte, il vit les prêtres chrétiens qui portaient des fioles de verre pleines de vin sur le Sakra, c’est-à-dire, sur la pierre de Jacob, près de laquelle les musulmans avaient bâti un temple.
Voilà une suite des événements les plus remarquables qui sont arrivés à la ville de Jérusalem, depuis Moïse, jusqu’à sa ruine entière par les Romains. Notre dessein n’est pas de pousser plus loin nos remarques ; puisque nous nous bornons à ce qui concerne la Bible et l’histoire de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Nous avons donné ailleurs la liste des rois de Juda et des autres princes qui ont régné à Jérusalem jusqu’à Archélaüs. Nous avons aussi donné la liste chronologique des grands prêtres des Juifs. Quant aux évêques de l’Église chrétienne de Jérusalem, le premier qui a gouverné cette Église après Jésus-Christ est saint Jacques le Mineur, surnommé le frère du Seigneur, dont nous avons parlé sous son titre. Il fut choisi apparemment immédiatement après l’ascension. Il fut mis à mort par l’intrigue d’Ananus, fils d’Anne, dont il est parlé dans l’Évangile. Son martyre arriva l’an de Jésus-Christ 62. Il eut pour successeur saint Siméon, aussi parent ou cousin de notre Sauveur, et frère de saint Jacques son prédécesseur, selon quelques historiens. Saint Siméon fut martyrisé sous Trajan, vers l’an 107 de Jésus-Christ. On peut voir son titre. La suite de ses successeurs ne regarde pas notre sujet [Nous croyons cependant devoir la donner ; mais auparavant nous rappellerons que Notre-Seigneur ordonna à ses apôtres de commencer leur mission par Jérusalem (Luc 24.47), et qu’à leur parole, un grand nombre de Juifs abandonnèrent la synagogue, ou plutôt, restèrent attachés à la racine de l’olivier (Romains 11.17), et formèrent l’Église de Jérusalem, le berceau de l’Église universelle. C’est ainsi que la considéraient les saints Pères, saint Irénée, saint Augustin…
L’Église de Jérusalem fut proclamée la mère des autres églises par les Pères du second concile général.
Quant aux évêques de cette Église, les quinze premiers, depuis saint Jacques le Mineur jusqu’à Jude, étaient de la race d’Abraham. Saint Épiphane et Eusèbe nous en ont conservé les noms dans l’ordre de leur succession. Après saint Jacques, le premier fut saint Simon ou Siméon, déj à nommé par dom Calmet « Il était frère utérin de son prédécesseur. Sous son gouvernement spirituel Jérusalem fut assiégée et ruinée par les Romains. Averti d’avance de ces événements ou par une inspiration surnaturelle, ou, comme le rapporte saint Épiphane, par le ministère d’un ange, il fit sortir de la ville, avant la guerre, tous les chrétiens qui se retirèrent Pella, au delà du Jourdain, où fut transporté provisoirement le siège épiscopal. » Saint Simon reçut également la palme du martyre. Il fut crucifié âgé, dit-on, de six vingts ans.
Les autres évêques furent :
3° Juste ;
4° Zachée ;
5° Tobie ;
6° Benjamin ;
7° Jean ;
8° Matthias ;
9° Philippe ;
10° Sénèque ;
11° Juste II ;
12° Lévi ;
13° Ephras ;
14° Joseph ;
15° Jude.
Lorsque, après la révolte des Juifs sous la conduite de l’imposteur Barcochébas, Adrien leur eut défendu l’accès de la nouvelle ville de Jérusalem, appelée Ælia Capitolina, les chrétiens choisirent pour la première fois un évêque du nombre des gentils convertis. C’est Marc, était proprement le premier évêque d’Ælia. Car la ville, qui au reste n’était plus sur le même emplacement, ne recouvra son nom de Jérusalem que sous le premier empereur chrétien].