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Montagne de Garizim près de Sichem, dans la tribu d’Éphraïm, et dans la province de Samarie. La ville de Sichem était au pied des montagnes d’Hébal et de Garizim. Garizim était très-fertile, et Hébal entièrement stérile. Dieu avait ordonné qu’après le passage du Jourdain les Hébreux iraient aux monts Hébal et Garizim (Deutéronome 11.29 ; 17.12), et que l’on partagerait les douze tribus, en sorte que six seraient sur le mont Garizim, et six sur le mont Hébal. Les premières devaient prononcer des bénédictions en faveur de ceux qui observeraientla loi du Seigneur, et les autres des malédictions contre ceux qui la violeraient.
Après le passage du Jourdain, Josué ne différa pas d’exécuter ce que le Seigneur avait ordonné (Josué 8.33). Il alla avec tout le peuple au mont Hébal, y bâtit un autel, y offrit des holocaustes ; et ayant partagé le peuple, comme le Seigneur l’avait ordonné, il en mit moitié sur Garizim, et moitié sur Hébal, et leur fit prononcer les bénédictions et les malédictions marquées dans Moïse. Voyez ci-après l’article Hébal.
Eusèbe, saint Jérôme, et après eux Procope et Scaliger, ont cru que les monts Hébal et Garizim ne sont pas près de Sichem, mais à l’orient de Jéricho et de Galgal ; et que ceux qui portaient ce nom près de Sichem étaient mal nommés, et n’étaient pas ceux que Moïse avait désignés dans le Deutéronome. Saint Épiphane place ces montagnes au delà du Jourdain (Hoeres. 9 p. 214). Mais cette opinion n’est nullement soutenable. Garizim était si près de Sichem que Joatham, fils de Gédéon, parla du sommet de la montagne au peuple de Sichem, assemb !é au pied de Garizim, et se sauva sans qu’ils pussent le poursuivre (Juges 9.7).
Tandis que les Hébreux demeurèrent bien unis, et qu’une seule religion régna parmi eux, le Garizim n’eut rien qui le distinguât des autres montagnes du pays ; on ne voit pas même que sous les rois d’Israël il se soit fait remarquer par aucun endroit. Il n’en est rien dit dans les Rois ni dans les Paralipomènes. Mais depuis que les Chutéens furent établis dans la province de Samarie (b), Esdras de retour de la captivité, poursuivant partout l’idolâtrie, et ayant fait chasser par Néhémie, Manassé, fils de Joïada et petit-fils du grand prêtre Eliasib, pour avoir épousé la fille de Sanaballat gouverneur de Samarie, saint Épiphane et Procope avancent qu’alors les Samaritains ôtèrent les idoles qui étaient au-dessus de leurs maisons, et les mirent dans une caverne du mont Garizim, où elles demeurèrent cachées, et qu’ils continuèrent à les adorer secrètement, en se tournant toujours de ce côté-là dans leurs prières. Et depuis que Manassé, gendre de Sanaballat, eut bâti sur le Garizim, par la permission d’Alexandre le Grand, un temple au vrai Dieu, les Samaritains allièrent le culte du vrai Dieu à celui des idoles cachées sous Garizim ; ce qui vérifie cette parole de l’Écriture (2 Rois 17.33) : Ils continuèrent à adorer les idoles des nations d’où ils tiraient leur origine, quoiqu’ils adorassent aussi le Seigneur. Mais cette tradition des idoles cachées sous le mont Garizim n’est fondée ni sur l’Écriture, ni sur Josèphe, ni sur les historiens samaritains. [Pour Manassé, gendre de Sanaballat, voyez encore plus loin].
L’accusation qu’on a formée contre les Samaritains d’avoir adoré les idoles enfouies sous leurs montagnes ne vient apparemment que de ce qui est raconté dans la Genèse, que Jacob, au retour de la Mésopotamie (Genèse 35.3-4). étant arrivé à Sichem, et ayant reçu ordre de Dieu d’aller à Béthel, ordonna à toute sa famille de lui remettre en main toutes les idoles et les pendants d’oreille superstitieux qu’ils avaient, et qu’il les enfouit sous un térébinthe qui est derrière la ville de Sichem. De là les Juifs ont forgé que les Chutéens ou les Samaritains habitant à Sichem avaient rendu leur culte à ces idoles, cachées sous un térébinthe au pied du mont Garizim :
Les Samaritains soutiennent que c’est à Garizim qu’Abraham (Genèse 12.6-7 ; 13.4) et Jacob (Genèse 32.20) dressèrent des autels ; et que c’est là où Abraham se mit en disposition d’immoler son fils Isaac. Il est certain que ce fut sur le mont Mord, ou Moriah : or More était au voisinage de Sichem et de Garizim, comme on le voit par la Genèse (Genèse 12.6) : Pertransivit Abram terram usque ad locum Sichem, usque ad convallem illustrem ; l’hébreu, usque ad convolem More. Et (Deutéronome 11.30) : Super montem Garizim et super montem Hebal… juxta vallem tendentem et intrantem procul ; l’hébreu, juxta Élon More ; jusqu’au chêne, ou au térébinthe de More. On convient aussi que Jacob ayant acheté le champ d’Hémor à Sichem, y bâtit un autel, et y offrit un sacrifice au Seigneur.
Les Samaritains ajoutent que Dieu a marqué en deux endroits que c’était sur cette montagne qu’il désirait principalement être adoré, puisque c’est là qu’il veut qu’on donne la bénédiction à ceux qui observeraient ses lois, et que c’est sur Hébal qu’on devait donner les malédictions (Deutéronome 27.12-13) ; que c’est sur Garizim que Josué dressa un autel composé de douze pierres qu’il avait tirées du lit du Jourdain, et que cet autel dressé par Josué subsiste encore aujourd’hui. Que la montagne de Garizim étant belle et fertile, au lieu que celle d’Hébal est entièrement stérile, Garizim a été choisie pour les bénédictions préférablement à Hébal : comme les livres mêmes des Hébreux en conviennent. Pour soutenir leur sentiment, ils citent le texte de leur Bible, Deutéronome (Deutéronome 27.4), qui porte : Quand vous aurez passé le Jourdain, vous élèverez de grandes pierres sur le mont Garizim (l’hébreu porte, sur le mont Hébal), vous les enduirez de chaux, et vous y écrirez les paroles de cette loi, etc., vers. 12, 13.
Et dans l’Exode 20 après le 17, ils lisent : Lorsque le Seigneur vous aura introduits dans la terre de Chanaan, dont vous allez vous mettre en possession, vous y érigerez deux grandes pierres, vous les enduirez de chaux, et vous écrirez sur ces pierres toutes les paroles de cette loi ; et quand vous aurez passé le Jourdain, vous mettrez ces pierres sur le mont Garizim (l’hébreu lit, Hébal), et vous y bâtirez un autel au Seigneur votre Dieu ; un autel de pierres qui ne seront point taillées par le fer, de pierres brutes ; et vous offrirez sur cet autel des holocaustes au Seigneur votre Dieu, et vous y immolerez des hosties pacifiques, et vous y mangerez, et vous vous réjouirez en présence du Seigneur, sur cette montagne au delà du Jourdain, au delà du chemin de l’Occident, et dans la terre du Chananéen, qui demeure dans la plaine, vis-dvis Galgal, auprès du Chêne de Moré, vers Sichem. Ce qui est pris en partie du Deutéronome (Deutéronome 11.29-30 ; 27.2) et suivants
Ou voit ici une corruption manifeste du texte, soit de la part des Juifs, qui ont substitué l’ébat à Garizim ; ou de la part des Samaritains, qui y ont substitué Garizim à Hébal. Mais ce qui fait infiniment contre les Samaritains, et qui aggrave le soupçon qu’on a de leur infidélité à cet égard, c’est premièrement qu’ils sont les intéressés à la falsifiration ; et 2° que toutes les versions de la Bible généralement sont semblables à l’hébreu, et lisent t’ébat, au lieu de Garizim. Il est vrai que ces versions, étant toutes faites sur l’hébreu, ne prouvent rien contre le samaritain, dont elles ne représentent pas le texte ; et si l’on s’était avisé de faire autant de versions du texte samaritain, qu’on en a faites du texte hébreu, les Samaritains auraient autant de raison de reprocher aux Hébreux d’avoir falsifié leur propre texte, que ceux-ci en ont de faire ce reproche aux Samaritains. Ainsi il faut convenir que cette raison n’est pas d’une grande force.
De plus, il est certain que les Hébreux auraient bien moins d’avantage sur les Samaritains, s’ils ne montraient pas, par de bonnes histoires a par des monuments authentiques, que l’exercice public de la vraie religion a toujours été établi parmi eux, et exercé dans Jérusalem ou dans d’autres lieux, et jamais à Garizim ; au lieu que les Samaritains n’ont, pour prouver leur culte à Garizim, que des histoires peu certaines et peu anciennes ; et quand même on avouerait qu’il faut lire Garizim, et non Real dans les lieux où ils se lisent, il ne s’ensuivrait pas que Josué et ses successeurs, dans le gouvernement du peuple de Dieu, auraient fixé les exercices de la religion de leur nation sur le mont Garizim : mais seulement qu’on y érigea un autelà la hâte, pour une cérémonie passagère et singulière l’exercice du culte solennel de la religion juive suivait certainement l’arche d’alliance ; et l’arche ne fut fixée dans une demeure arrêtée que depuis que David l’eut placée dans son palais a Jérusalem, et que Salomon lui eut bâti un temple dans la même ville.
Les Samaritains, dans leur Chronique, assurent que Josué bâtit un temple sur le Garizim, qui fut desservi par des prêtres de la famille d’Aaron, dont le premier grand prêtre fut nommé Rus, duquel sont descendus tous ceux qui ont servi sur cette montagne, jusqu’à aujourd’hui. La même Chronique porte que, Nabuchodonosor ayant transporté à Babylone les Juifs et les Samaritains, et ayant fait passer dans la Samarie des peuples étrangers, ceux-ci mouraient tous, parce que les fruits du pays étaient pour eux un poison mortel. Nabuchodonosor, informé de ce malheur, y renvoya les Samaritains. Mais ceux-ci ne voulurent point partir, que le roi ne donnât un édit général qui remit tous les captifs en liberté. Lorsque l’édit fut expédié, il s’éleva une dispute entre les Juifs et les Samaritains, pour savoir si ce serait à Jérusalem ou à Garizim que l’on rétablirait tin temple. Après plusieurs disputes, le roi ordonna qu’on en vint. à l’épreuve du feu. On y jeta le Pentateuque des Samaritains et celui des Juifs ; mais ce dernier fut consumé dans un moment, et celui des Samaritains conservé sain et entier. Sur quoi Nabuchodonosor prononça que l’on rétablirait le temple de Garizim.
Il serait inutile de réfuter cette Chronique, dont les récits sont si visiblement faux, et inventés à plaisir. Il faut s’en tenir à Josèphe, quant à l’origine du temple de Garizim. Manassé, petit-fils du grand prêtre Eliasib, et frère de Jaddus, grand prêtre des Juifs, ayant été chassé de Jérusalem, comme nous l’avons dit, et souffrant impatiemment de se voir privé de l’honneur et des avantages du sacerdoce, Sanahallat, son beau-père, s’adressa à Alexandre le Grand, qui était Aors occupé au siège de Tyr ; et lui ayant prêté obéissance pour la province de Samarie, dont il était gouverneur, lui offrit encore huit mille hommes de bonnes troupes ; ce qui disposa Alexandre à lui accorder ce qu’il lui demandait pour son gendre, et pour un grand nombre d’autres prêtres qui, s’étant trouvés comme lui engagés dans des mariages contraires à la loi, avaient mieux aimé quitter leur patrie que leurs femmes, et s’étaient venus joindre à Manassé, dans la Samarie.
Le temple fut donc bâti sur le Garizim, et consacré au Dieu d’Israël ; et comme la montagne était fort haute, on y fit plusieurs degrés pour la commodité du peuple. Lorsque le roi Antiochus Épiphane eut commencé la persécution contre les Juifs, les Samaritains lui écrivirent pour le supplier de permettre que leur temple de Garizim, qui jusqu’alors avait été consacré à un dieu inconnu et sans nom, fût ci-après dédié à Jupiter le Grec ; ce qui leur fut aisément accordé par Antiochus. On trouve une médaille, où ce temple est représenté avec plusieurs degrés. Procope dit qu’il y en avait six cent mille un. Mais un voyageur ancien, qui vivait sous l’empire de Constantin, n’y en met que trois cents.
Josèphe raconte une dispute qui s’éleva en Égypte, sous le règne de Ptolémée Philoméior, entre les Juifs et les Samaritains, au sujet de leur temple, les Samaritains soutenant que le temple de Garizim était le seul vrai temple du Seigneur, et les Juifs prétendant, au contraire, que c’était celui de Jérusalem. La dispute fut portée devant le roi ; on nomma des avocats de part et d’autre, et on convint que ceux qui défendraient mal leur cause, et qui perdraient leur procès, seraient aussi condamnés à mort. Ils promirent, les uns et les autres, qu’ils ne produiraient que des témoignages de la loi.
Andronique, avocat des Juifs, parla le premier, et prouva si bien l’antiquité du temple de Jérusalem, et par les Écritures, et par la suite des pontifes, et par la considération que les rois d’Asie avaient toujours eue pour ce saint lieu, pendant qu’ils n’avaient pas même pensé au tempe de Garizim, que le roi et ses amis lui donnèrent gain de cause, et ordonnèrent qu’on mit à mort Sabhœus et Théodosius, avocats des Samaritains.
Si ce récit de Josèphe est vrai, il faut que les Samaritains aient bientôt abandonné le culte de Jupiter le Grec, qu’ils avaient reçu par politique dans leur temple, sous Antiochus Épiphane car toute cette dispute suppose que le même Dieu était adoré à Garizim et à Jérusalem ; et Ptolémée Philométor régna depuis l’an du monde 3824. jusqu’en 3861, et Antiochus Épiphane depuis l’an du monde 3828 jusqu’en 3840.
Le temple de Garizim subsista assez longtemps sous l’invocation de Jupiter le Grec, ou l’Olympien ; mais il fut détruit par Jean Hircan Machabée (a), et ne se rétablit que sous Gabinius, gouverneur de Syrie, qui répara Samarie, et lui donna son nom (b) ; et encore ne trouvai-je pas ce fait bien distinctement dans l’histoire. Mais toujours est-il certain que, du temps de Notre Seigneur, ce temple subsistait, et que le vrai Dieu y était adoré, puisque la Samaritaine lui dit, en lui montrant Garizim (Jean 4.20) : Nos pères ont adoré sur cette montagne, et vous dites que c’est à Jérusalem qu’il faut adorer. On assure qu’Hérode le Grand, ayant rebâti Samarie, et lui ayant donné le nom de Sébaste, en l’honneur d’Auguste, voulut obliger les Samaritains à venir adorer dans le temple qu’il y avait érigé : mais ceux-ci refusèrent constamment d’y aller, et ont continué jusqu’aujourd’hui à adorer le Seigneur sur cette montagne [Le Garizim est nu du côté de Naplouse (Sichem) ; mais le revers occidental est couvert de bois qui se rattachent à la forêt de Césarée. Moins régulier et moins élevé que le Thabor, il a une base plus large, et domine toute la Samarie. On voit encore sur cette acropole quelques misérables restes du temple schismatique, rival honteux du temple de Jérusalem… Quoique leur temple soit détruit depuis deux mille ans, les Naplousiens ne laissent pas encore aujourd’hui d’aller offrir chaque année, comme leurs aïeux, des sacrifices sur sa dernière ruine. De leur synagogue de Naplouse, ils avaient écrit, dans le seizième siècle, à Scaliger : ils ont écrit, dans le dix-neuvième, à M. de Sacy. Il est singulier que la science soit ainsi un lien entre le patriarche des Orientalistes et une peuplade Syrienne] [Les Juifs ont une fête du mont Garizim. Voyez leur Calendrier, mois de Casleu, 21 parmi les pièces qui sont à la tête du 1° volume].