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Fils de Béor. Devin célèbre qui, d’après Nombres 22-24, fut mandé par le roi moabite Balak pour maudire le peuple d’Israël, alors que celui-ci approchait de la Terre Promise ; malgré les instances de Balak, Balaam prononça à la place de la malédiction requise une bénédiction trois fois renouvelée. Nombres 31.8 ; Nombres 31.16 attribue à ce même Balaam la responsabilité de la défaillance des Israélites à Péor (cf. Nombres 25) et le fait mourir dans une bataille livrée par Israël aux Madianites.
À l’examen, le récit apparaît composite, comme utilisant des sources différentes :
Nombres 22.5s fait de Balaam un Mésopotamien de Péthor sur l’Euphrate ; mais verset 25b (que le Pentateuque Samaritain lit : dans le pays des enfants d’Ammon, au lieu de : enfants de son peuple) semble voir en lui un Ammonite, tandis que Nombres 31.8 semble le donner comme un Madianite. En fait, la plupart des historiens se refusent à choisir entre ces trois versions et tendent à identifier Balaam avec le roi édomite Bêla, fils de Béor, de Genèse 36.32 (J). Cette supposition concorderait avec la grande réputation qu’avaient les sages d’Édom (Jérémie 49.7 ; Job 2.11 etc.), mais elle reste une conjecture.
Dans le célèbre épisode de l’ânesse, d’après Nombres 22.20 Balaam a reçu de l’Éternel l’autorisation de répondre à l’invitation de Balak, tandis que Nombres 22.22 et suivants suppose exactement le contraire. L’Éternel est enflammé de colère contre Balaam parce qu’il est parti, et il tente de l’arrêter en route par tous les moyens. Le verset 35 met finalement dans la bouche de l’ange de l’Éternel une recommandation identique à celle que le verset 20 avait attribuée à l’Éternel lui-même. D’une façon générale, ce second épisode est attribué à J, la plus grande part de ce qui précède étant supposée venir de E.
Toutefois, il convient d’admettre que la tradition concernant Balaam est bien plus ancienne que l’époque où le Yahviste et l’Élohiste ont été mis par écrit. L’ange de l’Éternel désirant « tuer » Balaam, la bénédiction du devin considérée comme un opus operatum sur lequel on ne peut revenir, le recours de Balaam aux « enchantements » supposent un stade encore rudimentaire de la piété hébraïque. La tradition ancienne s’est évidemment transmise et développée dans un milieu sédentaire et agricole, puisqu’il est question d’un « chemin dans les vignes », mais elle paraît venir de la plus haute antiquité. Selon toute vraisemblance, un conflit s’est produit entre les Israélites venant du désert et les Moabites qu’ils trouvaient sur leur route, et nous avons, dans le récit sur Balaam, un écho de ce fait historique. Il n’y a aucune impossibilité à admettre qu’à l’occasion de ce conflit, l’un des adversaires ait eu recours, pour maudire son rival, aux services d’un devin, d’un de ces personnages religieux réputés que l’Arabie a connus de tout temps. Et il est fort possible que l’entreprise ait tourné à la confusion de son initiateur. Sur cette base historique probable, l’imagination des conteurs a ensuite travaillé. Elle a inséré dans le récit un motif cher à la piété israélite, la pensée qu’il est vain et dangereux de ne pas marcher selon la volonté de l’Éternel. Dans le livre de Jonas, une baleine vient à point nommé pour conduire le prophète de l’Éternel là où il ne voulait pas aller. Ici c’est une ânesse qui enseigne à l’homme de Dieu qu’on ne peut pas passer lorsque Dieu barre la route. Cette histoire de l’ânesse a son pendant dans divers récits du folklore ancien qui nous montrent des animaux plus clairvoyants que ceux qui les montent. Lorsque les conteurs Israélites l’ont introduite — peut-être cum grano salis — dans leur récit, ils ne prévoyaient pas les troubles qui en résulteraient si longtemps après pour tant d’âmes religieuses.
Un stade ultérieur du développement de la tradition semble indiqué par la différence entre la manière de faire de Balaam lors des deux premières bénédictions et lors de la troisième. Les deux premières fois, il a recours à des enchantements (Nombres 24.1) ; la troisième fois, c’est en vertu d’une conviction intérieure qu’il se décide (Nombres 24.2 et suivant). Il est probable que nous avons ici l’indice d’une notion plus évoluée de l’inspiration divine.
Quant à l’histoire de la « faute » de Balaam, sur laquelle de tout temps l’attention s’est portée avec insistance (Flavius Josèphe, Antiquités judaïques, IV , 6.6 ; 2 Pierre 2.15 ; Apocalypse 2.14), elle paraît être le produit d’un développement parasitaire de la tradition, sans lien réel avec ce qui précède. Pourquoi l’homme qui avait béni Israël est-il ensuite représenté comme en étant le tentateur ? Les sermonnaires et les exégètes, se plaçant les uns au point de vue moral, les autres au point de vue des possibilités historiques, ont échafaudé sur ce point des hypothèses dont aucune ne s’impose.
Une place à part doit être faite aux « oracles » de Balaam, dont le lien avec le reste du récit n’est pas très étroit. Certains auteurs en placent la composition après l’exil. Mais rien n’oblige à leur attribuer une date aussi tardive ; ici, comme dans bien des cas analogues, le problème se simplifie beaucoup si on admet que ces poèmes ne sont pas entièrement d’une même époque, mais que, sur des oracles très anciens, sont venues se greffer des adjonctions postérieures. La rédaction dernière ne saurait guère être antérieure à Saül puisqu’il est question d’Agag (Nombres 24.7, cf. 1 Samuel 15.8), ni même à David s’il est vrai que Nombres 24.17 ; Nombres 24.19 fasse allusion aux victoires et à la gloire de ce dernier.