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(hébreu akbâr). Dans Lévitique 11.29, où sont désignés les animaux les plus impurs de ceux « qui grouillent sur la terre » (Version Synodale), ou « qui se meuvent au ras du sol » (Bible du Centenaire), — traductions meilleures que celle de Segond : « qui rampent », — il paraît probable que la souris est un nom générique représentant diverses espèces de ces mammifères rongeurs si nombreux en Orient.
Dans Ésaïe 66.17, le fait de s’en nourrir ainsi que de viande de porc est mis en corrélation avec des cultes païens (« ceux qui se sanctifient et qui se purifient dans les jardins, se suivant les uns les autres en procession… »), et aussi avec le terme d’abomination (hébreu chèqèts) qui apparaît dans Ézéchiel 8.10 à propos de tels animaux (immondes, Version Synodale), objets de cultes impurs importés à Jérusalem. C’est le même terme de condamnation qui dans Lévitique 11.41 et suivants est appliqué à toutes les bêtes plus ou moins rampantes, comme plus haut à certains poissons, oiseaux et insectes (Lévitique 11.10, 20-33).
D’après le philosophe juif Moïse Maïmonide (XIIe siècle), les indigènes du Hauran offraient des sacrifices de souris des champs (W. Rob. Smith, Relig. Sem., p. 293).
Dans 1 Samuel 5 et 1 Samuel 6, une terrible épidémie se manifeste chez les Philistins par des tumeurs que nos versions appellent des hémorroïdes (1 Samuel 5.6 ; 1 Samuel 5.9 ; 1 Samuel 5.12 ; 1 Samuel 6.4 et suivant, etc.), et où l’on voit ordinairement aujourd’hui la peste bubonique (cf. l’ulcère d’Égypte, Deutéronome 28.27) ; cette plaie contagieuse est mise en corrélation avec une invasion de souris : cf. 1 Samuel 6.4 ; 1 Samuel 6.11 ; 1 Samuel 6.18 dans le texte hébreu et dans nos versions, et aussi 1 Samuel 5.6 ; 1 Samuel 5.10 ; 1 Samuel 6.1 dans les LXX où la claire mention de leur invasion mortelle est ajoutée au texte hébreu. Pour en débarrasser le pays, prêtres et devins prescrivent, avec le renvoi de l’arche du Dieu d’Israël, l’offrande d’ex-voto en or (voir Modèle) sous forme de tumeurs et de souris. Certains critiques, se fondant sur la remarque : « Une même plaie vous a tous frappés » (1 Samuel 6.4), considèrent les mentions des souris comme des additions postérieures au texte primitif, qui n’aurait connu que le fléau de la maladie (P. H. Smith, ICC, Samuel). Pourtant, de l’avis même de Lucien Gautier (Introduction Ancien Testament, I, paragraphe 123), « cette narration (1 Samuel 5.1-7.1) a quelque chose de très suivi ; c’est un échantillon remarquable d’excellente prose hébraïque qui n’a subi aucun remaniement ». Pour croire exclusifs l’un de l’autre le fléau de la peste et celui des souris, il faut oublier que la science moderne dénonce précisément les rats comme étant les agents de propagation les plus dangereux de la peste bubonique : l’antiquité avait fort bien pu constater la relation sans pouvoir l’expliquer.
La même relation se retrouve d’ailleurs entre le curieux récit-d’Hérodote (2.141), d’après lequel la campagne de Sanchérib en marche contre l’Égypte fut subitement arrêtée par une invasion de souris des champs qui pendant une nuit auraient rongé et mis hors d’usage les cordes des arcs et les courroies des boucliers de son armée, — et le récit biblique attribuant cet arrêt soudain de ses troupes à un ange de l’Éternel qui fit périr la nuit 185 000 hommes (2 Rois 19.35 parallèle Ésaïe 37.36), description qui rappelle celle de la peste infligée par l’ange de l’Éternel au temps de David (2 Samuel 24.15 et suivants parallèle 1 Chroniques 21.14 et suivants).
« C’était un usage antique que de représenter sous la forme d’une souris les ravages causés par les maladies infectieuses. La souris désigne dans l’écriture hiéroglyphique la puissance dévastatrice. Apollon, auquel on attribuait le pouvoir de lancer des traits pestilentiels, reçoit en cette qualité le qualificatif de smintheus ou sminthios : celui qui envoie les souris (de sminthos = souris, rat) et non, comme on l’a souvent prétendu : celui qui protège contre les souris. » (Alexandre Westphal, Jéhovah, p. 348.)
Parmi les nombreuses espèces de la Palestine auxquelles peut donc s’appliquer dans ces divers passages le terme de souris, citons : le mus Bactrianus, très abondant autour de la mer Morte ; le mus Alexandrinus, souris domestique qui se trouve surtout dans les villes de la côte sud ; l’arvicola arvalis, souris des champs ou mulot, très commune partout dans les terres cultivées, et où il faut voir sans doute le fléau indiqué plus haut ; le hamster, cricetus auritus, commun aussi dans les cultures, et la gerboise, dont le mâle est appelé akbâr par les Arabes (nom hébreu de la souris) et dont trois variétés sont connues en Palestine : les Arabes s’en nourrissent, ainsi que du hamster. Dans la vallée de l’Araba et les étendues du désert vers le Sinaï pullulent par légions invraisemblables souris et rats des sables, reptiles, insectes, etc. Voir Rat.
Jean Laroche