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La plus vieille chronique d’Israël, JE, raconte que les Israélites refoulés au désert par le mauvais vouloir des Edomites se révoltèrent contre Dieu et contre Moïse. Un fléau les atteignit : la rencontre de serpents venimeux — probablement des cérastes, qui abondent dans cette province de l’Arabie (voir Serpent, paragraphe 3 et 8).
Ils crièrent alors à Jéhovah, qui ordonna à Moïse d’élever sur une perche un sârâph (signifiant : serpent) d’airain (hébreu nekhochèt). Quiconque regarderait avec foi ce symbole serait sauvé (Nombres 21.4 et suivants). Le souvenir de cette miraculeuse délivrance et de cet appel à la foi demeura si vivant, qu’au temps d’Ézéchias ce serpent d’airain, sous le nom de Néhustan (hébreu nekhouchtân, même racine que nekhochèt), existait encore dans le Temple ou dans son voisinage, et même était devenu l’objet d’un culte superstitieux. Ézéchias, dans l’ardeur de sa réforme spiritualiste, n’hésita pas à faire mettre en pièces ce témoin des exaucements d’autrefois (2 Rois 18.4). Mais le souvenir persista, tardant au sein du peuple juif sa signification salvatrice. Si bien que Jésus, pour expliquer sa mission divine sur la terre, recourut à l’image du serpent d’airain (Jean 3.14 et suivants).
On s’est demandé dans certains milieux si l’histoire du Néhustan avec sa référence à Nombres 21 n’appartenait pas à une légende étiologique et cultuelle, si le Néhustan n’était pas le totem de la maison de David, s’il ne constituait pas une survivance d’un culte primitif auquel renverraient le petit serpent de bronze trouvé dans les fouilles d’un sanctuaire à Guézer, les fragments de petits serpents d’airain amulettes trouvées en Arabie, et la pierre du reptile (rocher de Zohéleth) que 1 Rois 1.9 et suivantignale dans la vallée du Cédron. Mais rien ne prouve que cette pierre eût un caractère sacré ni qu’elle portât l’image du serpent. Peut-être devait-elle son nom à sa forme ou à quelque souvenir qui n’avait rien de religieux. Bien des commentateurs l’ont rattachée soit à la piscine des serpents que mentionne Josèphe (Guerre des Juifs, V, 2.13), soit à la fontaine du Dragon (signifiant : du reptile) dont parle Néhémie 2.13 et que l’on identifie souvent aujourd’hui avec la fontaine de la Vierge, la seule vraie source des abords de Jérusalem.
Plutôt que de chercher ainsi à écarter par de pures conjectures le récit traditionnel auquel rendent témoignage trois textes très divers d’époque, le plus simple ne serait-il pas de se souvenir que le serpent, généralement considéré dans l’antiquité comme l’emblème du mal, y symbolisait aussi le pouvoir de guérir ? Chacun connaît le serpent d’Épidaure du temple d’Asclépios (Esculape chez les Romains) où, jusqu’à la victoire du christianisme, les malades accoururent de tous pays. Ce serpent figure encore aujourd’hui dans les attributs du corps médical. Il avait comme ancêtres : l’uroeus égyptien, l’un des deux symboles protecteurs de la royauté dès la XVIIIe dynastie, et le sarrapou (même mot que l’hébreu sârâph = serpent) assyrien, lequel figurait le dieu Nergal destructeur des principes mauvais. L’un des deux Gémeaux, qui étaient considérés comme des manifestations de Nergal, était appelé sarrapou. Or, nous avons des représentations de l’uroeus et du sarrapou exposés aux regards, l’un sur une tige de lotus, l’autre élevé sur une perche. Pourquoi Jéhovah, voulant répondre au repentir de son peuple et manifester sa puissance par une intervention providentielle, n’aurait-il pas, comme en tant d’autres occasions, appuyé sa révélation sur des expériences ou des habitudes du temps et du milieu, et dressé devant les yeux d’Israël à l’heure de la mortelle épidémie non une représentation de sa personne mais un signe de salut » (cf. Sagesse 16.5 et suivants) ?
Alexandre Westphal