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Pâques est la grande fête chrétienne qui rappelle la résurrection de Jésus-Christ. Dans les premiers siècles, la solennité en était encore rehaussée par le baptême des catéchumènes et leur admission à la sainte Cène. Les plus anciens auteurs chrétiens font dériver le mot Pâques (Pascha) du verbe grec paskheïn, qui veut dire « souffrir », et voient dans l’immolation de l’agneau pascal une préfiguration de la Passion du Christ. Toutefois, saint Augustin contredit cette interprétation : il fait remarquer que le mot pascha n’est pas un mot d’origine grecque, mais hébraïque, signifiant « passage ». D’après lui, ce terme désigne le passage de la mort à la vie tant pour les disciples du Sauveur que pour le Sauveur lui-même. Qu’était-ce donc au juste que Pâques pour les chrétiens des premiers temps ? Commémoration de la Passion du Christ, ou de sa Résurrection ? Le mot Pascha semble bien avoir désigné tantôt la fête de Pâques elle-même, tantôt le temps, d’ailleurs variable, de jeûne sévère qui la précédait — plus particulièrement le jour du vendredi saint —, et tantôt à la fois l’une et l’autre.
Le manque d’unanimité dans les textes permet de penser qu’il y avait quelque flottement dans les esprits au cours des trois premiers siècles quant à la signification du mot et quant à la manière de célébrer Pâques. Il est probable que dans bien des endroits le souvenir de la Passion et celui de la Résurrection étaient célébrés le même jour (comme l’étaient aussi, primitivement, la fête de l’Ascension et celle de Pentecôte). Il n’y avait rien de déplacé à rappeler ensemble deux souvenirs aussi différents, mais aussi intimement unis pour la piété chrétienne : n’y a-t-il pas un lien très étroit entre les souffrances expiatoires du Christ, la joie du salut et l’espérance de la résurrection ? Quand, plus tard, on distingua nettement le jour anniversaire de la mort de Jésus de celui de sa résurrection et quand il y eut deux solennités séparées, on appela la première : « pâque de la crucifixion » et la seconde : « pâque de la résurrection ».
À quelle époque la fête de Pâques est-elle apparue comme fête distincte ? Rien ne nous permet de fixer une date précise. On ne trouve aucune trace de la fête chrétienne de Pâques chez les Pères apostoliques, ni dans Justin Martyr ni dans la Didachè. Mais il paraît certain qu’elle était célébrée à Rome déjà du temps du pape Sixte, si l’on s’en rapporte au témoignage d’Irénée. En Orient, d’après le même auteur, on faisait remonter à saint Jean lui-même l’origine de la célébration de Pâques. Il semble bien résulter de ce qui précède que dans la première moitié du second siècle la fête de Pâques n’était pas encore universellement célébrée en tant que commémoration annuelle de la Résurrection, et qu’elle n’avait pas alors l’importance qu’elle devait prendre plus tard.
La fixation de la date de Pâques a donné lieu, au second siècle, à une longue et célèbre controverse. Certaines églises, celles d’Asie, voulaient célébrer la Pâque chrétienne à la manière de la Pâque juive, c’est-à-dire le 14 du mois de nisan, suivant en cela l’exemple de Polycarpe, évêque de Smyrne, qui aurait tenu cette tradition de l’apôtre Jean. Ceux qui partageaient cette façon de voir ont été désignés pour cette raison par le nom de « Quartodécimains » (du mot latin qui signifie « quatorzième »). Les églises latines, au contraire, étaient d’avis que Pâques fût célébré le dimanche d’après le quatorze, parce que le Christ était ressuscité le dimanche. La question fut abordée au cours d’un voyage à Rome de Polycarpe, qui la discuta dans un esprit de concorde avec l’évêque de Rome, Anicet. Ils convinrent d’ailleurs d’en ajourner la solution. Elle devait être reprise, mais cette fois avec passion, vers la fin du second siècle. Plusieurs synodes en furent saisis, qui s’efforcèrent en vain d’établir une règle uniforme pour toute la chrétienté. Le pape Victor essaya bien d’imposer la pratique latine aux églises d’Orient, mais elles résistèrent, très attachées à une tradition qui, pour elles, était apostolique. Victor les menaça d’excommunication. C’est alors qu’Irénée, évêque de Lyon, écrivit à Victor, au nom de l’Église des Gaules, une lettre restée célèbre et souvent citée pour montrer combien était encore limitée l’autorité de l’évêque de Rome. Dans cette lettre Irénée reprochait vivement à son collègue romain d’avoir manqué de charité chrétienne et lui rappelait la rencontre de Polycarpe et d’Anicet qui s’étaient séparés dans la paix, bien que chacun restât sur ses positions. Irénée terminait en insistant sur le devoir pour tous les disciples du Christ de rester unis, en dépit de divergences de vues tout à fait secondaires pour la piété. Plus tard, en 325, le concile de Nicée imposa la pratique occidentale à toute la chrétienté ; toutefois la tradition pascale des églises d’Orient continua d’être observée par certaines sectes (en particulier celles des Montanistes et des Novatiens), ainsi que dans quelques communautés isolées, considérées comme hérétiques.
Il peut être intéressant de rappeler ici la décision du concile de Nicée relative à la fixation de la date de Pâques, puisque cette décision est encore en vigueur aujourd’hui : la grande Pâques — ainsi désignée pour distinguer la fête de la Résurrection des autres fêtes secondaires qui portaient aussi le nom de Pâques dans l’Église primitive (par exemple Pâques de la Nativité = Noël) — doit toujours être célébrée un dimanche pour éviter sa coïncidence avec la Pâque juive. Elle est fixée au premier dimanche après la pleine lune qui suit le jour de l’équinoxe du printemps. L’équinoxe du printemps étant fixé au 21 mars, s’il y a pleine lune ce jour-là et si le lendemain est un dimanche, la fête de Pâques est célébrée le 22 mars. C’est le plus tôt qu’elle puisse avoir lieu. Si, au contraire, il y a pleine lune le 20 mars, veille de l’équinoxe, la pleine lune suivante n’aura lieu que le 19 avril. Et si ce jour-là est un lundi, il faut attendre au dimanche suivant, c’est-à-dire encore six jours, pour célébrer la fête de Pâques le 25 avril. C’est le plus tard qu’elle puisse être.
M. M.