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Ce sont les quatre mots inscrits par une main mystérieuse sur le mur de la salle où Belsatsar donnait un festin aux grands de son royaume (Daniel 5). On sait qu’au cours de cet immense banquet le roi caldéen, excité par le vin, fit apporter les vases d’or et d’argent que Nébucadnetsar, son père, avait enlevés du temple de Jérusalem, et que les convives du roi, ses seigneurs et ses femmes, burent dans les vases sacrés, à la gloire des idoles. C’est alors qu’apparut soudain la main mystérieuse qui écrivit ces quatre mots, non moins énigmatiques, sur la chaux de la muraille. Terrifié, le roi consulta aussitôt ses astrologues et ses devins, et promit une récompense magnifique à celui qui donnerait l’explication d’un fait aussi troublant. Mais aucun ne le put. Sur les instances de la reine, le roi fait venir Daniel, l’homme inspiré « des dieux saints ». Après avoir, avec beaucoup de dignité, repoussé les promesses royales, Daniel évoque la lamentable fin de Nébucadnetsar, durement châtié par l’Éternel pour son orgueil insolent ; puis il reproche à Belsatsar, qui n’a pas su profiter d’une aussi terrible leçon, d’avoir profané les vases sacrés et d’avoir glorifié les idoles au lieu du seul vrai Dieu. Voilà pourquoi la main a écrit sur le mur les quatre mots vengeurs : « Mené, mené, tekel, upharsin ». On a beaucoup discuté sur la signification de ces mots, qui ne sont pas, comme on le croit souvent, des termes caldéens, mais araméens. D’après certains exégètes modernes, il s’agirait de quatre noms de poids usités chez les juifs : « Une mine, une mine, un shekel, et une demi-mine. »
La sagacité de Daniel, inspiré de Dieu, se serait montrée en ce qu’il saisit d’emblée le rapport étymologique qui relie, en araméen, le mot « mine » au verbe signifiant « compter », le mot « shekel » au verbe « peser », et le mot désignant une « demi-mine » au mot qui veut dire « diviser » (ou division). Il en aurait conclu que le sens de l’inscription était celui-ci : « compté, compté, pesé, divisé » (ou divisions : upharsin est un pluriel). Et, sans s’arrêter à la répétition du premier terme (mené, mené), il aurait paraphrasé de la façon suivante : « compté » — Dieu a compté ton règne et y a mis fin ; « pesé » — tu as été pesé dans la balance (de l’Éternel) et tu as été trouvé léger ; « divisé » (ou divisions) — ton royaume sera divisé. Il ajoute : « et donné aux Mèdes et aux Perses » (On a fait remarquer, pour expliquer cette allusion aux Perses, que le mot araméen dont le sens est « diviser » offre une assez grande analogie de ; forme avec le mot qui, dans le même dialecte, veut dire : « perse, persan ».).
L’auteur du livre de Daniel conclut son récit en ajoutant que, cette même nuit, Belsatsar fut tué, et que son royaume passa aux Mèdes. Quoi qu’il faille penser de cette scène et du sens de l’inscription qui en est pour ainsi dire le centre, les lecteurs auxquels le livre était destiné durent en être profondément impressionnés. L’apparition soudaine, en pleine orgie païenne, de la main mystérieuse, le caractère énigmatique des mots qu’elle trace sur la muraille, l’interprétation prophétique et solennelle qu’en donne l’homme de Dieu au roi de Babylone terrifié, prophétie aussitôt suivie de son accomplissement, autant de traits bien faits pour convaincre les lecteurs de l’inexorable réalisation des desseins de l’Éternel et de son triomphe final sur tous ses ennemis. L’auteur, quel qu’il soit d’ailleurs (voir Daniel), semble bien avoir voulu par là, dans un temps de malheurs nationaux et de persécutions, réconforter la foi du peuple juif en la souveraine justice de son Dieu ; et si tel a bien été son propos, il ne paraît pas douteux qu’il y ait pleinement réussi.
M. M.