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Premier mot et nom latin liturgique, d’après la Vulgate (Magnificat anima mea Dominum = mon âme magnifie le Seigneur), cantique chanté par Marie (Luc 1.46-55) après la salutation de sa parente Élisabeth, qu’elle visite à la suite de l’Annonciation (Luc 1.26 ; Luc 1.45). Trois manuscrits de l’ancienne Version Latine (des IVe, Ve et VIIe siècle) l’attribuent à Élisabeth et non à Marie (verset 46), et cette variante était connue déjà d’Irénée, d’Origène, peut-être de Jérôme. On peut, à vrai dire, invoquer quelques considérations en sa faveur :
L’attribution du Magnificat à Marie, presque unanime dans les manuscrits et la tradition, n’en reste pas moins la plus vraisemblable :
Le Magnificat est en effet la majestueuse effusion d’un intense bonheur, mais dans la profonde humilité d’une fidèle servante du Seigneur. S’il fait penser au cantique d’Anne, il est infiniment plus religieux. Rien sur la naissance annoncée ni sur la situation personnelle de la future mère, soit comme privilège soit comme opprobre ; (cf. Matthieu 1.18 et suivant) le mot de saint Ignace sur « le Verbe issu du silence » demeure vrai. Comme les simples croyants dont la connaissance de la Bible est la seule culture expriment volontiers leurs grandes émotions dans les termes scripturaires dont s’est tissée leur vie intérieure consciente et subconsciente, ainsi la pieuse Marie à cette minute d’exaltation se répand en citations de l’Ancien Testament et des Apocryphes, qu’avec tous les Juifs fidèles elle possédait de mémoire depuis l’enfance. En foule se pressent les réminiscences de l’Écriture, non point seulement de 1 Samuel 2, mais aussi de Job, Deutéronome, Es., Mich., etc. et surtout des Psaumes (voir une Bible à parallèles), peut-être encore d’autres écrits juifs comme les 18 Bénédictions de la Synagogue (1ère parallèle verset 54 et suivant, 2e parallèle verset 49, 12e parallèle v.), pour célébrer en Dieu le Sauveur. Ce chant peut être analysé en 4 brèves strophes :
Comme ceux de Zacharie et de Siméon, le cantique de Marie dépasse nettement le judaïsme, mais sans complètement atteindre l’Évangile. Il sonne la révolte de la conscience contre les iniquités sociales (principalement la 3e strophe), en des termes analogues à ceux de nombreux Psaumes, ou de protestations juives comme l’ouvrage Pseudépigraphe des Psaumes de Salomon (par exemple 5.13 et suivant), et cela sans leur prendre leur exclusivisme national et leurs accents vindicatifs ; aucune autre prophétie d’Israël ne montre l’accomplissement des promesses aussi prochain, presque immédiat. Mais le Magnificat fait encore moins de place que le Benedictus et le Nunc dimittis à la personne du Sauveur : aucun titre, aucun fait ne précise à l’avance les mystères de son être, sa vie, sa mort, sa victoire ou son œuvre.
Cet hymne apparaît comme le produit d’un moment de transition bien déterminé, au crépuscule de l’ancienne dispensation mais avant l’aube de la nouvelle (d’après H.P. Liddon, The Magnificat, 1889). C’est ce qui nous empêche d’y voir une œuvre plus tardive, un cantique de l’Église chrétienne primitive reporté par la suite dans l’Évangile de l’enfance (Weiszajcker ; voir Marie, paragraphe 2) : comment l’Église se fût-elle contentée, dans le bouillonnement de son témoignage missionnaire au Crucifié Ressuscité, d’aussi vagues déclarations messianiques de la part de la mère elle-même du Seigneur Jésus ? Et l’explication psychologique indiquée plus haut pour rendre compte de ce genre lyrique composé d’une mosaïque de textes sacrés, nous dispense de chercher si cette composition n’en remonterait pas seulement à l’évangéliste lui-même : certes, sa langue grecque a récrit l’original araméen, à travers lequel certains critiques croient même pouvoir retrouver le sens féminin, maternel ; mais le fond du cantique porte la marque de sa date : « Lorsque les temps furent accomplis, Dieu envoya son Fils, né d’une femme… » (Galates 4.4). Le Magnificat, sublime chant de l’Incarnation, est au seuil de l’Évangile, antérieur à Jésus-Christ.
Il est entré dans les anciennes liturgies de l’Église : cantique du matin en Orient ; quelque temps aussi en Occident avec le Gloria (voir ce mot), il y fut ensuite introduit dans les offices du soir, aux Vêpres.
Jean Laroche