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Un des caractères spécifiques de la religion de Jéhovah. Les autres dieux, d’origine ancestrale, tribale ou naturiste, étaient liés au destin du peuple qui les honorait. Les circonstances les appelaient à s’associer, à se combattre, parfois à se supplanter. Tout ce monde divin projeté dans le ciel par l’imagination des hommes, sans réalité historique et sans stabilité morale, ne pouvait prétendre qu’à un exclusivisme relatif et devait un jour disparaître, soit par désuétude, soit dans un panthéon. Tout autre est la façon dont Jéhovah se présente à l’adoration d’Israël. Jéhovah entre dans l’histoire des Hébreux à l’occasion de faits précis (Exode 1-2), se présente à eux par l’intermédiaire d’une personnalité qui les domine, et traite avec eux une alliance (voir ce mot), fondée dès les premiers jours sur la toute-puissance du Dieu juste et sur la fidélité morale de l’adorateur. L’exclusivisme est donc la condition même du culte de Jéhovah.
On sait le rôle que jouaient les alliances dans la vie nationale des milieux apparentés à Israël. Un contrat que rien ne devait déchirer, un rite institué pour manifester l’observation scrupuleuse du contrat, tel était, dans le Proche-Orient sémitique, le commencement de toute vie morale et sociale. Tel fut le commencement de la religion nationale qui avait pour but d’unir Israël au vrai Dieu.
Israël s’engage, sans comprendre tout ce que portait en germe le culte auquel il se vouait. Son histoire montre, qu’il continuait à croire à l’existence des autres dieux, et que, lorsqu’il le jugeait opportun, il invoquait leur secours, abandonnait même Jéhovah pour les mettre en son lieu (Juges 11.24 ; Ruth 1.15 ; 2 Rois 3.27 ; Jérémie 16.13, etc.). Mais le fondement posé par Moïse le ramenait toujours à la notion du Dieu seul vivant, maître souverain des destinées d’Israël et, par Israël, du destin de l’humanité (voir Jalousie, II).
Admettre que la religion donnée par Moïse à Israël ne différait pas essentiellement de celle des nations voisines de même race que lui, serait aller à l’encontre des témoignages du peuple hébreu lui-même, lequel, dans ses éléments pieux, a toujours manifesté le sentiment que la culture étrangère lui avait été plus nuisible qu’utile, et que son âge d’or avait été l’époque du désert, c’est-à-dire le temps le plus rapproché de la révélation du Sinaï, le temps où la vie nomade de ses pères le tenait à l’abri des séductions de la civilisation païenne et le groupait sous la forte main de Moïse, dans la dépendance exclusive de Jéhovah, dans l’observation de la charte qu’il leur avait donnée (Osée 9.10 ; Osée 10.1 ; Deutéronome 4.4 ; Jérémie 2.2 etc.). On ne saurait refuser le Décalogue primitif à Moïse sans porter un coup fatal à la vraie notion de l’exclusivisme jéhoviste et, proprement, lui ôter son véritable fondement.
Quand Jésus parut, les Juifs ne songeaient plus à associer à Jéhovah les divinités étrangères ni à contester l’unité et l’universalité du Dieu qu’ils adoraient ; mais la raison profonde de l’exclusivisme de son culte leur échappait. Jésus l’a rétablie quand, après avoir proclamé à son tour l’exclusivisme de la religion de son Père (Luc 4.8, cf. Deutéronome 6.13), il lui donna pour assise définitive le fondement moral : le service. « Nul ne peut servir deux maîtres… » (Matthieu 6.24). Le choix de ses disciples, son attitude vis-à-vis des foules, ses affirmations sur la valeur unique du culte en esprit, montrent que l’exclusivisme dogmatique ou ecclésiastique qui amène des chrétiens à condamner d’autres chrétiens aussi fidèles qu’eux dans le service du Maître, n’est qu’une déviation de l’exclusivisme biblique et relève, non de la fidélité, mais de l’étroitesse. Cet exclusivisme, lorsqu’il sévit dans les églises, y est l’origine de calomnies, de divisions, de persécutions, et, loin d’aider au Royaume de Dieu, met obstacle à son avancement. Voir Dieu (les noms de).
Alexandre Westphal