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Croix
Dictionnaire Biblique Westphal
Calmet

1. L’objet

Le mot croix est inconnu dans l’Ancien Testament : 2 Samuel 21.6 ; 2 Samuel 21.9 décrit certainement un supplice différent (la traduction Ostervald est donc erronée). Mais le mot est fréquent dans le Nouveau Testament Il traduit (comme crux de la Vulgate) le grec stauros, qui signifie d’abord pieu (élément de palissade ou de fortification), pal (instrument de supplice employé par Assyriens, Perses, Carthaginois, Égyptiens), ou encore poteau auquel était attaché ou suspendu le supplicié jusqu’à ce que mort s’ensuivît. Ce pal et ce poteau sont nommés en latin crux simplex. Les Grecs et les Romains qui employèrent ce mode de supplice modifièrent de bonne heure l’aspect du poteau en le surmontant d’une traverse. C’est la crux commissa, en forme de T. La forme généralement connue (la croix) est la crux imniissa des Romains ou croix latine. Il est probable que la croix de Jésus avait cette dernière forme, portant au sommet l’inscription (voir ce mot). Quant à la crux decussata ou croix de Saint-André (X), elle n’apparaît dans les textes que beaucoup plus tard que le Nouveau Testament (voir André). La partie verticale (staticulum) de la croix, fort poteau de moins de 3 m de haut, était ordinairement implantée en permanence sur le lieu des supplices, hors des murs de la ville. La partie horizontale (patibulum) était une lourde poutre que le supplicié devait, le plus souvent, porter lui-même et que les bourreaux mettaient en place. Une cheville de bois (sedile, ou cornu) était disposée au milieu du poteau vertical pour supporter le crucifié, entre les jambes ; peut-être y avait-il quelques fois un autre support pour les pieds, à un demi-mètre du sol (voir Crucifiement).

2. Le symbole

Les Évangile mentionnent trois circonstances où Jésus parle de la croix que le disciple doit prendre et porter et, au moins deux fois, en termes tels que le symbole n’a de valeur que si le Maître prévoit pour lui-même la réalité du supplice de la croix.

Matthieu 10.38

« Celui qui ne prend pas sa croix n’est pas digne de moi ». Cette parole de Jésus est placée dans le cours de ses exhortations aux Douze au moment où il les envoie en mission temporaire. Depuis la domination romaine les Juifs étaient familiarisés avec le crucifiement (d’après Josèphe, des Galiléens avaient été crucifiés en masse à la suite de la révolte de Judas le Gaulonite) ; on pourrait donc à la rigueur admettre qu’ici le symbole est indépendant du supplice du Maître lui-même. Prendre (grec lambaneïn) sa croix désigne ici le premier geste de l’homme qui fait le sacrifice entier de sa vie ; le moment où le condamné saisit, pour s’en charger, le patibulum de sa croix, est le moment décisif : dès lors l’homme n’appartient plus qu’à sa croix, qu’à la mort.

Marc 8.34 ; Matthieu 16.24; Luc 9.23

Ici il ne s’agit plus seulement des conditions imposées à l’apôtre, au prédicateur de l’Évangile, mais de l’obligation qui attache la vie de tout disciple de Jésus à son Maître. Jésus sera mis à mort, il vient de le prédire et de rétorquer les protestations de Simon Pierre et il ajoute, « parlant à tous » (Luc) : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge (grec aïreïn) de sa croix et qu’il me suive ». L’allusion à la forme du supplice que Jésus endurera est évidente. L’évocation du cortège des disciples se chargeant de la croix est claire aussi. Jésus tient ce propos vers la fin de sa vie, aussitôt après sa transfiguration, où il lui a été rappelé ce que désormais il enseigne à ses fidèles : que le chemin de la gloire passe par la croix.

Luc 14.27

Le disciple doit porter (grec bastazeïn) sa croix pour être fidèle à son Maître. Cette parole est encore plus proche que la précédente de la mort de Jésus.

Les Évangile synoptiques représentent donc Jésus comme ayant eu dans les derniers temps de son ministère une vue nette de son issue fatale : la croix. Par une sorte de raccourci, le quatrième Évangile dresse cette vision de bonne heure, dans l’entretien avec Nicodème : Jean 3.14 et suivant ; comparez Jean 8.28 ; Jean 12.32, allusions certaines à l’élévation du Christ sur la croix. Nous n’avons pas à rechercher ici comment, en découvrant la croix au terme de son chemin, inévitable parce que sa sainteté même le rendait insupportable à son peuple, Jésus n’a pas cessé de croire au salut qu’il était venu apporter au monde. Il y a là tout le mystère de la foi totale du Fils en son Père, de l’abandon sans réserve à l’amour tout-puissant de Dieu. Voir Jésus-Christ.

Ce qui est à notre portée, c’est la conception que les apôtres, notamment saint Paul, ont eue de la croix après la mort de leur Maître. La croix, qui semblait être la destruction de toutes leurs espérances, est devenue le symbole de l’Évangile et de la grâce. Si dans les premières prédications apostoliques l’accent est mis surtout sur la gloire du Ressuscité : « Vous l’avez crucifié… , Dieu l’a ressuscité » (Actes 2.23 et suivant, etc.), dans la prédication de Paul, si importante que lui paraisse la résurrection de Jésus, l’acte essentiel qui fait de lui le Sauveur c’est sa mort sur la croix. « La parole de la croix » devient « la puissance génératrice de l’Église » (T. Fallot). Aux Juifs demandant des miracles et des révélations, aux Grecs philosophant, Paul prêche « Christ crucifié » (1 Corinthiens 1.2). Par son infamie même, la croix, « scandale aux Juifs », est devenue aux yeux des fidèles le signe suprême de l’amour infini, de l’amour rédempteur de Jésus-Christ et de Dieu qui a donné Jésus-Christ « mort pour nos péchés » (voir Rédemption). Elle est devenue le symbole de l’espérance en la vie éternelle rendue ; elle a pris la valeur d’une profession de la foi chrétienne. Sa place est partout dans les églises, surtout sur le maître-autel ; la forme même de l’Église gothique, avec sa nef, son chevet et son transept, est celle de la croix. Si la Réforme calviniste a exclu la croix des églises, par horreur de tout ce qui pouvait favoriser l’idolâtrie, nous voyons maintenant la croix, qui n’a jamais quitté les églises luthériennes, introduite dans certains temples réformés et même prendre parfois aux dépens de la chaire la place centrale au fond du chœur restauré. H. H.


Dictionnaire Encyclopédique de la Bible par Alexandre WESTPHAL, Pasteur, Docteur en Théologie, et professeur honoraire de l'Université de Toulouse (Faculté de Théologie protestante de Montauban).
Edition originale publiée en 1932 par les Editions et Imprimeries « Je Sers », Issy-les-Moulineaux. Imprimeries Réunies Ducros et Lombard, Aberlen et Cie. Valence sur Rhone.
Numérisation Yves PETRAKIAN – 2005 France.

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