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Dieu l’a-t-il prohibée dans la loi mosaïque ? on le croit, et j’ignore sur quoi on se fonde. Le Lévitique (Lévitique 22.26), que l’on cite en faveur de cette opinion est conçu en ces termes : Omne animal, quod vel contritis, vel tusis, vel ablatisque testiculis est, non offeretis Domino ; et in terra vestra hoc omnino ne faciatis, ou, comme portent, au lieu du dernier membre de la phrase, l’Hébreu et les Septante, et non facietis in terra vestra ; différence, au reste, qui n’affecte pas le sens. On dit donc que cette dernière partie du verset, soit dans l’original, soit dans la Vulgate, exprime la défense de pratiquer la castration ; et puis, comme il est souvent parlé de bœufs dans l’Écriture, on a soin d’ajouter que ces bœufs sont des taureaux. Pour labourer, dit-on encore, les Hébreux se servaient exclusivement de taureaux, qu’ils savaient facilement subjuguer et rendre souples et dociles. Pures imaginations ; c’est ainsi que je me permets d’en juger, jusqu’à ce qu’on donne des preuves.
J’admets, toutefois, la possibilité de dompter les taureaux et de les employer au labourage ; mais je ne puis admettre l’interprétation qu’on donne au texte cité.
1° On le traite comme s’il y avait : Omne animal quod contritis,… testiculis est non offeretis, et non facietis animal quod contritis testiculis est ; or, ce dernier membre de phrase, grammaticalement parlant, n’a aucun sens, en prenant facietis dans l’acception que lui donnent ceux que je réfute. Jamais, par exemple : Facere hominem qui est eunuchus n’a pu signifier faire un eunuque ; il y aurait contradiction dans les termes : puisqu’il est (eunuque), on ne peut pas le faire tel.
2° La phrase ne renferme qu’un seul complément (animal quod… testiculis est) et deux verbes d’où il suit qu’il est beaucoup plus naturel de donner au second verbe le complément du premier, en attribuant à ce second verbe (facietis) une signification qui le rende propre à recevoir ce complément sous la forme qu’il a dans le verset. C’est ce que nous ferons en traduisant, comme d’ailleurs nous y sommes autorisés, facere par sacrifier. En effet, nous lisons dans l’Exode (Exode 29.38) : Hoc est quod facies in altari agnos anniculos duos, etc., c’est-à-dire, voici ce que tu sacrifieras sur l’autel : deux agneaux d’un an (Nombres 6.10, 11) : Nazaroeus offera duos lunures, vel duos pullos columboe, sacerdoti… facietque sacerdos unum pro peccato, etc. ; c’est-à-dire : Le Nazaréen offrira au prêtre …, deux tourterelles ou deux petits de colombe ; et le prêtre en sacrifiera un pour le péché, etc. Ce même mot est employé d’autres fois en ce même sens dans les Nombres et dans le Lévitique ; c’est un hébraïsme assez fréquent qu’on retrouve dans les écrivains postérieurs à Moïse (Juges 13.16 ; 1 Rois 18.25 ; Osée 2.8 ; Baruch 1.10 ; Ézéchiel 43.25). Les profanes ont aussi le même mot dans la même acception ; ainsi Virgile : Cum faciam vitula pro frugibus, etc. Enfin dans le texte cité à l’appui de l’opinion que je combats, le mot hébreu traduit dans la Vulgate par faciatis est rendu dans la version syriaque par sacrificabitis.
3° Le verset suivant, par la connexion qu’il a avec celui que nous discutons, confirme notre interprétation. Il commence ainsi : Et de la main d’un étranger vous n’offrirez aucun de ces animaux-là, etc., c’est-à-dire, ayant quelque défaut, étant aveugle, blessé, malade, amputé, coupé, etc. (depuis le verset 19). Pourquoi dans l’un, ces mots : In terra vestra ; et dans l’autre : De manu alienigeni? c’est que Dieu leur défend de lui offrir aucun de ces animaux, soit existant dans leur pays, soit venant de l’étranger. Donc, ces mots : Et non facietis in terra vestra se rapportent à la défense d’offrir à Dieu aucun sujet mâle, faisant partie du bétail (vers. 19) s’il a subi, par un des quatre moyens usités et énoncés, la perte de la faculté génératrice, fût-il parfait d’ailleurs, et n’eût-il aucun défaut corporel, naturel ou accidentel (vers. 20, 22, 23).
4° Il y a de plus, en faveur de notre sentiment, une raison de logique qui n’a pas moins de force. En effet, s’il était défendu de mutiler des animaux, il n’était pas nécessaire d’en défendre l’oblation ; une défense impliquait l’autre. Et si on persiste à voir dans le verset en question la réunion des deux défenses, on l’aura interprété comme s’il y avait dans la disposition de leur énoncé quelque chose qui répugnât au bon sens, comme si la défense, de mutiler les bêtes avait été faite avant celle de les offrir.