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Accroissement
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet

De La population des Israélites en Égypte

Il est écrit : « Les enfants d’Israël fructifièrent (Psaumes 72.16), se multiplièrent, s’augmentèrent, se fortifièrent extrêmement dans le pays de Gessen (Genèse 45.11), le meilleur de l’Égypte (Genèse 47.6-11) et le pays en fut rempli. » (Exode 1.7) « Les enfants d’Israël partirent (du pays de) Ramessès (ou de Gessen (Genèse 47.11) étant environ six cent mille hommes de pied, sans compter les femmes et les enfants. » (Exode 22.37). Voyez encore chapitre (Exode 38.25).

Voltaire a exercé son incrédulité sur ce chiffre de six cent mille hommes en état de porter les armes, ou âgés de vingt ans (Exode 30.14), et dans lequel ne sont point comprises les autres parties de la population. À ces écarts d’un esprit hostile et sans bonne foi, nous avons opposé dans notre Histoire de l’Ancien Testament, un calcul fondé sur le cours de la nature et que nous avons trouvé dans un ouvrage qui n’a pas été fait pour réfuter les incrédules, puisqu’il traite de l’attaque et de la défense des places de guerre.

Malgré la preuve mathématique produite par le célèbre auteur de cet ouvrage, M. Dureau de la Malle, il s’est trouvé, en France et en Allemagne, des auteurs qui ont répété, sur ce point et sur d’autres, les objections de Voltaire, comme si elles étaient quelque chose de nouveau. Il est vrai que, parmi eux, il en est qui y ont mis un vernis de science, et d’autres une certaine réserve, qui peut s’appeler pusillanimité ou hypocrisie. Pour l’honneur de ces écrivains, nous aimons à croire qu’ils n’ont point eu connaissance du calcul fait par l’auteur de la Poliorcétique des anciens. Si, par exemple, M. Wiener eût connu cette réfutation sans réplique, il ne se serait pas hasardé à écrire « que la foi la plus robuste ne saurait admettre comme historique le chiffre excessivement élevé, auquel on fait monter la population juive… qui sortit de Ramessès, » et que ce chiffre « ne peut guère être disculpé du reproche d’exagération. » Il dit qu’ici, comme dans quelques autres endroits, « l’exagération est évidente, » puis il ajoute : « Elle ne vient pas immédiatement du narrateur, mais de la tradition historique : on en trouve de semblables dans les origines de l’histoire romaine et de nos jours encore chez les peuples de l’Orient. » Je vois dans ces paroles deux suppositions, l’une pour prouver l’autre : la première, c’est que le nombre dont il s’agit est exagéré ; la seconde, c’est que la tradition l’a exagéré. Est-ce là de la critique ? De la logique ? Est-ce raisonnable ? Quant aux exagérations réelles qu’on trouve dans l’histoire romaine et ailleurs, elles ne prouvent point celle que M. Wiener impute ici gratuitement à la tradition hébraïque.

L’accroissement de la population des Israélites en Égypte n’a rien qui répugne ; et tout homme vraiment éclairé n’hésite point à admettre ce fait déjà si loin de nous ; il trouve même et constate des faits permanents qui en prouvent la certitude. Ainsi M. Léon de Laborde, sur ce sujet même, s’exprime dans les termes suivants : « Les nomades du désert ne multiplient pas beaucoup, parce que leur existence est trop pénible, leur vie trop dure, leur nourriture trop chétive ; mais les tribus arabes établies et fixées sur la lisière des pays cultivés, comme en Égypte et en Syrie, s’accroissent extraordinairement et deviendraient un sillet d’inquiétude pour les gouvernements, si leur prospérité n’était pas entravée, et pour ainsi dire, régulièrement arrêtée par les guerres que leur suscitent les tribus voisines qui convoitent leur position favorable. Les Hébreux n’ayant point un pareil obstacle devaient remplir la terre. Ils participaient avec les Égyptiens aux bienfaits d’un climat aussi pur que celui des bords du Nil. Or la fécondité des femmes égyptiennes fut proverbiale. On l’a attribuée à la qualité de l’eau. Aristote cite une Égyptienne qui accoucha quatre fois de suite de cinq enfants. Les dévastations occasionnées par les maladies, les tyrannies, les guerres n’ont jamais pu dépeupler ce pays que dix années de paix et de bonne administration rempliraient de nouveau. Toutefois les étrangers, comme les Turcs et les Mamelouks, se reproduisent difficilement sur ce sol ; mais cette exception ne peut s’étendre aux Israélites qui ne participaient point aux excès auxquels se livrent ces Conquérants, dès leur arrivée dans le pays, et qui d’ailleurs étaient venus en Égypte avec leurs femmes et s’étaient multipliés dans leur race, tandis que ces étrangers arrivent seuls, achètent des esclaves et disparaissent sans enfants, au milieu des épuisements de la polygamie et de la pédérastie. »

M. de La borde revient sur le même sujet, à l’occasion d’un texte parallèle du même livre « Il est impossible en Orient, quant à la population, dit-il, de faire reposer un calcul sur les règles de statistique qui sont reçues en Europe. La fécondité des femmes n’a pas de bornes en Égypte, et l’on conçoit quelle différence doit établir, dans un calcul, des faits pareils à ceux que citent Aristote, Strabon, Pline, Aulugelle ; faits qui se présentent encore maintenant tous les jours, malgré l’état de misère et d’oppression dans lequel vivent les Égyptiens.

Je n’émets donc ici aucun doute sur la possibilité de l’accroissement des Hébreux, tel que l’indique le texte, d’abord parce que le texte le dit, ensuite parce que la protection de Dieu couvrait le peuple dans sa servitude ; enfin, parce que dans les probabilités du développement de toute autre population, cet accroissement pouvait avoir lieu.

Je donnerai place ici à une table de proportion établie d’après les bases ordinaires de l’accroissement de la population ; on la trouve dans le Litterarischen Anzeiger du 4 octobre 1796.

Le nombre de 603 550 hommes capables de porter les armes, fait monter nécessairement le chiffre total de la population à 2 400 000 âmes. En supposant que, des 70 personnes qui arrivèrent en Égypte, il n’en resta, après vingt ans, que quarante encore vivantes, ayant chacune deux fils ; qu’après chaque période de vingt années écoulées, il soit mort un quart de la population existant dans la période précédente, on obtient la progression géométrique suivante :

Après les 20 premières années, les quarante restant ayant deux fils = 80

80 – 80/4 = 60 ; 60 x 2 = 120

120 – 120/4 = 90 ; 90 x 2 = 180

180 – 180/4 = 135 ; 135 x 2 = 270

En continuant la progression on obtient :

(a x r puissance n) – a

b - 1

Ou bien :

(80 x (3/4) puissance 43/2) – 80

3/2 - 1

(80 x 6109) – 80

1/2

= 977 280

Neuf cent soixante et dix-sept mille deux cent quatre-vingts hommes, âgés de vingt ans et capables de porter les armes, forment une réunion supérieure, d’un grand tiers, au chiffre dont on a besoin ; mais comme le nombre d’années adopté est plus fort que celui qui s’écoula réellement entre l’arrivée en Égypte et la sortie, la compensation pourrait s’y trouver. »

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