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Ce terme, dans le style des Hébreux, a une signification fort différente de celle qu’on lui donne en notre langue l’hébreu cabala signifie tradition, et les rabbins, qui sont nommés cabalistes, s’appliquent principalement à la combinaison de certains mots, de certaines lettres, de certains nombres, par le moyen desquels ils se vantent de découvrir les choses futures, et de pénétrer le sens de plusieurs passages difficiles de l’Écriture. Cette science n’a point de principes assurés, mais elle suit certaines traditions des anciens, d’où lui vient le nom de Cabale. Les cabalistes ont un grand nombre de noms qu’ils appellent sacrés, par lesquels ils invoquent les esprits, et dont ils prétendent tirer de grandes lumières. Ils enseignent que les secrets de la cabale furent découverts à Moïse sur le mont Sinaï, et qu’ils sont venus de père en fils jusqu’à eux, sans interruption et sans aucun usage des lettres, parce qu’il n’est pas permis de les écrire. On dit qu’il y a grand nombre de Juifs cabalistes dans la Pologne et dans d’autres endroits du Nord. Voyez Basnage Continuation de Josèphe, tome 6.1 9 c. 7
Voici la manière dont Maimonide explique la cabale ou tradition des Juifs. Dieu donna à Moïse, non seulement la loi, mais aussi l’explication de la loi, sur la montagne de Sinaï. Quand il était descendu, et qu’il était entré dans sa tente, Aaron l’allait trouver, et Moïse lui apprenait les lois qu’il avait reçues de Dieu, et lui donnai l’explication que lui-même avait aussi reçue de Dieu. Après cela Aaron se mettait à la droite de Moïse, Eléazar et Ithamar, fils d’Aaron, entraient, et Moïse leur répétait ce qu’il venait de dire à Aaron. Après, placés l’un à la droite et l’autre à la gauche de Moïse, entraient les soixante-dix Anciens d’Israël, qui composaient le sanhédrin. Moïse leur exposait encore les mêmes lois et leurs explications, ainsi qu’il avait fait à Aaron et à ses fils. Enfin, on faisait entrer tous ceux du peuple qui voulaient, et Moïse les instruisait encore comme il avait fait les autres. De sorte qu’Aaron entendait quatre fois ce que Moïse avait appris de Dieu sur la montagne ; Eléazar et Ithamar l’entendaient trois fois les soixante-dix vieillards deux, et le peuple une fois.
Moïse rédigeait ensuite par écrit les lois qu’il avait reçues, mais non pas l’explication de ces lois. Il se contentait de les confier à la mémoire de ceux dont nous avons parlé, qui, en étant parfaitement instruits, les faisaient passer à leurs enfants, et ceux-ci aux leurs de siècle en siècle. Les lois que Moïse a écrites se lisent dans ses livres, dans l’Exode, le Lévitique et les Nombres ; mais l’explication, la tradition, ou cabale de ces mêmes lois, s’est conservée dans la mémoire des Hébreux jusqu’aujourd’hui. Cela s’appelle aussi la loi orale, parce qu’elle est passée des pères aux fils de bouche en bouche, pour la distinguer des lois écrites.
Il y a de ces traditions ou cabales qu’ils attribuent aux patriarches instruits par leurs anges. Adam eut pour maître l’ange Raziel, qui lui apprit la cabale ; Japhiel fut le maître de Sem ; Zedekiel le fut d’Abraham ; Raphael d’Isaac Peliel de Jacob ; Gabriel de Joseph, Métatron, de Moïse et Malaihiel d’Élie. C’est ainsi que les rabbins tâchent de concilier une grande autorité à leurs traditions et à leurs explications de la loi, contre lesquelles Jésus-Christ s’est si fort élevé dans l’Évangile ; et voilà la vraie notion de la cabale ou tradition des Juifs.
Il y a une autre cabale qu’on nomme artificielle, qui consiste à chercher les significations abstruses et mystérieuses que l’on donne à un mot de l’Écriture, et d’où l’on tire certaines explications par la combinaison des lettres qui le composent. Cette cabale se divise en trois espèces : la Gematrie, le Notaricon, le Temurah, ou changement. La Gernatrie consiste à prendre les lettres d’un mot hébreu pour des chiffres ou nombres arithmétiques, et à expliquer chaque mot par la valeur arithmétique des mots dont il est composé.
Par exemple (Genèse 49.10),
Les lettres Jabo-Schfroh :
Iod = 10
Beth = 2
Aleph = 1
Shin = 300
Yud = 10
Lamed = 30
Hébreux = 5 Total = 358
Et les lettres Messiah
Mem = 40
Shin = 300
Yud = 10
Chet = 8 Total = 358
Font le même nombre arithmétique, d’où ils concluent que Schilo signifie le Messie.
La seconde espèce de cabale, qui est nommée Notaricon, consiste à prendre chaque lettre d’un mot pour une diction entière ; par exemple, de Bereschit (au commencement), qui est le premier mot de la Genèse, composé des lettres B, R, A, SCH, I, T, on fait Bara-Rakia-Arez-Schamain-jam-Tehomoth : Il a créé le firmament, la terre, les cieux, la mer et les abîmes.
Ou bien à prendre les premières lettres d’une sentence pour en former une seule diction ; par exemple : Athah-Gibbor-Leholam-Adonai : Vous êtes fort dans l’éternité, Seigneur. En prenant les premières lettres de cette sentence, on fait ce nom de Dieu Agla. Ce terme peut signifier je révélerai, ou une goutte de rosée.
La troisième espèce de cabale, nommée Themurah, c’est-à-dire changement, consiste à faire différentes transpositions ou changements de lettres, mettant l’une pour l’autre, ou l’une devant l’autre, à-peu-près comme on fait des anagrammes en latin on en français. Par exemple, du mot Bereschit, qui commence la Genèse, on fait in Tizri, A-betisri, le premier jour du mois de tizri ; et on en infère que le monde a été créé le premier jour du mois tizri, qui revient à-peu-près à septembre.
On donne aussi par abus, parmi les chrétiens, le nom de Cabale à une certaine magie qui abuse des passages de l’Écriture pour des opérations magiques, ou pour former des caractères magiques et des figures constellées et des talismans. Tels sont les abraxas, si connus parmi les antiquaires. On comprend quelquefois sous le même nom l’art hermétique ou la recherche de la pierre philosophale [Le mot cabale signifie réception par tradition, dit M. Bonnetly. Ainsi, et d’après son nom, la cabale serait le recueil des traditions juives antiques, conservé de père en fils, depuis Moïse, et même depuis Adam. Ce serait une espèce de théologie secrète, enseignant à découvrir dans l’Écriture des sens mystiques et allégoriques ; voilà pourquoi les rabbins cabalistes définissent la cabale : Une science qui élève à la contemplation des choses célestes et au commerce avec les esprits bienheureux ; elle fait connaître les vertus et les attributs de la Divinité, les ordres et les fonctions des anges, le nombre des sphères, les propriétés, des astres, la proportion des éléments, les vertus des plantes et des pierres, les sympathies, l’instinct des animaux, les pensées les plus secrètes des hommes.
On a vu ci-dessus qu’il y, a trois parties dans la cabale.
Cinquante entrées différentes, suivant les rabbins, conduisent à la connaissance générale des mystères ; c’est ce qui s’appelle les cinquante portes de l’intelligence. Dieu en fit connaître quarante-neuf à Moïse, qui renferma toute cette doctrine, toute l’étendue de la science que Dieu lui avait donnée, dans les cinq livres du Pentateuque ; elle y est contenue, ou dans le sens littéral, ou dans le sens allégorique, ou dans la valeur et la combinaison arithmétique des lettres, dans les figures géométriques des caractères, dans les consonances harmoniques des sons. C’est à l’y découvrir que travaillent tous ceux qui se sont occupés de la cabale. On comprend, par ce court exposé, que s’il est cinquante portes ouvertes à l’intelligence, le nombre de celles qui sont ouvertes à l’erreur doit être infini.
On trouve des vestiges écrits de la cabale dans le Talmud, compilé vers le sixième siècle, et particulièrement dans les écrits du rabbin Haî-Guon mort l’an 1037 ; mais cette science remonte bien plus haut. Quelques Savants, même chrétiens se sont occupés de la cabale, et ont voulu lui assigner une place dans les études sérieuses. Le fameux Pic de la Mirandole a composé un livre tout exprès pour en faire sentir l’importance. Il y dit sérieusement que celui qui connaît la vertu du nombre 10, et la nature du premier nombre sphérique qui est 5, aura le secret des cinquante portes d’intelligence, du grand jubilé de cinquante ans des Juifs, de la millième génération de l’Apocalypse, et du règne de tous les siècles dont il est parlé dans l’Évangile. Il enseignait, en outre, que, pour son compte, il y avait trouvé toute la doctrine de Moïse, la religion chrétienne, les mystères de la Trinité et de la rédemption, la hiérarchie des anges, la chute des démons, les peines de l’enfer, etc. Toutes ces assertions forment les soixante-douze dernières propositions des neuf cents qu’il soutint à Rome, avec l’admiration générale, à l’âge de vingt-quatre ans.
L’abbé Bergier (Dict de Théol) croit que la cabale n’a commencé que vers le dixième siècle ; mais il est dans l’erreur, dit encore M. Bonnetty. Cette science, surtout dans les deux premières parties, est très-ancienne ; elle se lie avec la doctrine astrologique des Chaldéens, avec la vertu des nombres et des éléments que l’on trouve dans les plus anciens livres chinois, avec la philosophie des nombres de Pythagore et de Platon. Il nous paraît prouvé, en effet, que les anciens avaient attaché des vérités fort importantes aux nombres et aux éléments ; mais la tradition et l’explication de ces vérités se sont altérées et perdues. Aucun criterium, aucune règle sûre n’existe plus pour les retrouver. Il serait cependant à souhaiter qu’un homme d’un sens droit et d’un esprit positif et non systématique voulût remuer cette masse de conceptions plus ou moins hétéroclites, et les comparer ensemble. Nous sommes assurés, c’est toujours M. Bonnetty qui parle, qu’il sortirait de cet examen une connaissance curieuse et nouvelle des doctrines métaphysiques, physiques et psychologiques des anciens peuples.
On sait que M. Cahen est rationaliste et ne croit pas aux traditions révélées ; cependant il ne nie pas la réalité des traditions précieuses qui se trouvent renfermées dans l’antique recueil des traditions juives. « La Cabalah, tradition mystique du judaïsme, dit-il, renferme des mystères identiques, pour le fond, à ceux du christianisme, et en différant par l’énoncé. Ainsi l’homme antérieur des cabalistes n’est évidemment autre que le Logos, le Verbe incarné de l’Évangile, qui porte le nom de saint Jean. Ce qu’on lit dans le verset 3 du chapitre 1 du même Évangile, se lit également, mais en d’autres termes, dans le Zohar, nouveau testament des cabalistes. Des théologiens ont entrepris de nous convertir, en démontrant par le Zohar les mystères chrétiens : le moyen est excellent auprès des Juifs qui admettent le Zohar. Il est même à remarquer que la secte cabalistique, qui a fait tant de bruit au dix-septième siècle, et avait pour chef le célèbre Sablai-Sevi, a disparu et s’est fondue presque totalement dans le christianisme. Toutefois, il serait possible que la secte toujours subsistante et si nombreuse des Chasidim Polonais fût une branche des Sabtaiens. La Cabalah a exercé une influence puissante et funeste sur la vie du Juif, depuis son entrée dans le monde jusqu’à la dernière pelletée de terre qui ferme son tombeau. Nos momeries les plus absurdes, nos superstitions les plus honteuses sont uniquement fondées sur des pratiques cabalistiques, en opposition même avec le vrai esprit du Talmud ; car, quoique cette collection renferme des idées et des faits mystiques, on ne les rencontre que dans la partie dite Hagadtha, peu estimée et décriée en plusieurs endroits du Talmud même, ce qui rend probable l’opinion que cette partie a été ajoutée plus tard, et subrepticement ; elle ne se rattache d’ailleurs directement ni à la Mishna, ni à la Guenah. » Voyez l’article qui suit].