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On sait que Dieu donna des cailles à son peuple, dans le désert, en deux occasions : la première (Exode 16.3-13), dans le désert de Sin, peu de jours après le passage de la mer Rouge et la seconde (Nombres 11.32 ; Psaumes 105.40), au campement nommé en hébreu Kibéroth-Aba, ou Sépulcres de Concupiscence l’une et l’autre arrivèrent au printemps, lorsque les cailles passent de l’Asie en Europe. Alors on en trouve une très-grande quantité sur les côtes de la mer Rouge et de la Méditerranée. Dieu fit élever un vent qui les jeta au dedans et autour du camp des Israélites. C’est en cela que consiste le miracle, de les avoir amenées en ce lieu-là à point nommé et en si grande quantité, qu’il y en eut pour rassasier plus d’un million de personnes pendant plus d’un mois. Le terme hébreu schalav (Exode 16.13) et aussi en Chaldéen, Syriaque, Arabe, grec des septante, signifie une caille, du consentement des anciens interprètes ; et les langues chaldéenne, syriaque et arabe les appellent à-peu-près de même. Cependant M. Ludolf, s’efforce de montrer que Moïse a parlé non des cailles, mais des sauterelles.
Voici les raisons que M. Ludolf apporte pour prouver que Moïse a voulu parler non des cailles, mais des sauterelles, dans l’Exode (Exode 16.3-13), et dans les Nombres (Nombres 11.32). Il remarque que le terme original, selavv, peut dériver d’une racine qui signifie abondance : ce qui convient mieux aux sauterelles qu’aux cailles. Il avoue que les versions orientales l’expliquent des cailles ; mais il soutient qu’ils n’ont pas entendu le vrai sens du texte. Porphyre remarque qu’une armée prête à mourir de faim, en Afrique, fut secourue fort à propos par une nuée de sauterelles qui lui servit de nourriture. Ludolf conjecture que ce fut un pareil événement qui satisfit aux désirs des Israélites dans les déserts d’Arabie. On prouve aisément, par le témoignage de plusieurs auteurs anciens et modernes, qu’il y a une quantité presque incroyable de sauterelles dans l’Orient ; que des peuples d’Arabie vivent de sauterelles, qui leur sont apportées par les vents ; qu’ils les amassent en monceaux, qu’ils les conservent dans le sel ; qu’on les mange, qu’on les sert même sur la table des rois ; qu’elles sont excellentes au goût et salutaires à la santé.
Quelquefois les sauterelles volent dans les airs en si grand nombre, qu’elles obscurcissent le soleil et couvrent les moissonneurs comme d’une nuée de mauvais augure ; que, quand elles s’abattent sur une contrée, elles n’y laissent rien d’entier : elles rongent, elles dévorent, elles brûlent tout, jusqu’aux bois les plus durs. On a vu des nations entières être obligées de quitter leurs demeures, pour s’éloigner de ces formidables insectes.
Ludolf montre ensuite que le récit de Moïse est favorable à son opinion. 1° Les sauterelles sont bonnes à manger, et permises expressément par la loi de Moïse (Lévitique 11.22). 2° Ce fut le vent qui amena dans le camp les animaux dont parle ce législateur : ce qui convient beaucoup mieux aux sauterelles qu’aux cailles. 3° Il est dit qu’ils étaient répandus sur le camp et qu’ils le couvraient à une journée de chemin ; qu’ils étaient à la hauteur d’une coudée, qu’on les ramassait par monceaux qu’on en recueillait dix chomers : expressions qu’on a toutes les peines du monde de soutenir dans le système ordinaire des cailles, et qui s’expliquent aisément des sauterelles. 4° On étendait ces animaux tout autour du camp, ou, selon la Vulgate (Nombres 11.32), on les séchait autour du camp : ce qui ne peut s’entendre des cailles, qui auraient été bientôt remplies de vers si on les avait ainsi exposées au soleil.
Mais ce qui renverse toutes ces conjectures, c’est premièrement le consentement des langues et des versions orientales, qui ont entendu des cailles sous le nom de selavv. Les Septante, Josèphe, et tous les commentateurs anciens et modernes l’entendent de même. De plus, les Hébreux demandaient de la chair à Moïse ; la manne les dégoûtait ; auraient-ils voulu se contenter de sauterelles ?
Mahomet, dans l’Alcoran, parle du miracle que Dieu fit en envoyant de la chair aux Israélites. Il se sert du même mot que Moïse (salva). Un de ses interprètes dit que ce terme, salva, signifie non-seulement des cailles, mais aussi du miel. Un autre interprète dit que la plupart expliquent le mot salva par le mot sumani qui est plus usité parmi les Arabes pour signifier une caille, que les Persans appellent aussi sémanah ; cependant, ajoute-t-il, c’est un oiseau particulier de l’Arabie Heureuse, plus gros qu’un moineau, et plus petit qu’un pigeon, qui n’a ni nerfs, ni os, ni veines, et dont le chant est fort agréable. Il dit de plus que le vent envoyé de Dieu fut si impétueux, qu’il rompit les ailes de ces oiseaux, et les fit tomber comme une nuée fort épaisse dans le camp des Israélites, qui les prenaient avec la main et les mangeaient avec la manne. Ce qu’ils disent que cet oiseau n’a ni os, ni nerfs, ni veines, est une hyperbole, pour marquer qu’il est fort gras et fort tendre, à-peu-près comme nos becfigues, nos ortolans et nos rouge-gorges.