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Empereur Romain, successeur de Tibère. Il prit le gouvernement de l’empire l’an de Jésus-Christ 37. Il régna trois ans, neuf mois et vingt-huit jours. Nous ne trouvons point dans l’histoire de l’Église qu’il ait rien fait contre les chrétiens. Il entreprit de se faire adorer ; il en vint aisément à bout parmi les païens. Mais ayant ordonné à Pétrone, gouverneur de Syrie, de mettre sa statue dans le temple de Jérusalem, ce gouverneur y trouva tant d’opposition de la part des Juifs, que craignant une sédition et une révolte générale, il écrivit à Caïus (source : Josèphe), non pas que les Juifs ne voulaient pas recevoir sa statue, ni lui rendre les honneurs divins, ç’aurait été s’exposer à une mort certaine, et attirer sur les Juifs les derniers malheurs ; il lui écrivit que l’on n’avait pas encore eu le temps d’exécuter ses ordres, parce que les ouvriers qui travaillaient à sa statue, demandaient du temps pour lui donner toute la perfection dont ils seraient capables, et pour en faire, s’ils pouvaient, un chef-d’œuvre. Il ajouta qu’on n’avait pas non plus osé presser les Juifs à cause de la saison parce que, si les terres demeuraient sans être semées, tout le pays demeurant stérile, l’on n’en pourrait plus tirer les impôts ordinaires, et que la misère y ferait une infinité de voleurs.
Caïus reçut les lettres de Pétrone, et feignit de ne pas désapprouver les raisons de son délai. Il lui fit écrire qu’il louait sa prudence ; mais qu’il lui recommandait de ne point perdre de temps à faire consacrer sa statue. Mais ceux qui le connaissaient, et qui avaient observé son air pendant qu’il lisait ces lettres, ne doutèrent point que la perte de Pétrone ne fût résolue.
Sur ces entrefaites, Agrippa étant revenu de Judée à Rome, sans rien savoir de ce qui était arrivé dans la Palestine, ni des lettres de Pétrone, vint à son ordinaire, pour faire sa cour à Caïus. Il trouva ce prince ému ; et ne pouvant deviner le sujet de sa colère, il fut lui-même tout interdit, en considérant que Caïus tenait les yeux fixés sur lui. Alors l’empereur le voyant dans cet embarras, lui dit : Vos admirables Juifs, qui, seuls d’entre les hommes ne veulent pas que Caïus soit un dieu, semblent courir volontairement à leur perte par le refus qu’ils font de m’obéir. J’ai commandé qu’on mit dans leur temple la statue de Jupiter ; et eux, sous prétexte de demander grâce, se sont soulevés de tous côtés contre moi.
À ces mots, Agrippa tomba en défaillance, On l’emporta chez lui, où il demeura sans mouvement et sans connaissance jusqu’au soir du lendemain. Il ouvrit alors un peu les yeux, et regarda les assistants ; puis retomba dans son assoupissement. Le troisième jour il revint tout à fait à lui, et écrivit à l’empereur une grande lettre, pour le prier de pardonner aux Juifs, et de ne pas les contraindre à recevoir sa statue dans leur temple. Caïus fut touché des raisons d’Agrippa ; et Agrippa l’invita à venir manger chez lui à Rome, où il le traita avec toute la magnificence dont il put s’aviser. Caïus satisfait de sa générosité, lui dit dans la chaleur du vin, qu’il voulait le rendre heureux, et le combler de bienfaits. Il le pressa ensuite de lui dire en quoi il pourrait le plus l’obliger. Agrippa lui répondit que la seule grâce qu’il lui demandait, était de ne plus penser à mettre sa statue dans le temple de Jérusalem l’empereur la lui accorda, et fit écrire à Pétrone que si sa statue était placée dans le temple, il pouvait l’y laisser ; sinon de ne rien entreprendre de nouveau sur cela, ajoutant qu’il avait changé d’avis en considération d’Agrippa.
Mais comme s’il se fût repenti de la grâce qu’il venait de faire aux Juifs, au lieu de la statue que l’on avait commencée à Sidon, en fit faire une autre à Rome, de cuivre doré, extrêmement grande, dans le dessein de la faire porter secrètement en Égypte, lorsqu’il y irait au commencement de l’année suivante, et de la faire placer sans bruit dans le temple de Jérusalem, avant que les Juifs en sussent rien. Il écrivit même à Pétrone, que puisqu’il avait eu moins d’égard à ses volontés qu’aux présents qu’il avait reçus des Juifs, il lui ordonnait de se juger lui même, et de se traiter comme le méritait un homme qui avait désobéi à son prince. C’était lui commander de se donner la mort. Mais Dieu permit que cette lettre ne fût rendue à Pétrone, qu’après la mort de Caïus.
Les Juifs d’Alexandrie souffrirent dans le même temps d’étranges persécutions de la part des païens de la même ville, qui, appuyés de Flaccus, leur gouverneur, n’oubliaient aucune occasion de les maltraiter. Philon le Juif fut député avec quelques autres vers l’empereur pour demander justice contre ceux d’Alexandrie. Ils lui présentèrent un mémoire qui contenait l’abrégé de ce qu’ils avaient souffert d’abord Caïus les reçut fort civilement, et leur fit dire qu’il les écouterait lui-même à son premier loisir. Un accueil si favorable fit croire à tout le monde qu’ils gagneraient leur cause. Mais Philon ; que l’âge et la science rendaient plus défiant que les autres, craignit que ce prince n’eût été gagné par les Alexandrins, et, que ces beaux semblants ne se terminassent à leur faire perdre leur cause.
Enfin Philon eut son audience auprès de la ville, dans les maisons de plaisance qui portaient le nom de Mécaenas. Caïus fit ouvrir toutes les chambres de ces palais, pour les voir l’une après l’autre, et au milieu de cette occupation, il fit venir les Juifs d’abord il leur dit avec un ris amer : Vous êtes donc ces ennemis des dieux qui ne voulez pas me reconnaître pour dieu, quoique tous les autres le fassent ; et qui aimez mieux en adorer un autre, que vous ne sauriez seulement nommer ? En même temps étendant la main vers le ciel, il proféra, un blasphème, que Philon, qui raconte toute cette histoire, n’a osé rapporter. Alors un certain Isidore s’adressant à l’empereur, lui dit : Vous détesteriez, seigneur, encore davantage ces gens-ci, si vous saviez l’aversion qu’ils ont pour vous ; car ils sont les seuls qui n’aient pas sacrifié pour votre santé, lorsque tous les peuples le faisaient. À ces mots les Juifs s’écrièrent tous ensemble que c’était une pure calomnie ; qu’ils avaient offert trois fois, pour sa prospérité, les sacrifices les plus solennels de leur religion. Soit, dit Caïus : vous avez sacrifié ; mais ç’a été à un autre. Et quel honneur en ai-je reçu, puisque vous ne m’avez pas sacrifié ?
Cependant Caïus parcourait ses appartements, et donnait ses ordres pour les changements qu’il voulait qu’on y fît. Après quoi il revint aux Juifs, et leur demanda gravement pourquoi ils ne mangeaient point de pourceau. Les Juifs lui représentèrent que chaque nation avait ses lois et ses usages particuliers, et qu’il y avait aussi bien des choses dont leurs adversaires ne mangeaient pas. Sur quoi quelqu’un ayant dit que bien des gens ne mangent pas même d’agneau. Ils ont raison, dit Caïus en riant, car la chair n’en a pas de goût. Après cela, il leur demanda sur quoi ils tondaient leur droit de bourgeoisie d’Alexandrie. Ils commencèrent à déduire leurs raisons ; et, sans attendre qu’ils eussent achevé, il rompit le discours pour aller en courant, dans une grande salle, dont il fit le tour. Au sortir de là, il demanda aux Juifs avec un air plus modéré, s’ils avaient encore quelque chose à dire ; et comme ils commençaient à parler, il les quitta encore, pour aller dans une autre salle, où il avait fait mettre divers tableaux. Quelque temps après, il les congédia en disant : Ces gens-là ne me semblent pas si méchants qu’ils sont malheureux et insensés de ne pas me croire dieu. Nous ne savons pas quel jugement il rendit, mais nous apprenons de Josèphe et de Philon, que sous son règne, les Juifs, d’Alexandrie furent toujours dans l’oppression, et exposés à la violence de leurs ennenis.
Nous ne rapportons pas ici tout le détail de la vie de Caïus ; il nous suffit d’avoir dit ce qu’il fit par rapport à la nation des Juifs. C’est la seule chose qui doive nous intéresser dans cet ouvrage. Ce prince fut tué d’une manière tragique par Chéréas, un de ses gardes, comme il sortait du théâtre. Ce fut l’an de Jésus-Christ 41 et la quatrième année de son règne. Il eut pour successeur l’empereur Claude.
Caïus avait comblé de biens le roi Agrippa, et lui avait donné le royaume d’éludée. Lorsque ce prince fut arrivé en Judée, Hérode Antipas, son oncle, qui était tétrarque de Galilée, jaloux de sa bonne fortune, et sollicité par Hérodias, sa femme, crût qu’allant à Rome, il obtiendrait aussi, de Caïus, le titre de Roi. Il y alla, mais Agrippa, par une autre espèce de jalousie, envoya après lui à l’empereur, et l’accusa d’entretenir des Correspondances contre les Romains, avec le roi des Parthes, et d’avoir dans ses arsenaux de quoi armer soixante et dix mille hommes. Lorsque Hérode fut arrivé en Italie, il alla d’abord à Bayes, où était alors Caïus, et comme il y était, Fortunat, affranchi d’Agrippa, y arriva aussi, et présenta, des lettres de son maître à l’empereur. Caïus les lut, aussitôt, et, les ayant achevées, il demanda à Hérode s’il était vrai qu’il eût une si grande quantité d’armes. Hérode, ne lu put nier. Alors l’empereur, Sans attendre qu’il se justifiât, au lieu de lui donner le titre de roi, le priva de toute sa tétrarchie, et de toutes ses richesses, et le relégua pour toute sa vie à Lyon. Et, ayant su qu’Hérodiade était sœur d’Agrippa, il voulut lui pardonner à cause de son frère, mais elle aima mieux suivre son mari dans son exil, puisque c’était elle qui l’avait engagé dans ce malheur. Ainsi, Dieu vengea la mort de Jean-Baptiste, qu’Hérodias avait sollicitée et qu’Hérode avait exécutée.