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Vulgate
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet
Westphal

On donne le nom de Vulgate au texte latin de nos Bibles qui a été déclaré authentique par le concile de Trente. Voici les termes du concile : Le saint concile, considérant que l’Église de Dieu ne tirerait pas un petit avantage, si de plusieurs éditions latines que l’on voit aujourd’hui, on savait qui est celle qui doit passer pour authentique, ordonne et déclare qu’on doit tenir pour authentique l’ancienne et commune édition qui a été approuvée dans l’Église par un long usage de tant de siècles ; qu’elle doit être reconnue pour authentique dans les leçons publiques, dans les disputes, dans les prédications, et dans les explications théologiques ; et veut que nul ne soit si osé que de la rejeter, sous quelque prétexte que ce soit. Le saint concile en cet endroit ne compare pas la Vulgate aux originaux, il n’en était pas question alors ; mais seulement aux autres versions latines qui couraient en ce temps-là, et dont plusieurs étaient suspectes, comme venant d’auteurs inconnus ou hérétiques. C’est donc mal à propos que les ennemis de l’Église accusent le concile d’avoir référé la Vulgate aux originaux. Salméron, qui avait assisté au concile, et Pallavicin, qui en a fait l’histoire, nous assurent que le concile n’eut point d’autre intention que de déclarer que la Vulgate était la seule des versions latines qu’il approuvât et qu’il tint pour authentique, comme ne contenant rien ni contre la foi, ni contre les mœurs.

On ignore le temps auquel l’ancienne version latine de l’Écriture a été faite, et qui en est le premier auteur ; mais on est persuadé que ce n’est que depuis l’établissement du christianisme que l’on traduisit les Écritures de grec en latin. On n’a nulle connaissance que les Juifs en aient jamais fait aucune de leurs livres saints en latin, quoiqu’ils fussent fort nombreux dans Rome et dans l’Italie. Mais pour les chrétiens, leur zèle les porta de borne heure à travailler à l’envi, à faire connaître la vérité à tout le monde par le moyen des traductions qu’ils firent de l’Écriture. Il y en eut une infinité qui s’y appliquèrent, dit saint Augustin. Dès qu’un homme se sentait quelque capacité pour tourner du grec en latin, il se hâtait de rendre en cette langue le premier texte grec qui lui tombait entre les mains.

De là cette multitude d’exemplaires latins de la Bible, si peu d’accord entre eux ; ce qui faisait dire à saint Jérôme, que l’on voyait presque autant de versions diverses, qu’il y avait de livres. Mais parmi ces anciennes versions il y en eut toujours une plus autorisée et plus universellement reçue ; c’est celle qui est connue dans l’antiquité sous le nom d’Italique, de Commune et de Vulgate, et qui fut appelée Ancienne, depuis que saint Jérôme en eut composé une nouvelle sur l’hébreu. La première était faite sur le grec, et on lui avait donné le premier rang parmi les éditions latines, parce qu’elle était la plus attachée à la lettre, et la plus claire pour le sens.

Quoiqu’en général les personnes éclairées comprissent assez la nécessité d’une nouvelle version qui fût fidèle et exacte, et qui pût tenir lieu de toutes les autres, toutefois on demeura jusqu’à la fin du quatrième siècle, ou au commencement du cinquième, sans rien entreprendre sur cela ; et lorsque saint Jérôme commença à donner quelque essai de sa traduction latine faite sur l’hébreu, il souffrit de grandes contradictions de la part même des personnes qui étaient très-bien intentionnées, mais qui craignaient que l’on ne donnât atteinte à l’autorité des Septante, que plusieurs tenaient pour inspirés, et qu’on ne causât du scandale aux peuples accoutumés à l’ancienne version, en leur en offrant une nouvelle différente de la première. Le saint docteur fit d’abord quelques tentatives, pour essayer de réformer les versions latines faites sur le grec ; il retoucha jusqu’à deux fois le Psautier ; il travailla aussi sur plusieurs autres livres de la Bible ; mais son travail n’eut qu’un succès fort médiocre ; l’ancien usage prévalut. Enfin il se laissa aller aux prières de plusieurs de ses amis qui le sollicitèrent d’entreprendre une version latine entière de la Bible sur l’hébreu.

Il traduisit

1° Les quatre livres des Rois, à la prière des saintes Paule et Eustochium ;

2° Il traduisit le livre de Job, qu’il semble avoir destiné à Marcelle, dame romaine ;

3° Il mit en latin les grands et les petits prophètes ; et quelque temps après, le livre d’Esdras ;

4° Il fit la traduction des psaumes sur l’Hébreu et les donna à Sophronius, pour les mettre en grec ; 5° il traduisit, à la sollicitation d’Héliodore et de Chromace, les trois livres de Salomon, savoir, les Proverbes, l’Ecclésiaste, et le Cantique des Cantiques ;

6° Il entreprit de traduire le Pentateuque, à la prière d’un de ses amis nommé Didier ; mais il ne put achever cet ouvrage qu’à diverses reprises, à cause de sa longueur ;

7° Il accorda aux prières d’Eustochium la version de Josué, des Juges, de Ruth et d’Esther ;

8° Enfin il traduisit les Paralipomènes à la prièrè de Chromace.

Il est impossible de marquer précisément le temps auquel chacun de ces ouvrages a été fait ; mais on sait qu’en l’an 392 les quatre livres des Rois, Job, les grands et les petits-prophètes, les psaumes et les livres de Salomon étaient déjà traduits ; que les livres d’Esdras et la Genèse furent mis en latin entre l’an 392 et 394. Il ne put achever le reste du Pentateuque, c’est-à-dire, l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome, avant l’an 404 ou 405, c’est-à-dire, après ia mort de sainte Paule, arrivée en 404. Après cette année, il traduisit Josué, les Juges et Ruth. Il n’acheva la traduction des Paralipomènes qu’en l’an 396. C’est ce que l’on peut inférer des lettres.et des préfaces de saint Jérôme. Il ne toucha point aux livres de l’Ancien Testament qui ne se trouvent qu’en grec, comme la Sagesse, l’Ecclésiastique, les deux livres des Machabées, la prophétie de Baruch, la lettre de Jérémie, les additions qui sont à la fin d’Esther, les deux derniers chapitres de Daniel, qui sont encore de l’ancienne Vulgate. Le Psautier même tel que nous le chantons, est presque tout entier de l’ancienne italique. La version que saint Jérôme en avait faite sur l’Hébreu ne se trouve pas dans nos Bibles. Notre Vulgate du Psautier n’est pas même l’ancienne version latine réformée sur le grec par saint Jérôme ; c’est un mélange de cette ancienne italique et des corrections de ce saint.

Il traduisit aussi le Nouveau Testament sur le grec, à la sollicitation du pape saint Damase. Avant sa traduction, il y avait si peu d’uniformité dans les exemplaires latins, que l’on voyait presque autant d’exemplaires différents, que de livres. Mais pour ne pas trop choquer les peuples, accoutumés à l’ancienne Vulgate, il s’étudia à conserver, autant qu’il put, les manières de parler qui se trouvaient déjà dans le texte. Ce qui ne contribua pas peu à faire recevoir sa traduction par toute l’Église latine, et à faire oublier l’ancienne Italique, qui ne se trouve plus entière dans aucun endroit, que l’on sache, et dont il ne reste que quelque partie dans les anciens manuscrits, ou quelques fragments dans les écrits des Pères, qui ont vécu avant saint Jérôme.

Le progrès de cette nouvelle traduction fut si prompt, que presqu’en même temps, que le saint docteur en publiait quelque livre, il était aussitôt répandu par les villes et par les provinces. Rufin, rival de saint Jérôme, ne put voir cela sans quelque chagrin, et il lui en fait des reproches. Lucinius, espagnol très-zélé pour les divines Écritures, envoya, dès l’an 394, à Bethléem, six écrivains en notes pour copier les versions et tous les autres ouvrages de saint Jérôme. Saint Augustin, qui dans les commencements n’avait pas été fort favorable à la version de saint Jérôme, l’approuva tellement dans la suite, qu’il en composa son Speculum, ou Miroir, qui est un tissu de passages de l’Écriture, à l’usage des simples fidèles. Le prêtre Philippe, contemporain de saint Jérôme, a suivi dans son commentaire sur Job toute la version de saint Jérôme. Saint Grégoire le Grand en a presque toujours usé de même dans ses Morales sur Job, quoiqu’il dise que de son temps l’Église romaine se servait assez indifféremment de l’ancienne Italique, comme de la nouvelle traduction faite sur l’hébreu. Saint Isidore de Séville, qui vivait vers l’an 630, dit sans restriction que toutes les Églises suivaient la version de saint Jérôme. Enfin, Hugues de Saint-Victor avance que l’Église latine fit un décret ; par lequel elle ordonnait qu’a l’avenir on ne se servirait point d’autre version que de celle dont nous parlons. Nous ne connaissons point de tel décret, et il est très-possible qu’il n’y en ait jamais eu de pareil ; mais l’usage et l’acceptation de l’Église sont équivalents aux décrets les plus absolus.

L’ancienne Vulgate, qui était en usage avant celle de saint Jérôme, quoique faite dans un temps où la langue latine était dans sa plus grande pureté, était toutefois fort barbare, et ce qui nous en reste aujourd’hui en est une bonne preuve. Les premiers interprètes s’appliquèrent beaucoup moins à parler purement et élégamment qu’à s’exprimer d’une manière claire et intelligible aux plus simples, et à rendre en latin très-fidèlement et très-littéralement le texte grec de l’Écriture. Saint Jérôme est plus pur pour le style, quoique sans affectation. Il s’est beaucoup plus étudié à traduire clairement qu’à bien parler. Et pour le fonds, on peut dire que sa, traduction est excellente, quoiqu’on ne puisse pas l’excuser entièrement de fautes. Les plus habiles protestants mêmes ont loué la Vulgate, et l’ont préférée aux autres versions latines. Louis de Dieu reconnaît que l’ancien traducteur latin est un très-savant homme. Il a ses défauts et ses barbarismes, ajoute-t-il ; mais je ne puis m’empêcher de louer et d’admirer sa bonne foi et son jugement même dans les lieux où il parait barbare. Grotius rendant raison de ce qui l’a porté à prendre la Vulgate, pour faire sur elle ses Notes sur l’Écriture, dit ces paroles remarquables : J’ai toujours fait grand cas de l’auteur de la Vulgate, non-seulement parce qu’il ne contient aucun sentiment contraire a la foi, mais aussi parce qu’il est rempli d’érudition. Fagius traite de demi-savants et d’impudents ceux qui osent mal parler de cette fameuse traduction.

Le concile de Trente ayant ordonné que l’Écriture sainte serait imprimée au plus tôt le plus correctement qu’il serait possible, particulièrement selon l’édition ancienne de la Vulgate, le pape Sixte V donna ses principaux soins à procurer une édition parfaite de la Vulgate latine, qui pût servir de modèle à toutes celles que l’on ferait dans la suite pour toute l’Église catholique. Il employa à cet ouvrage plusieurs savants théologiens, qui y travaillèrent avec beaucoup d’application. Son édition fut faite dès l’an 1589 ; mais elle ne parut qu’en 1590. Et comme elle, ne se trouva pas encore dans toute la perfection que l’on désirait, le pape Clément VIII en fit une autre édition en 1592, qui a toujours depuis été considérée comme le modèle de toutes celles que l’on a imprimées. C’est cette édition que l’Église latine tient pour authentique, suivant la déclaration du concile de Trente, et selon la bulle de Clément 8. Il ne faut pas toutefois s’imaginer que cette dernière édition soit entièrement exempte de défauts. Le cardinal Bellarmin, qui avait travaillé avec d’autres théologiens à la corriger, reconnaît dans sa lettre à Luc de Bruges qu’il y a encore, plusieurs fautes, que les correcteurs n’ont pas jugé à propos d’en ôter pour de justes causes.

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