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Vin
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet
Bost

Plusieurs anciens ont cru que le vin n’était pas en usage avant le déluge, et que Noé est le premier qui ait mis en vogue cette liqueur. Si le vin, dit-on, eût été connu avant le déloge, Abel n’aurait pas manqué d’en offrir au Seigneur, et Noé se serait bien gardé d’en prendre avec excès. Mais d’autres soutiennent qu’il y a bien plus d’apparence que les premiers hommes se servaient du vin, qui est une liqueur si utile et si agréable, qu’Adam ne pouvait en ignorer l’utilité ; Jésus-Christ dit (Matthieu 24.38) que les premiers hommes furent surpris par le déluge lorsqu’ils buvaient et mangeaient : Édentes et bibentes ; ce qui se dit ordinairement de ceux qui boivent du vin. Enfin, sans vouloir faire un crime à Noé de son ivresse, on peut dire que, quoiqu’il sût que le vin avait la vertu d’enivrer, il ne crut pas que la quantité qu’il en prit fût capable de causer dans lui l’effet qu’elle y causa.

On ne faisait ordinairement point de sacrifice tant soit peu considérable au Seigneur où l’on n’y fit des libations de vin (Exode 29.40 Deutéronome 15.5-7).

Nous avons déjà remarqué dans les articles de la Vigne et du raisin, qu’il y avait plusieurs excellents vignobles dans la Palestine ; et pour faire voir la grande quantité qu’il y en aurait dans le partage de la tribu de Juda, le patriarche Jacob dit à Juda, son fils (Genèse 49) : Il lavera son manteau dans le vin et ses vêtements dans le sang du raisin. L’usage du vin était défendu aux prêtres pendant tout le temps qu’ils étaient dans le tabernacle et occupés au service de l’autel (Lévitique 10.9).Cette liqueur était aussi interdite aux nazaréens (Nombres 6.3) ; et quand le vin était défendu, d’ordinaire on comprenait sous la même défense toute liqueur capable d’enivrer et exprimée dans la Vulgate sous le nom de sicera. Les Réchabites (Jérémie 35.1-3) observaient une rigoureuse abstinence de vin tous les jours de leur vie, suivant l’ordre qu’ils en avaient reçu de Réchab, leur père.

Dans le style des auteurs sacrés, le vin ou le calice marque souvent la colère de Dieu : Vous nous avez abreuvés du vin de componction (Psaumes 59.3), de douleur ; à la lettre : du vin de lie, ou du vin de tremblement. Le Seigneur tient en sa main une coupe pleine de vin trouble et mêlé avec les liages (Psaumes 74.9) ; il en fera boire à tous les pécheurs de la terre. Le Seigneur dit à Jérémie (Jérémie 25.15) : Prenez cette coupe du vin de ma colère et faites-en boire à tous ceux à qui je vous enverrai.

On donnait du vin à ceux qui étaient dans le deuil et dans la tristesse (Proverbes 31.4-6) : Ne donnez point de vin aux rois, parce qu’il n’y a point de secret où règne l’ivrognerie ; donnez à ceux qui sont affligés une liqueur capable de les enivrer, et du vin à ceux qui sont dans l’amertume de cœur. Qu’ils boivent et qu’ils oublient leur pauvreté, etc. Les rabbins enseignent que l’on donnait à boire du vin et des liqueurs fortes à ceux qui étaient condamnés au dernier supplice, pour leur ôter une partie de la frayeur et du sentiment de leurs peines. Il y avait, dit-on, à Jérusalem, des femmes charitables qui se mêlaient de faire la mixtion de certaines drogues avec le vin, afin de le rendre plus fort et plus capable d’amortir le sentiment de la douleur. L’Hébreu porte : Donnez du vin à celui qui périt, au lieu de celui qui est affligé. On croit que c’est de cette sorte de vin mixtionné qu’on donna à boire à Jésus-Christ, avant qu’il fût attaché à la croix. Nous lisons dans les évangélistes trois sortes de boissons que l’on donna à Jésus-Christ dans sa passion. Saint-Matthieu (Matthieu 27.33), dit qu’étant arrivé au Calvaire, on lui donna à boire du vin mêlé avec du fiel ; mais qu’en ayant goûté, il n’en voulut pas boire. Saint Marc, racontant la même chose (Marc 15.22), dit qu’on lui présenta du vin de myrrhe, myrrhatum vinum, mais qu’il n’en prit point. Le même saint Matthieu (Matthieu 10 17.48), dit que Jésus-Christ étant en croix et ayant crié : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? un soldat courut, et ayant rempli une éponge de vinaigre, la mit au bout d’un roseau et lui en présenta à boire. Nous parlerons de cette dernière boisson sous l’article

Vinaigre ; on convient qu’elle est toute différente des premières ; il est question de concilier ici saint Matthieu avec saint Marc, et de savoir si le vin mêlé avec du fiel dont il est parlé dans saint Matthieu est le même que le vin mêlé avec de la myrrhe dans saint Marc.

Le texte de saint Matthieu, dans plusieurs exemplaires grecs, porte qu’on offrit à Notre-Seigneur du vinaigre mêlé avec du fiel (Matthieu 27.33). Mais plusieurs excellents manuscrits, de même que la Vulgate, lisent du vin, de même que saint Marc et plusieurs anciens, tant grecs que latins. D’ailleurs on sait que la matière du vinaigre est le vin, et que plusieurs mettent le vin et le vinaigre dans la même catégorie.

Pour concilier nos deux évangélistes, les uns ont dit que saint Matthieu ayant écrit qu’on donna à Jésus-Christ du vin mêlé avec du fiel, saint Marc a voulu exprimer l’amertume du fiel par le terme de myrrhe, qui est elle-même très amère. D’autres ont cru que saint Matthieu, ayant écrit en hébreu, s’était servi du mot rosch, qui signifie du poison, de l’amertume ; que saint Marc avait spécifié de quelle sorte était cette amertume, en mettant de la myrrhe ; mais que l’interprète grec de saint Matthieu l’avait traduit par du fiel, s’imaginant que c’était cela que saint Matthieu avait voulu désigner.

Quelques-uns se sont imaginé que ces deux potions furent offertes à Jésus-Christ en différents temps ; que les femmes dévotes qui le suivaient lui offrirent du vin de myrrhe, pour lui diminuer le sentiment de la douleur, mais que les soldats y mêlèrent du fiel ; tout cela se dit uniquement par conjecture ; celle qui nous parait la plus probable est que le fiel de saint Matthieu et la myrrhe de saint Marc ne marquent qu’une même chose, c’est-à-dire quelque chose de très-amer.

Quant au vin de myrrhe de saint Marc, les anciens connaissent une sorte de vin qu’ils appellent murinum vinum, qui était un vin doux et délicieux ; quidam narratum vinum, dit Festus. Mais ce n’est point là celui qu’on présenta à boire à Jésus-Christ, puisque saint Matthieu, ou son ancien interprète ; l’explique d’un vin amer et mêlé de fiel. Le vin de myrrhe est donc celui où l’on a mêlé de la myrrhe. Les anciens y mêlaient de cette drogue, ou pour le rendre plus ferme et pour le conserver plus longtemps, ou pour hâter la mort des patients à qui on le faisait boire, si on en croit Malmonide, Kimchi et Fagius.

D’autres croient que la myrrhe faisait dans le vin à-peu-près le même effet que l’encens : qu’elle étourdissait le patient, lui causait une espèce d’ivresse et lui ôtait le sentiment de ses douleurs. Il est certain qu’on donnait du vin mêlé avec de l’encens aux éléphants pour les enivrer et leur ôter l’horreur du sang : on en voit la preuve dans le troisième livre des Machabées. Apulée dit qu’un certain homme s’était prémuni contre la violence des coups par une potion de myrrhe. C’est apparemment dans cette vue qu’on donna au Sauveur myrrhatum vinum : et c’est le vrai sens de saint Matthieu et de saint Marc. Voyez aussi ce qu’on a dit ci-devant sous le nom de Fiel.

Vin de Chelbon. Ézéchiel parle de cette sorte de vin, qui était exquis et que l’on vendait aux foires de Tyr. Il l’appelle du vin gras ; l’Hébreu, Du vin de Chelbon (Ézéchiel 27.18). Ce vin est fort connu des anciens ; ils l’appellent Chalibonium vinum. On le faisait à Damas, et les Perses y avaient exprès planté des vignes, dit Posidonius, cité dans Athénée. Cet auteur assure que les rois de Perse n’en usaient point d’autre pour leur boire.

Vin de Liban. Osée en parle (Osée 14.8) : Son nom répandra une bonne odeur, comme le vin du Liban. Les vins des côtes les mieux exposées du Liban étaient autrefois fort estimés. On loue celui de Bibles ; et Gabriel Sionite assure qu’encore aujourd’hui ceux du Liban sont en réputation. Mais quelques-uns croient que le texte hébreu, vin du Liban peut marquer du vin odorant, du vin où l’ou a mêlé de l’encens ou d’autres drogues, pour le rendre plus agréable au goût et à l’odorat. Les vins odoriférants n’étaient pas inconnus aux Hébreux. Il est parlé dans le Cantique des cantiques du vin mixtion-né (Cantique 8.2) : Vinurn conditum : Du vin mêlé de parfum. L’auteur de la Sagesse fait mention d’un vin précieux qui était apparemment parfumé (Sagesse 2.7). Le nectar était aussi une sorte de vin de même nature. L’hébreu nectar signifie étre parfumé.

Comme les vins de la Palestine étaient fumeux, on avait accoutumé de les mêler avec de l’eau, pour les boire sans s’incommoder (Proverbes 9.12) : J’ai mêlé mon vin et j’ai dressé ma table ; venez à mon festin, buvez le vin que je vous ai mêlé. Et : Le Seigneur tient en sa main une coupe pleine de vin mêlé (Psaumes 74.9). Sire, mêlez vous-même le vin et mettez les viandes sur l’autel de Baal (Daniel 14.10), disaient les prêtres de Bélus au roi de Babylone. Mêlez dans la coupe de la prostituée le double de ce qu’elle a mêlé aux autres (Apocalypse 18.6). Fulgence, dans le livre second de ses Mythologiques, dit que le vin de Sarepta, ville de Phénicie, était si violent, que les plus grands buveurs auraient eu peine d’en boire en un mois un sextarius, qui était à-peu-près la pinte de Paris, selon Budée. Or un homme pouvait sans s’incommoder boire deux sextarius dans un repas, comme il paraît par les anciens.

Le vin de componction, dont il est parlé dans les psaumes (Psaumes 59.5), peut marquer le calice de la colère de Dieu dont il enivre tous les méchants ; ou bien, selon l’Hébreu, le calice de vin trouble et chargé de ses lies. Dieu menace les grands pécheurs de leur faire boire son calice jusqu’aux lies, jusqu’à la dernière goutte (Psaumes 74.9-10). L’Hébreu se peut aussi traduire : Du vin de tremblement ; du vin qui donne la mort, qui empoisonne, qui assoupit. Les Septante, Du vin qui pique intérieurement, qui cause de l’affliction, de la componction ; Aquila, vin d’assoupissement ; Symmaque ; Du vin d’agitation.

Le vin de palmier, c’est celui que la Vulgate (Deutéronome 14.26) appelle sicera, et qui se fait de jus de palmier ; il est fort commun dans l’Orient. Le vin de palmier est blanc ; quand on le boit frais, il a le goût de coco et est doux comme le miel ; quand on le conserve plus longtemps, il est fort et enivre comme du vin ; si on le garde plusieurs jours, il se tourne en vinaigre.

Le vin de libation (Deutéronome 32.38 Esther 14.17), vinum libaminum ; c’est le plus excellent vin, tel qu’on le versait sur les victimes dans le temple du Seigneur ; ou bien c’est le vin pur, parce qu’on ne le mêlait point dans les libations.

Les méchants mangent le pain d’impiété et boivent le vin d’iniquité (Proverbes 4.17). C’est-à-dire, ils se nourrissent de biens mal acquis ; ou ils abusent des dons que Dieu leur a faits ils l’offensent par le mauvais usage qu’ils font des choses nécessaires à la vie.

Le vin de droiture, dont il est parlé en quelques endroits du Cantique des cantiques (Can 1.3 ; 7.9 ; Proverbes 21.31), est un bon vin, un vin droit, un excellent vin : Saint Jérôme a traduit l’Hébreu des Proverbes, 23.31, par vinum quod ingreditur blande, au lieu de vinum rectitudinum, que porte le texte. Horace a bien exprimé cette pensée par ces vers : Generosum et tene requiro, Quod curas abigat, quod cum spe divite manet In venas amimumque meum.

Le vin d’Encens, dont il est parlé dans Osée, XIV sous le nom de vin du Liban, car Lebanon en hébreu signifie le Liban et l’encens, est du vin parfumé où l’on a mêlé des drogues odorantes. Tel était le vin qu’on donnait aux criminels pour leur ôter le sentiment de la douleur, et celui qu’on donna aux éléphants de Ptolémée Philopator pour les enivrer, afin qu’ils écrasassent sous leurs pieds les Juifs de l’Égypte.

Convivium vini, un festin de vin, est celui-où le vin n’est pas épargné. Voyez l’Ecclésiastique (Ecclésiaste 31.41 ; 32.7 ; 49.2) ; ou même un festin de solennité ; un repas d’invitation : car régulièrement on ne buvait point de vin dans les repas ordinaires. Voyez aussi lsai (Isaïe 22.13).

Osée (Osée 9.2) : Le vin leur manquera ; leurs vignes ne donneront point de vin.

Vin de Damnation (Amos 2.8). On peut l’entendre du vin qu’on donnait aux criminels condamnés à mort, dont nous avons parlé ci-devant, et dont il est encore parlé dans les Proverbes (Proverbes 31). Diodore de Sicile parle d’un vin inventé à Diospolis d’Égypte pour chasser la tristesse et apaiser la colère. Homère (Odyss. 6) dit que ce fut en Égypte qu’Hélène apprit la composition du népenthé, qui faisait oublier tous les maux. Mais on peut fort bien donner un autre sens au passage d’Amos (Amos 2.8) : Ils boivent le vin, ils font bonne chère aux dépens de ceux qu’ils ont injustement condamnés. Les Septante : Ils boivent levin gagné par des calomnies. Le Chaldéen : Du vin de rapine.

Le vin qui fait germer les vierges (Zacharie 9.17) : Vinumgerminans virgines. L’Hébreu : Du vin qui donne l’éloquence aux vierges, qui les fait parler ou qui les rend fécondes. Il les fait parler, il leur inspire la hardiesse, les remplit d’un saint enthousiasme et leur fait entonner des cantiques de louanges. On l’explique des dons du Saint-Esprit répandus sur les fidèles au jour de la Pentecôte, ou des effets de la sainte eucharistie.

Le vin nouveau qui ne doit pas être mis dans de vieilles outres, dont il est parlé dans l’Évangile (Matthieu 9.17 Marc 2.22 Luc 5.37), n’est autre que le Saint-Esprit, dont les apôtres devaient être remplis après l’ascension du Sauveur.

Les anciens Juifs n’avaient pas l’usage des tonneaux de bois, à la manière d’aujourd’hui. Ils conservaient leur vin dans des cuves souterraines bien enduites et bien solides, comme des citernes, d’où ils le tiraient pour le mettre dans de grands vases de grès ou d’argile bien vernissés ou bien poissés ; et quand il était question de le transporter ailleurs, on en remplissait des outres et on les chargeait sur des animaux ou sur les épaules des hommes, sans crainte ni que ces vaisseaux se rompissent, ni que la liqueur se répandit. Nous avons traité cette matière assez au long dans le Commentaire sur Jérémie, chapitre 48, 11. Il y a grand nombre d’expressions dans l’Écriture qu’il est malaisé de bien entendre si l’on ne sait ces anciens usages.

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