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Les Hébreux n’avaient pour habits que la tunique, nommée chetonet, et le manteau, nommé en hébreu mehil.
La tunique était l’habit de dessous, qui couvrait immédiatement la chair. Le manteau était l’habit de dessus : ces deux habits ensemble faisaient ce que l’Écriture appelle mutatorias vestes, des habits à changer, ou mutatoria vestium (2 Rois 5.15), que Naaman portait par présent au prophète Élisée. La tunique d’ordinaire était de lin, et le manteau d’étoffe. Comme les manteaux n’étaient qu’une grande pièce d’étoffe qui n’était pas taillée, on en avait souvent de réserve et on en faisait des présents. Les Hébreux ne changèrent jamais de mode pour les habits, que nous sachions ; mais ils s’habillaient suivant l’usage des pays où ils demeuraient. La couleur blanche, ou la couleur de pourpre était la plus estimée. Salomon, dans l’Ecclésiaste (Ecclésiaste 9.8), conseille à celui qui veut vivre agréablement d’avoir toujours ses habits bien blancs. Josèphe remarque que ce prince, le plus magnifique de tous les rois, allait communément vêtu d’un blanc éclatant. Les anges apparaissent d’ordinaire avec cette couleur ; et dans la transfiguration du Sauveur, ses habits parurent blancs comme la neige. Moïse ne donne aux prêtres que des tuniques blanches.
Il est parlé dans l’Écriture d’une tunique de passim, dont Josèphe était habillé (Genèse 37.3). Thamar, fille de David, en portait une de même (2 Samuel 13.18). Les interprètes sont partagés sur la signification de ce terme. Les uns le traduisent par une tunique, une robe traînante ; d’autres, uné robe rayée de différentes couleurs ; et d’autres, une robe à grandes manches. Les Arabes portent de très-grandes manches à leurs tuniques. Ces manches ont une vaste ouverture vers l’extrémité, qui pend quelquefois jusqu’à terre ; mais à l’endroit de l’épaule, elles sont beaucoup plus étroites. Dans la maison, on laissait la tunique traînante ; mais hors de là, on la retroussait pour marcher, ou du moins on la serrait avec une ceinture.
Moïse (Deutéronome 8.4) nous apprend que les habits dont les Hébreux se servirent dans le désert ne s’usèrent point : Voici la quarantième année que vous nes en chemin ; les habits dont vous étiez couverts ne se sont point rompus par la longueur de ce temps, et vos pieds n’ont point été foulés. Saint Justin le Martyr et quelques interprètes, après les rabbins, prennent ces paroles à la lettre, et croient que non-seulement les habits des Israélites ne vieillirent et ne s’usèrent point, mais que ceux des enfants croissaient avec eux et se proportionnaient à leur grandeur à mesure qu’ils avançaient en âge. Saint Jérôme avance même que ni leurs ongles ni leurs cheveux ne crûrent point. Mais d’autres croient avec beaucoup plus de vraisemblance que Moïse n’a voulu dire autre chose, sinon que Dieu pourvut de telle sorte à leurs besoins, qu’ils ne manquèrent jamais d’habits.
Pour distinguer les Israélites des autres peuples, le Seigneur leur avait ordonné de porter aux quatre coins de leurs manteaux des houppes (Nombres 15.38 Deutéronome 22.12) ou franges de couleur d’hyacinthe ou bleu céleste, et une bordure ou galon sur les bords du même habit. On voit par l’Évangile (Matthieu 9.20) que notre Sauveur portait de ces sortes de franges au bas de son manteau : Si je touche seulement la frange de son habit, je serai guérie, disait l’hémorroïsse. Les pharisiens, pour se distinguer des autres (Matthieu 23.5), portaient ces houppes et ces franges plus longues que le commun du peuple : Magnificant fimbrias. Saint Jérôme ajoute que, pour faire parade d’une plus grande austérité, ils y attachaient des épines, afin que, venant à frapper contre leurs jambes nues, elles les fissent continuellement souvenir de la loi de Dieu.
On dispute si les anciens Hébreux doublaient leurs habits. Il est assez souvent parlé dans l’Écriture d’habits doubles. On promet à Michà s dix pièces d’argent par an, et vestem duplicem. Giézi demande à Naaman un talent d’argent (Judith 17.10) et des habits doubles (2 Rois 5.22). Les domestiques de la femme forte sont tous vêtus d’habits doubles ou doubles (Proverbes 31.21). Mais on croit que sous ces expressions on doit entendre des habits à changer, une paire d’habits, deux tuniques et deux manteaux, ou simplement une tunique et un manteau, un habit complet, peut-être un habit si vaste que l’on puisse le redoubler. Il faut toutefois reconnaître que duplex, en parlant d’habits, se prend quelquefois pour un habit réellement double ou doublé ; par exemple, Moïse veut, que le rational ou le pectoral du grand prêtre suit carré et double : Quadrangulum et duplex (Exode 28.16 ; 39.9).
Les Juifs d’aujourd’hui, pour obéir à la loi de Dieu, qui leur défend de se servir d’une étoffe tissue de lin et de laine (Lévitique 19.19 Deutéronome 22.11), ne cousent pas même un habit de laine avec du fil, ni un habit de toile avec de la laine. Ils observent aussi de ne se travestir jamais, suivant ce précepte de la loi (Deutéronome 22.1) : L’homme ne portera point un habit de femme, ni une femme l’habit d’un homme. À l’égard des houppes et des franges dont nous avons parlé, et dont l’obligation ne regarde que les hommes, les Juifs, pour ne se pas rendre ridicules parmi les autres peuples, s’habillent à-peu-près comme les autres au dehors ; mais, par dessous leurs habits ;ils portent un morceau d’étoffe carré avec quatre houppes ou zizit. Ces houppes sont composées de huit fils de laine filée exprès pour cela, avec cinq nœuds chacune, qui occupent la moitié de la longueur. Ce qui n’est pas noué est effilé, et achève de faire une espèce de houppe. Mais, dans le temps des prières qu’ils font à la synagogue, ils se couvrent d’un voile de laine nommé taled, où sont ces houppes aux quatre coins. Voyez Taled.
Les vêtements de deuil, parmi les Hébreux, étaient le sac et le cilice ; leur couleur était sombre, brune, ou noire. Comme les prophètes faisaient profession de pénitence, leurs vêtements d’ordinaire étaient des vêtements de deuil ; les veuves s’habillaient de même à proportion. Judith jeûnait tous les jours hors les jours de fête et de sabbat, et portait sur ses reins un cilice (Judith 8.6). Les prophètes Élie (2 Rois 1.7-8) et saint Jean-Baptiste (Matthieu 3.4) allaient vêtus de peaux ou d’étoffes grossières, et portaient une ceinture de cuir. Saint Paul dit que les prophètes portaient des melotes, des peaux de brebis ou des peaux de chèvre (Hébreux 11.37). Les faux prophètes imitaient ces habits de deuil et de pénitence pour séduire les peuples (Zacharie 13.4) : Non operientur pallia saccino ut mentiantur, dit Zacharie. Léon de Modène dit que les Juifs d’aujourd’hui s’habillent de deuil à la manière du pays où ils demeurent, sans y-être obligés par aucun commandement.
Nous ne parlons pas ici des voiles ou des manteaux dont les femmes se couvraient lorsqu’elles paraissaient en public ; nous en avons dit quelque chose sous l’article Theristrum. Isaïe (Isaïe 3.16-17, 18) et suivants jusqu’au 25, fait un long dénombrement des parures des femmes de son temps. Nous n’entreprenons point de les expliquer. La plupart des termes dont se sert l’Hébreu sont inconnus aux interprètes. On peut voir les commentateurs sur ce chapitre.
Souvent les tuniques étaient sans coutures et faites au métier, et n’avaient aucune ouverture ni sur la poitrine ni sur les côtés, mais simplement au haut, pour passer la tête : Telles étaient apparemment les tuniques des prêtres (Exode 28.32).et celle de Notre-Seigneur Jésus-Christ (Jean 19.23), que les soldats ne voulurent pas rompre, mais qu’ils tirèrent au sort pour savoir à qui elle appartiendrait tout entière. Saint Chrysostome, Théophylacte et Théophane croient qu’elle était composée de deux pièces de laine faites au métier, et rentraites à l’aiguille avec de la laine, comme on joint les pièces de bas faits au métier, en sorte que le tissu en paraît d’une seule pièce. D’autres veulent qu’elle ait été faite à l’aiguille depuis le haut jusqu’en bas. Mais on peut voir notre Commentaire sur saint Jean, chapitre 19.23, et Braunius, de Vestitu sacerdotum Rebroeorum, 1.I chapitre 16 pour se persuader qu’elle était faite au métier.
Voir des chemises entières avec les manches et les quartiers du même tissu faites au métier n’est pas une chose rare dans l’Orient. On dit que dans les îles Maldives il y a des ouvriers ou tisserands si industrieux, qu’ils font avec l’étoupe du coco des chemises entières et des demi-vestes de la manière que nous venons de dire ; et dans d’autres endroits on voit des habits tissus de coton d’une façon si particulière, qu’il n’y en a pas ailleurs de semblables. Ce sont des vestes rondes pour la plupart, tissues avec tant de délicatesse, qu’elles passent par le trou d’une aiguille de médiocre grandeur.
C’est une ancienne tradition, que la sainte Vierge elle même avait tissu la tunique de son Fils. C’étaient les femmes autrefois qui faisaient les étoffes et la toile de leurs propres habits, de ceux de leurs maris et de leurs enfants. Cela paraît par l’exemple de la femme forte, dont Salomon fait l’éloge (Proverbes 31.13), et par celui de la reine Pénélope, femme d’Ulysse. Alexandre le Grand, Auguste, Charlemagne, portaient des habits faits de la main de leurs mères, de leurs femmes, ou de leurs filles. C’est une autre tradition populaire, que la tunique de Jésus-Christ que les soldats tirèrent au sort était la même qu’il avait reçue de la sainte Vierge étant encore tout enfant, laquelle était crue avec lui, sans s’user jamais. Mais cette tradition n’a aucun fondement dans l’antiquité. On conserve encore aujourd’hui la sainte tunique de Notre-Seigneur dans l’église ce thédrale de Trèves ; elle est sans couture, a de longueur cinq pieds moins un demi-doigt ; sa largeur du bout d’une manche à l’autre, est de cinq pieds quatre doigts, chaque manche a de longueur un, demi-pied, et de largeur un pied ; et comme la tunique est plus étroite au-dessous des manches, et qu’elle va en s’élargissant vers le bas, elle n’a au-dessous des manches de largeur que deux pieds trois pouces. Celle qu’on voit au prieuré d’Argenteuil, près de Paris n’est pas une tunique, mais un manteau couleur de pourpre [Dom Calmet a commis plus d’une méprise sur ce sujet. Il paraît certain que véritablement la robe de Notre-Seigneur est conservée dans la cathédrale de Trèves, et que sa tunique l’est à Argenteuil. C’est ce que M. L.F. Guérin a établi, pour ce dernier vêtement, dans un ouvrage récemment publié, et qui a pour titre : La sainte tunique de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Recherches religieuses et historiques sur cette relique et sur le pèlerinage d’Argenteuil, 2° édition, in 18 de près de 400 pages. Paris, 1845. Nous allons en extraire quelques passages.
De même que les Israélites, dit l’auteur (livre 1 chapitre III), Jésus-Christ avait une tunique, une robe et un manteau. Étant sur le point de laver les pieds à ses apôtres, cet adorable Sauveur quitte ses vêtements, et ceint sa tunique avec un linge(Jean 23.4). El lorsqu’il est attaché sur la croix, les soldats partagent ses vêtements, excepté sa tunique. Cette tunique était sans coulure, comme celle du grand prêtre, etc. Saint Jean le dit formellement dans les paroles suivantes : La tunique était sans couture et d’un seul tissu, depuis le haut jusqu’en bas (Jean 19.25). Or c’était celle qui touchait immédiatement la chair. De plus, ce saint vêtement était de laine et de couleur brune, selon l’usage des plus pauvres d’entre les enfants d’Israël, comme le témoignent saint Chrysostome (In Joan. 84) et saint Isidore (Orig., lib. 19. chapitres 22)… Quant à la forme de cette tunique, on, juge assez ce qu’elle devait être, puisque c’était le vêtement qui touchait la chair. Ouverte par le haut, elle s’étendait également sur le dos et sur la poitrine, et descendait assez bas pour couvrir tout le corps. C’est la description que nous en donne saint Chrysostome (loco citato).
Plus loin (livre 5 chapitre VI), M. Guérin s’exprime en ces termes : Mais, se demandera-t-on, est-il bien certain que la tunique de Notre-Seigneur soit réellement à Argenteuil, puisque l’église de Trèves revendique la possession d’un vêtement semblable ? En se reportant à ce que nous avons dit au livre 1, chapitre 3 et V touchant les vêtements de Jésus-Christ, on comprendra facilement que puisque ce divin Maitre en avait plusieurs, la cathédrale de Trèves peut bien aussi avoir le bonheur d’un posséder un. On ne saurait douter en effet que Jésus-Christ n’eût plusieurs vêtements. L’Écriture ne laisse aucun doute à cet égard. Dejà nous avons cité le texte de Notre-Seigneur lui-même : Si quelqu’un vous prend votre manteau, laissez-lui aussi prendre votre tunique (Luc 6.29). Or, dans le cas où l’on n’aurait eu que deux vêtements, le Sauveur aurait donc ordonné que dans cette circonstance l’on restât nu ; ce qui n’est pas même supposable. Nous voyons encore dans saint Jean qu’au moment de laver les pieds à ses apôtres, Jésus se lève de table, quitte ses vêtements ; ce qu’il n’eût point fait assurément s’il n’avait eu sur son corps adorable une tunique qui lui permit ainsi de ne pas manquer à la pudeur. Et lorsque le texte sacré dit que les soldats, ayant crucifié Jésus, prirent ses vêtements, vestimenta, il fait assez entendre que Notre-Seigneur en avait plus de deux.
Indépendamment de ces textes, qui suffiraient à eux seuls, nous pouvons encore invoquer d’autres témoignages. Le savant Maldonat (sur saint Jean) dit que dans cette action du lavement des pieds, Notre-Seigneur garda sa tunique qui était immédiatement sur sa chair. Dom Gerberon dit à cette même occasion « que l’on doit juger que » Jésus-Christ quitta seulement sa robe et son manteau, et qu’il relia sa tunique. Mais, ajoute-t-il, quoique Jésus-Christ eût plusieurs vêtements, il n’avait qu’un habit ; et ainsi il a gardé exactement la défense qu’il avait faite aux apôtres d’avoir deux habits. » Dom Calmet lui-même est pour notre sentiment, bien que dans un endroit de ses Commentaires sur saint Jean il veuille que Notre-Seigneur n’eût qu’un manteau et une tunique. Mais, par une contradiction flagrante, en parlant, dans son Commentaire sur saint Marc, du grand prêtre qui déchira ses vêtements, il dit qu’il pouvait en avoir deux, et que c’etaient ses habits ordinaires et non ses ornements de cérémonie (sur Marc. 14.63) ; ce qui confirme la coutume où étaient les Juifs de porter trois vêtements.
Maintenant donc qu’il est bien établi que Notre-Seigneur avait une tunique qui couvrait immédiatement sa chair sacrée, une robe plus ample qui était par dessus la tunique et un manteau qui recouvrait le tout, il peut bien se faire que l’église de Trèves possède la sainte robe : Il n’y a rien en cela que de très-naturel, et chacune des églises, Argenteuil et Trèves, ne peuvent que se réjouir de leur privilége insigne.
Il n’y a pas seulement ici une probabilité : il y a une tradition, il y a des faits, historiques. On connaît la tradition constante et continue qui donne la sainte tunique à Argenteuil ; on sait sur quelles preuves elle est appuyée, sur quels témoignages elle est fondée : depuis les plus anciens chroniqueurs jusqu’à Fleury lui-même, nous avons montré que tous l’ont confirmée… Or, si la tradition d’Argenteuil est solide,.comme on ne saurait en douter après les preuves que nous avons accumulées, celle de Trèves, qui lui attribue la possession de la sainte robe, l’est aussi ; c’est du moins ce qu’on s’efforce d’établir dans l’ouvrage publié dernièrement sous ce titre : Histoire de la robe de Jésus-Christ conservée dans la cathédrale de Trèves, par J. Marx…
Maintenant, nous passons à l’assertion de dom Calmet qui annonce qu’il n’y a au prieuré d’Argenteuil qu’un manteau couleur de pourpre. Il est vraisemblable que cet auteur n’a pas étudié ce point d’histoire, et qu’il s’en est rapporté à des versions peu exactes. Quoi qu’il en soit, notre réponse sera facile. Comment avancer une pareille assertion lorsque toute une tradition, des monuments antiques, tels que médailles, images, et que plusieurs auteurs prouvent le contraire et affirment tous que c’est une tunique ou robe, car ce dernier mot, souvent employé indifféremment pour signifier plusieurs sortes de vêtements, semble être générique ? D’ailleurs plusieurs témoins ne sont-ils pas plus croyables qu’un seul ? Ce ne peut donc être que par distraction que dom Calmet a parlé d’un manteau, et c’est en vain que l’on voudrait en faire une autorité contre la pieuse croyance d’Argenteuil. N’est-il donc pas aussi susceptible qu’un autre de se tromper ? Le savoir et l’érudition ne sauraient être une garantie du contraire. D’ailleurs ne sait-on pas que le Dictionnaire de la Bible de ce docteur, vénérable pour sa science et pour sa vertu ; n’est pas tout à fait exempt de graves inexactitudes, jusque-là que Jean-Dominique Mansi, archevêque de Lucques, qui entreprit une version latine de ce Dictionnaire, s’est vu obligé d’en rectifier plusieurs dans différents articles. J’ignorais qu’il eût été fait une traduction du Dictionnaire de la Bible ; M. Guérin, qui me l’apprend aujourd’hui, renvoie, au sujet de cette traduction même, à l’Histoire crit et rel de N. D. de Lorette, par M. l’abbé Caillau, pages 243 et suivants]