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Verge
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet
Westphal Bost

Virga, se met quelquefois pour des branches d’arbres : (Genèse 30.37), des branches de peuplier ; d’autres fois pour un bâton, une verge : (Exode 4.17) ; ou pour la houlette d’un berger (Lévitique 27.32), ou pour la verge dont Dieu se sert pour punir les hommes : (2 Samuel 7.14 Job 9.34) ; ou pour un sceptre royal : Assuérus étendit son sceptre d’or vers Esther (Esther 4.11 ; Psaumes 44.7 ; Hébreux 1.8). L’empire du Messie est quelquefois désigné par la verge de fer, qui marque sa puissance et sa force (Psaumes 2.9) : Reges eos in virga ferrea. Voyez la même expression dans l’Apoc. (Apocalypse 2.27 ; 22.5-9.15).

Ailleurs virga est mis pour un rejeton, et pour désigner la naissance miraculeuse du Messie, qui est sorti d’une mère vierge : (Nombres 24.17) : Il sortira de Jacob une étoile, et une verge naîtra d’Israël. Et Isaïe : Il sortira une verge de la racine de Jessé (Isaïe 11.1). Enfin virga se met pour une tribu, un peuple : Vous avez racheté la verge de votre héritage (Psaumes 73.2) ; et : Israël est la verge de l’héritage du Seigneur (Jérémie 10.16). Dans Jérémie, la verge veillante (Exode 15.2) : marque, selon l’Hébreu, une branche d’amandier ou un bâton d’amandier. Cet arbre fleurit avant tous les autres ; et le Seigneur voulait marquer par là Nabuchodonosor, qui était prêt à venir fondre sur la Judée.

Verges de Moïse, D’Aaron, de Saint Joseph.

I. La verge de Moïse est celle que Dieu lui donna, ou plutôt c’est le bâton dont Moïse se servait ordinairement en conduisant ses troupeaux, et que Dieu lui ordonna de prendre avec lui pour opérer les miracles qu’il devait faire en Égypte devant Pharaon et devant tout le peuple. Que tenez-vous en votre main, dit le Seigneur à Moïse (Nombres 17.1-3) : Une verge, répondit Moïse (1). Le Seigneur lui dit : Jetez-la par terre. Il la jeta, et elle fut changée en serpent ; en sorte que Moïse se mit à fuir. Le Seigneur lui dit : Etendez votre main et prenez-la par la queue ; il la prit, et elle devint une verge comme auparavant. Moïse la conserva jusqu’à la mort, et elle fut l’instrument d’une infinité de miracles qu’il opéra dans tout le temps de sa vie. L’Écriture ne nous dit point ce qu’elle devint après sa mort. On pourrait croire qu’elle fut donnée à Josué, comme au successeur de Moïse dans le commandement du peuple ; mais on n’en a aucune preuve. Les musulmans disent qu’elle fut conservée dans l’arche d’alliance. Ils la confondent avec celle d’Aaron.

Les rabbins racontent bien des merveilles de cette fameuse verge. Ils disent qu’elle avait d’abord été créée de Dieu pour Adam ; qu’elle, passa par succession à Abraham, et de là au patriarche Joseph, qui la laissa aux rois d’Égypte comme un gage de sa reconnaissance. Jéthro, étant en Égypte, la déroba et l’emporta dans son pays. Il la planta dans un jardin où elle prit tellement racine, que personne ne pouvait l’arracher. Jéthro, qui en savait toute la vertu, promit sa fille en mariage à celui qui pourrait l’arracher. Divers jeunes hommes se présentèrent et essayèrent de la tirer de la terre ; mais nul n’en put venir à bout jusqu’à Moïse, qui l’arracha sans peine. Séphora en fut la récompense. Le nom de Dieu était écrit sur cette verge, et c’est ce qui en faisait tout le mérite et la vertu.

La verge ou le caducée de Mercure, que l’on nous représente toujours environné de deux serpents, et les effets prodigieux qu’on lui attribue sont une imitation de ce que l’histoire sainte nous raconte de la verge de Moïse, convertie en serpent, et des miracles que Dieu opéra par son moyen.

II. Verge d’Aaron. C’est le bâton dont le grand prêtre se servait ordinairement. Dans la conjuration de Coré, Dathan et Abiron contre Moïse et Aaron, Dieu ordonna à Moïse (Nombres 17.1-3) de recevoir une verge de chacun des chefs de tribu, et d’y joindre celle d’Aaron, afin que le Seigneur fit connaître par un miracle quelle était la tribu qu’il choisissait pour l’exercice de son sacerdoce. On ramassa donc douze verges, selon le nombre des tribus ; celle d’Aaron faisait la treizième. On écrivit sur chacune d’elles le nom du prince de la tribu qui l’avait offerte ; on les mit dans la tente de l’assemblée, où le Seigneur avait accoutumé de se manifester à Moïse ; et le lendemain on retira ces verges, et on remarqua que pendant cette nuit la verge d’Aaron avait poussé des boutons fleuri, et que ces fleurs s’étaient forées en amandes.

Il ne pouvait y avoir aucun lieu de soupçon qu’on eût changé les verges Le nom de chacun était écrit sur la sienne ; celle d’Aaron était bien connue : nulle industrie humaine ne pouvait en une nuit produire un si grand changement. Ainsi le sacerdoce fut confirmé par ce prodige à Aaron et à sa postérité. Pour conserver la mémoire d’un événement si miraculeux, Dieu ordonna à Moïse de mettre cette verge dans la tente du témoignage ou de l’assemblée, afin qu’elle servît de monument de ce qui était arrivé dans cette occasion.

Quelques-uns croient qu’elle conserva ses feuilles et ses fruits tandis qu’elle demeura ainsi dans le lieu saint : et en effet il fallait, dans le dessein de Dieu, qu’elle conservât les marques du miracle pour en convaincre la postérité.

On demande si elle fut mise dans l’arche d’alliance, ou simplement auprès d’elle. Dieu ordonne simplement à Moïse de la mettre dans le tabernacle, pour y être conservée (Nombres 17.20) ; mais saint Paul (Hébreux 9.4) dit qu’elle était dans l’arche, avec l’urne pleine de manne et les tables de la loi. D’autres soutiennent qu’elfe fut mise non au dedans, mais à côté de l’arche : ils se fondent sur un passage du 1er livre des Rois (1 Rois 8.9), qui porte qu’il n’y avait dans l’arche que les tables de la loi.

Mais d’autres prétendent qu’on doit prendre le passage de saint Paul à la lettre ; qu’il n’y a ami inconvénient que l’on ait mis le bâton d’Aaron dans l’arche : elle avait cinq pieds de long et beaucoup plus de capacité qu’il n’en fallait pour le contenir. Ce bâton était une chose sanctifiée par le miracle qui y était arrivé. Et quand l’Écriture dit qu’il n’y avait dans l’arche que les tables de la loi, on peut l’entendre avec cette exception : il n’y avait originairement que ces tables. L’arche ne fut d’abord destinée que pour les contenir ; mais cela n’empêchait pas que postérieurement on n’y mit autre chose.

Artapane, dans Eusèbe, enseigne que la verge de Moïse, dont Aaron se servit pour faire tant de prodiges dans l’Égypte, en présence de Pharaon, devint dans la suite des siècles un objet du culte des Égyptiens ; qu’ils la placèrent dans un temple d’Isis, et lui rendirent des hommages religieux. On dit aussi qu’encore à présent on la montre à Rome, dans l’église de Saint-Jean de Latran, où elle est honorée comme une précieuse relique.

Quelques savants ont cru que le thyrse, qu’on met entre les mains de Bacchus et des Bacchantes, et qui nous est représenté comme une lance ou un dard environné de pampres et de feuilles de vignes, est une imitation de la verge d’Aaron qui fleurit. Euripide raconte qu’une des prêtresses de Bacchus frappa avec son thyrse un des rochers du mont Cythéron, et qu’elle en fit sortir une source abondante, par une autre imitation du miracle arrivé à Horeb, où Moïse et Aaron tirèrent l’eau d’un rochet par le moyen de la verge miraculeuse.

III. verge de Saint Joseph, époux de la sainte Vierge. On lit dans le faux évangile de la nativité de la sainte Vierge, que quand Marie fut parvenue à un âge nubile, et qu’on voulut, selon la coutume, la renvoyer à ses parents pour la marier, elle répondit qu’elle ne pouvait consentir au mariage, parce qu’elle avait fait vœu de virginité. Comme ce cas était singulier, le grand prétre consulta le Seigneur, qui répondit d’une voix intelligible, qui fut ouïe de tout le monde, qu’il fallait voir à qui cette vierge devait être confiée, pour être le gardien de sa virginité ; que pour cela tous les hommes de la maison de David qui n’étaient point mariés eussent à se présenter devant l’autel, tenant chacun une verge à la main ; et que celui dont la verge germerait et fleurirait, et sur laquelle l’esprit du Seigneur se reposerait en forme de colombe, serait celui que le Seigneur aurait choisi pour être l’époux et le gardien de la Vierge, suivant cette parole d’Isaïe (Isaïe 11.1) : Il sortira de la racine de Jessel une verge, et une fleur en sera produite, et l’esprit du Seigneur reposera sur elle : l’esprit de sagesse et d’entendement, l’esprit de conseil et de force, l’esprit de science et de piété, et il sera rempli de l’esprit de la crainte du Seigneur.

Ceux donc qui étaient désignés se présentèrent au temple, tenant chacun une verge à la main. Joseph y vint aussi, mais n’apporta pas la sienne. Le grand prêtre n’ayant point remarqué sur aucune des verges le signe que Dieu avait promis, consulta de nouveau le Seigneur, et il lui fut répondu que celui qui n’avait point de verge était le seul que Dieu avait choisi. En effet, il n’eut pas plutôt apporté sa verge, qu’une colombe venue du ciel vint se reposer sur elle : et à cette marque, tout le monde reconnut qu’il était destiné pour être l’époux de Marie.

Le protévangile de saint Jacques raconte la même chose, mais avec quelques différences. Il dit que la Vierge ayant atteint l’âge de dix ans, les prêtres dirent au grand sacrificateur Zacharie qu’il fallait songer à la marier, de peur que le lieu saint ne fût exposé à quelque souillure ; que Zacharie consulta le Seigneur, qui lui fit dire par un ange d’assembler tous les veufs d’Israël, de leur ordonner d’apporter chacun une verge, et que celle sur qui on verrait arriver un prodige serait reconnu pour époux de Marie. On publia la chose dans tout le pays, au son de la trompette sacrée. Il vint au temple une infinité de prétendants ; Joseph quitta sa boutique de charpentier et y vint avec tous les autres.

Le grand prêtre reçut les verges d’eux tous, entra dans le temple, fit sa prière, puis dit à chacun sa verge : Joseph ayant reçu la sienne, une colombe en sortit et alla se reposer sur sa tête. Alors le souverain sacrificateur lui déclara que la volonté de Dieu était qu’il prît Marie pour femme. Joseph s’en défendit, disant : J’ai des enfants, je suis vieux, elle est jeune : je crains de me rendre la fable d’Israël. Le grand prêtre lui répondit : Craignez le Seigneur ; souvenez-vous de ce qui arriva à Coré, Dathan et Abiron. Ne résistez point à la volonté de Dieu, qui s’est déclaré par ce prodige. Joseph se rendit et prit Marie ; mais il la laissa dans une maison et retourna chez lui travailler de son métier de charpentier.

C’est de ces anciens évangiles et de la tradition des Orientaux qu’est venue la coutume de nos peintres de représenter saint Joseph avec un bâton fleuri. Mais comme la source d’où cela est tiré n’a aucune autorité dans l’Église, que la narration d’elle-même paraît fort mal assortie, et que le miracle n’est nullement nécessaire, on peut rejeter tout cela au rang des fables. Voyez saint Jérôme sur saint Matthieu, livre 2.

(1) M. Léon de Laborde (Commentairesur l’Exode, pages 14, col. 1) fait sur ce texte les remarques suivantes : « Tous les Arabes du désert, dit-il, et tous ceux qui habitent la lisière des pays cultivés, portent des hâtons à tète recouroée. Ces bâtons servent pour guider les chameaux et les dromadaires ; ils sont en outre comme une manière de tontenance, et dans les cercles d’Arabes chacun joue avec son bâton et frappe la terre, pour dissimuler une intention ou cacher un embarras. Le bâton de Moïse pouvait donc avoir cette forme, qui se retrouve dans toutes les scènes des peintures égyptiennes. Les moines du couvent de Sainte-Catherine, au mont Sinaï, cultivent dans leur jardin la colutea haleppica, qu’ils appellent sferaï, et qui, selon eux, est la même plante qui fournit autrefois la verge de Moïse. Rien ne combat cette opinion, et depuis longtemps les pèlerins rapportent pieusement des rameaux de cet arbuste. Breydenbach, au quinzième siècle, écrivait : Nous achetâmes du bois de quoi ; fut faicte la verge de Moïse, de laquelle tant de merveilles feist en Égypte des dix plaies de Égypte. La culture etle respect dont cet arbuste est l’objet ont excité les railleries d’une classe de voyageurs qui parcourent la Terre Sainte, on ne sait trop pourquoi, car ils semblent n’y recevoir que des impressions désagréables, st l’on en juge par l’amertume de leurs remarques. Ici c’est en inventant un conte qu’ils se sont vengés de la fixité d’une tradition. Ils ont prétendu que les moines cultivaient dans leur jardin le buisson ardent, dont ils vendaient des rameux aux pèlerins. Cette triste plaisanterie n’a aucun fondement.

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