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Ville de la tribu d’Éphraïm, au siège de laquelle Abimélech, fils de Gédéon, fut tué (Juges 9.50) et suivants, l’an du monde 2771, avant Jésus-Christ 1239, avant l’ère vulgaire 1233. Eusèbe dit qu’il y a une bourgade nominée Thèbes à treize milles de Sichem, tirant du côté de Scythopolis [Barbié du Bocage place Thèbes dans la demi-tribu ouest de Manassé, au nord-est de Sichem. Le géographe de la Bible de Vence, entre Sichem et Scythopolis].
Ville très-célèbre dans la haute Égypte et capitale de la Thébaïde. Son nom ne se trouve pas dans le texte de la Vulgate, et on ignore quel nom les anciens Hébreux lui donnaient. Bochart a prétendu que c’était la ville de No-Ammon, dont il est assez souvent parlé dans les prophètes (Ézéchiel 30.14 ; Nahum 3.8 Jérémie 46.25), et que l’on traduit ordinairement par Alexandrie ; mais nous avons essayé sur Nahum de montrer que No-Ammon signifie plutôt la ville de Diospolis dans la basse Égypte.
Voici les raisons qui peuvent persuader que Thèbes, la grande Thèbes qui avait cent portes, célèbre dans Homère, est désignée dans l’Écriture (Néhémie 3.8) sous le nom de No, ou Ammono, oo No-Ammon, et dans la Vulgate sous celui d’Alexandrie. Nahum décrit la situation de No-Ammon, ou de No la Peuplée, ou la Grande ; No signifie une demeure, et Hammon des troupes de peuple, une multitude d’habitants. Je ne sais si l’on peut soutenir l’étymologie qui fait venir Na-Ammen de Cham, connue qui dirait demeure de Cham ou d’Hammon, car l’Hébreu ne l’écrit jamais avec un heth ou cheth, mais avec un aleph ou avec un he.
Nahum décrit ainsi la situation de No-Ammon : Elle est au milieu des fleuves, les eaux l’environnent de tous côtés, la mer fait ses richesses, les eaux lui servent de remparts.
Thèbes, capitale de la Thébaïde, est située sur le Nil. Ce fleuve est souvent exprimé sous un nom pluriel, à cause de ses bras, de ses coupures, de ses canaux. Une ville aussi grande que Thèbes, ayant quatre cents stades de tour, qui font treize lieues ou quarante mille pas, et cent portes très-fréquentées, remplie d’une multitude innombrable de peuple, ne pouvait manquer d’être bien arrosée par des canaux faits de la main des hommes, lorsque les eaux du Nil, qui coulent par delà, ne pou valent s’étendre naturellement dans tous ses quartiers ni dans ses campagnes. Il ne faut que connaître l’Égypte et les anciens Égyptiens pour s’en persuader.
Nahum ajoute que la mer fait ses richesses. Il est constant que Thèbes est fort éloignée de la mer ; mais elle pouvait, par le moyen du Nil, faire un grand commerce dans la Méditerranée, y envoyer ses marchandises en faisant descendre ses vaisseaux, et profiter des richesses de toutes les côtes de cette mer, par les vaisseaux qui remontaient jusqu’à elle. D’ailleurs sous le nom de mer les auteurs sacrés désignent souvent les grands fleuves, et en particulier le Nil et l’Euphrate. Nous en avons donné des prouves ci-devant sous l’article mer.
Diodore de Sicile remarque que les Grecs donnaient à Thèbes le nom de Diospolis, c’est-à-dire, la ville de Jupiter. Les Septante la nomment de même dans Ézéchiel (Ézéchiel 30.14-16). Mais ce nom de Diospolis est moderne, comparé avec les auteurs sacrés. Ce furent les Grecs, après les conquêtes d’Alexandre, qui lui donnèrent le nom de Ville de Jupiter. L’ancienne Thèbes fut désolée et détruite, selon les prédictions des prophètes que nous avons cités ; mais on bâtit près de là la ville de Diospolis ou la nouvelle Thèbes, qui fut détruite et saccagée par Cornelius Gallus. On peut voir Strabon, 1.17. M. allerbelot, dans sa Bibliothèque orientale, croit que la ville de Coff, située dans la Thébaïde supérieure et sur le bord du Nil, est l’ancienne et la fameuse Thèbes dont nous parlons. La Thébaïde est divisée en haute, moyenne et basse. Les villes d’Asovan, autrement Syène, celle d’Asna, celle de Coos, et celle de Kiphe, qui est l’ancienne Coptos et Aksur sont dans la haute Thébaïde. Abdelmoal ; géographearabe, dit qu’après le Grand-Caire, Coos est la plus grande ville qui soit en Égypte.
On parle de deux villes de Thèbes, l’ancienne et la nouvelle ; il n’en reste que des ruines ; mais quelles ruines ! Nous allons citer sans discuter.
« À Thèbes, dit M. Champollion-Figeac (Univers pittoresque de Didot, Égypte, page 2), des portions ruinées de divers édifices permettent de reconnaître des restes de constructions antérieures employés comme matériaux dans ces mêmes édifices qui existent aujourd’hui depuis trente-six siècles. Où remonte donc la véritable souche de ces générations successives de ruines ? Il faut le craindre : les origines de l’Égypte sont peut-être dérobées pour toujours à notre légitime curiosité. Arriva-t-elle par la voie si lente de l’expérience et du progrès au point d’avancement social où ses plus anciens ouvrages nous l’ont montrée ? ou bien, reçut-elle une science toute faite d’un autre peuple qui l’avait précédée dans cette voie de primitifs essais d’organisation sociale ? Que de jours et d’années dans l’une et l’autre supposition ! De telles difficultés n’émeuvent, il est vrai, que les esprits qui les comprennent : on n’en trouvera la solution que lorsqu’on aura fixé avec certitude l’époque où l’homme apparut sur la terre et celle où il s’essaya à la société avec une aptitude et des inclinations dont le degré et la force sont encore le secret du Créateur. »
M. Dureau de la Malle, dans sa Poliorcétique des anciens (p. 14 et 417-422), s’exprime sur Thèbes dans les termes suivants :
« Les sujets d’Osiris, dit-il, bâtirent dans la Thébaïde d’Égypte une ville à cent portes, à laquelle ils donnèrent le nom de sa mère, mais que leurs descendants ont appelée Diospolis (ville de Jupiter), et quelques-uns, Thèbes. Ce fait nous semblerait incroyable à une époque aussi reculée, et M. Laccher l’a omis dans son Canon chronologique, si on n’avait pour l’appuyer un témoignage correspondant dans les livres sacrés. Les Hébreux et les Égyptiens, presque en même temps, trayent le blé, travaillent la terre, inventent l’agriculture, et aussitôt les premiers bâtissent la ville d’Hénoch, les seconds celle de Thèbes. Quand la terre a été cultivée, quand elle a produit des richesses, il est devenu nécessaire de mettre ces trésors à l’abri. Voilà pourquoi la fondation des villes suit immédiatement l’invention du labourage et de la culture des céréales. C’est aussi ce qui m’a engagé à citer et à rapprocher, chez les Égyptiens et chez les Hébreux, cette première invention de l’agriculture, qui ne précède que de peu de temps, chez tous les peuples, l’art de bâtir et ensuite d’entourer et de fortifier les cités.
L’époque de la fondation de Thèbes (pages 417-422), l’une des premières villes bâties par les hommes, était extrêmement importante à déterminer. M. Girard est parvenu, par un grand nombre d’observations sur les deux kilomètres d’Eléphantine et du Caire, par une quantité de fouilles, de nivellements, de calculs dont il faut voir les détails dans l’ouvrage même, à fixer l’exhaussement séculaire moyen du lit du Nil, et celui du sol de la vallée d’Égypte, à 0 m. 126, environ 5 pouces.
Depuis l’époque de l’établissement du monticule factice sur lequel la ville de Thèbes fut bâtie, le sol de la vallée s’est exhaussé de 6 mètres. D’après ces données, M. Girard conclut la fondation de ce monticule à quatre mille sept cent soixante ans de la date de ces observations, deux mille neuf cent soixante ans avant notre ère. Ce calcul, donné par l’observation de la nature, pourra servir à fixer l’époque de la fondation de la ville d’Hénoch par Caïn, inventeur de l’agriculture, et né en Palestine, de même qu’Osiris.
On sent aussi combien la détermination de cette base peut être utile pour éclaircir plusieurs points obscurs de la chronologie égyptienne, et pour fixer la date de la fondation des anciens monuments égyptiens dont l’histoire ne nous a pas transmis l’époque.
Ainsi, Par exemple, le sol sur lequel a été fondé le petit temple situé au sud du palais de Karnac à Thèbes est plus élevé que celui du grand d’environ 2 m. 092, ce qui résulte des nivellements. Il résultera donc de la loi établie par M. Girard sur l’exhaussement du sol de l’Égypte, dans la plaine de Thèbes, que le petit temple du sud est d’environ deux mille ans plus récent que le grand.
Les monuments de Philé confirment encore l’antiquité de la fondation des villes égyptiennes. Les faces des pierres cachées dans l’intérieur de la colonne du grand temple offrent des hiéroglyphes sculptés, et même encore coloriés. Il fallut bien demeurer convaincu que cette colonne avait été construite de débris qui antérieurement avaient appartenu à d’autres édifices ; et depuis, cette idée s’est trouvée confirmée en répétant les mêmes remarques dans d’autres lieux.
Sans prétendre assigner l’âge de ces monuments antérieurs, nous ferons deux observations.La première, c’est que les Égyptiens, si religieux, si respectueux pour tout ce qui était ancien, ne devaient pas se déterminer légèrement à détruire un temple : il fallait sans doute pour cela qu’il fût bien dégradé, qu’il menaçât de s’écrouler bientôt, ou que même il se fût en effet écroulé. Or, si les monuments que nous voyons aujourd’hui, et dont les plus modernes ont au moins deux ou trois mille ans d’antiquité, sont cependant encore si intacts, et, pour ainsi dire, si neufs, combien ne faut-il pas supposer de siècles à ceux qui tombaient on ruines lorsqu’on a construit le grand temple, le plus ancien édifice de Pile ? La deuxième observation, c’est que les sculptures des débris qui composent la colonne sont aussi parfaitement exécutées que celles des monuments plus modernes : et autant qu’on peut en juger par un petit nombre de figures, c’est le même système de décoration, la même pureté de ciseau, ce sont aussi les mêmes couleurs. Il faut donc concevoir, à l’époque où ces monuments antérieurs ont été élevés, les arts déj à parvenus au degré de perfection qu’ils n’ont guère passé depuis chez les Égyptiens ; ce qui suppose que cette nation avait été réunie, et que sa civilisation avait commencé longtemps avant cette époque.
C’est ainsi que, par une suite d’inductions qui ont l’avantage de se présenter naturellement, on est déjà conduit à concevoir chez les Égyptiens une antiquité que d’autres faits et des preuves d’un autre ordre porteront jusqu’à l’évidence.
Ainsi Syène était regardée comme placée directement sous le tropique, et sa position, telle qu’elle a été déterminée par les observations astronomiques de M. Nouet, est de 24.° 5’ 23 pour la latitude, et de 30° 34’ 49 pour la longitude au méridien de Paris. L’observation récente excède toutes les hauteurs qu’on avait jusqu’ici attribuées à cette ville. La conséquence de ce fait (qui tient à la variation de l’obliquité de l’écliptique) et de la plus grande latitude de Syène, aujourd’hui bien reconnue, c’est que l’origine de cette tradition astronomique remonte à une époque d’autant plus reculée, c’est-à-dire à plus de trente siècles avant l’ère chrétienne ; c’est la plus ancienne observation du solstice dont le souvenir soit parvenu jusqu’à nous : Ce fait, si l’observation qui, du reste était si facile à faire, peut être regardée comme exacte, atteste encore l’ancienneté de la civilisation égyptienne.
Dans les Mémoires de M. Fourier sur la sphère égyptienne, je trouve un résultat qui confirme l’opinion que j’ai émise sur l’antiquité de la fondation de Thèbes, sur l’antique origine des arts, de la guerre, de la mécanique et de l’astronomie chez les Égyptiens.
Voici, dit M. Fourier, la conséquence la plus générale que l’on peut déduire de l’explication plus détaillée des antiquités astronomiques :
La comparaison de ces monuments montre que la sphère égyptienne, telle qu’elle s est représentée dans tous les édifices subsistants, se rapporte au 25e siècle avant l’ère chrétienne. À cette époque l’observation avait déj à fait connaître les premiers éléments de l’astronomie ; on les réunit alors, et l’on en forma une institution fixe qui servit à régler l’ordre civil des temps, et devint une partie de la doctrine sacrée. Plusieurs de ces sculptures ne remontent point à la même origine ; elles expriment un déplacement de la sphère qui a été observé quelques siècles après. Quant à l’époque de l’institution, elle est celle de la splendeur de Thèbes : nous l’avons vue écrite en caractères astronomiques dans les plus beaux ouvrages d’architecture des Égyptiens. Ainsi l’origine de leurs lois et de leurs arts est plus ancienne. Leur monarchie s’est conservée pendant un grand nombre de siècles ; car elle subsistait encore dans tout son éclat sept cents ans environ avant l’ère chrétienne. Elle subit le joug des Perses, et ensuite elle fut soumise aux Macédoniens et aux Romains.
Cette époque de la sphère de Thèbes est donc intermédiaire ; elle ne fixe point l’âge de la monarchie, mais celui des principales institutions égyptiennes. On la déduirait aussi des traditions astronomiques qui se sont répandues dans l’Orient, de l’établissement des périodes Cyniques, et de la position de la sphère que les Grecs ont décrite et immitée. Elle s’accorde avec les mesures du progrès séculaire de l’exhaussement du sol. Elle est confirmée par la chronologie et les annales des Hébreux, qui nous font connaître l’état du gouvernement et des arts à Memphis au 21e siècle et au 16e siècle avant l’ère chrétienne. Enfin cette époque est une conséquence directe de l’histoire des Égyptiens : le nombre des rois qui les ont gouvernés ne permet pas d’assigner une moindre durée à leur empire.
La Thébaïde, dit M. de Rozière, ingénieur en chef des mines, et membre de la commission d’Égypte, la Thébaïde, riche surtout en monuments et en souvenirs anciens, semble vraiment un pays enchanté : c’est l’impression qu’elle produit jusque sur les esprits les moins cultivés. Vingt cités et beaucoup de lieux inhabités offrent au voyageur toujours surpris ces grands édifices antiques, chefs-d’œuvre de l’architecture, non-seulement-par leurs triasses imposantes, leur caractère grave et religieux, mais par leur belle et simple ordonnance, par l’élégante et sage disposition des sculptures emblématiques qui les décorent, et par la richesse inconcevable de leurs ornements, qui ne sont jamais insignifiants.
Thèbes, bouleversée par tant de révolutions, Thèbes, maintenant déserte, remplit encore d’étonnement ceux qui ont vu les antiques merveilles de Rome et d’Athènes. Thèbes, à l’aspect de laquelle nos armées victorieuses de tant de pays célèbres dans les arts, s’arrêtèrent spontanément, en poussant un cri unanime de surprise et d’admiration ; Thèbes, célébrée par Homère, et de son temps la Première ville du monde, après vingt-quatre siècles de dévastation en est encore la plus étonnante ! On se croit dans un songe, quand o.n contemple l’immensité de ses ruines, la grandeur, la majesté de ses édifices et les restes innombrables de son ancienne magnificence …
Position, monuments et étendue de la ville de Thèbes.
Jamais, dit M. de Rozière, jamais point de géographie comparée ne fit moins équivoque que la position de Thèbes. Les antiques monuments de Karnac et de Luxor, sur la rive droite du Nil, semblables à desvilles par leur étendue ; sur la rive gauche, le majestueux palais de Medynet-Abou, décoré, comme les précédents, de bas-reliefs historiques, attestent les triomphes des souverains de l’Égypte ; le vaste édifice d’Osimaudyas, avec l’énorme colosse de ce prince, dont le trône gisant et mutilé semble encore accuser le génie destructeur de Cambyse et les fureurs de ce conquérant, jaloux de la splendeur de Thèbes et de la gloire de ses rois ; la statue résonnante de Memnon, assise sur sa base, au milieu de la plaine voisine, et couverte d’inscriptions où les voyageurs de l’antiquité attestent les prodiges dont ils furent témoins ; plusieurs temples encore debout et presque entiers ; de grands édifices dont les vestiges se découvrent sous les alluvions du fleuve ; les magnifiques hypogées de Bybân-El-Molouk, asiles sacrés où reposèrent si longtemps les rois de Thèbes ; les grottes, les catacombes particulières, décorées de sculptures, de peintures emblématiques, et dont les ouvertures se voient de toutes parts dans la chaîne Libyque ; à l’opposite, quatre obélisques d’un seul morceau de granit de cent pieds de longueur, encore dressés sur leurs bases ; plusieurs autres renversés et brisés par violence ; des allées entières de colosses en granit couchés sur la place même où ils furent érigés ; des forêts de colonnes de 20 coudées de circonférence et d’une hauteur proportionnée ; des statues monolithes sans nombre, en grès, en pierre calcaire, en granit, dont plusieurs ont plus de 20 pieds de proportion ; des portiques non moins admirables que les palais eux-mêmes, et d’où partent, dans plusieurs directions, des allées de sphinx gigantesques, pour aller lier à travers les plaines des édifices distants de 20 stades ; des hippodromes de 60 stades de circuit, c’est-à-dire, d’une lieue et un tiers de nos Mesures ; des vestiges d’anciens édifices, des débris sans nombre, des ruines, des décombres épars dans une étendue de plusieurs lieues carrées, ne laissent aucune incertitude, et attesteront pendant bien des siècles aux voyageurs qui nous succéderont, de manière à ne pas s’y méprendre, le lieu où florissait la ville de Thèbes.
Après avoir comparé et éclairci les renseignements transmis par les auteurs anciens l’auteur fixe d’après eux la pointe méridionale de Thèbes à 25° 37’ 40’’ de latitude, près du parallèle d’Hermonthis, ville presque contiguë. L’étendue de Thèbes,était de plus de 7 lieues de circonférence, sa distance d’Eléphantine était, suivant Hérodote, de 820 stades, de 30 au schoene, ainsi compté au-dessus de Thèbes, ou de 540 au degré, le stade évalué à 300 coudées. La distance de cette ville à Héliopolis était de 4850 stades, ou 4° 30’, précisément la 80° partie de la circonférence de la terre, ce qui est confirmé rigoureusement par les observations astronomiques modernes et par la carte française. Les positions d’Héliopolis et de Thèbes, où résidaient les deux plus anciens colléges de prêtres astronomes, sont les plus certaines de toute l’Égypte ancienne, et forment une belle et grande base pour les mesures itinéraires de ce pays. La distance de Thèbes à la mer, c’est-à-dire au port de Canope, était de 6,120 stades, toujours d’après Hérodote : distance qui correspond précisément aux 5° 40’, déterminée par les observations modernes, etc.
Écoutons aussi M. Champollion le jeune :
C’est, dit-il, dans la matinéedu 20 novembre (1828) que le vent, lassé de nous contrarier depuis deux jours, et de nous fermer l’entrée du sanctuaire, me permit d’aborder enfin à Thèbes ! Ce nom était déjà bien grand dans ma pensée ; il est devenu colossal depuis que j’ai parcouru les ruines de la vieille capitale, l’aînée de toutes les villes du monde ; pendant quatre jours entiers j’ai couru de merveille en merveille. Le premier jour, je visitai le palais de Kourma, les colosses de Memnonium, et le prétendu tombeau d’Osiinandyas, qui ne porte d’autres légendes que celles de Rhamsès le Grand, et de deux de ses descendants ; le nom de ce palais est. écrit sur toutes ses murailles ; les Égyptiens l’appelaient Rhamesséion, comme ils nommaient Aménophion le Memnonium, et Mandouéion le palais de Kourna. Le prétendu colosse d’Osimandyas est un admirable colosse de Rhamsès le Grand.
Le second jour fut tout entier passé. à Médinet-Habou ; étonnante réunion d’édifices où je trouvai des propylées d’Antonin, d’Hadrien et des Ptolémées, un édifice de Nectanèbe, un autre de l’Éthiopien Tharaca, un petit palais de Thoulmosis III (Moeris), enfin l’énorme et gigantesque palais de Rhamsès-Méiamoun couvert de bas-reliefs historiques.
Le troisième jour, j’allai visiter les vieux rois thébains dans leurs tombes, ou plutôt dans leurs palais creusés au ciseau dans la montagne de Riban-El-Molouk : là, du matin au soir, à la lueur des flambeaux, je me lassai à parcourir deux enfilades d’appartements couverts de sculptures et ale peintures, pour la plupart d’une étonnante fraicheur ; c’est là que je recueillis, en courant, des faits d’un haut intérêt pour l’histoire ; j’y ai vu un tombeau de roi, martelé d’un bout à l’autre, excepté dans les parties où se trouvaient sculptées les images de la reine sa mère et celles de sa femme qu’on a religieusement respectées, ainsi que leurs légendes. C’est, sans aucun doute, le tombeau d’un roi condamné par jugement après sa mort. J’en ai vu un second, celui d’un roi thébain, des plus anciennes époques, envahi postérieurement par un roi de la 19 dynastie, qui a fait couvrir de stuc tous les vieux cartouches pour y mettre le sien, et s’emparer ainsi des bas-reliefs et des inscriptions tracées pour son prédécesseur. Il faut cependant dire que l’usurpateur fit creuser une seconde salle funéraire pour ymettre son sarcophage, afin de ne point déplacer celui de son ancien. À l’exception de ce tombeau-là, tous les autres appartiennent à des rois des 18e et 19e ou XXe dynasties : mais on n’y voit ni le tombeau de Sésostris, ni celui de Meeris. Je ne parle point ici d’une foule de petits temples et édifices épars au milieu de ces grandes choses : je mentionnerai seulement un petit temple de la déesse Hatâr (Vénus), dédié par Ptolémée Épiphane, et un temple de Thôth près de Médinet-Habou, dédié par Ptolémée Èvergète Il et ses deux femmes ; dans les bas-reliefs de ce t ce Ptolémée fait des offrandes à tous ses ancêtres mâles et femelles, Épiphane et Cléopâtre, Philopator et Arsinoé, Èvergète et Bérénice, Philadelphe et Arsinoé. Tons ces Lagides sont représentés en pied avec leurs surnoms grecs traduits en égyptien, en dehors de leurs cartouches. Du reste, ce temple est d’un fort mauvais goût à cause de l’époque.
Le quatrième jour (hier 23), je quittai la rive gauche du Nil, pour visiter la partie orientale de Thèbes. Je vis d’abord Louqsor, palais immense, précédé de deux obélisques de près de 80 pieds, d’un seul bloc de granit rose, d’un travail exquis, accompagné du quatre colosses de même matière et de 30 pieds de hauteur environ, car ils sont enfouis jusqu’à la poitrine. C’est encore là du Rhamsès le Grand. Les autres parties du palais sont des rois Mandouei, Horus et Aménophis-Memnon ; plus, des réparations et additions de Sabacon l’Éthiopien et de quelques Ptolémées, avec un sanctuaire, tout en granit, d’Alexandre, fils du conquérant. J’allai enfin au palais ou plutôt à la ville, des monuments, à Karnac. Là m’apparut toute la magnificence pharaonique, tout ce que les hommes ont imaginé et exécuté de plus grand. Tout ce que j’avais vu à Thèbes, tout ce que j’avais admiré avec enthousiasme sur la rive gauche, me parut misérable en comparaison des conceptions gigantesques dont j’étais entouré. Je me garderai bien de vouloir rien décrire, car ou mes expressions ne vaudraient que la millième partie de ce qu’on doit en dire en parlant de tels objets, ou bien si j’en traçais une faible exquisse, même fort décolorée, on me prendrait pour un enthousiaste, peut-être même pour un fou. Il suffira d’ajouter qu’aucun peuple ancien ni moderne n’a conçu l’art de l’architecture sur une échelle aussi sublime, aussi large, aussi grandiose que le firent les vieux,Égyptiens ; ils concevaient en hommes de 100 pieds de haut ; et l’imagination qui, en Europe s’élance bien au-dessus de nos portiques ; s’arrête et tombe impuissante aux pieds des 140 colonnes de la salle hypostyle de Karnac.
Dans ce palais merveilleux, j’ai contemplé les portraits de la plupart des vieux Pharaons connus par leurs grandes actions, et ce sont des portraits véritables, représentés cent fois dans les bas-reliefs des murs intérieurs et extérieurs ; chacun conserve une physionomie propre et qui n’a aucun rapport avec celle de ses prédécesseurs ou successeurs, etc.
Quant à la population de Thèbes, M. Letronne a fait des recherches dont nous allons faire connaître le résultat. Ce savant a publié un mémoire intitulé : Examen des passages relatifs à la population de l’ancienne Thèbes d’Égypte ; il se propose dans ce travail, qu’il a détaché d’un ouvrage plus considérable, premier de réfuter les idées exagérées qu’on s’est formées jusqu’à présent de la ville de Thèbes et de son immense population, que des écrivains modernes ont élevée à plusieurs millions d’habitants ; et 2° de démontrer qu’on ne trouve pas dans toute l’antiquité un seul passage qui s’applique à la population de cette ville. Il conclut en disant que a il est impossible de connaître maintenant la population de l’ancienne ville de Thèbes par le moyen des témoignages historiques ; mais que d’après des considérations tirées de l’emplacement de cette ville et de son étendue, dont on peut juger par plusieurs textes anciens, jusqu’ici mal com pris, elle a pu contenir, au temps de sa splendeur, environ deux cent mille habitants.