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En latin serpens ; en grec ophis en hébreu nachasch. Les intérprètes ont fort raisonné sur la nature du premier serpent, qui tenta Ève. Quelques-uns ont cru qu’alors le serpent avait deux, ou quatre, ou plusieurs pieds ; mais il n’y a aucune apparence que cet animal ait jamais été autre qu’il est aujourd’hui ; et on ne peut douter que sous le nom de serpent on ne doive entendre le démon, qui se servit d’un serpent réel pour séduire la première femme. Dans la malédiction que Dieu donna au serpent, il lui dit : La postérité de la femme te brisera la tête (Genèse 3.15) ; parce qu’en effet le serpent ayant le cœur sous la gorge, et tout près de la tête, le moyen le plus sûr pour le tuer est de lui écraser ou de lui couper la tête. Plusieurs font consister sa principale finesse, ou sa prudence, comme parle l’Évangile (Matthieu 10.16), en ce qu’il expose tout son corps pour sauver sa tête.
Jésus, fils de Sirach, dit qu’il n’y a point de tête pareille à celle du serpent (Ecclésiaste 25.22) mais sous le nom de tête, en cet endroit, il faut entendre le venin, parce que l’hébreu rosch, qui signifie la tête, signifie aussi le venin du serpent (Deutéronome 22.33) que les uns mettent dans son fiel, les autres dans sa langue et les autres dans ses dents. L’Écriture, en différents endroits, s’exprime tantôt comme supposant que le fiel du serrent est son venin (Job 21.14). David semble le placer dans la langue (Psaumes 139.4) ; et Salomon dans ses dents (Proverbes 23.32) : Le vin entre agréablement ; mais à la fin il mord comme un serpent, et il répand son venin comme un basilic.
Une autre malédiction que Dieu donna au serpent, c’est qu’il se nourrirait de terre (Genèse 3.14). Isaïe dit de même que la nourriture du serpent est la poussière (Isaïe 65.25). Et Michée (Michée 7.17), : Ils lécheront la poussière de la terre comme les serpents. Il est pourtant vrai qu’ils mangent de la viande, des oiseaux, des grenouilles, du poisson, des fruits, de l’herbe, etc. Mais comme ils rampent continuellement sur La terre, il est impossible que leur nourriture ne soit souvent gâtée par la poussière et par la terre. Il y en a même qui mangent réellement de la terre dans la nécessité, ou du moins des vers de terre, qu’ils ne peuvent prendre qu’en avalant aussi de la terre.
La ruse, la prudence, les finesses du serpent, sont marquées dans l’Écriture comme des qualités qui le distinguent des autres animaux. Moïse (Genèse 3.1) voulant disposer l’esprit de son lecteur à entendre le récit de la tentation d’Ève, dit que le serpent était le plus fin de tous les animaux ; et Jésus-Christ recommande à ses apôtres d’avoir la prudence du serpent (Matthieu 10.16). On rapporte diverses marques de cette finesse du serpent. On dit que le céraste se cache dans le sable pour mordre le pied du cheval et pour renverser le cavalier. Jacob, dans la bénédiction qu’il donne à Dan (Genèse 49.17), fait allusion à cela.
Saint Épiphane rapporte quatre effets de la prudence du serpent.
1° Quand il est vieux, il a le secret de rajeunir, et de se dépouiller de sa vieille peau, en passant entre deux rochers.
2° Il se sauve quand il voit un homme vêtu, et il l’attaque quand il le voit nu. Mais il y a quelque apparence qu’il y a faute dans cet endroit de saint Épiphane, et qu’il a voulu dire tout le contraire ; car la plupart enseignent que le serpent craint l’homme nu, et attaque celui qui a ses habits.
3° Lorsqu’il est attaqué ; sa principale attention est de conserver sa tête ; ce qui est aussi attesté par un grand nombre d’auteurs.
4° Que quand il va boire à une fontaine, il vomit premièrement son venin, de peur de s’empoisonner lui-même en buvant. Cette remarque n’est pas avouée de tout le monde, quoiqu’elle ait grand nombre de défenseurs.
On raconte encore d’autres ruses du serpent ; par exemple, qu’il se bouche les oreilles, pour ne pas entendre la voix de l’enchanteur. Le Psalmiste (Psaumes 57.7) relève cette finesse de l’aspic : Aspidis surdoe, quoe obturat aures suas quoe non exaudiet vocem incantatium. On dit qu’il applique fortement une de ses oreilles contre terre, et bouche l’autre avec le bout de sa queue. Nous avons fait une Dissertation sur cela, qui est imprimée dans notre second tome sur les psaumes. Voyez aussi Bochart, de Anim sacr., part n, tome 3 chapitre 6 et les commentateurs sur le psaume 57.
D’autres disent que la finesse du serpent consiste dans son agilité et dans sa souplesse, ou dans ce qu’il a le secret de recouvrer la vue par le suc du fenouil. Enfin chacun propose sur cela ses conjectures.
Nous avons parlé en particulier des serpents dont il est fait mention dans l’Écriture, sous leurs articles. On connaît onze espèces de serpents parmi les Hébreux ; savoir :
1° Ephé, la vipère.
2° Chéphir, une sorte d’aspic, ou un lion.
3° Ascub, l’aspic.
4° Pethen, l’aspic.
5° Tzeboa, un serpent tacheté, nommé hyène par les Grecs et par les Égyptiens.
6° Tzimmaon ; selon saint Jérôme, c’est le serpent nommé dipsas, à cause de l’altération qu’il cause par sa morsure ; mais Bochart soutient qu’il ne signifie pas un serpent, mais un lieu aride et brûlé.
7° Tzepha ou Tziphoni, un basilic ; non ce serpent fabuleux dont on raconte tant de puérilités, mais le vrai regulus, ou basilic, qui est un serpent fait comme les autres, mais plus dangereux, et dont le poison est lins subtil. Voyez ci-devant basilic, et Bochart, de Animal sacr., pageu, tome 3 chapitre 9.X.
8° Le kippos que les Septante, saint Jérôme, le Chaldien, entendent de l’hérisson, mais que le même Bochart croit être le serpent nommé par les Grecs acontias c’est-à-dire le dard, ainsi nommé à cause qu’il saute fort loin et fort haut après sa proie. Voyez Bochart, de Animal sacr., part. 2.1.3 c. 2 et les auteurs qu’il a rapportés. [Voyez Acontias, et Serpent flèche].
9° Le schephiphon, que saint Jérôme a traduit par céraste (Genèse 49.17). Ce serpent est de la couleur du sable dans lequel il se cache, et où il attend sa proie. Le nom de céraste lui vient de ce qu’on lui voit des espèces de cornes de chair, ou deux éminences en forme de grains d’orge.
10° Le sachal, dont il est fait mention dans le psaume (Psaumes 90.13) : Super aspidem et basiliscum ambulabis, etc. : Vous foulerez aux pieds l’aspic et le basilic. Les Septante, le Syriaque et l’Arabe l’entendent ainsi. Bochart appuie leur sentiment, et montre que le nom de noir, car c’est la signification de sachal, convient à plusieurs serpents et en particulier à l’aspic, au dipsas, à l’hydre, etc. Mais la plupart des plus savants interprètes croient que le terme sachal signifie en cet endroit un lion, et non un serpent, et ce sentiment nous paraît beaucoup plus probable ; il est certain que ce nom hébreu signifie tout communément un lion noir, comme cet auteur le montre lui-même.
11° Le saraph est un serpent volant, et c’est le seul serpent que nous connaissions qui ait des ailes. Le nom de saraph signifie proprement brûler, et on croit qu’on lui a donné ce nom, ou à cause de sa couleur, ou à cause de l’ardeur et de l’altération qu’il cause par sa morsure. Hérodote, qui avait vu de ces serpents, dit qu’ils avaient assez de ressemblance avec celui que les Grecs et les Latins ont appelé hydre. Bochart s’étend fort pour prouver que c’étaient de véritables hydres. Le même Hérodote dit qu’il fut exprès à la ville de Butus pour voir ces serpents volants, dont il avait ouï parler. Il vit près de cette ville de grands amas d’os et d’échines de ces animaux, qui avaient été mis à mort et dévorés par les ibis. Le lieu, dit-il, où on les voit, est une gorge assez étroite qui s’ouvra du côté de l’Égypte. Lors donc qu’au commencement du printemps ces serpents veulent se jeter de l’Arabie dans l’Égypte, les oiseaux nommés ibis se jettent dessus, et en font périr un grand nombre. Les ailes de ces serpents ne sont pas de plumes, comme celles des oiseaux, mais semblables à celles des chauves-souris.
Il dit ailleurs que ces serpents ne sont pas grands ; qu’ils sont tachetés ou de diverses couleurs ; qu’il y en a une si grande quantité dans l’Arabie, que les hommes n’y pourraient pas subsister si la Providence avait permis qu’ils se multipliassent autant qu’ils le devraient naturellement : mais les Arabes racontent que la femelle fait mourir le mâle dans leur accouplement, et que les petits font mourir leur mère en naissant. Ils aiment les odeurs, et assiègent les arbres qui portent les aromates et les marais où croît la casse aromatique. Les Arabes les chassent d’autour des arbres par la fumée du styrax ; et pour aller cueillir la casse, ils se couvrent de peaux et s’enveloppent la tête, à l’exception des yeux ; puis vont dans ces marais, d’où ils chassent les serpents ailés, dont le vol a quelque chose de terrible et dont la morsure est très-dangereuse.
Nous nous sommes un peu étendus sur ces serpents nommés saraph dans l’Écriture (Nombres 21.9 Isaïe 6.2 ; 14.29 ; 30.6), parce que ce sont eux qui firent tant de dégat dans le camp d’Israël et qui firent mourir tant de monde dans le.désert. C’est un de ces saraph que Moïse fit élever dans le désert, et à la vue duquel les Israélites recouvrèrent la santé. On peut voir sur ce sujet Bochart, de Animal sacr., page I. 3 et Cicéron, I. 1, de Nalura deortum ; Méla, 3 chapitre ; Lucain, 1.4 ; Solin, chapitre 32 ; Ammien Marcellin, chapitre 22 ; AÉlien, tome 2 chapitre 38, et d’autres nouveaux, cités dans le même Bochart, qui parlent de ces serpents volants.
Serpent D’airain. C’est une figure du serpent saraph dont on vient de parler, que Moïse fit mettre au-dessus d’une pique (Nombres 21.9), assurant les Hébreux que tous ceux qui auraient été mordus des serpents et qui le regarderaient seraient guéris. L’effet suivit sa promesse. Le Sauveur, dans saint Jean (Jean 3.14), nous avertit que ce serpent ainsi élevé était une figure de sa passion et de son crucifiement. Ce serpent d’airain fut conservé parmi les Israélites jusqu’au temps du roi Ézéchias, qui, ayant appris qu’on lui rendait un culte superstitieux, le fit mettre en pièces et lui donna par dérision le nom de nohestan, c’est-à-dire, un certain je ne sais quoi d’airain (2 Rois 18.4). Voyez ci-devant Ézechias, Nohestan et l’article suivant.
Le Serpent flèche, nommé en grec acousias, est un serpent volant qui est appelé par les Turcs olcian ; on en voit souvent dans l’Archipel, et principalement dans l’île de Mételin, qui se battent en l’air, mais qui ne font point de mal aux hommes. C’est cette même espèce de serpents qui attaqua les Israélites dans le désert. Un savant anglais a prétendu que l’activité et l’éclat qui accompagnent ces animaux a servi d’emblème pour exprimer le zèle et la pureté des anges, qui sont nommés séraphitra dans l’Écriture, qui est le nom que les Hébreux donnent aux serpents dont, nous parlons. Il croit que les anges, lorsqu’ils ont apparu aux hommes, étaient revêtus de la forme des saraphs ou serpents volants ; que le démon parla à Ève sous là même forme, et que c’est ce qui la trornpa.et lui fit donner dans le piège, irnagina.nt que c’était un ange ou un séraphin ; il ajo.ute que c’est cela qui a donné origine à la bizarre pensée de quelques anciens hérétiques qui prétendaient que le serpent qui avait tenté Ève était le Fils de Dieu, ou le Christ fort différent de Jésus, et qu’elle l’avait cru comme tel. Mais laissons toutes ces rêveries.
Je crois qu’on peut mettre dans le même rang une autre opinion d’un savant qui s’est imaginé que le serpent d’airain était une espèce de talisman, c’est-à-dire, de ces pièces de métal qui sont fondues et gravées sous certaines constellations, d’où elles tirent une vertu extraordinaire de se faire aimer, de guérir les maladies ; les uns attribuent ces effets au démon, d’autres à la nature du métal et à l’influence de la constellation. Cet auteur voudrait donc faire croire que le Serpent d’airain élevé par Moïse guérissait les Hébreux, mordus des serpents de la même sorte que les talismans guérissent certaines maladies par la proportion qui se rencontre entre les métaux dont ils sont composés, ou les influences des astres sous lesquels ils sont formés, et la maladie qu’ils guérissent. Buxtorf au contraire çroit que la vue de ce serpent d’airain devait naturellement augmenter le mal des blessés, au lieu de le guérir, et que Dieu fit éclater doublement sa puissance en guérissant par un moyen qui devait produire un effet contraire. Mais il est inutile de multiplier ici les miraçles ; celui que Dieu produisit par le moyen du serpent d’airain, n’est que trop sensible.
On prétend garder à Milan, dans l’église de Saint-Ambroise, un serpent d’airain qu’on montre comme étant celui de Moïse ; mais on en croit ce que l’on veut. Le serpent qu’on représente toujours avec Esculape et avec la déesse Santé, et souvent avec les divinités égyptiennes, est un symbole de la guérison, et de la santé, venu peut-être du serpent d’airain de Moïse.
Le culte du serpent est connu dans toute l’antiquité païenne. Le démon, q.ui tenta la première femme sous la figure d’un serpent, a pris plaisir de diviniser cet animal comme un trophée de sa victoire sur les hommes. Les Babyloniens, du temps de Daniel, adoraient un dragon que ce prophéte fit mourir (Daniel 14.26). On sait le culte qu’on rendait, au serpent à Epidaure, la manière prétendue miraculeuse dont il fut amené à Rome. Les Égyptiens représentaient quelquefois Leurs dieux avec des corps de serpents, et rendaient un culte superstitieux à ces animaux si odieux et si dangereux. Ils les appelaient les bons démons et les, regardaient comme le symbole de la médecine, du soleil, d’Apollon ; on les mettait au char de Cérès et de Proserpine. Hérodote dit que de son temps on voyait près de Thèbes des serpents privés et consacrés à Jupiter. Ils ne font mal. à personne ; après leur mort on les enterre dans le temple de Jupiter. C’étaient des cérastes ; ils avaient deux cornes et étaient assez petits.
Élien parle d’un dragon sacré qu’on nourrissait en Phrygie dans un bois consacré à Diane ; il parle aussi des serpents domestiques qui étaient dans les maisons des Égyptiens, qu’on y nourrissait et qui étaient regardés comme des divinités domestiques ; et d’un autre serpent adoré dans une tour à Mélite en Égypte. Il avait un prêtre et des officiers : on lui servait tous les jours sur, une table ou un autel de la farine détrempée avec du miel, qui se trouvait mangée le lendemain. Encore aujourd’hui les serpents sont honorés dans le Calicut ; les rois et les bramins les regardent comme des animaux créés de Dieu pour affliger les hommes et les punir de leurs péchés.
Les ophites tiraient leur nom d’ophis, qui en grec signifie un serpent. Ces anciens hérétiques, adoraient le serpent qui séduisit Ève, et attribuaient à cet animal toutes sortes de sciences lis croyaient qu’il en était l’auteur et le maître. En un mot, ils prétendaient que le serpent qui tenta Ève était le Christ qui dans la suite descendit et s’incarna dans Jésus ; que c’était Jésus et non le Christ qui avait souffert. C’est pourquoi ils faisaient renoncer Jésus à tous ceux qui entraient dans leur secte. Lorsque leurs prêtres célébraient leurs mystères, ils faisaient sortir d’un trou l’un de ces animaux, et aprés qu’il s’était roulé sur les choses qui devaient s’offrir en sacrifice, ils disaient que Jésus-Christ les avait sanctifiées, et les donnaient au peuple qui les adorait.
Serpent long comme une barre, serpens rectis. Ce serpent se trouve en deux endroits dans l’Écriture : 1° dans Isaïe (Isaïe 27.1) l’Héhreu : Nachas beriach, et nachas aklaton, Job (Job 26.13) parle du même serpent ; mais saint Jérôme a traduit l’hébreu par serpentem tortuosum. Quelques-uns rendent l’hébreu nachas beriach par serpent fuyant, ou serpent fermant, comme une barre qui ferme la porte. Bochart croit que ce serpent vectis n’est autre que la baratelle, poisson connu dans Oppien, Élien, Galien, Suidas, sous le nom de zygœna. Il n’a la tête ni ronde, ni haute, ni plate, ni eu pointe, mais élargie des deux côtés et étendue transversalement comme une barre. On sait que les Hébreux rangent les poissons parmi les reptiles et parmi les serpents, et que le crocodile ou léviathan est aussi mis de ce nombre.
Se prend pour le démon. Le serpent invisible qui tenta Ève par l’organe du serpent sensible était le démon, comme l’Écriture et tous les commentateurs le remarquent. Quelques-uns expliquent aussi du démon ce que Job (Job 26.13 Isaïe 27.11) dit du serpent tortueux et ce que dit Isaïe du serpent vectis. Voyez l’article précédent. Saint Jean, dans l’Apocalypse (Apocalypse 12.9-14), marque clairement que le serpent ancien est le démon et Satan : Draco ille magnus, serpens antiquus, qui vocatur diabolus et Satanas, et seducit universum orbem. Les Juifs appellent aussi le démon l’ancien serpent.