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Sephoris
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet

Ville célèbre de la tribu de Zabulon et capitale de Galilée. Elle porta dans la suite le nom de Diocésarée. Les Juifs la mettent à dix-huit milles de Tibériade. D’autres la placent à dix milles de cette ville. Elle n’était pas loin du Thabor et du Grand-Champ. Je ne la remarque point dans Josué ni dans les auteurs sacrés. Josèphe en parle souvent. Il dit que Gabinius y mit un des cinq tribunaux qu’il établit dans la Judée pour rendre la justice ; que Séphoris était au milieu de la Judée ; qu’elle était la plus grande et la meilleure ville de ce pays, et qu’elluen devint la capitale, après que Néron eut donné la Galilée au jeune Agrippa ; qu’assez près de Séphorisest le mont Asamon, qui est comme le centre de la Galilée : la première ville de Galilée que l’on rencontrait en venant de Ptolémaïde était Séphoris.

Gillot de Kerhardène, se rendant de Saint-Jean d’Acre à Nazareth, passa par le pays de Séphoris. Il rend compte de ce voyage dans sa lettre écrite de Nazareth le 8 septembre 1829, adressée à M. Michaud, historien des croisades ; et insérée dans la Correspondance d’Orient (tome 5 pages 437 et suivants) ; c’est la 133e.

« Nous sommes, dit-il, partis d’Acre le 2 septembre, au lever de l’aurore… Après avoir côtoyé pendant une heure la baie de Saint-Jean d’Acre, et traversé de biais, pendant deux heures, la plaine où campèrent des armées de tous les âges, nous sommes arrivés à neuf heures sur la lisière de la Galilée, et nous sommes entrés dans l’ancienne tribu de Zabulon…

Quand on a tout à fait perdu de vue la plaine d’Acre, on laisse à droite, au milieu des montagnes qui hérissent la partie occidentale du pays, le village d’Obellin éloigné d’Acre d’environ quatre heures ; avant d’y arriver on traverse à gué en hiver, à pied sec en été, l’ancien fleuve Baas. Dans la vallée où coule-ce fleuve, nous avons rencontré une caravane qui venait de traverser la plaine d’Esdrelon etse rendait de Naplouse à Saint-Jean d’Acre…

Nous avons fait halte auprès d’un petit monticule, où se trouve un de ces puits ayant une roue que deux hommes font mouvoir pour élever un sceau de cuir ; ces puits sont communs en Syrie. Nous avons bu là d’une eau meilleure que celle de la plaine d’Acre…

Je vous citerai le village de Bedaoui que nous avons vu sur notre chemin ; la situation de ce village est fort pittoresque ; à deux heures de Bedaoui sont les ruines d’un khan. Ce lieu, qui servit d’hôtellerie aux caravanes asiatiques, est maintenant abandonné ; il ne donne plus l’hospitalité qu’à d’énormes scorpions, habitants hideux de tous les lieux d’où l’homme s’est retiré… C’est près de ce khan, entre des ruines et le lit desséché d’un ruisseau, que campa Napoléon ; le nom de ce conquérant, jeté au milieu de ces débris, y laisse quelque chose de merveilleux qui semble appartenir plutôt à l’épopée qu’à l’histoire.

Vers midi…, nous nous sommes arrêtés à l’endroit même où Bonaparte campa avant la victoire du Thabor. Le dix-neuvième siècle contraste sans doute avec les siècles des patriarches et du Christ ; mais la France s’est tellement mêlée à l’Orient qu’en quelque endroit que l’on frappe le sol de la terre sainte, on entend toujours résonner un nom français… Après avoir fait un léger repas, je suis-allé chercher les ruines de Zabulon, que je savais avoir existé aux environs, vers le sud-ouest ; je les ai trouvées, mais elles n’ont rien de remarquable.

À deux heures et demie, nous nous sommes remis en selle, et bientôt le beau pays de Séphorie s’est déployé devant nous ; au lieu d’un sol abandonné, nous commencions à voir des champs cultivés ; nous avons passé un ruisseau maintenant à sec ; les gens du pays le nomment le fleuve de la Vallée du roi. On continue à suivre les flancs des montagnes, mais peu à peu la route devient moins tortueuse et moins difficile ; ce ne sont pas encore les belles campagnes de la vallée de Séphorie, mais ce n’est plus le nu des rochers et l’aridité d’un sol désert ; les bosquets d’oliviers, les plantations de tabac donnent à la campagne une physionomie riante. Le pays de Séphorie n’a point de limites bien précises ; je crois qu’il peut s’étendre de la plaine de Cana à celle d’Esdre Ion, et de la montagne de Nazareth au revers oriental des collines boisées qui se rattachent au vaste plateau du Carmel ; les bornes de la vallée de Zabulon sont un peu plus précises ; cette vallée inégale, qui a le torrent de Kison au midi, forme une plaine entre Nazareth, la vallée de Hittin, et les hauteurs qui dominent Tibériade ; elle a quinze milles de long sur trois à cinq milles de large ; elle comprend dans ses ondulations les villages de Cana et de Loubi, l’un célèbre par un miracle du Christ, l’autre par un fait d’armes de l’armée française.

Nous avons atteint, à une heure et demie avant le coucher du soleil, les vastes ruines de Séphorie ou Diocésarée, éloignées de Bedaoui d’environ trois heures ; nous avons pris tout le temps de visiter l’enceinte des murs, les débris de la forteresse romaine, et les débris plus modernes de l’église consacrée à saint Joachim, dans son pays natal. Des monuments juifs, romains, chrétiens, sarrasins, composent le chaos de ruines qui marque le sol où fut Diocésarée. Les fortifications, réparées plusieurs fois par les Romains, qui affectionnaient cette ville, st.tb sislèrent jusqu’à Constance ; la destruction des murs de Séphorie fut la punition de la dernière révolte des Juifs. Les débris d’une tour carrée s’élèvent à la place où fut l’acropole. Il ne reste dans l’intérieur de la cité que les débris de l’église consacrée au père de la Vierge ; des colonnes de granit, élégamment travaillées, se confondent avec les arbres qui couvrent la cime bleuâtre de la montagne ; elles offrent un de ces effets pittoresques que j’ai tant de fois remarqués, en contemplant les paysages de la campagne de Rome. Le misérable village de Saphoureh est situé à tin demi-mille au-dessous des ruines.

La destruction complète de Séphorie remonte à l’époque des croisades ; après la sanglante victoire de Tibériade, Saladin, se disposant à assièger Ptolémaïs, fit ravager les campagnes de la Galilée ; Nazareth, Séphorie, Caïpha, Césarée, furent mis à feu et à sang ; les hommes furent faits prisonniers, les femmes et les enfants amenés en esclavage ; tel est encore aujourd’hui l’horrible droit de la guerre en Orient. Cette dévastation, fut à ce qu’il paraît, le coup de mort pour la patrie de saint Joachim, qui n’eut plus pour habitants que de misérables fellahs. En Syrie, presque partout où sont les ruines d’une ville, on rencontre un village. L’avantage de la position, la commodité des eaux, la facilité d’avoir des pierres tailfées ; tout cela devait déterminer le choix des Arabes.

Après avoir parcouru longtemps l’enceinte de Séphorie, qui peut avoir une demi-lieue de tour, sans pouvoir rencontrer une inscription, nous sommes venus reprendre nos chevaux sur la route, à l’entrée du pauvre village de Saphoureh ; en laissant les ruines sur la gauche, on voit, à droite, le lieu où campa Kléber, sur les hauteurs parallèles à la montagne de Séphorie. Le soleil était alors à son couchant ; son disque semblait une auréole placée au-dessus des restes de l’église de Joachim ; sa lumière mêlait des teintes de pourpre à la cime bleuâtre de la montagne, et l’effet qu’elle produisait sur les ruines était tel, que je me suis arrêté involontairement pour contempler ce spectacle de splendeur mélancolique.

Au delà de Saphoureh, on remarque au sud-est deux vieux moulins abandonnés ; plus loin, toujours du même côté, on voit jaillir à gros flots une fontaine dont on en tend sourdement murmurer les eaux limpides. Kléber, avant d’aller aider Junot à vaincre dans la plaine de Loubi, campa auprès de la fontaine de Séphorie, comme y avaient campé six siècles auparavant les guerriers croisés ; la même fontaine désaltéra sur le même lieu le vaincu de Tibériade et le vainqueur d’Héliopolis. Cette source abondante arrose une plaine assez étendue ; les eaux qui s’y divisent forment plusieurs ruisseaux paisibles, roulant en tous sens entre deux rives fleuries.

C’est dans ce lieu que les princes latins de Jérusalem avaient coutume de rassembler leurs vassaux quand le royaume était en péril. Suivant les chroniqueurs du moyen âge ; qui ont raconté la bataille de Tibériade, ce fut là que Guy de Lusignan rassembla les forces les plus considérables qu’un roi latin eût jamais mises sur pied, et qu’arborant la vraie croix et les étendards d’Angleterre, il se disposa à marcher contre Saladin, occupé au siège de la citadelle de Tibériade.

Au delà de la plaine, vers le nord, sont épars des débris de sépulcres sans signe ni inscription ; monuments inconnus, reliques d’une autre époque pour lesquelles les juifs caraïtes de Naplouse et les juifs orthodoxes de Tibériade et de Saphat ont une grande vénération. Plusieurs fois j’ai interrogé les rabbins du pays sur ces antiques débris, et n’ai pu obtenir des éclaircissements. Quelle mystérieuse tradition fait respecter ces vieux tombeaux qui ne sont marqués d’aucun nom et d’aucun souvenir positif ?

Jusqu’ici, dans cet itinéraire, je ne vous ai point épargné les détails ; en décrivant un pays neuf pour les voyageurs, il vaut mieux, ce me semble, dire beaucoup que trop peu ; je continue donc à arpenter le sol antique de la Galilée, comme pourrait le faire un géomètre employé au cadastre.

De Séphorie à Nazareth on compte, en ligne droite, une heure et demie ; plus on s’éloigne de la fontaine de Séphorie plus le sol devient inculte et rocailleux ; la fatigue recommence ; il faut gravir pour arriver à Nazareth une montagne stérile qui la domine au nord-ouest. De la fontaine de Séphorie à Nazareth on compte près d’une heure.

La nuit nous a surpris près des tombeaux inconnus dont je vous ai parlé plus haut ; nous avons chevauché dans les ténèbres sur les flancs de coteaux arides. Les environs de Nazareth sont tristes comme les environs de Jérusalem. » Voyez Zabulon].

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