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On dit que ce nom en phénicien signifie le zèle de la loi. Porphyre, cité dans Eusèbe, dit que Sanchoniathon de Bérythe, qui vivait avant la guerre de Troie, voulant faire une histoire complète de ce qui regardait les Phéniciens, ramassa dans les archives publiques et dans les villes particulières tout ce qui pouvait contribuer à son dessein ; qu’il joignit à cela l’étude de l’histoire des Juifs, qu’il étudia dans les Mémoires de Jérombal, prêtre du dieu Jévô. Cet ouvrage de Sanchoniathon fut composé d’abord en phénicien, et ensuite traduit en grec par Philon de Biblos. Porphyre en cite de grands fragments qu’Eusèbe a copiés et a insérés dans ses livres de la Préparation évangélique. Quelques savants ont cru que Jérombal, prêtre du Dieu Jévo, n’était autre que Gédéon, à qui l’Écriture donne aussi le nom de Jérobaal (Juges 6.32), et qu’on a pu prendre pour un prêtre du dieu Jévo, parcê qu’il avait sacrifié au dieu Jéhovah (Juges 6.20-27 ; 8.27-29), et qu’il avait chez lui un éphod ou un vêtement sacerdotal. Mais d’autres savants, en grand nombre, révoquent en doute tout ce que l’on a dit sur Sanchoniathon ; et il y en a même qui vont jusqu’à soutenir que c’est un auteur qui n’exista jamais, et qu’apparemment Porphyre, qui l’a cité et qui l’a voulu mettre en vogue, l’avait forgé et fabriqué lui-même.
Voici les principales raisons qui font juger que cet auteur n’a jamais existé, et que son ouvrage a été supposé pour affaiblir l’autorité des livres sacrés des Juifs, en faisant voir que leur théologie est prise de celle des Phéniciens, et en même temps pour ruiner la religion chrétienne, qui est fondéo sur l’Ancien Testament. Le premier argument qu’on propose contre son authenticité est le silence des anciens. Quelle apparence que les Grecs, qui avaient fait tant de conquêtes en Orient, et qui étaient si curieux des livres anciens, eussent négligé ou oublié celui-là? On dit que Philon de Biblos ne le traduisit que du temps d’Adrien : c’est encore assez tôt pour être connu et cité par les anciens Pères grecs, comme Justin le Martyr, Tatien, Origène, qui vivaient en Égypte ou en Palestine, lesquels néanmoins n’en ont fait aucune mention. Eusèbe, qui Va cité, ne l’avait pas vu entier ; il n’en a connu que les fragments qu’il à tirés de Porphyre.
Le second argument est tiré du livre même, ou des fragments du prétendu Sanchoniathon. On voit par tout son récit qu’il a voulu copier Moïse, et l’ajuster avec les fables des Grecs ; mais il y réussit si mal, qu’il se trahit à chaque pas. Il a connu le chaos de Moïse, l’esprit qui se remuait sur les eaux, la formation des animaux raisonnables et des animaux dénués de raison. Il exprime le Flat tout-puissant du Créateur sous l’idée du tonnerre qui réveille ces animaux et leur donne la vie, et sous le nom du vent Kolpia ou la parole de la bouche de Dieu. Le premier-né dont il parle est Adam, qui adore Baal Samin, ou le dieu du ciel. Nemrum est le même que Nemrod ; le chasseur et le pêcheur sont apparemment les fondateurs de Sidon ; Zeida en hébreu signifie la pêche et la chasse. Le Laboureur est Noé ; Misor est Mezraïm, fondateur ou père des Égyptiens ; Berith est femme d’Elion.
Elion en hébreu signifie le Très-Haut ; Be-Kilt, l’alliance. Banc-Berith est connu dans le livre des Juges. Jusque-là cela est tolérable.
Mais que veut-il dire, quand il dit que le dieu Dagon est dérivé du froment et est le même que Jupiter le Laboureur ; que Salurne fut surnommé Israel par les Phéniciens ; que le même Saturne immola son fils Jéhod ; qu’on donna le nom d’Elohim aux alliés d’Ibis ou Israël ?
Il avait quelque connaissance de l’histoire d’Abraham et d’Isaac ; mais elle était si superficielle, qu’il confond le premier avec Jacob ou Israël, son petit-fils. Les Hébreux donnaient quelquefois à Dieu le nom de Sadaï c’est-à-dire, qui se suffit à lui-même. Le prétendu Sanchoniathon le dérive d’une autre racine qui signifie les champs. Il a tiré plusieurs choses des fables des Grecs, qu’il brouille avec la théologie des Phéniciens et des Hébreux. Ce qu’il dit de l’Eon et du premier-né paraît pris de l’erreur des Valentiniens.
On prétend qu’il est tombé dans une erreur grossière en parlant de la ville de Tyr, qui devait lui être inconnue, supposé qu’il ait vécu du temps de Gédéon et avant la guerre de Troie ; puisque l’on croit que Tyr ne fut bâtie que 240 ans avant le temple de Salomon. Mais ce dernier fait souffre difficulté par deux raisons : la première, parce que Gédéon vivait 240 ans avant Salomon, et la seconde, parce que l’ancienne Tyr, bâtie dans le continent vis-à-vis de la nouvelle, subsistait apparemment dès le temps de Josué. Voyez l’article de Tyr. Quant à Sanchoniathen, on peut consulterles auteurs que nous avons cités. [Voyez aussi Dissertation sur l’authenticité des fragments de l’Histoire phénicienne de Sanchoniathon, par M. Séguier de Saint-Brisson, de l’académie des inscriptions et belles-lettres, dans les Annales de philosophie chrétienne, tome 19 et 19]