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Le dogme de la résurrection des morts est une créance commune aux Juifs et aux chrétiens. On le trouve clairement marqué dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament. Je ne parle pas de cette résurrection miraculeuse, qui consiste à revivre pour un temps, pour mourir ensuite de nouveau ; comme Élie (1 Rois 17.22), Élisée (2 Rois 4.35), Jésus-Christ et les apôtres ont ressuscité quelques morts. Je parle de la résurrection générale des morts, qui doit arriver à la fin des siècles, et qui doit être suivie de l’immortalité bienheureuse ou malheureuse. Par exemple, le Psalmiste (Psaumes 15.10) : Vous ne laisserez point mon dme dans l’enfer, ou dans le tombeau, et vous ne permettrez point que votre saint éprouve la corruption. Job (Job 19.25) : Je sais que mon Rédempteur est Vivant, et qu’au dernier jour je me relèverai de la terre, que je serai de nouveau revêtu de ma peau, et que je verrai mon Dieu dans ma chair ; je le verrai moi-même, mes yeux le considéreront, et non pas un autre ; et cette espérance que j’ai repose dans mon sein. Ézéchiel (Ézéchiel 37.1-3) dans la vision qu’il eut d’une grande quantité d’os qui étaient dans un grand champ et qui, au souffle de l’Esprit du Seigneur, commencèrent à se réunir et à se couvrir de chair, de nerfs et de peau, et enfin ressuscitèrent, nous a aussi laissé une preuve et une assurance de la résurrection générale. Voyez aussi Isaïe (Isaïe 26.19).
L’auteur du livre de la Sagesse (Sagesse 3.6-13 ; 4.15) en parle encore d’une manière assez expresse, lorsqu’il dit que les âmes des gens de bien, et qui souffrent la persécution en ce monde en recevront la récompense au jour de la visite. C’est ainsi qu’il appelle la résurrection en plus d’un endroit. Dans le second livre des Machabées on voit la même vérité établie d’une manière encore plus distincte. Un des sept frères Machabées, qui souffrirent la mort à Antioche devant Antiochus Épiphane, s’adressant à ce tyran, lui dit (2 Machabées 7.9-14, 23,29) : Pour vous, méchant que vous êtes, vous nous faites périr en cette vie : mais le roi du monde nous ressuscitera après cette mort que nous souffrons pour la défense de ses lois. La mère de ces saints martyrs les animait au combat par la même espérance de résurrection ; et ils en étaient si remplis, qu’ils bravaient la mort, ; les tourments et les menaces du roi.
Lorsque notre Sauveur parut dans la Judée, la résurrection des morts était reçue comme un des principaux articles de la religion des Juifs par tout le corps de la nation (Matthieu 22.23 Luc 20.28 Marc 12.15 1 Jean 11.23-24 Actes 23.6-8 Jean 5.29), à l’exception des seuls saducéens, qui la niaient. Les Juifs les toléraient alors, el même il y en avait plusieurs qui occupaient les premières charges de la république (Actes 5.17) : mais aujourd’hui ils les traitent d’hérétiques, d’épicuriens, et soutiennent qu’ils n’auront aucune part au siècle futur. Notre Sauveur, dans l’Évangile, a expressément réfuté l’erreur des saducéens ; il a promis à ses fidèles qu’ils jouiraient de la parfaite béatitude après la résurrection générale ; et il est ressuscité lui-même pour nous fournir dans sa personne une preuve, un gage, un modèle de notre résurrection future. Saint Paul (Romains 6.5 1 Corinthiens 15.12-16 Philippiens 3.10-11 Hébreux 11.35, 1Th, 2Th) dans presque toutes ses Lettres, parle de la résurrection générale : il réfute ceux qui la niaient, ou qui la combattaient ; il la prouve à ceux qui avaient peine à la croire ; il en découvre le mystère, la manière et diverses circonstances. Il dit que nier la résurrection des morts, c’est nier celle de Jésus-Christ (1 Corinthiens 15.13-19) : Si resurrectio mortuorum non est, neque Christus resurrexit ; et que si nous ne devons pas ressusciter, nous sommes les plus malheureux de tous les hommes.
Quelques Juifs enseignent que tous les hommes ne ressusciteront pas, mais seulement les Israélites ; et encore les grands scélérats d’entre eux n’auront-ils point de part à ce bonheur. D’autres croient que généralement tous les hommes ressusciteront. Il y en a d’entre eux qui soutiennent que les hommes une fois ressuscités ne seront plus sujets à la mort. D’autres soutiennent qu’ils mourront de nouveau, et que les âmes seules jouiront de la béatitude éternelle. Ou peut voir sur cela Ménassé Ben-Israël dans son troisième livre de la Résurrection des morts.
Voici ce qu’en dit Léon de Modène, part. 4 chapitre 2 des Cérémonies des Juifs : Il y a des Juifs qui croient, comme Pythagore, que les âmes passent d’un corps en un autre, ce qu’ils appellent gilghul ou roulement. Ils tâchent de s’appuyer de divers passages de l’Écriture, pris la plupart de l’Ecclésiaste et de Job ; mais cette opinion n’est pas universelle ; et soit qu’on la suive ou qu’on ne la suive pas, on n’est pas tenu pour hérétique parmi eux. Quant à là résurrection des morts, c’est un de leurs treize articles de foi que d’être persuadés que tous les morts ressusciteront à la fin des temps, et qu’ensuite Dieu fera un jugement universel de Lou ; les humains en corps et en âme, comme il est écrit dans Daniel (Daniel 12.2) : La multitude de ceux qui dorment dans la poussière s’éveilleront, les uns à la vie éternelle, et les autres à la honte et à l’ignominie éternelles.
C’est aussi un sentiment fort commun parmi les Juifs que tous les hommes, du moins les Israélites, ressusciteront dans la terre d’Israël ; d’où vient l’ardent désir qu’ils ont eu de tout temps d’être enterrés dans ce pays. Ils croient que ceux qui auront cet avantage ressusciteront les premiers, et jouiront avant tous les autres du bonheur de voir le règne du Messie. Mais que deviendront donc les justes qui mourront et qui seront enterrés hors de la terre d’Israël ? Dieu leur ouvrira,. disent-ils, des conduits et des canaux souterrains, par lesquels ils rouleront dans ce pays, et lorsqu’ils y seront arrivés, Dieu leur donnera l’esprit de vie, et ils ressusciteront. Ils croient que c’est pour cela que Jacob et Joseph témoignèrent tant d’empressement pour qu’on reportât leurs corps dans la terre de Chanaan. Et on lit dans quelques livres des rabbins, que souvent l’on apportait des pays éloignés les corps de certains Juifs plus dévots que les autres, pour être enterrés dans la terre d’Israël.
On a vu aussi dans l’Église chrétienne quelques var.étés de sentiments sur la résurrection des morts. Plusieurs anciens Pères ont reconnu une double résurrection. La première, qui devait précéder le règne du Messie, lequel devait régner mille ans sur la terre. La seconde devait suivre ce règne de mille ans, et commencer le règne des saints dans la bienheureuse éternité. Sentiment que ces Pères avaient pris des Juifs, puisqu’on le trouve d’une manière assez expresse dans le quatrième livre d’Esdras (4 Esdras 4.35 ; 6.18), dans le Testament des douze patriarches, et dans plusieurs rabbins.
Les anciens philosophes qui ont cru l’immortalité de l’âme ont enseigné aussi la résurrection, soit qu’ils aient appris l’un et l’autre de ces deux dogmes des peuples d’Orient chez qui ils avaient voyagé, soit qu’ils eussent inféré la résurrection de l’immortahté de l’âme comme une suite nécessaire, se persuadant qu’une âme ne pouvait être longtemps sans s’unir à un corps. Mais cette résurrection, les uns l’ont expliquée d’une manière, et les autres d’uneautre. Pythagore, qui le premier apporta aux Grecs le sentiment de l’immortalité de l’âme, reconnaissait la métampsycose, ou le passage de l’âme dans différents corps qu’elle animait successivement. Thalès et Démocrite tenaient aussi une sorte de résurrection ; mais on ignore la manière dont ils l’expliquaient. Pour Platon, nous savons mieux ce qu’il pensait de la résurrection : il était à-peu-près dans les mêmes sentiments que Pythagore. Il tenait que les âmes qui avaient animé nos corps passaient de là dans un état de liberté, d’ou elles revenaient ensuite animer de nouveaux corps.
Le sentiment de Platon avait été suivi par les pharisiens parmi les Juifs, et par Philon ; et il paraît même par l’Évangile (Jean 9.2 Matthieu 16.14) que plusieurs Juifs admettaient une espèce de métempsycose parmi eux du temps de Notre-Seigneur. Mais on voit par d’autres autorités tirées du livre de la Sagesse (Sagesse 3.6-13, 4.15) et du livre des Machabées (2 Machabées 7.9 14.23-29) que le commun de la nation tenait la résurrection à-peu-près de même que nous ; et Jésus-Christ, dans l’Évangile, suppose ce dogme et l’enseigne sans aucune contradiction, si ce n’est de la part des saducéens, qui la niaient. Les apôtres l’ont enseignée de même ; et malgré les efforts des hérétiques qui l’ont combattue, l’Église catholique l’a toujours constamment enseignée, comme un dogme fondamental du christianisme.
Mais il y a divers sentiments tolérés dans l’Église sur le temps, les circonstances et la manière dont se doit faire la résurrection. Les apôtres ayant demandé à Jésus-Christ quand arriverait la fin du monde, et son avènement, il leur répondit que les anges mêmes n’en savaient rien, et il ne jugea pas à propos de la leur découvrir (Marc 12.32). Il nous avertit seulement que ce dernier jour viendra comme un voleur, et surprendra les hommes lorsqu’ils y penseront le moins (Matthieu 24.43-44). Saint Paul (1 Thessaloniciens 5.2-4) dit qu’alors il y aura encore grand nombre de personnes en vie, et qui passeront de la vie à la mort, et de la mort à la résurrection, avec une si grande rapidité, qu’en un clin d’œil ils seront changés, en sorte que leur corps sera revêtu de l’incorruptibilité et de l’immortalité.
Il y a quelques Pères grecs et quelques rabbins qui croient que ceux qui seront alors eu vie ne mourront point du tout, mais éprouveront seulement cet heureux changement qui les fera passer tout d’un coup de la vie à l’immortalité. Mais le sentiment contraire paraît plus généralement reçu : que tous les hommes subiront l’arrêt prononcé contre tous les enfants d’Adam.
Saint Jérôme assure que la tradition des Juifs est que les morts ressusciteront la nuit ou au point du jour, au même temps que Jésus-Christ sortit du tombeau : cette tradition est passée de la Synagogue à l’Église, comme on le voit par Lactance, par saint Chrysostome, et par les auteurs grecs qui le suivent d’ordinaire. Cette tradition est fondée sur cette parole de saint Pierre (2 Pierre 3.10) : Le jour du Seigneur viendra comme un voleur pendant la nuit ; et sur celles-ci de Jésus-Christ dans la parabole des dix vierges (Matthieu 25.6) : Au milieu de la nuit on Duit un grand bruit : voici l’époux qui vient, allez au-devant de lui. Prudence, dont l’Église emprunte les paroles dans son office, croit que le monde finira, et par conséquent que la résurrection se fera un matin. Saint Thomas, Tostat, Suarez, veulent au contraire qu’elle se fasse en plein jour. Saint Paul nous avertit qu’elle se fera au premier son de la trompette (1 Corinthiens 15.52-53).
Ceux d’entre les Juifs qui admettent la métempsycose sont embarrassés sur la manière dont se fera la résurrection ; car, comment l’âme pourra-t-elle animer tous les corps dans lesquels elle est passée ? Si elle n’en anime qu’un, que deviendront tous les autres ? et sera-t-il à son choix de prendre celui qu’elle jugera le plus à propos ? Ces difficultés sont embarrassantes. Les uns croient qu’elle reprendra son premier corps ; d’autres, qu’elle se réunira au dernier ; et que les autres corps qu’elle a autrefois animés demeureront dans la poussière, comme des arbres stériles qu’on abandonne au milieu de la campagne. Je croirais plutôt que la plupart de ceux qui ont cru la métempsycose ne tenaient pas la résurrection générale, et que cette révolution, ou ce passage successif d’une âme dans différents corps, était ce qu’ils appelaient résurrection. C’était là, je pense, le sentiment des pharisiens dont parle Josèphe.
On demande quelle sera la nature des corps ressuscités, quelle sera leur taille, leur âge, leur sexe ? Jésus-Christ dans l’Évangile nous apprend (Matthieu 22.30) que les hommes, après la résurrection, seront comme les anges de Dieu ; c’est-à-dire, selon les Pères, qu’ils seront immortels, incorruptibles, transparents, légers, lumineux, et en quelque sorte spirituels sans toutefois quitter les qualités corporelles, comme nous voyons que le corps du Sauveur ressuscité était sensible, et avait de la chair et des os (Luc 24.39) ; mais au lieu que Jésus-Christ suspendait l’éclat de la gloire dont son corps était environné, et ne permettait pas qu’elle parût aux yeux de ses disciples, la gloire et l’éclat dont les corps des bienheureux seront environnés brilleront comme le soleil, selon l’éxpression du Sauveur (Matthieu 13.43).
Quelques anciens docteurs hébreux soutenaient que les hommes ressusciteraient dans la même taille, avec les mêmes qualités et les mêmes défauts corporels qu’ils avaient eus dans cette vie ; que l’aveugle ressusciterait aveugle, le boiteux boiteux, et ainsi des autres. Ils confirmaient ce sentiment par l’exemple de Samuel, qui apparut à la Pythonisse sous la même figure qu’il avait eue sur la terre, et par ce passage de l’Ecclésiaste : La génération passe et la génération vient (Ecclésiaste 1.4). Quelques chrétiens soutenaient la même opinion du temps de saint Augustin, fondés sur ce que Jésus-Christ a conservé les stigmates de ses plaies après sa résurrection. Mais ce saint docteur a réfuté ce sentiment, et a prétendu que si le Sauveur a conservé les marques de ses plaies, c’est par un effet de sa puissance et pour convaincre l’incrédulité de ses disciples.
La résurrection des enfants enferme de grosses difficultés. S’ils ressuscitent petits, faibles, et dans la forme qu’ils ont eue dans le monde, de quoi leur servira la résurrection ? Et s’ils ressuscitent grands, bien faits, et comme dans un âge avancé, ils seront ce qu’ils n’ont jamais été ; ce ne sera pas proprement une résurrection. Saint Augustin a traité cette question avec son exactitude et sa modestie ordinaires. Il n’ose décider si les enfants ressusciteront petits ou grands ; mais il penche plutôt pour l’opinion qui veut qu’ils ressuscitent comme dans un âge parfait. Et ailleurs, en parlant de la résurrection des enfants morts-nés, il dit que la résurrection leur donnera toute la perfection qu’ils auraient eue s’ils avaient eu le temps de grandir, et qu’elle les garantira de tous les défauts qu’ils auraient pu contracter en grandissant. Plusieurs, tant anciens que modernes, ont cru que tous les hommes ressusciteront à l’âge où Jésus-Christ est mort, c’est-à-dire, comme vers l’âge de trente-trois on de trente-cinq ans ; en sorte que les vieillards et les enfants paraîtront tous à l’âge que nous venons de marquer, pour accomplir cette parole de saint Paul (Éphésiens 4.13) : Afin que nous arrivions tous à l’état d’un homme parfait, à la mesure de l’âge complet de Jésus-Christ.
Mais les plus éclairés expliquent saint Paul, des progrès que les fidèles font dans la foi et dans la vertu, jusqu’à ce qu’ils arrivent à l’âge parfait de la perfection.
Plusieurs anciens ont douté que les femmes dussent ressusciter dans leur propre sexe. Ils se fondaient sur ces paroles de Jésus-Christ (Matthieu 23.30) : Dans la résurrection ils ne se marieront pas, et n’épouseront point de femmes ; mais ils seront comme les anges de Dieu ; et sur ce que dit saint Paul (Romains 8.29) : Pour être rendus conformes à l’image du Fils de Dieu. On ajoute à cela que, selon Moïse, l’homme seul a été créé de la terre ; que la femme a été tirée de l’homme comme un accident ou un accessoire. Mais on répond que si la distinction des sexes n’est pas nécessaire après la résurrection, elle ne l’est pas plus pour l’homme que pour la femme ; que la femme n’est pas moins parfaite en son genre que l’homme ; que la manière dont Ève a été formée, est en quelque sorte plus glorieuse que la création d’Adam, celui-ci ayant été immédiatement créé de la terre, et Ève de la chair de l’homme. Enfin le sexe de la femme n’est rien moins qu’un défaut, ou une imperfection de la nature : Non est enim vilium sexus foemineus, sed natura, dit saint Augustin.
On peut voir les autres difficultés qui concernent cette matière, traitées avec plus d’étendue dans les Dissertations que nous avons faites sur la fin du monde, et sur la résurrection générale.
Résurrection des saints qui sortirent de leurs tombeaux au moment de la mort du Sauveur, et qui, après sa résurrection, vinrent dans la ville sainte et furent vus de plusieurs (Matthieu 27.52-53) : c’est une matière qui mérite d’être traitée ici en peu de mots. On ignore les noms de ceux qui ressuscitèrent dans cette occasion. Les uns veulent que ce soient tous les plus anciens des pères et des patriarches ; d’autres que ce furent les plus nouveaux, les plus connus aux Juifs qui vivaient alors. D’autres que cette faveur fut réservée à ceux qui étaient enterrés à Jérusalem ou aux environs.
On dispute encore sur l’heure de leur résurrection. Quelques-uns soutiennent qu’ils ne ressuscitèrent qu’après le Sauveur, qui est nommé dans l’Écriture (1 Corinthiens 15.20) ; Origène, saint Jérôme, saint Grégoire le Grand, Raban-Maur, Paschase Radbert, Bède, Drutmar, Liran, la Glose ordinaire et plusieurs autres sont de ce sentiment. Mais saint Chrysostome, et les auteurs grecs qui ont accoutumé de le suivre, saint Hilaire, et plusieurs autres croient qu’ils ressuscitèrent au moment de la mort du Sauveur, et que Jésus-Christ les ressuscita avant qu’il ressuscitât lui-même, pour faire éclater d’une manière plus sensible son triomphe sur la mort. Il faut convenir que le texte de l’évangéliste saint Matthieu n’est décisif ni pour l’un ni pour l’autre sentiment ; mais s’il est vrai, comme il est malaisé de le révoquer en doute, que les âmes des saints patriarches ne sont sorties des limbes qu’après que Jésus-Christ y est descendu, il faut couvenir aussi qu’elles ne sont ressuscitées qu’après cela ; ainsi il faut de nécessité reconnaître qu’il s’est passé quelque temps entre la mort du Sauveur et la résurrection des saints.
Mais ces saints ressuscités moururent-ils de nouveau, et rentrèrent-ils dans leurs tombeaux après l’ascension de Jésus-Christ, ou montèrent-ils aux cieux avec lui ? Il y a sur cela partage de sentiments. Ceux qui croient que Jésus-Christ les mena au ciel avec lui comme en triomphe citent ces paroles d’Osée (Osée 13.14) : Je les délivrerai des mains de la mort : Ô mort, je serai ta mort. Et celles-ci du Psaume (Psaumes 67.19) : Vous avez monté en haut, vous avez pris vos captifs. Et saint Paul (Éphésiens 4.8) : Il est monté au ciel, il a pris des captifs, il a donné des présents aux hommes. Est-il croyable qu’après avoir rendu la vie à ces saints et illustres morts, Dieu voulût qu’ils rentrassent de nouveau dans le sein de la mort et du tombeau ? N’aurait-ce pas été les replonger dans l’amertume et dans la douleur, après leur avoir fait goûter un avant-goût de leur bonheur éternel ? Enfin n’était-il pas de la justice, de la bonté et de la majesté de leur divin libérateur d’achever son ouvrage, et de les conduire au ciel avec lui, après leur avoir rendu la vie sur la terre ?
On peut produire un grand nombre de Pères qui ont suivi ce sentiment. Saint Ignace le Martyr aux Magnésiens, Origène sur le chapitre 27 de saint Matthieu, et sur le Cantique des Cantiques ; l’auteur des Questions aux Orthodoxes, question 84 ; saint Clément d’Alexandrie, livre 6 des Stromates ; Eusèbe de Césarée, Démonstration Évangélique, chapitre 12 ; saint Hilaire sur le psaume 11 ; Bède le Vénérable, Raban-Maur, Drutmar, Paschase Radbert et un grand nombre de nouveaux interprètes soutiennent d’une manière très-positive que les saints patriarches ressuscités avec Jésus-Christ jouissent avec lui du bonheur du ciel, et ont été les compagnons de son triomphe et de son ascension.
Mais l’opinion contraire n’est pas moins soutenue d’autorité et de bonnes preuves. Saint Paul (Hébreux 11.40) dit expressément que les saints patriarches n’ont pas encore reçu la récompense qui leur avait été promise, Dieu ayant voulu, par une faveur particulière qu’il nous a faite, qu’ils ne reçussent qu’avec nous l’accomplissement de leur bonheur. Il ne les croyait donc pas encore ressuscités, ni en possession de la gloire du ciel. Il dit ailleurs que Jésus-Christ est les prémices de ceux qui, sont endormis (1 Corinthiens) du sommeil de la mort, et qui doivent un jour ressusciter pour toujours. De plus, si quelqu’un a dû ressusciter avec le Sauveur, c’est sans doute le saint roi David (Psaumes 15.10), saint Jean-Baptiste, les patriarches et les prophètes enterrés à Jérusalem et dans la Palestine. Or saint Pierre, parlant aux Juifs de Jérusalem (Actes 2.29), dit expressément que le tombeau de David est encore connu parmi eux ; que David avait prédit la résurrection du Sauveur, sans parler de la sienne. Quelle force aurait eu ce raisonnement, si David était ressuscité et monté au ciel avec Jésus-Christ ? On sait qu’on a montré les reliques et le tombeau de saint Jean-Baptiste ; avant comme après ce temps : on n’a donc pas cru qu’ils fussent montés au ciel et admis dans la gloire.
Les Pères qui ont traité cette matière avec plus de soin se sont rangés pour le sentiment que nous venons de proposer. Tertullien réfute expressément ceux qui croyaient que les patriarches et les prophètes étaient montés aux cieux après la résurrection du Sauveur. Saint Chrysostome dit que ceux qui étaient ressuscités pendant que Jésus-Christ était à la croix moururent de nouveau. Et écrivant sur l’Épître aux Hébreux, il reconnaît, après l’Apôtre, que les justes de l’Ancien Testament n’ont pas encore reçu leur récompense. Théodoret s’exprime de même. Théophylacte et Euthym, expliquant le chapitre 27 de saint Matthieu, reconnaissent que les saints patriarches ressuscitèrent pour servir de preuves à la résurrection du Sauveur ; mais qu’ils moururent ensuite pour ressusciter une seconde fois à la fin du monde. Saint Augustin, dans sa lettre à Evode, traite exprès cette question, et s’explique assez clairement pour la résurrection passagère de ces saints. Saint Thomas, après avoir rapporté les raisons pour l’un et l’autre sentiment, se déclare pour ceux qui tiennent qu’ils moururent de nouveau ; et c’est ce qui nous paraît le mieux fondé dans l’Écriture et dans les Pères. On peut voir sur cela la Dissertation que nous avons fait imprimer dans le nouveau recueil de nos Dissertations.
Résurrection (Église de la) ou du Saint-Sépulcre. Voyez Sépulcre.