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Villes de refuge. Le Seigneur voulant pourvoir à la sûreté de ceux qui, par hasard et sans le vouloir, avaient tué un homme, de quelque manière que ce fût, ordonna à Moïse (Exode 21.13 Nombres 35.11-13) d’établir six villes de refuge ou d’asile, afin que celui qui, contre sa volonté, aurait répandu le sang d’un homme pût s’y retirer et eût le temps de se justifier et de se défendre devant les juges, sans que le parent du mort pût l’y poursuivre et l’y tuer. De ces villes il y en avait trois en deça, et trois au delà du Jourdain. Celles de deçà le Jourdain étaient Cédés de Nepthali, Hébron et Sichem. Celles de delà le Jourdain étaient Bosor, Gaulon et Ramoth de Galaad. Elles servaient non-seulement aux Hébreux, mais aussi aux étrangers qui se trouvaient dans leur pays (Nombres 25.15). Les rabbins restreignent ce nom d’étrangers aux seuls prosélytes ; mais je ne sais si en cela ils ne s’éloignent pas de l’esprit de la loi. Le Seigneur veut de plus que quand les Hébreux se seront fort multipliés et auront étendu au loin les limites de leur pays (Deutéronome 19.8), ils ajoutent trois villes d’asile à celles que nous venons de marquer. Et comme nous ne voyons pas que cela ait jamais eu son exécution, les rabbins disent que le Messie accomplira ce que Dieu avait ordonné à cet égard.
Maimonides, sur la tradition des anciens, assure que toutes les quarante-huit villes assignées pour la demeure des prêtres et des lévites étaient villes d’asile et de refuge, et que toute la différence qu’il y avait entre elles consistait en ce que les six villes déterminées par la loi étaient obligées de recevoir et de loger gratuitement ceux qui s’y retiraient ; au lieu que les autres quarante-deux villes pouvaient ne pas recevoir ceux qui s’y réfugiaient, et que ceux-ci ne pouvaient exiger qu’on les y logeât. Outre les villes de refuge, le temple du Seigneur, et surtout l’autel des holocaustes, jouissaient du droit d’asile. Les rabbins disent que l’asile de l’autel n’était d’ordinaire que pour les prêtres. Ceux qui se retiraient dans le temple étaient aussitôt jugés par les juges, et s’ils se trouvaient coupables d’un meurtre volontaire, on les arrachait même de l’autel, et on les mettait à mort hors du temple. Mais s’ils se trouvaient innocents, on leur donnait des gardes pour les conduire en sûreté dans une ville de refuge.
Ces villes devaient être d’un accès aisé et avec des chemins bien entretenus et bien aplanis, et des ponts partout où il en était besoin. La largeur de ces routes devait être au moins de trente-deux coudées ou quarante-huit pieds. Quand il s’y rencontrait un chemin fourchu, on avait soin d’y mettre des poteaux avec une inscription, pour montrer le chemin à la ville de refuge. Tous les ans, au 15 du mois adar, qui répond à la lune de notre mois de février, les magistrats des villes faisaient la visite des chemins, pour voir s’ils étaient en bon état. La ville devait être bien fournie d’eau et d’autres provisions de bouche. Il n’était pas permis d’y fabriquer des armes, de peur que les parents du mort ne prissent prétexte d’y en venir acheter pour satisfaire leur vengeance. Enfin il fallait que celui qui s’y réfugiait sût un métier pour n’être pas à charge à la ville. On envoyait quelques personnes sages et modérées au-devant de ceux qui poursuivaient la vengeance du mort, afin de les porter à la clémente et à attendre la décision des juges.
Quoique le meurtrier se fût retiré dans la ville de refuge, il n’était pas pour cela exempt des poursuites de la justice. On informait contre lui, on le citait devant les juges (Nombres 35.12) et devant le peuple pourse justifier et pour prouver que le meurtre était casuel et involontaire. S’il se trouvait innocent, il demeurait en sûreté dans la ville où il s’était retiré ; mais s’il était coupa ble, on le mettait à mont, suivant la rigueur des lois. Les textes de l’Écriture (Deutéronome 19.11-12 Josué 20.4-6 Nombres 35.25) ne sont pas bien exprès, pour savoir si l’on examinait l’affaire devant les juges du lieu où le meurtre avait été commis, ou si c’était devant les juges de la ville de refuge où le meurtrier s’était retiré ; et les commentateurs sont partagés sur cela. Mais il nous paraît, par un passage de Josué, qu’il devait subir deux jugements : le premier, dans la ville de refuge, dont les juges examinaient sommairement son affaire, et sur son exposé à son arrivée ; le second, lorsqu’il était ramené dans sa propre ville pour y être jugé par les magistrats du lieu, qui informaient de son action d’une manière plus exacte et plus sérieuse. Si ces derniers juges le déclaraient innocent, ils le faisaient reconduire sous bonne escorte dans la ville de refuge où il s’était d’abord retiré.
Il n’était donc pas mis en liberté ; et il semble que la loi, pour inspirer une plus grande horreur du meurtre, voulait punir même l’homicide involontaire par cette espèce d’exil. Il était obligé de demeurer dans cette ville sans en sortir (Nombres 35.25-28), jusqu’à la mort du grand prêtre ; et s’il en sortait avant ce temps, le vengeur du sang de celui qui avait été mis à mort avait droit de le tuer impunément. Mais après la mort du souverain pontife, il était libre à celui qui s’était ainsi réfugié de se retirer où il voulait, sans que personne pût le poursuivre ou lui faire aucune insulte à cause du meurtre dont il avait été déclaré innocent par les juges. On peut voir les commentateurs sur le chapitre 35 des Nombres, et sur le 20 de Josué.
À l’égard des asiles parmi les Grecs et les Romains, nous en avons déjà touché quelque chose dans l’article asile. Nous y avons parlé de l’asile consacré à Athènes par les Héraclides dans le temple de la Miséricorde. Thésée en bâtit un dans la même ville en faveur des esclaves et des pauvres qui s’y retiraient, pour se mettre à couvert de l’oppression des riches. Il y en avait un de même dans l’île de Calaurie. Les temples d’Apollon à Delphes, de Junon à Samos, d’Esculape à Délos, de Bacchus à Éphèse, et quantité d’autres dans la Grèce, jouissaient du droit d’asile. Romulus avait accordé ce privilége à un bois qui était joignant le temple de Vejovis. Ovide parle d’un bois sacré près d’Ostie qui jouissait de la même prérogative. Saint Augustin remarque que toute la ville, de Rome était un asile Ouvert à tous les étrangers. Le nombre des asiles était si fort augmenté dans la Grèce sous l’empire de Tibère, que ce prince fut obligé de révoquer ou de supprimer ce privilége dans tous les lieux qui en jouissaient auparavant ; mais son ordonnance fut mal observée après sa mort.
Le droit d’asile passa du temple de Jérusalem aux églises des chrétiens. Les empereurs Gratien, Valentinien et Théodose le Grand condamnent à l’exil, au fouet et à perdre les cheveux et la barbe ceux qui de leur autorité auraient tiré de l’église un homme qui s’y serait réfugié. Honorius et Théodose le Jeune veulent qu’on punisse comme coupables de lèse-majesté ceux qui auraient violé ce droit. Dans la suite on fut obligé de modérer ces privilèges et d’excepter certains crimes du droit d’asile. L’empereur Justinien veut qu’on arrache de l’asile les homicides volontaires, les adultères, les ravisseurs ou ceux qui enlèvent des vierges. Innocent III excepte aussi les voleurs publics et ceux qui ravagent les champs pendant la nuit. Le droit d’asile subsiste encore dans l’Italie et dans quelques autres endroits. Voyez Masius et Serrarius sur le chapitre 20 de Josué [En France, l’église de Saint–Martin de Tours était célèbre par son asile. Les églises de Paris qui jouissaient de ce droit étaient Notre–Dame, Saint-Jacques-la-Boucherie, Saint-Merri, l’Hôtel-Dieu, l’abbaye Saint– Antoine, les Carmes de la place Maubert et les Grands-Augustins. Outre cela, un grand nombre de chapelles, les maisons des évêques, même quelques cimetières jouissaient du droit d’asile. Comme il donnait lieu à de grands abus, Charlemagne y donna atteinte le premier en défendant, l’an 779, qu’on portât à manger aux criminels. Louis XII l’abolit entièrement. Voyez l’Histoire de l’académie des inscriptions, tome 2 in-12, page 521