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Ramla
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet

Ville de Palestine, sur le chemin de Joppé à Jérusalem. Voyez ci-devant Rama. Cette ville était autrefois superbe et environnée de fortes murailles ; on assure que la maison qui y sert de logement ordinaire aux pèlerins était celle de Nicodème, disciple secret de Notre-Seigneur Jésus-Christ. On y voit encore deux belles églises, à présent réduites en mosquées, l’une dédiée à saint Jean, et l’autre à Notre-Dame, sous le nom des quarante martyrs, dont les corps y furent apportés de Sébaste en Arménie. Environ à trois milles de là on voit les ruines de l’ancienne Lydda, depuis fort connue sous le nom de Diospolis ; cette ville était des trois toparchies ajoutées à la Judée (1 Machabées 11.34) ; elle est célèbre par le miracle de saint Pierre, qui y guérit le paralytique Enée (Actes 9.33-34) ; aujourd’hui ce n’est qu’un petit village : la seule chose que l’on y trouve digne de remarque est une église de Saint-Georges, qui paraît avoir été assez belle. Les musulmans révèrent, assez près de Ramala, le tombeau de Locman le Sage, et les sépulcres des soixante et dix prophètes qu’ils croient y avoir été enterrés.

À notre arrivée à Ramla, dit M. Michaud dans la Correspondance d’Orient (lettr. 91, datée de février 1831, tome 4), nous sommes descendus au couvent des pères latins du Saint-Sépulcre. On nous a fait attendre très-longtemps à la porte du couvent, car les pères faisaient la sieste, et tout le monde dans la maison la faisait à leur exemple ; à la fin la porte s’est ouverte. On croit d’abord entrer dans une forteresse, tant les murailles sont épaisses, les corridors étroits et sombres ; nous avons été reçus par le père Thomas, espagnol de nation. Le père Thomas a dans son caractère un mélange de générosité et de brusquerie qui ne lui permet pas d’être d’une humeur égale avec tous ceux qui arrivent ; les Français sont en disgrâce dans son esprit depuis qu’il a su la révolution de juillet ; il les prendrait tous volontiers pour des gens qui ne peuvent souffrir ni Dieu, ni roi, ni loi. Ajoutez à cela qu’en 1830 quelques chevaliers d’industrie sont venus faire une de leurs campagnes en Orient, et que ces honnêtes gens ont passé par Ramla ; le bon père Thomas ne les a point oubliés ; et c’est ce qui le rend soupçonneux avec les étrangers ; cependant nous avons fini par nous rapprocher et chacun de nous a été traité avec une cordialité toute fraternelle.

Les voyageurs se sont quelquefois demandé quelle ville s’élevait dans l’antiquité à la place qu’occupe maintenant la cité arabe de Ramlé (sable) ; les uns ont pensé que là était Arimathie, patrie de ce Joseph qui eut la gloire de donner un sépulcre au Sauveur ; les autres ont placé là l’ancienne enatatha, patrie de Samuel. Sans prendre parti pour aucune de ces opinions, je vous dirai que le nom de Ramatha rappelle une des circonstances les plus mémorables du peuple hébreu… [Voyez Samuel].

Les pèlerins de l’Occident qui se rendaient à Jérusalem avant les croisades passaient très-souvent par Ramla ; ce fut la première ville de la Palestine qui tomba au pouvoir des croisés. En voyant les vastes plaines qui s’étendaient autour de nous, je me suis rappelé les différentes batailles livrées par les croisés près de Ramla ; ce fut là qu’au temps de Baudouin 1°, roi de Jérusalem, périrent, les armes à la main, un duc de Bourgogne, un comte de Blois ; où Baudouin lui même n’échappa à ses ennemis que par un miracle de Dieu. Il y eut au temps de Baudouin IV dit le Lépreux, une autre bataille de Ramla, dans laquelle l’armée de Saladin fut dispersée ; la vraie croix, disent les chroniques, qu’on portait dans le combat, paraissait s’élever jusqu’au ciel, et couvrir de son ombre tout l’horizon. L’armée de Richard, après la bataille d’Arsur, vint camper deux fois dans les plaines de Ramla ; c’est de là que partait le roi d’Angleterre, tantôt pour aller surprendre les caravanes sur la route de Damas, tantôt pour tenter quelques excursions dans les montagnes de la Judée. Les tentes des croisés français et anglais couvraient tout le pays. Que de bénédictions, que de chants d’allégresse retentissaient dans les campagnes voisines, lorsqu’on parlait à ce peuple de la croix d’aller à Jérusalem ! Quels cris de désespoir, que de plaintes amères, que de blasphèmes, lorsque les rigueurs de la saison, la discorde des chefs, les préparatifs de Saladin empêchaient les croisés de poursuivre leur marche vers la ville sainte ; et les forçaient de revenir dans les ruines d’Ascalon ou dans les murs de Jaffa !

J’ai décrit toutes ces scènes passionnées des croisades ; j’ai raconté les combats, les malheurs, les querelles des pèlerins. [Voyez l’Histoire des croisades,] Je ne puis m’empécher néanmoins d’y revenir quelquefois dans mes lettres : car à chaque pas que je fais dans ce pays je marche sur un champ de bataille que les croisés ont arrosé de leur sang ; je ne suis pas un chemin qui n’ait vu passer leurs armées ; je ne rencontre pas une bourgade, pas une plaine où n’aient flotté leurs drapeaux, et qui n’ait été le théâtre de leurs misères, de leurs débats et de leurs explois.

Ramla, quoiqu’elle soit située au milieu d’un pays fertile, nous a paru pauvre et misérable ; les habitants y vivent de la culture des terres ; on y trouve deux ou trois manufactures de savon. La population est de trois mille âmes, un tiers de Grecs et d’Arméniens, sept à huit familles catholiques, un très-petit nombre de juifs. Ramla n’a presque point d’antiquités ; nous y avons vu quelques restes des remparts bâtis autrefois par les croisés. À quelques pas hors de la ville, du dite du nord, nous avons visité les ruines d’une belle église, dédiée aux quarante Martyrs ; plusieurs murailles sont encore debout ; au-dessous de l’édifice était une église souterraine dont les voûtes sont assez bien conservées. Ce monument religieux paraît être du temps des croisades ; on y treuve les débris de plusieurs tombeaux de chevaliers chrétiens. Vers la fin du siècle dernier, à l’époque du passage de l’armée française en Syrie, des officiers de notre nation découvrire et sur un des sépulcres francs de l’église de Ramla un fragment de vitraux peints qui portait l’épitaphe suivante :

Quid prodest vixisse diu ? cum fortiter acta…

À cette époque le couvent latin devint le bivouac de l’état-major de l’armée de Bonaparte, et l’église de Ramla se changea en hôpital pour les blessés ; quelques soldats de cette année, morts à Ramla, furent ensevelis parmi les vieux sépulcres des chevaliers de la croix. Ainsi des guerriers français, entraînés par des sentiments bien différents, sont venus dans le pays d’outre-mer, et à sept siècles d’intervalle, mêler leurs ossements dans le même sanctuaire, dans le même tombeau. Ce spectacle nous a déjà frappés plusieurs fois sur notre route, et nous aurons occasion de le rencontrer encore (Voyez Emmaus).

Un peu plus tard, c’est-à-dire au mois d’avril, M. Poujoulat, compagnon de M. Michaud, qui avait déjà quitté la terre sainte pour aller explorer l’Égypte, lui écrivait ce qui suit (Correspondances d’Orient, lettr. 129, tome 5) :

Vous connaissez la petite ville de Ramla, qui, avec sa grande tour semblable à un clocher, débris d’une ancienne mosquée, rappelle de loin les bourgs de France. Les Arabes la nomment Ramlé, par allusion aut terres sablonneuses qui l’entourent ; mais ces terres sablonneuses que vous avez traversées sont d’une admirable fécondité. Six fabriques de savon, cinq fabriques d’huile de sésame, deux fabriques de poterie, donnent à Ramlé de l’importance et un certain mouvement commercial ; les urnes et les vases de terre de Ratifié vont meubler les cabanes de la plupart des beled ou villages de la Palestine. Plusieurs de nos vieux voyageurs nous parlent de cette cité comme étant bien peuplee et plus riche que d’antres cités voisines ; pour peu qu’une population soit industrieuse, comment pourrait-elle en effet rester dans la pauvreté, vivant au milieu de ce territoire, un des plus fertiles de l’univers ! On trouve encore maintenant à Ramlé environ quatre mille habitants : une vingtaine de catholiques, six cents Grecs schismatiques, une centaine d’Arméniens, le reste musulman. Chaque nation chrétienne a son monastère ; les musulmans ont trois mosquées. La cité dépendait autrefois de Jaffa, dont elle n’est séparée qtiépar une distance de trois heures ; depuis près d’un an, elle a passé sous la juridiction du mutselim de Gaza.

Un voyageur du seizième siècle, Furer, dans sa relation latine, nous dit qu’il vit à Ramla une hôtellerie appelée casa di Franki (maison des Francs) ; c’était un édifice vaste et assez commode, de forme quadrangulaire, bâti à l’usage des pèlerins chrétiens ; d’après le rapport de Furer, ce khan européen était l’ancienne maison de Joseph d’Arimathie, à laquelle on avait ajouté différentes constructions ; les pèlerins devaient ce monument à la pieuse munificence de Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Aujourd’hui personne à Ramla ne sait ce que c’est que la casa di Franki, et les voyageurs et les pèlerins catholiques ne connaissent d’autre hôtellerie que le Monastère des franciscains.

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