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Ce nom ne se trouve point dans l’Écriture ni de l’Ancien, ni du nouveau Testament : mais les auteurs sacrés de l’une et de l’autre alliance croyaient la chose qui est exprimée par ce terme, et ils l’ont marquée d’une manière équivalente en plus d’une occasion. Nous entendons donc sous le noms de Purgatoire l’état des âmes qui, étant sorties de cette vie, sans avoir expié certaines souillures, qui ne méritent pas la damnation éternelle, ou qui n’ont pas acquitté les peines dues à leurs péchés, les expient par les peines que Dieu leur impose, avant qu’elles jouissent de sa vue.
Il est dit dans les Machabées (2 Machabées 12.43), que Judas ayant fait dépouiller ses soldats qui avaient été tués dans la bataille, on trouva sous leurs habits des choses qui avaient été consacrées aux idoles, et dont la loi défendait de rien prendre (Deutéronome 7.25-26). C’est pourquoi tout le monde comprit clairement que ç’avait été là la cause de leur mort. Ils se mirent donc tous en prières, et conjurèrent le Seigneur d’oublier le péche qui avait été commis… Et Judas, ayant fait une quête de douze mille drachmes d’argent, les envoya à Jérusalem, afin qu’on offrit un sacrifice pour les péchés de ces personnes qui étaient mortes, ayant de bons et religieux sentiments touchant la résurrection. Car s’il n’avait espéré que ceux qui avaient été tués, ressusciteraient un jour, il aurait regardé comme une chose vaine et superflue, de prier pour les morts. Ainsi il considérait qu’une grande miséricorde était réservée à ceux qui étaient morts dans la piété. C’est donc une sainte et salutaire pensée de prier pour les morts, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés. Ce passage est exprès pour le sentiment des Juifs d’avant notre Seigneur.
Pour le Nouveau Testament, Jésus-Christ dans l’Évangile (Matthieu 12.32) dit qu’il y a certains péchés, qui ne se remettent ni en ce monde, ni en l’autre. Il en reconnaissait donc quelques-uns qui pouvaient âtre remis dans l’autre vie. Saint Paul prie pour Onésiphore, qui était décédé (2 Timothée 1.18) : Que le Seigneur lui fasse la grâce de trouver miséricorde devant lui en ce dernier jour. Or comme l’on prie pour les morts, il y a donc un purgatoire, et un état où elles prouvent être soulagées par nos prières [Voyez prières pour les Morts. Ces traditions juives et musulmanes doivent contrarier les protestants, qui refusent de reconnaître l’authenticité du livre des Machabées et l’utilité de prier pour les morts, à cause du saint sacrifice de la messe, qui, suivant les catholiques, contribue le plus efficacement au soulagement et à la délivrance des âmes auxquelles il reste des fautes à expier. Il existe des monuments de la foi catholique peu connus, touchant la prière pour les morts. Je les trouve dans les Mémoires relatifs à l’Asie, par M. Klaproth (Paris 1824), page 272 et suivantes, où il rapporte la traduction textuelle de vingt-huit différentes inscriptions arméniennes.
La deuxième est de Zah’haré, fils de Sarkis, Sbassalar de Géorgie, qui fut prince d’Ani et régna de 1185 jusqu’en 1212 de notre ère ; elle se trouve sur un des murs, à l’extérieur, de la grande et belle église du Pelérinage de Haridjaï ; elle donne le récit de plusieurs grandes et pieuses actions de Zah’haré, qui dit à la fin : « J’ai institué un service journalier devant le maitre-autel pour dire la messe pour moi. Ceux qui viendront après moi seront obligés d’observer cette institution, etc. » Elle porte la date de l’an 650 de l’ère arménienne, 1201 de l’ère chrétienne. Cette église est dans la province de Chirag.
La troisième est de Wahram et de quelques autres ; qui firent bâtir, dans la même province, la merveilleuse église appelée Marmarachen, c’est-à-dire construite en marbre. Cette église fut commencée en 437 de l’ère arménienne (988) et finie l’an 478 (1029). Les fondateurs disent dans l’inscription « Nous et toute notre maison nous sommes fidèles à la patrie, en nous sacrifiant nous-mêmes comme guerriers martyrs, avec notre sang et nos enfants. En dépensant notre fortune, nous désirâmes d’établir la paix, la tranquillité, le bonheur de notre patrie, et la solidité de l’église. Nous avons fait bâtir plusieurs autres églises et couvents, mais surtout nous avons tout employé pour cette église à laquelle nous avons porté les plus grands égards, tant pour l’agrandir que pour lui fournir tout ce dont elle avait besoin, en lui léguant des montagnes, des champs, des villages et d’excellentes terres, etc… En reconnaissance de cela, on y dira, pour le salut de nos rimes, quarantaines de messes jusqu’au jour u dernier jugement ; etc.
Cette église fut détruite dans une guerre, et abandonnée. Elle fut rebâtie par l’archevêque Grigor, petit-fils du seigneur Wahram, et par Kharib, son frère. L’inscritaion, qui est la quatrième du recueil, a plus de deux pages ; l’archevèque Grigor en est l’auteur ; il dit que ce fut, en l’an 674. de l’ère arménienne (1225), que « le brave et vaillant héros du Christ, » son cher frère Kharib se décida à rendre à l’église de marbre son ancienne splendeur. Plus loin, après avoir détaillé les dons qu’ils avaient faits à la nouvelle église, il ajoute : « Avant l’exécution de cette entreprise j’ai perdu mon aimable frère Kharib Magistros, chéri par tout le monde, et qui perdit la vie dans une bataille contre les infidèles. Je suis resté seul de ma famille, moi, le malheureux Grigor, séparé de lui. Nous avons fait transporter ici son corps et nous l’avons fait enterrer auprès de la porte du dôme et à côté de notre grand-père, le seigneur Wahram. Nous avons libéralement récompensé tous ses domestiques, et nous avons institué qu’il fût dit des messes pour ce martyr du Christ, nommé Kharib, devant le maitre-autel, depuis le premier jour de l’an jusqu’au dernier, et depuis aujourd’hui jusqu’à la seconde apparition de Jésus-Christ, Fils de Dieu. »
La cinquième inscription se trouve aussi sur la même église de marbre,Marmarachen ; elle est de Marie Abkhazats, reine d’Arménie, qui dit :« pour le repos de l’Ine de Kakig, mon grand-père et de Kathaï, ma grand’mère, en récompense des bienfaits que j’ai reçus d’eux, j’ai institué qu’on dise la messe pour ma grand’mère Kathaï pendant toute l’année, devant la colonne et l’autel de saint Pierre jusqu’à la seconde apparition de Notre-Seigneur. » Cette inscription n’est pas datée.
La quatorzième, se trouvant du côté du nord de la petite église de la Sainte-Croix à Haghpad, manque aussi de date. Elle porte que Khatoun, fille d’Hassan, de la race des Tessomians, fit bâtir cette église à la mémoire des âmes de ses frères, et fui fit des dons. Et en outre : « Moi, l’abbé Hovhannes et tous mes frères de Haghpad, nous avons promis une quarantaine de messes par an pour le salut de son âme. »
La vingt-troisième, datée de l’an 729 (1280), est sur la tombe du seigneur lladzadz, et mentionne aussi des messes pour lui et pour
Touta, sa femme. Cette tombe est dans le cimetière de Haghpad. Une autre tombe, celle de Honavar, dans le même cimetière, porte une inscription (la vingtième) où il demande des prières à ceux qui la liront.
Les Juifs reconnaissent une manière de purgatoire qui dure pendant toute la première année, qui suit la mort de la personne décédée. L’âme pendant ces douze mois a la liberté de venir sur la terre visiter son corps, et revoir les lieux, et les personnes auxquelles elle a eu pendant la vie quelque attache particulière. Ils prient pour le repus des morts pendant tout ce temps, et sont persuadés que par leurs prières ils peuvent beaucoup les soulager, et leur procurer le repos, et le pardon de leurs péchés.
Le lieu ou sont punis après leur mort les prévaricateurs d’Israël, c’est-à-dire, les Juifs qui doivent un jour être délivrés de leurs peines, ce lieu est le même que l’enfer, où sont détenus les impies, dont le malheur est sans retour et sans espérance. Mais il y a entre les uns et les autres une grande différence, premièrement du côté de la peine, qui est beaucoup moins grande pour les premiers que pour les autres ; et secondement du côté de la durée, puisque celle des prévaricateurs d’Israël finira un jour, et qu’elle peut être beaucoup abrégée par les prières et les offrandes des vivants ; au lieu que les tourments des impies dureront éternellement.
On lit dans les livres des rabbins quelques histoires qui prouvent que le purgatoire est chez eux un dogme commun. Le rabbin Élisée, fils d’Abia, tomba dans l’erreur des deux principes ; il se convertit sur la fin de sa vie. On doute de son salut. Un de ses amis nommé Meir promit de faire sortir de la fumée de son tombeau, pour marque qu’il était en purgatoire. Un autre rabbin nommé Johanan promit de faire cesser cette fumée, pour preuve qu’il en était délivré. Ils exécutèrent tous deux leurs promesses ; et on ne douta plus qu’Élisée ne fût sauvé.
Le rabbin Akiba vit un jour dans un cimetière un homme décédé depuis assez longtemps, qui marchait avec beaucoup de précipitation, portant une charge de bois sur ses épaules. Akiba lui demanda s’il avait besoin de quelque secours : le mort lui dit qu’il avait été pendant sa vie receveur des impôts ; que pour expier les violences qu’il avait commises dans cet emploi, il était condamné à faire le métier de bûcheron et de charbonnier ; qu’il le priait d’apprendre à sa veuve et à son fils l’état où il était ; Akiba chercha la veuve et son enfant ; enseigna à celui-ci à dire : Béni soit le Seigneur, et qu’il soit béni ; et aussitôt qu’il eut prononcé ces paroles, son père fut délivré du purgatoire, et apparut à Akiba pour le remercier dn fait de ces histoires tout le peu de cas qu’elles méritent ; elles servent seulement à prouver que les Juifs croient le purgatoire.
Ils nomment le purgatoire le sein d’Abraham, le trésor des vivants, le jardin d’Éden, et la géhenne supérieure ; et ils donnent à l’enfer le nom de géhenne inférieure Ils croient que tous les Israélites ont part au siècle futur, c’est-à-dire à la béatitude, soit immédiatement après leur mort, ou après avoir expié leurs péchés dans le purgatoire. Il n’y a qu’un très-petit nombre de grands scélérats de leur nation à qui ils refusent pour toujours l’entrée du ciel. Pour tous les autres, ils tiennent qu’ils ne demeurent pas plus d’un an en purgatoire. Le jour de sabbat est un jour de relâche pour les âmes du purgatoire ; elles ne brûlent pas ce jour-là. Les Les Juifs font beaucoup de prières et d’œuvres satisfactoires aujour de l’Expiation solennelle, pour le soulagement des âmes qui sont dans la géhenne supérieure.
Les musulmans, dont la fausse religion est un composé du judaïsme, du christianisme et du déisme, ont sans doute emprunté des chrétiens et des juifs les idées qu’ils ont du purgatoire. Ils en reconnaissent au moins deux. Le premier est celui qu’ils appellent Adhab-al-cabor, la peine du sépulcre. Aussitôt qu’un homme est enterré, deux anges nommés Moukir et Nekir, interrogent le mort et le condamnent à expier dans le même lieu les péchés qu’il a commis. Mais au jour du jugement, ils en sont délivrés par leur soumission à la justice de Dieu et par l’intercession de leur faux prophète. Dans ce premier jugement du sépulcre, il est permis à chacun de parler pour sa justification ; mais au dernier jugement, les hommes n’oseront rien dire et n’oseront alléguer aucune excuse. Les Turcs nommés Motazales n’admettent point le premier purgatoire du sépulcre ; mais c’est la créance générale des autres mahométans.
Le second purgatoire, selon plusieurs musulmans, est le lieu nommé Araf, situé entre le paradis et l’enfer. Ce qui les sépare est un voile, selon les uns, ou une muraille épaisse, selon les autres. On n’est pas d’accord qui sont ceux qui demeurent dans cet Araf : les uns y mettent les patriarches et les prophètes ; les autres, les martyrs et les plus éminents en sainteté d’entre les fidèles. Mais plusieurs docteurs y placent ceux d’entre les musulmans dont les bonnes et les mauvaises actions sont dans une telle égalité, qu’elles n’ont pas assez mérité pour entrer en paradis, ni assez démérité pour être condamnés aux peines d’enfer. Ils voient de là le bonheur des bienheureux, mais ils ne le goûtent point ; et cette privation fait leur plus grand tourment. Mais au grand jour du jugement, ceux qui seront détenus dans ce lieu viendront se prosterner devant le trône du souverain Juge, reconnaîtront et adoreront sa puissance ; et par ces actes d’adoration leurs bonnes œuvres venant à surpasser leurs mauvaises actions, ils seront reçus dans la béatitude.
Outre ces deux purgatoires dont nous avons parlé, ils en ont encore un troisième nommé Barzak. Les mahométans appellent de ce nom l’espace de temps qui doit s’écouler entre la mort et la résurrection. Ils croient qu’il n’y a ni paradis ni enfer pour les hommes pendant tous ces intervalles : ce qui paraît avoir été pris du sentiment mal entendu de quelques Pères, qui ont cru que l’état des âmes n’était fixé qu’après le jour du jugement.