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Ptolémée
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet

Ou Proverbes Loade. Tous les rois d’Égypte depuis Ptolomée, fils de Lagus, jusqu’à la conquête de l’Égypte par les Romains, portèrent le nom de Ptolémée. Nous avons donné la liste de ces rois, et la durée de leur règne sous l’article Égypte. Nous allons à présent donner le précis de la vie de ceux dont il est parlé dans l’Écriture. [Voyez Lagides].

Ptolémée, fils de Lagus, surnommé Soter, ou Sauveur, après la mort d’Alexandre le Grand, apporta le corps de ce prince en Égypte pour l’enterrer à Alexandrie. Dans le partage qui se fit des États d’Alexandre entre ses généraux, le gouvernement de l’Égypte échut à Ptolémée. Ce prince se contenta d’abord du titre de gouverneur, et ne prit le titre de roi qu’après que tons ceux de la race d’Alexandre furent morts. Cependant il ménagea les esprits des peuples d’Égypte et des princes voisins, songeant à jeter les fondements solides de sa future puis sauce. Quelques années après qu’il fut établi en Égypte, il songea a se rendre maître de la Phénicie et de la Ccélé-Syrie. Il lâcha d’abord de gagner par argent Laomédon, qui gouvernait ces provinces de la part d’Antipater et de Perdiccas : mais n’en ayant pu venir à bout, il envoya dans cette province un de ses généraux, nommé Nicanor, qui prit Laomédon, et se rendit en peu de temps maître de la Ccelé-Syrie et de la Phénicie.

Ptolémée lui-même s’étant avancé dans la Judée, entra dans Jérusalem, pendant que les Juifs ne songeaient qu’à observer le repos du sabbat. Appian dit que s’étant rendu maître de la ville, il en abattit les murailles ; Josèphe, après Aristée, ajoute que ce prince transporta environ cent mille Juifs de la Palestine dans l’Égypte, du nombre desquels il choisit environ trente mille pour les incorporer dans ses armées, et pour leur confier la garde de ses places, sachant que les Juifs étaient très-religieux observateurs de leur parole. Il abandonna le reste à ses soldats, afin qu’ils s’en servissent comme d’esclaves pour tous leurs besoins. De là vient ce grand nombre de Juifs que l’on vit dans la suite en Égypte, dans la Libye et dans la Cyrénaïque.

Deux ans avant sa mort, et au commencement de la trente-neuvième année de son règne, Ptolémée, fils de Lagos, associa au royaume Ptolémée Philadelphe, qu’il avaitcu de Bérénice, et régna encore deux ans avec lui. Justin dit même que non-seulement Soter associa son fils au royaume, mais qu’il se réduisit lui-même au rang des gardes de Philadelphe, s’estimant plus glorieux d’être père de roi que de régner. On assure que Démétrius Phaléréus lui avait conseillé de laisser le royaume non à Ptolémée Philadelphe, fils de Bérénice, mais au fils d’Eurydice. Ce qui fut cause que Philadelphe exila Démétrius. Voyez ci-après l’aride des Septante interprètes. Ptolémée fils de Laps mourut deux ans aprks qu’il eut associé son fils au royaume, l’an du monde 3721, avant Jésus-Christ 279, avant l’ère vulgaire 283, en la quarantième année de son règne.

Ptolémée Philadelphe, fils de Ptolémée Saler, dont nous venons de parler, fut associé au royaume dès l’an du monde 3719. Justin dit même que Ptolémée son père se démit entièrement entre ses mains, et qu’il se faisait un honneur de paraître parmi les gardes de son fils. Mais d’autres historiens croient qu’il continua de régner avec Philadelphe jusqu’en l’année 3721, qui est celle de sa mort, et la première du règne de Philadelphe. Ce prince fut surnommé Philadelphe, c’est-à-dire, amateur de ses frères, apparemment par ironie ; car il fit mourir sous divers prétextes deux de ses frères ; le pus jeune nommé Argée, fils de Bérénice, comme lui ; et l’autre fils d’Eurydice. Il fut un des plus puissants princes qui eût régné en Égypte. Mais rien n’a plus fait d’honneur à son règne que son amour pour les lettres, la bibliothèque qu’il forma à Alexandrie, et la version des Septante, que l’on dit qu’il procura aux Grecs. Saint Épiphane dit qu’il entreprit de faire travailler à cette version la septième année de son règne, du monde 3727, avant Jésus-Christ 273, avant l’ère vulgaire 277. Nous avons parlé au long de cette traduction sous l’article des Septante interprètes, et nous avons fait voir que ce que l’on en racontait était très-douteux, pour ne rien dire de plus. Mais en abandonnant les circonstances fabuleuses de cette histoire, nous ne prétendons pas en abandonner le fond, qui est que sous le règne de ce prince on traduisit d’hébreu en grec les Écritures des Juifs, ou en tout, ou en partie ; c’est-à-dire, que les Juifs d’Égypte traduisirent alors au moins le Pentateuque, en faveur de ceux d’entre eux qui ne pouvaient plus l’entendre en hébreu, ni en chaldéen. On peut voir les auteurs qui ont traité cette matière exprès.

Les anciens rendent assez témoignage à l’amour que Ptolémée avait pour les sciences, et au soin qu’il prit d’amasser des livres et de faire une riche bibliothèque ; mais nul autre que le faux Aristée, et ceux qui l’ont suivi, n’a dit que Démétrius de Phalère fut son bibliothécaire. On a vu dans l’histoire de Ptolémée, fils de Lagus, que ce philosophe, n’ayant pas été favorable à Philadelphe, avait été exilé ; et on sait qu’il se fit mourir, en se faisant mordre d’un aspic, ne pouvant supporter l’ennui de son exil. Vitruve nous parle d’Aristophane, Suidas de Zenodote, qui furent bibliothécaires de la bibliothèque d’Alexandrie sous Philadelphe. Aristée est le seul auteur original qui donne cet emploi à Démétrius de Phalère. Josèphe donne à Philadelphe trente-neuf ans de règne. Saint Clément d’Alexandrie lui eu donne trente-sept ; Ptolémée, Porphyre et Eusèbe, trente-huit. Ussérius croit qu’il régna en tout trente, huit ans, et environ huit mois. Il place sa mort en l’an du monde 3758, avant Jésus-Christ 242, avant l’ère vulgaire 246. Il eut pour successeur son fils Ptolémée, surnommé Èvergètes ou le Bienfaisant, fils d’Arsinoé, fille de Lysimaque. Philadelphe eut aussi une fille nommée Bérénice, qu’il maria à An-hochas le Dieu, roi de Syrie, comme nous le verrons dans l’article suivant.

Ptolémée nommé Évergète, ou le Bienfaisant, fils de Ptolémée Philadelphe, monta sur le trône d’Égypte l’an du monde 3758, avant Jésus-Christ 242 avant l’ère vulgaire 246. Ptolémée Philadelphe, son père, après avoir fait longtemps la guerre contre Antiochus le Dieu, avait enfin fait la paix avec lui, et lui avait donné sa fille Bérénice en mariage, du vivant de Laodicé, dont Antiochus avait deux enfants. Ce mariage se fit avec un éclat extraordinaire, et Philadelphe donna à sa fille tant d’or et d’argent pour sa dot, que cette princesse en fut surnommée Phernophoros, c’est-à-dire, Porte-dot ; mais ce mariage ne fut pas heureux. Antiochus fut empoisonné par sa femme Laodicé, qui donna ordre aussi qu’on tuât Bérénice, et le jeune fils qu’elle avait eu d’Antiochus. Pendant ces entrefaites, Philadelphe étant mort, et Èvergètes ayant su le danger où était sa sœur Bérénice, qui s’était enfermée dans l’asile de Daphné, accourut en Syrie avec une armée, pour la secourir ; mais il ne put arriver à temps. Bérénice et fils furent massacrée. Mais un très-grand nombre de villes du royaume de Syrie s’étant soulevées, se donnèrent à Èvergètes, qui par là se trouva le plus puissant roi de l’Orient. Josèphe dit que ce prince étant venu à Jérusalem, y offrit des sacrifices au Seigneur en actions de grâces de tant de faveurs qu’il lui avait faites. On peut voir sur tout cela (Daniel 11.5-6), et saint Jérôme sur cet endroit de Daniel.

Èvergètes se distingua par son amour pour les livres et pour les savants, aussi bien que son père Philadelphe. Galien raconte que ce prince faisait copier exactement tous les livres dont il avait connaissance, et qui méritaient quelque considération. Dès qu’il arrivait quelque vaisseau à Alexandrie, il se faisait apporter les livres qui y étaient, on en faisait des copies, et après cela il mettait les livres dans sa bibliothèque, et rendait les copies à ceux à qui les livres appartenaient. Ayant un jour emprunté des Athéniens les poésies d’Euripide, de Sophocle et d’Eschyle, avec promesse de les leur renvoyer, dès qu’il en aurait tiré des copies, et leur ayant donné pour gage de sa parole, quinze talents, qui font au moins trente-six mille livres, il retint les originaux leur renvoya des copies très-proprement écrites, et leur abandonna les quinze talents qu’il avait donnés pour gage.

Sous le règne d’Èvergètes, Onias II grand prêtre des Juifs, homme de peu de cœur, et ne songeant qu’à amasser de l’argent, ayant refusé de payer au roi d’Égypte la somme de vingt talents qui lui était due par forme de tribut, ce prince fut sur le point d’envoyer des troupes dans la Judée, pour ravager le pays. Mais Joseph, fils de Tobie, neveu du grand prêtre Onias, étant allé à Alexandrie, satisfit le roi, gagna ses bonnes grâces, prit de lui la ferme des tributs de la Coelé-Syrie, de la Phénicie, de la Samarie et de la Judée, se fit donner deux mille soldats, pour obliger les peuples à les payer, amassa de grandes sommes pour son profit, rendit au roi seize mille talents, au lieu de huit mille qu’il en tirait auparavant, et demeura vingt-deux ans dans cet emploi.

Ptolémée Èvergètes mourut, après vingt-cinq ans de règne. Tacite dit que sous son règne, on vit en Égypte l’oiseau nommé phoenix, qui parut dans le pays accompagné de beaucoup d’autres oiseaux, attirés par la nouveauté de ce spectacle. Polybe dit qu’Èvergètes mourut de maladie ; mais Justin (t assure que son fils et son successeur Ptolémée Philopalor le fit mourir.

Ptolémée Philopator, fils de Ptolémée Èvergètes, commença à régner l’an du monde 3783, avant Jésus-Christ 217, avant l’ère vulgaire 221. On lui donna le nom de Philopator, c’est-à-dire, amateur de son père, par ironie ou par antiphrase, parce qu’il avait fait mourir son père. Il porta aussi le surnom de Tryphon, c’est-à-dire, voluptueux ; ou de Gallus, parce qu’il portait les stigmates et la couronne de lierre, comme les galles, prêtres de la grande déesse, et qu’il aimait de paraître couronné de lierre dans les cérémonies de Bacchus. Ce prince passait sa vie dans la dissolution, dans le vin et dans la débauche, comme s’il n’eût été roi que pour se donner du bon temps.

Antiochus le Grand, roi de Syrie, lui fit la guerre et prit sur lui plusieurs places dans la Coelé-Syrie et dans la Palestine, avant qu’il se remuât, pour s’y opposer ; laissant le soin de tout à ses gouverneurs. Mais l’année suivante Antiochus s’étant avancé jusqu’à Raphia, Ptolémée s’y rencontra aussi avec une puissante armée ; et la bataille s’étant donnée, comme tout l’avantage était d’abord du côté d’Antiochus, qui, outre qu’il était grand capitaine, avait aussi avec lui d’excellentes troupes, Arsinoé, sœur et épouse du roi Philopator, allant, les cheveux épars et les yeux baignés de larmes, parmi les rangs de ses soldats, leur releva tellement le courage, qu’ils remportèrent sur l’armée d’Anliorhus une victoire complète. Antiochus s’étant retiré avec les restes de son armée, toutes les villes de Syrie et de Palestine, qui avaient été obligées de se soumettre à Antiochus, retournèrent d’elles-mêmes et à l’envi à l’obéissance de Philopator, n’oubliant rien pour lui témoigner leur zèle et leur attachement.

Les principaux des Juifs lui ayant aussi envoyé des députés pour le complimenter et pour lui offrir des présents, ils le trouvèrent disposé à venir en personne à Jérusalem. Il y vint en effet ; et étant allé au temple, il en admira la beauté, la magnificence et le bel orilre. Il voulut même pénétrer dans le sanctuaire, dont l’entrée n’était permise qu’au grand prêtre, et cela une seule fois l’année. Cette résolution du roi remplit tout le temple de cris et de pleurs ; et le bruit s’en répandant jusque dans la ville, on vit alors la plus triste image de la consternation et de la frayeur. Le grand prêtre Simon, s’étant mis en prières entre le temple et l’autel des holocaustes, dès qu’il eut achevé son oraison, le roi Philopator se sentit frappé d’une si grande terreur, qu’il commença à trembler, sans pouvoir seulement se soutenir ; en sorte que ses gens furent obligés de l’emporter à demi-mort hors du temple (a).

Étant de retour à Alexandrie, il se plongea comme auparavant dans toutes sortes de débauches, et commença à persécuter les Juifs d’Égypte, voulant les contraindre à quitter leur religion. Il fit donc afficher à Alexandrie des édits ignominieux contre eux et remplis de blasphèmes contre Dieu, leur ordonnant de sacrifier aux dieux du pays, sous peine d’être privés de leurs priviléges et du droit de bourgeoisie, et d’être mis au rang des plus vils habitants de l’Égypte, et réduits en servitude ; et que si quelqu’un refusait de se soumettre à cette ordonnance, il fût mis à mort. Mais ceux mêmes qui obéissaient aux ordres du prince n’étaient pas pour cela conservés dans leurs anciens priviléges ; on les marquait d’un fer chaud, qui représentait une feuille de lierre, et ou les séparait des bourgeois d’Alexandrie, comme étant réduits à la condition des derniers sujets du pays. Pour conserver leurs anciens droits, il fallait qu’ils se fissent initier aux mystères de Bacchus. Il fit aussi mettre cette inscription à la tour qui était à l’entrée du palais : Que personne n’entre, s’il ne sacrifie aux dieux.

Quelques Juifs succombèrent à la persécution. D’autres donnèrent de l’argent aux officiers du roi pour se racheter de l’oppression. Mais le roi l’ayant appris, il jura la perte non-seulement des Juifs d’Alexandrie, mais aussi de ceux de toute l’Égypte. Il donna donc urt.éçlit par lequel il ordonnait à tous les gouverneurs des villes et des provinces de lui envoyer, chargés de chaînes, tous les Juifs qui se trouveraient dans leurs départements, avec leurs femmes el leurs enfants, afin de les faire tous mourir à Alexandrie comme des ennemis de l’État. Il défendait par le même édit, sous peine de la vie, de recéler aucun Juif, et abandonnait la confiscation de tous les biens de celui qui les aurait recelés au dénonciateur. Ces ordres ayant été portés dans les provinces, on fit partir tous les Juifs pour Alexandrie, sans aucune considération ni d’âge, ni de sexe ; et dès qu’ils y furent arrivés, le roi ordonna qu’on en fît le dénombrement. On les mit tous dans l’hippodrome, sans leur permettre d’entrer dans la ville, et on y mit avec eux tous les Juifs d’Alexandrie, lorsqu’on s’aperçut qu’ils venaient secrètement leur apporter quelque secours. Ceux qui étaient chargés de faire ce dénombrement y employèrent quarante jours entiers, sans le pouvoir achever ; et après ce terme ils vinrent déclarer au roi qu’il leur était impossible d’en donner un rôle exact, tant leur nombre était prodigieux.

Or on fit deux listes de ces Juifs : l’une comprenait ceux qui avaient consenti de sacrifier, et à qui l’on conserva la vie, mais sans leur laisser leurs anciens priviléges de bourgeois d’Alexandrie dont ils jouissaient auparavant. L’autre liste était de ceux qui avaient refusé de changer de religion, et qui devaient être mis à mort. Le roi commanda qu’on enfermât ces derniers dans l’hippodrome, et qu’on les exposât aux éléphants, pour être écrasés sous leurs pieds. Hermon, gouverneur des éléphants, enivra ces animaux, en leur donnant quantité de vin pur, mêlé avec de l’encens, pour leur ôter le sentiment et l’horreur de ce massacre. Mais Dieu permit que le roi, ayant bu avec excès à son ordinaire, s’endormit et ne s’éveillât que le lendemain à la dixième heure du jour, c’est-à-dire, vers quatre heures après midi. Alors son intendant le vint éveiller, pour se mettre à table. Il y demeura jusque bien avant dans la nuit. Alors il fit venir Hermon et lui dit en colère, pourquoi il avait laissé passer le jour sans exécuter ses ordres envers les Juifs. Hermon et les amis du roi qui étaient présents lui témoignèrent que tout avait été disposé dès le matin ; mais qu’on n’avait osé l’éveiller ni exécuter en son absence l’ordre qu’il avait donné contre les Juifs.

Philopator commanda donc de nouveau qu’on tint les éléphants prêts pour le lendemain. Hermon s’étant donc présenté dès le matin devant lui, et lui ayant témoigné que tout était prêt pour faire mourir les Juifs, ce prince oubliant ce qu’il avait dit la veille, traita fort durement Hermon, et loua la fidélité que les Juifs avaient toujours eue pour lui et pour les rois ses prédécesseurs. Cependant, s’étant mis à boire avec ses compagnons de débauche, il fit venir de nouveau Hermon, et lui demanda pourquoi il n’avait point exécuté ce qu’il lui avait commandé. Hermon et tous les conviés lui ayant dit ce qui s’était passé, il fit serment d’envoyer le lendemain tous les Juifs au tombeau, et ordonna à Hermon que tous les éléphants fussent prêts pour le lendemain au matin. Il ajouta que quand il aurait exterminé les Juifs d’Égypte, il irait en Judée, y mettrait tout à feu et à sang, raserait les villes, brûlerait le temple de Jérusalem, et ferait périr les prêtres qui lui en avaient refusé l’entrée.

Les Juifs ayant appris ce qui s’était passé, s’adressèrent à Dieu par de ferventes prières, n’attendant de secours que de lui seul. Et le lendemain, Philopator sortit de la ville avec ses gardes, et la troupe des éléphants qui devaient écraser les Hébreux ; et presque tout le peuple d’Alexandrie y accourut aussi pour voir ce spectacle. Le roi étant arrivé près de l’hippodrome, et les Juifs renouvelant leurs cris et leurs lamentations, tout à coup on vit paraître deux anges qui se présentèrent avec un air terrible et un éclat plein de majesté devant le roi et devant toute la multitude qui était accourue. Les Juifs seuls ne les virent pas. La présence de ces esprits frappa le prince d’une telle frayeur, qu’il demeura comme immobile. Il fut saisi d’un grand tremblement par tout le corps ; il oublia sa fierté, et sentit sa fureur changée en compassion. Les éléphants se tournèrent contre leurs conducteurs et contre les soldats qui les accompagnaient, et les écrasèrent sous leurs pieds. Le roi tournant sa colère contre ses officiers se plaignit qu’ils eussent ainsi traité les Juifs, comme s’ils l’avaient fait (le leur propre autorité ; ordonna qu’on déliât les Juifs et qu’on les remît en parfaite liberté. Il leur fit donner des vivres, afin qu’ils fissent des festins de réjouissances et d’actions de grâces pendant sept jours, et leur permit de tirer vengeance de ceux d’entre leurs frères qui avaient renoncé à leur religion, dont ils tuèrent jusqu’au nombre de trois cents.

Après quoi ils obtinrent du roi un rescrit, par lequel ils étaient déclarés innocents, et renvoyés en liberté dans leur pays. Le roi y louait et relevait leur fidélité et celle de leurs ancêtres envers Itii et envers les rois d’Égypte ses prédécesseurs, ordonnant aux gouverneurs des provinces de les protéger, et de traïter comme ennemis du roi et de l’État ceux qui voudraient entreprendre quelque chose contre eux.

Avant que de se séparer pour s’en retourner dans leurs maisons, les Juifs érigèrent une colonne, et bâtirent une proseuque ou oratoire, au lieu où ils avaient été si miraculeusement délivrés, après quoi ils se retirèrent chacun chez eux ; et on leur rendit tous leurs biens, qui avaient d’abord été confisqués au profit du roi. Tout ceci arriva l’an du monde 3788, avant Jésus-Christ 242, avant l’ère vulgaire 216, entre les mois égyptiens pochon et epiphi, qui reviennent à nos mois de mai et de juillet.

Philopator mourut après dix-sept ans de règne. Il eut pour successeur Ptolémée Épiphane.

Ptolémée Épiphanes succéda à son père Ptolémée Philopator, n’étant âgé que de quatre ans, selon saint Jérôme, ou de cinq, selon Justin. Dès qu’Antiochus le Grand, roi de Syrie, et Philippe, roi de Macédoine, virent le royaume d’Égypte entre les mains d’un enfant, ils prirent des mesures secrètes pour se défaire de lui, et pour partager entre eux ses États. Antiochus se jeta sur la Ccelé-Syrie et la Judée, et s’en rendit maure sans beaucoup de peine. Mais quelque temps après Ptolémée Épiphane y envoya Scopas avec une bonne armée, qui reprit les villes et les provinces que le grand Antiochus avait conquises. Mais l’année ne se passa pas qu’Antiochus ne les eût de nouveau assujetties. Ce fut alors que les Juifs se rendirent à Antiochus, et lui demeurèrent toujours depuis très-affectionnés. Ce qui fut cause qu’Antiochus leur donna en plus d’une occasion des marques particulières de sa confiance et de son amitié, par des lettres dont Josèphe a conservé des copies.

L’an du monde 3812, Antiochus donna sa fille Cléopâtre en mariage à Ptolémée Épiphane, roi d’Égypte, dans la vue de se rendre par-ce moyen maître de ce jeune prince. Mais les tuteurs du jeune Épiphane s’étant aperçu de son dessein, et Cléopâtre aimant mieux favoriser les intérêts de son mari que ceux de son père, firent échouer les résolutions d’Antiochus. Enfin Épiphane ayant entrepris la guerre contre Séleucus, roi de Syrie, et un de ses généraux lui ayant demandé quels étaient les fonds sur lesquels il comptait pour faire une telle entreprise, Épiphane lui répondit qu’il n’en avait point d’autres que les bourses de ses amis. Cette réponse s’étant répandue dans le public, les généraux d’Épiphane, craignant qu’il ne les dépouillât de leurs richesses pour faire la guerre, le prévinrent et l’empoisonnèrent. Il régna vingt-quatre ans, selon Eusèbe, Clément d’Alexandrie, Porphyre et saint Jérôme, et laissa deux fils Ptolemée Philométor, qui lui succéda, et Ptolemée Physcon, son cadet.

Ptolemée Philometor, fils de Ptolémée Épiphane et de Cléopâtre, régna trente-cinq ans, depuis l’an du monde 3824 jusqu’en 3859, avant Jésus-Christ 141, avant l’ère vulgaire 145. Comme la Judée alors n’était plus soumise aux rois d’Égypte, les affaires générales des Juifs n’eurent que très-peu de rapport à cettes de ce prince. Mais celles d’Antiochus Épiphane, roi de Syrie, dont nous avons parlé au long sous son titre, y en eurent beaucoup. Ce fut sous le règne de Philométor que l’on bâtit en Égypte le temple surnommé Onion (m), dont on peut voir l’histoire sous les titres d’Onias IV et d’Onion.

Josèphe nous apprend que Ptolémée Philomélor et la reine Cléopâtre, sa femme, eurent tant de confiance aux Juifs d’Égypte, qu’ils leur confièrent la garde de tout leur royaume, et que Dosithée et Onias furent les généraux de leurs troupes, et que la ville d’Alexandrie s’étant soulevée contre Cléopâtre, épouse de Philométor, en faveur de Ptolémée Physcon, les Juifs la défendirent et continrent la ville dans le devoir. Mais cela n’arriva qu’après la mort de Philométor, comme nous le dirons dans l’article suivant. Sous le règne de Philométor on vit en Égypte le philosophe péripatéticien Aristobule, Juif de nation, dont saint Clément d’Alexandrie et Eusèbe nous ont conservé quelques fragments.

Vers le même temps il s’éleva une grande dispute à Alexandrie entre les Juifs et les Samaritains ; les Juifs soutenant que le temple de Jérusalem était le seul où Dieu devait être honoré selon la loi de Moïse, et les Samaritains prétendant au contraire que c’était celui du mont Garizim. La dispute fut fort plaidée devant le roi Philométor et ses conseillers. Les parties s’engagèrent par serment au nom de Dieu et du roi qu’ils ne produiraient point d’autres preuves que de leur loi, et prièrent le roi de faire mourir celui des deux avocats des parties qui manquerait à son serment. Le roi et son conseil, ayant écouté les raisons des uns et des autres, prononcèrent en faveur des Juifs, et condamnèrent à la mort Sabas et Théodose, avocats des Samaritains.

Jonathas Machabée, qui vivait alors, avait pris le parti d’Alexandre Balès, roi de Syrie, gendre de Philométor, contre Démétrius, et avait fortement soutenu la guerre contre Apollonius (f), que Démétrius Nicanor, fils de Démétrius Soter, avait envoyé en Palestine avec un gros corps de troupes. Jonathas, aidé de Simon, son frère, le battit, en tua un grand nombre, prit et brûla Azoth et le temple de Dagon, où Apollonius et ses gens s’étaient retirés, et après cela revint triomphant à Jérusalem (g). Deux ans après (h) Philométor allant en Syrie, en apparence pour secourir son gendre Alexandre Balès, contre Démétrius, mais en effet pour se rendre maître de ses États, passa par la Palestine. Ceux d’Azoth lui montrèrent leur ville et leurs temples détruits, et des tas d’os de morts qu’ils avaient entassés sur le chemin, exagérant les maux que Jonathas leur avait faits. Mais le roi ne fit pas semblant de les écouter ; et Jonathas l’étant venu joindre à Joppé avec une suite magnifique, le roi le reçut favorablement. Jonathas l’accompagna jusqu’au fleuve Eleuthère, et après cela revint à Jérusalem.

Philométor ayant été reçu comme ami par toutes les villes du royaume de Balès, fit son entrée à Antioche, ou, ayant été reconnu pour roi, il mit sur sa tête deux diadèmes.

Il mourut l’année suivante entre les mains des médecins, qui voulaient faire sur lui l’opération du trépan, pour essayer de le guérir d’une blessure mortelle qu’il avait reçue à la tête dans une bataille qu’il gagna contre Alexandre Balès, roi de Syrie.

Ptolémée Physcon, ou le ventru, autrement Èvergètes, ou le Bienfaisant, fils de Ptolémée Épiphane et frère de Ptolémée Philométor, régna en tout cinquante-trois ans, partie avec son frère, et partie seul, depuis l’an 3859. Il eut de grands démêles avec son frère, qui ne finirent qu’à la mort de Pilométor. Cléopâtre, épouse de ce prince, voulant conserver la couronne à son fils, contre les entreprises de Physcon, qui voulait s’en rendre maigre, Onias, Juif et fondateur du temple d’Onion, prit la défense de la reine et du pupile, et amena une petite armée à Alexandrie. Physcon se disposa à marcher contre lui, et en même temps résolut d’exposer tous les Juifs d’Alexandrie, pour être écrasés sous les pieds des éléphants. Mais Dieu permit que les éléphants, qu’on avait enivrés pour cela, tournèrent leur fureur contre ceux qui les conduisaient et en tuèrent plusieurs. Physcon lui-même vit un homme d’un air menaçant et terrible, qui lui défendait de faire aucun mal aux Hébreux ; et la plus aimée de ses concubines, que les uns nomment Ithaque, et les autres Irène, le conjurant de les épargner, il le fit, leur pardonna, et répara le mal qu’il leur avait fait. Josèphe ajoute que jusqu’à son temps les Juifs d’Alexandrie célébraient annuellement la mémoire de leur délivrance Mais il y a assez d’apparence que cet historien a confondu Physcon avec Philopator, et qu’il a mis sous le premier ce qui arriva sous le second ; car nous avons vu ci-devant une histoire toute pareille des Juifs condamnés à être exposés aux éléphants sous Philopator.

Physcon voulant terminer les différents qu’il avait avec sa sœur Cléopâtre, sœur et épouse de son frère Philométor, lui fit proposer de l’épouser ; et le mariage ayant été conclu, Physcon fut reçu dans Alexandrie et reconnu pour roi. Mais, voulant s’assurer le royaume, il fit mourir le jeune prince son neveu entre les mains de sa mère, le jour même de ses noces, ce qui le rendit extrêmement odieux aux Égyptiens, qu’il irrita encore par toutes sortes de cruautés. Il répudia Cléopâtre, épousa la fille de cette princesse, après lui avoir auparavant ravi l’honneur, tua son propre fils aîné, de peur que les peuples d’Alexandrie ne le reconnussent roi en sa place, fit aussi mourir son autre fils, qu’il avait eu de la reine Cléopâtre, sa sœur, et pour comble de cruauté, lui fit couper la tête, les pieds et les mains, et les envoya dans un panier bien couvert à la reine ; mère du jeune prince, comme un présent qu’il lui faisait au jour de sa naissance. Après tant de cruautés, Physcon mourut en paix, après avoir régné vingt-neuf ans depuis la mort de son frère, laissant trois fils vivants. Il donna le gouvernement du royaume à la reine Cléopâtre, sa sœur et sa femme, avec pouvoir de choisir pour roi celui de ses trois fils qu’elle jugerait plus propre pour régner. Elle avait d’abord choisi Alexandre, qui était le plus jeune, espérant qu’il lui serait plus soumis ; mais les Alexandrins la contraignirent de prendre Ptolémée Lathure, qui était l’aîné, et qui régna avec elle pendant dix ans.

Ptolémée Lathurus, fils de Ptolémée Physcon et de Cléopâtre, commença à régner l’an du monde 3888. Il donna environ six mille hommes de ses troupes à Antiochus de Cyzique, qui était venu au secours des Samaritains, assiégés par Jean Hircan, prince et grand prêtre des Juifs. Mais Antiochus fut obligé de se retirer, et les troupes égyptiennes furent défaites ou dissipées en différentes rencontres ; de sorte que ce secours ne servit de rien aux Samaritains, et Jeatercan se rendit maître de la ville après un an de siège.

Lathurus ne jouit pas longtemps du royaume d’Égypte. Cléopâtre, sa mère, ennuyée de l’avoir pour compagnon dans le gouvernement, souleva contre lui le peuple d’Alexandrie, et le contraignit de se retirer en Chypre. Pendant qu’il était eu ce pays, ceux de Ptolémaïde envoyèrent lui demander du secours contre Alexandre Jannée, roi des Juifs, qui les tenait comme assiégés. Lathure se mit donc en mer avec son armée ; mais ceux de Ptolémaïde changèrent de résolution, et l’envoyèrent remercier. Lathure cependant continua sa route, et ayant débarqué ses troupes à Sycaminum, près de Ptolémaïde, Alexandre Jannée retira ses troupes de devant Ptolémaïde, et ayant envoyé secrètement demander à Cléopâtre du secours contre Lathure, il feignit de vouloir s’accommoder avec lui et lui fit faire des propositions très-avantageuses, lui offrant quatre cent talents d’argent s’il voulait lui livrer les places que Zoïlus tenait dans le pays.

Mais s’étant aperçu qu’Alexandre Jannée avait pris contre lui des liaisons secrètes avec sa mère Cléopâtre, il rompit avec lui, et lui fit tous les maux qu’il put. Étant entré en Judée avec une partie de ses troupes, pendant que le reste de son armée faisait le siège de Ptolémaïde, Alexandre Jannée marcha contre lui avec une puissante armée et lui livra la bataille près d’Asoph, sur le Jourdain. La victoire fut quelque temps en balance : mais enfin Lathure rompit l’armée des Juifs, et la poursuivit tant que ses troupes eurent la force de suivre et de tuer tes fuyards. On dit qu’il y eut dans cette occasion trente mille, ou, selon d’autres, cinquante initie Juif de tués. On assure que Lathure s’étant retiré sur le soir dans quelques villages des Juifs, et n’y ayant trouvé que des femmes et des enfants, il ordonna à ses soldats de les couper en pièces, et de les faire cuire dans des chaudières, afin que quand leurs maris ou leurs pères reviendraient, ils vissent ce carnage, et que s’imaginant que leurs ennemis se nourrissaient de chair humaine, ils en conçussent encore une plus grande frayeur.

Cléopâtre, mère de Lathure, alarmée des progrès que son fils avait faits dans la Palestine, où il avait fait impunément le dégât partout, et où il avait pris la ville de Gaze, qui est, pour ainsi dire, aux portes de l’Égypte, mit sur pied une armée de terre et équipa une flotte pour s’opposer à sa puissance. Elle donna le commandement de son armée de terré à deux Juifs, Chelcias et Ananie, tous deux fils d’Onias qui avait fondé le temple Onion dans l’Égypte. La reine envoya Alexandre, son fils, avec sa flotte en Phénicie, où ayant mis à terre son armée, plusieurs villes se rendirent à lui : mais Ptolémaïde lui ferma les portes. Chelcias, un des généraux de l’armée de terre, mourut dans la Cœlé-Syrie. Lathure se jeta dans l’Égypte, croyant la trouver dégarnie de troupes mais il fut trompé dans son attente. Il y rencontra plus de résistance qu’il ne croyait, et la reine samère ayant envoyé quelques troupes contre lui, l’obligea de se retirer de l’Égypte. Ainsi il revint à Gaze, où il passa l’hiver. On peut voir l’article de Cléopâtre IV. Ptolémée Lathure mourut l’an du monde 3923, avaat Jésus-Christ 77, avant l’ère vulgaire 81, après avoir régné trente-six ans depuis la mort de son frère Philométor

Les autres Ptolémées, rois d’Égypte, dont nous avons donné la liste sous l’article d’Égypte, n’ont aucun rapport avec l’histoire de la Bible ; c’est pourquoi nous ne les mettons pas ici [Pour chacun des Ptolémées qui précèdent et pour tous les souverains de leur dynastie, voyez Lagides].

Ptolémée Macron, fils de Dorymènes, fut établi gouverneur de l’île de Chypre par Ptolémée Philométor, roi d’Égypte. Pendant toute la minorité de ce prince, il retint tous les revenus qu’il tirait de cette île, sans en rien envoyer aux régents du royaume. Mais aussitôt que le roi fut majeur, il lui rendit compte, et lui envoya tout ce qu’il avait ramassé pendant sa minorité. Quelque temps après, ayant reçu quelque mécontentement de la part du roi d’Égypte, il livra l’île de Chypre à Antiochus Épiphane, roi de Syrie.

Ce prince le reçut au nombre de ses amis, et lui donna le commandement des troupes qu’il avait dans la Phénicie et la Coelé-Syrie. Nous apprenons du second livre des Machabées, chapitre 4.45-46 et suivants, que Ménélaüs, usurpateur de la souveraine sacrificature, étant accusé l’an du monde 3834 devant Antiochus Épiphane, et étant près de succomber à cette accusation, offrit de l’argent à Ptolémée Macron, le priant de prendre sa défense ; ce qu’il fit pendant que le roi était à Tyr, et fut cause que Ménélatis, tout coupable qu’il était, fut déclaré innocent, et ses accusateurs condamnés à mort.

Après que Judas Machabée eut mis en déroute Apollonius, gouverneur de Samarie, et Séron, gouverneur de la Ccelé-Syrie, Philippe, qui était à Jérusalem de la part du roi Antiochus Épiphane, envoya demander du secours à Ptolémée Macron. Macron fit partir Nicanor et Gorgias, deux capitaines expérimentés ; mais Judas les défit encore, ainsi qu’il est marqué dans le premier livre des Machabées, chapitre 3.38-39 et suivants Après la mort d’Antiochus Épiphane, Ptolémée ne jouit plus de la faveur comme auparavant. Ses ennemis le noircirent dans l’esprit du jeune Eupator, et ils disaient souvent qu’un homme qui avait une fois manqué de fidélité à son prince ne méritait pas que l’on prît jamais confiance en lui. Il s’était aussi rendu suspect aux courtisans, parce que dans plus d’une occasion il avait témoigné qu’il n’approuvait pas la conduite qu’on tenait envers les Juifs. C’est pourquoi, ne pouvant souffrir plus longtemps ces reproches, il prit du poison, et se fit mourir.

L’auteur de la version latine du second livre des Machabées, 10.12, le nomme Ptolemoeus Macer ; mais son véritable nom est Ptolemœus Macron. Mayer est un mot latin qui signifie le maigre ; Macron est un mot grec qui signifie le long.

Ptolémée, fils d’Abubi, ou d’Abobi, gendre de Simon Machabée, et gouverneur du château de Dog, ou Doch, ou Dagon, et de la plaine de Jéricho. Cet homme, s’étant élevé d’orgueil, prétendit au gouvernement de toute la Judée, et dans cette vue conçut le dessein de se défaire de Simon Machabée, son beau-père. Simon étant donc occupé à visiter toutes les villes de Judée, et étant arrivé à Jéricho avec ses deux fils Mathatias et Judas, alla loger chez son gendre au château de Dog ou Dagon. Ptolémée leur fit grande chère, et au milieu du repas, des hommes qu’il avait apostés, étant entrés dans la salle, tuèrent Simon, ses deux fils et quelques-uns de leurs gens. Il donna avis à Antiochus Sidétès, roi de Syrie, de ce qu’il avait fait, et le pria de lui envoyer promptement du secours pour délivrer le pays du joug des Machabées, et pour qu’il pût s’en mettre en possession en son nom.

En même temps il envoya du monde à Gazara, pour tuer Jean Hircan, fils aîné de Simon, et donna ordre à d’autres de ses gens d’aller à Jérusalem pour se saisir de la ville et de la montagne sainte.

Mais Dieu ne permit pas qu’il réussit dans ses projets. Jean Hircan fut averti d’assez bonne heure pour se mettre en défense. Il fit tuer ceux que Ptolémée avait envoyés peur le faire mourir, et étant parti en diligence, il arriva à Jérusalem assez tôt pour empêcher que Ptolémée ne s’en rendît maitre ; car Jean fut reçu dans la ville, et on ferma les portes à Ptolémée, qui s’était présenté pour y entrer d’un autre côté. C’est ce que raconte Josèphe. Le premier livre des Machabées ne nous apprend pas quelles furent les suites de ce meurtre commis dans la personne de Simon ; mais le livre que nous citons sous le nom de quatrième des Machabées dit que Ptolémée ayant fait massacrer Simon et ses deux fils, Hircan, qui en fut informé, se retira à Gaza (apparemment Gazera ou Gadera), où Ptolémée le poursuivit avec toutes ses forces. Mais ceux de Gaza, ayant pris le parti d’Hircan fermèrent les portes à Ptolémée, qui fut obligé de se retirer. De là Hircan alla à Jérusalem, fut reconnu grand prêtre et prince de sa nation, assembla une grande armée, et marcha contre Ptolémée, qui s’était enfermé dans sa forteresse de Dagon.

Il en fit le siège, et commença à battre la place avec le bélier. Mais comme il était prêt à s’en rendre maître, Ptolémée fit amener sur la muraille la mère et les deux frères d’Hircan, et les fit frapper en sa présence impitoyablement, le menaçant, s’il continuait de le presser, qu’il les ferait mourir sous les coups. Hircan se laissa attendrir, et discontinua l’attaque. Mais sa mère l’animait à continuer, lui représentant que la mort leur était inévitable à elle et à ses deux fils, et que pour lui rien ne devait l’empêcher de venger la mort de Simon, son père. Hircan, animé par ces discours, recommença l’attaque avec une nouvelle vigueur. Mais Ptolémée ayant aussitôt recommencé à frapper la mère et les frères d’Hircan, ce dernier, ne pouvant résister à sa tendresse, se relira dans son camp, et se contenta de tenir le château investi. Cependant la fête des Tabernacles étant arrivée, il fut obligé d’aller à Jérusalem pour y faire les fonctions de sa charge de grand prêtre ; et Ptolémée, profitant de son absence, se retira en un lieu où Hircan ne pouvait le poursuivre.

C’est ce que dit l’auteur du quatrième livre des Machabées. Josèphe raconte la même chose dans ses Antiquités, lib XIII chapitre mit, XV et dans le premier livre de la Guerre des Juifs, chapitre 2 page 710. Mais il ajoute qu’Hircan fut obligé de quitter le siège, à cause de l’année sabbatique qui commençait, et que Ptolémée se retira auprès de Zénon, surnommé Colyla, qui était roi de Philadelphie, capitale des Ammonites : circonstances qui sont bien réfutées par Salien sur l’an du monde 3919, et par Ussérius sur l’an 3869. Le premier livre des Maéhabées, que l’Église tient pour canonique, ne parle point de la mère d’Hircan, et dit expressément que Ptolémée fit tuer au milieu du repas non-seulement Simon, mais encore ses deux fils, ce qui fait conjecturer que tout ce que nous venons de lire n’est qu’une fable.

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