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Animal domestique dont il est souvent parlé dans l’Écriture. C’était la monture ordinaire, même des gens de condition dans la Palestine. Débora dans son cantique désigne les plus puissants d’Israël par ces mots (Juges 5.10) : Vous qui montez des ânes luisants ou peints. Jaïr de Galaad avait trente fils (Juges 10.4), qui montaient autant d’ânes, et qui commandaient dans trente villes ; Abdon, juge d’Israël, avait quarante fils et trente petits-fils (Juges 12.14) qui montaient soixante-dix ânes [Un écrivain célèbre, qui n’avait que de l’esprit, a voulu s’amuser, même aux dépens des ânes qui servaient de monture aux grands d’Israël. Suivant lui, le pays montagneux où les gens de condition montaient des ânes, il y a plusieurs milliers d’années, et non pas des chevaux comme en France au 18e siècle, ne pouvait être qu’un misérable pays. C’est ainsi que raisonnait cet auteur au milieu d’un peuple qui pourtant le couronna. Les ânes étaient plus utiles dans la Palestine que ne l’eussent été les chevaux ; l’usage de ferrer les chevaux ne remonte peut-être pas au delà du Ve siècle de notre ère ; et comme la corne des ânes est plus dure que celle des chevaux, ils étaient plus propres à rendre beaucoup de services. Les ânes de la Palestine étaient extrêmement beaux et élégants ; ils offraient une monture plus douce et plus sûre que les chevaux ; ils étaient plus faciles à élever, à nourrir, à manier, plus courageux, et non moins rapides. Varron, qui vivait dans le 1er siècle avant Jésus-Christ, c’est-à-dire dans le temps où l’amour le plus effréné du luxe travaillait la société romaine, dit combien grande était en Grèce la réputation des ânes de l’Arcadie, et en Italie celle des ânes de Riéti : « À ma connaissance, dit-il, un âne de Rieti s’est vendu 60 000 sesterces (16 800 fr.), et un attelage d’ânes du même pays, pour un quadrige, a coûté à Rome 400 000 sesterces (112 000 fr). » Sur quoi M.Dureau de la Malle fait les observations suivantes : « Ursini, dit-il, pense qu’il faut lire ici, pour le prix du quadrige, 12 H. S., 1 200 000 sesterces (336 000 fr.), car Varron porte ailleurs la valeur d’un étalon à 340 000 sesterces (95 200 fr). Dans un autre endroit, Varron nous apprend que le sénateur Q. Axius avait acheté un âne 40 000 sesterces (11 200 fr.) ; Pline, en citant Varron, rapporte le même fait, mais il élève le prix de l’animal à 400 000 H. S., ou 112 000 francs, ou bien 99 000 francs si Pline a converti l’estimation en monnaies de son temps. » Si les ânes de Riéti étaient recherchés à ces prix exorbitants par les nobles Romains, faut-il donc s’étonner que les ânes de la Palestine aient servi de monture aux grands d’Israël ?
Suivant Chardin, il y a en Perse des ânes de deux sortes : « Les ânes du pays, qui sont lents et pesants, comme les ânes de nos pays, dont ils ne se servent qu’à porter des fardeaux, et une race d’ânes d’Arabie qui sont de fort jolies bêtes, et les premiers ânes du monde. Ils ont le poil poli, la tête haute, les pieds légers, les levant avec action en marchant. L’on ne s’en sert que pour monture ; les selles qu’on leur met sont comme des bâts ronds et plats par-dessus, faites de drap ou de tapisserie… On met à plusieurs des harnais tout argent, tant le maître est content de la légèreté et de la douceur de leur allure. »
Dans l’Hedjaz, ou Arabie Pétrée, il y a aussi deux sortes d’ânes, dit Niébhur : les uns, petits, paresseux, peu estimés ; les autres, grands, courageux ; plus commodes que les chevaux pour voyager, et qui sont fort chers. Il dit encore : « Les ânes de l’Arabie constituent une très-belle race, et peul-être la plus belle, c’est la monture habituelle des gens riches, et surtout des femmes appartenant aux classes élevées. » Volney et Salt disent la même chose dans leurs Voyages en Syrie. « On ne connaît pas les voitures en Égypte, pas plus que dans tout le Levant, dit Aucher-Eloy … L’âne surtout est une monture habituelle et très agréable. À Alexandrie, les rues sont encombrées de conducteurs d’ânes qui vous offrent leurs services… Pour faire une promenade, j’enfourchai un âne qui galopait comme un cheval. » Tout cela explique pourquoi l’âne était chez les Hébreux un animal de luxe et de travail, et pourquoi ils le préféraient au cheval pour se promener, pour voyager et labourer].
L’âne était un animal déclaré impur par la loi ; et dont il n’était pas permis de goûter de la chair, parce qu’il ne ruminait point (Lévitique 11.26). Il était défendu d’atteler ensemble un bœuf et un âne, pour les faire labourer ensemble (Deutéronome 22.10). On sait l’histoire de l’ânesse de Balaam, qui lui parla (2 Pierre 2.6 ; Nombres 22). Il est parlé en quelques endroits de l’Évangile, d’une meule d’âne (Matthieu 18.6 ; Marc 9.41), pour dire une grosse meule, telle que les ânes en tournaient, et qui étaient plus lourdes et plus grosses que celles qui étaient tournées par des esclaves.
Les profanes ont accusé les Juifs d’adorer la tête d’un âne. Appion le grammairien paraît être le premier auteur de cette calomnie. Il disait que les Juifs avaient une tête d’âne dans le sanctuaire de leur temple, et qu’on l’y avait découverte, lorsque Antiochus Épiphane prit le temple de Jérusalem, et entra dans le plus secret de ce saint lieu. Il ajoutait qu’un certain Zabidus étant un jour entré secrètement dans leur temple, en avait enlevé la tête d’âne, et l’avait emportée à Dora. Suidas dit que Damocritus, ou Démocritus l’historien, disait que les Juifs adoraient une tête d’âne d’or, et lui immolaient un homme, qu’ils hachaient en pièces, tous les trois ans, ou tous les sept ans, comme il lit ailleurs.
Plutarque et Tacite se sont laissé, tromper à cette calomnie. Ils croient que les Hébreux adoraient un âne, par reconnaissance de ce qu’après leur sortie d’Égypte, un âne leur avait découvert une fontaine, comme ils étaient accablés de soif et de lassitude dans le désert.
Les païens voulurent imputer la même impertinence aux chrétiens. Tertullien nous apprend la même chose : Nam et quidam somniastis caput asininum esse Deumnostrum. Il dit de plus, que de son temps, quelques ennemis des chrétiens avaient exposé en public un tableau où était représenté un personnage tenant un livre à la main, et vêtu d’une robe longue, ayant des oreilles d’âne et un pied semblable à celui d’un âne, avec cette inscription : Le Dieu des chrétiens a l’ongle d’âne. Saint Épiphane parlant des gnostiques, dit qu’ils enseignaient que le Dieu Sabaoth avait la figure d’un âne, et que d’autres lui donnaient la figure d’un porc.
Les savants qui ont voulu rechercher la source de cette calomnie, se sont fort partagés. La raison que Plutarque et Tacite en apportent, serait la plus plausible, si le fait sur lequel ils la fondent, était appuyé sur la vérité. Mais on ne voit rien dans l’histoire des Juifs qui puisse favoriser cette circonstance des ânes, que l’on prétend avoir montré une source d’eau à Moïse. Tanegui Le Fèvre a voulu tirer cette accusation du temple nommé Onion, dans l’Égypte ; comme si ce nom lui était venu d’Onos, un âne : conjecture qui est tout à fait heureuse ; car il est fort croyable que le bruit qui accusait les Juifs d’adorer un âne, est venu originairement de l’Égypte ; et l’on sait la haine que portaient aux Juifs les bourgeois d’Alexandrie, et leur penchant à la médisance et à la raillerie. Mais ils auraient pu apprendre que le temple d’Onion bâti à Héliopolis tirait son nom d’Onias, pontife des Juifs, qui l’avait bâti sous le règne de Ptolémée Philométor et de Cléopâtre, l’an du monde 3854, avant Jésus-Christ 146, avant l’ère vulgaire 150.
D’autres ont cru que l’erreur des païens ne venait que d’une équivoque et d’une mauvaise manière de lire. Les Grecs disaient que les Hébreux adoraient le ciel Ouranon ; au lieu d’Ouranon, on aura écrit par abréviation, Ounon. Les ennemis des Juifs en ont conclu qu’ils adoraient un âne, onon. Ou bien en lisant dans les Latins, qu’ils adoraient le ciel, coelum : Nil praeter nubes et coeli numen adorant ; au lieu de coelum, ils ont lu cillum, un âne, et ont avancé que les Juifs adoraient un âne. M. Bochart croit que leur erreur est venue de ce qui est dit dans l’Écriture, que la bouche du Seigneur a parlé ; dans l’Hébreu, pi-Jéhovah ou pi-ieo. Or, dans le langage égyptien, pieo signifie un âne ; les Égyptiens entendant souvent prononcer aux Juifs pieo, ont cru qu’ils invoquaient leur dieu, et en ont inféré qu’ils adoraient un âne. Ces explications sont assez ingénieuses, mais elles manquent de solidité. Il y a même beaucoup d’apparence que l’on ne donnera jamais de bonne raison d’une chose aussi ridicule que l’est cette accusation. M. le Moine semble avoir mieux rencontré, lorsqu’il a dit qu’apparemment on avait pris l’urne d’or qui renfermait la manne, et que l’on conservait dans le sanctuaire, pour une tête d’âne ; et que l’on aura confondu le gomor de manne (ou gomer), avec l’hébreu chamor qui signifie un âne (opinion courante). [Voyez, sur ce qui a pu donner lieu de dire que les Juifs adoraient une tête d’âne, la Dissertation sur la manne, dans la Bible de Vence, tome 2 pages 457].
Voyez Onagre.