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Ce terme vient de l’Hébreu, ou plutôt du Chaldéen pardes (Paradisus), dont les Grecs ont fait paradeisos, et les Latins paradisus. Selon la force de l’original, il signifie proprement un verger, un lieu planté d’arbres fruitiers, et quelquefois un bois de futaie.
On trouve ce nom dans trois endroits du texte hébreu de l’Ancien Testament.
1° (Néhémie 11.8), où Néhémie prie le roi Artaxercès de lui faire donner des lettres adressées à Asaph gardien du berger du roi, afin qu’il lui fit donner les bois nécessaires pour les bâtiments qu’il allait entreprendre. Dans cet endroit paradisus est mis pour une forêt d’arbres propres à bâtir.
2° Salomon dans l’Ecclésiaste (Ecclésiaste 2.1), dit qu’il s’est fait des jardins et des paradis, ou des vergers.
3° Dans le Cantique des cantiques (Cantique 4.13), il dit que les plants de l’Épouse sont comme un jardin rempli de grenadiers. Les Grecs ont reconnu que le terme paradisus leur venait des Orientaux, des Perses, qui nommaient paradisus leurs jardins à fruits, et leurs parcs, où ils nourrissaient toutes sortes d’animaux sauvages. Xénophon et les autres auteurs grecs se servent assez souvent du même terme en ce sens.
Les Septante se sont servis du terme paradeisos (Genèse 2.8, Vulg. Paradisum voluptatis), en parlant du jardin d’Éden, que le Seigneur planta au commencement du monde, et où il plaça Adam et Ève ; et ce fameux jardin est connu communément sous le nom de paradis terrestre. On forme bien des difficultés sur sa situation. Quelques-uns ont cru que le paradis terrestre n’avait jamais existé, et qu’on doit expliquer allégoriquement tout ce qui en est dit dans l’Écriture. D’autres ont cru qu’il fallait le placer hors du monde. Quelques-uns ont prétendu qu’il avait été au commencement, c’est-à-dire, avant les autres êtres matériels. On l’a placé dans le troisième ciel, dans le ciel de la lune, dans la lune même, dans la moyenne région de l’air, au-dessus de la terre, sous la terre, dans un lieu caché et éloigné de la connaissance des hommes, dans le lieu qu’occupe aujourd’hui la mer Caspienne ; sous le pôle arctique, et à l’extrémité du midi.
Il n’y a presque aucune partie du monde où on ne l’ait été chercher : dans l’Asie, dans l’Afrique, dans l’Europe, dans l’Amérique, dans la Tartarie, sur les bords du Gange, dans les Indes, dans la Chine, dans l’île de Ceylan, dans l’Arménie, dans l’Afrique, sous l’équateur, dans la Mésopotamie, dans la Syrie, dans la Perse, dans la Babylonie, dans l’Arabie, dans la Palestine, dans l’Éthiopie, où sont les montagnes de la Lune ; aux environs des montagnes du Liban, de l’Antiliban et de Damas. M. Huet, ancien évêque (l’Avranches, le place sur le fleuve que produit la jonction de l’Euphrate et du Tigre, qu’on appelle aujourd’hui fleuve des Arabes ; entre cette jonction et la division que fait ce même fleuve, avant que d’entrer dans la mer Persiee. Il le met sur le bord oriental de ce fleuve, lequel, dit-il, étant considéré selon la disposition de son lit, et non pas selon le cours de son eau, se divisait en quatre tètes, ou quatre ouvertures différentes. Ces quatre branches sont quatre fleuves : deux au-dessus, savoir : l’Euphrate et le Tigre ; et deux au-dessous, savoir : le Phison et le Géhon. Le Phison est, selon lui, le canal occidental ; et le Géhon, le canal oriental du Tigre, qui se décharge dans le golfe Persique. On dit que M. Bochart était à-peu-près dans le même sentiment, comme on le recueille de quelques endroits de ses écrits.
D’autres habiles gens ont placé le paradis terrestre dans l’Arménie, entre les sources du Tigre, de l’Euphrate, de l’Araxe et du Phasis, que nous croyons être les quatre fleuves désignés par Moïse. L’Euphrate est bien exprimé dans Moïse. Le Chidkel est le Tigre, nommé encore aujourd’hui Diglito. Le Phasis est le Phison ; la ressemblance des noms est sensible. Le Géhon est l’Araxe. Araxès, en grec, signifie impétueux, de même que Géhon en hébreu ; et on ne connaît dans le monde aucun fleuve plus rapide, que l’Araxe. Le pays d’Éden était dans ce pays-là, autant qu’on en peut juger par quelques vestiges qui en sont restés dans les livres saints. Le pays de Chus est l’ancienne Scythie, située sur l’Araxe. Hévila est apparemment la Colchide, pays très-célèbre par son or. On peut voir notre Commentaire sur la Genèse (Genèse 2.8), où nous avons essayé d’établir ce sentiment par toutes les preuves que nous avons pu ramasser. Les voyageurs qui ont été dans ces pays rendent térnoit gnage à leur fertilité ; et c’est encore aujourd’hui la tradition de ces peuples, que le paradis terrestre-était dans leur province.
L’auteur de l’Ecclésiastique (Ecclésiaste 44.16) dit qu’Énoch, ayant été agréable à Dieu, a été transporté dans le paradis, afin qu’un jour il fasse entrer les nations dans la pénitence. Les Pères latins qui ont lu dans texte de la Vulgate le mot de paradis ont cru que ce patriarche avait été transporté dans le paradis c’est-à-dire, dans le ciel, selon les-uns, ou dans le paradis terrestre, selon d’autres. Mais les Pères grecs qui n’ont point lu le mot de paradisus dans le texte grec de l’Ecclésiastique n’ont point déterminé le lieu où Énoch avait été transporté. Saint Jérôme a mis assez souvent le nom de paradisus dans la Vulgate, à l’imitation des Septante : mais il ne se trouve dans le texte hébreu de l’Ancien Testament que dans les quatre passages que nous avons marqués au commencement. Pour l’ordinaire il traduit l’Hébreu gan par paradisus : mais gan signifie simplement un jardin, soit qu’on l’entende d’un jardin potager, d’un verger, ou d’un parc.
Dans les livres du Nouveau Testament, le mot de paradis se met pour un lieu de délices où les âmes des bienheureux jouissent de la béatitude éternelle. Ainsi Jésus-Christ dit au bon larron (Luc 23.43) : Vous serez aujourd’hui avec moi dans le paradis, c’est-à-dire, dans le séjour des bienheureux. Et saint Paul, en parlant de lui-même en troisième personne (2 Corinthiens 12.4), dit qu’il connaît un homme qui a été ravi jusque dans le paradis, où il a entendit des paroles qu’il n’est pas permis de publier. Enfin Jésus-Christ dans l’Apocalypse (Apocalypse 2.6-7) dit qu’il donnera au vainqueur à manger du fruit de l’arbre de vie, qui est au milieu du paradis de son Dieu. Où l’on fait allusion à l’arbre de vie qui était dans le paradis terrestre. Les Juifs appellent d’ordinaire le paradis, le jardin d’Éden, et ils se figurent qu’après la venue du Messie ils y jouiront d’une félicité naturelle, au milieu de toutes sortes de délices ; et en attendant la résurrection et la venue du Messie, ils croient que les âmes y demeurent dans un état de repos.
Les Orientaux croient que le paradis terrestre était sans l’île de Serendib ou Ceylan, et qu’Adam, ayant été chassé du paradis, fut relégué dans la montagne de Rahoun, située dans la même île, à deux ou trois journées de la mer. Les Portugais nomment cette montagne pico de Adam, ou montagne d’Adam, parce qu’on croit que ce premier homme a été enterré sous cette montagne, après avoir fait une pénitence de cent trente ans.
Les Musulmans ne croient pas que le paradis où Adam fut transporté après sa création ait été terrestre, mais élevé dans l’un des sept cieux ; et que ce fut de ce ciel qu’Adam fut précipité dans l’île de Ceylan, où il mourut après avoir fait en pèlerinage en Arabie, où il visita le lieu destiné pour la construction du temple de la Mecque. Ils disent de plus, que quand Dieu créa le jardin d’Éden, il y créa ce que l’œil n’a jamais vu, ce que l’oreille n’a jamais entendu, et ce qui n’est jamais entré dans le cœur de l’homme. Que ce jardin délicieux a huit portes, au lieu que l’enfer n’en a que sept, et lue les portiers qui en ont la garde ne doivent y laisser entrer personne avant les savants qui font profession de mépriser les choses de la terre et de désirer celles du ciel.
Les mêmes Orientaux comptent quatre paradis dans l’Asie ; savoir :
1° Vers Damas en Syrie ;
2° Vers Obollah en Chaldée ;
3° Vers le désert de Naoubendigian en Perse dans un lieu nommé Scheb-Baovan, arrosé par le Nilabe ;
4° Dans l’île de Ceylan, ou Serendib, dont nous avons parlé d’abord.
On voit par là que l’opinion qui place le paradis terrestre vers Damas et aux environs des sources du Jourdain n’est ni nouvelle, ni particulière à nos auteurs européens. Heidegger dans la Vie des patriarches, M. le Clerc, le père Abram, et le père Hardouin tous deux jésuites, ont soutenu ce sentiment. Le père Hardouin vient de publier son système sur ce sujet avec étendue dans son nouveau Pline, et il m’a avoué qu’il y avait beaucoup à objecter et à répondre. On peut le consulter ; car les bornes de ce Dictionnaire ne nous permettent pas de nous étendre sur cela autant qu’il faudrait. [Voyez Éden].