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Messias. Ce terme vient de l’hébreu masch, oindre. On le donne principalement et par exellence, au souverain Libérateur que les Juifs attendaient, et qu’ils attendent encore inutilement aujourd’hui, puisqu’il est venu aux temps préordonnés dans la personne de Notre-Seigneur Jésus-Christ. On donnait l’onction aux rois, aux grands prêtres, et quelquefois aux prophètes. Saül, David, Salomon et Joas, rois dé Juda, ont reçu l’onction royale ; Aaron et ses fils ont reçu l’onction sacerdotale ; Élisée, disciple d’Élie, a reçu l’onction prophétique ; du moins Dieu dit à Élie de la lui donner (1 Rois 19.16) ; mais nous ne lisons point qu’il l’ait fait ; et quelquefois le verbe oindre quelqu’un pour un emploi, se met simplement pour la destination ou pour le choix qu’on en faisait pour quelque chose. Par exemple, il est dit (Juges 9.8-15) que les arbres s’assemblèrent pour se donner un roi ; à la lettre, pour oindre un roi sur eux. Il est dit ailleurs (2 Samuel 19.10) que les Israélites avaient oint Absalon : pour être leur roi ; cependant on ne lit point qu’il ait reçu l’onction royale. Le Seigneur dit à Élie d’oindre Hazael pour être Roi de Syrie (1 Rois 19.15). Ce prophète n’exécuta pas cet ordre, que nous sachions, mais Élisée, son successeur, prédit à Hazael qu’il régnerait, et ne lui donna point l’onction royale (2 Rois 8.11-14) ; au moins l’Écriture n’en dit rien du tout, et ce n’était pas apparemment la coutume de donner l’onction aux rois de Damas. Le roi Cyrus qui mit les Juifs en liberté et qui fonda l’empire des Perses, est nommé dans l’Écriture l’Oint du Seigneur (Isaïe 45.1). On lit dans Ézéchiel (Ézéchiel 28.14) le nom de Messiah, donné au roi de Tyr : Tu Cherub Unctus protegens. On lit dans l’Ecclésiastique (Ecclésiaste 48.8) qu’Élisée a oint les rois pour la pénitence ; le Grec : Vous oignez les rois pour exercer la vengeance du Seigneur ; il oignit Jéhu, roi d’Israël, par les mains d’un prophète qu’il lui envoya (2 Rois 9.2-5), et il annonça verbalement à Hazael qu’il régnerait sur Damas et sur la Syrie. Ces deux princes étaient envoyés de Dieu pour venger les crimes de la Maison d’Achab.
Saint Pierre et les fidèles assemblés, dans les Actes, disent à Dieu (Actes 4.27) : Vous voyez, Seigneur, que les puissances du siècle se sont élevées contre Jésus, votre Fils, quevous avez oint, suivant cette parole : Les princes se sont assemblés contre le Seigneur et contre son oint. Saint Luc (Luc 4.18) dit que le Sauveur étant entré dans la synagogue de Nazareth, y ouvrit le livre du prophète Isaïe, où il lut : L’Esprit de Dieu s’est reposé sur moi ; c’est pourquoi il m’a oint, et m’a envoyé prêcher aux pauvres. Après cela il leur montra que cette prophétie était accomplie en sa personne. Saint Pierre parlant au centenier Corneille et à ceux qui étaient avec lui (Actes 10.36-37), leur dit que le Seigneur avait envoyé la paix aux hommes par Jésus-Christ, à qui il a donné l’onction du Saint-Esprit. Enfin saint Paul, parlant aux Corinthiens (2 Corinthiens 1.21-22), dit que Dieu nous a oints, nous a imprimé son caractère, et nous a donné le gage de son Esprit-Saint, qui demeure dans nos cœurs.
Nous ne lisons pas que Jésus-Christ ait jamais reçu l’onction sensible, ni que les apôtres oignissent les fidèles d’une huile particulière et extérieure. L’onction dont parlent les prophètes et les apôtres, lorsqu’il s’agit de Jésus-Christ et de ses disciples, est une onction spirituelle et tout intérieure de la grâce et du Saint-Esprit, de laquelle l’onction sensible et extérieure, dont on oignait anciennement les rois, les prêtres et les prophètes, n’était que la figure et le symbole. Jésus-Christ a réuni dans sa personne la royauté, la prophétie el le sacerdoce, et a renfermé éminemment tout ce que la loi ancienne et les prophètes avaient promis, ou figuré de plus excellent et du plus parfait. Les chrétiens, ses disciples et ses enfants, jouissent en quelque sorte des mêmes prérogatives ; ils ont reçu l’onction royale et sacerdotale dans le baptême (1 Pierre 2.9). Mais tout cela doit s’entendre dans un sens spirituel, des grâces du Saint-Esprit que son onction sainte a répandues dans nos cœurs.
Le nom de Messialt, Oint, en grec Christ, se donnait aux rois et aux grands prêtres des Hébreux (1 Samuel 121.3-5) : Le Seigneur et son Oint sont témoins ; c’est-à-dire le Seigneur et le roi qu’il a établi. Et David en plus d’un endroit : Dieu me garde de porter ma main sur l’Oint du Seigneur, sur le Messie du Seigneur. Les patriarches et les prophètes sont aussi désignés sous le nom de Messies ou d’oints du Seigneur (1 Chroniques 16.22 Psaumes 105.10) : Ne touchez point mes oints, et ne faites aucun mal à mes prophètes. Mais ce nom convient principalement au Messie par excellence, qui était l’objet du désir et de l’attente de tous les saints. Anne, mère de Samuel (1 Samuel 2.10), le désigne visiblement, lorsqu’à la fin de son cantique, et dans un temps où il n’y avait point de roi dans Israël, elle disait : Le Seigneur jugera les extrémités de la terre ; il donnera l’empire à son roi, et relèvera la corne, la gloire, la force, la puissance de son Christ, de son Messie. Et le Psalmiste (Psaumes 2.2) : Pourquoi les nations se sont-elles soulevées contre le Seigneur et contre son Messie ? Et ailleurs (Psaumes 44.8) : Le Seigneur votre Dieu vous a oint de l’huile de joie par-dessus vos compagnons. Et Jérémie (Jérémie 4.20) : L’Oint du Seigneur est notre vie. Daniel marque la mort de Jésus-Christ sous le nom de Messie du Seigneur (Daniel 9.26) : Occidetur Christus, et non erit, etc. Enfin Habacuc dit : Vous êtes sorti pour donner le salut à votre peuple ; vous êtes sorti avec votre Christ, pour le sauver. Il serait superflu de rapporter les passages du Nouveau Testament, pour prouver que Jésus-Christ est le Messie, puisque cela y est marqué, pour ainsi dire, à chaque ligne. Quant aux livres de l’Ancien Testament, nous nous sommes bornés à ceux où le mot Messiah se rencontre, parce que c’est là proprement ce qui entre dans notre dessein.
Le mot grec Christos, d’où vient Christus et Christianus, répond exactement à l’hébreu Messiah, qui signifie celui qui a reçu l’onction, un roi, un prêtre. Les Grecs se servent aussi du terme Elcimmenos, qui a la même signification que Christos.
Les anciens Hébreux, instruits par les prophètes, avaient les idées très-claires du Messie. Peu à près ils les altérèrent ; et lorsque Jésus-Christ parut dans la Judée, ils s’étaient déjà fait une fausse notion du Messie, comme d’un monarque et d’un conquérant, qui devait s’assujettir tout le monde ; d’où vient que l’humilité et la faiblesse extérieure du Sauveur les scandalisèrent et les empêchèrent de le reconnaître pour le Christ qu’ils attendaient. Depuis ce temps, livrés a leur sens réprouvé, ils s’égarent de plus en plus, et se forment des idées chimériques et inconnues à leurs pères, sur le Messie attendent.
Les anciens prophètes avaient prédit que le Messie serait Dieu et homme, grand et abaissé, maître et serviteur, prêtre et victime, roi et sujet, mortel et vainqueur de la mort, riche et pauvre, roi, conquérant, glorieux, homme de douleurs, couvert de nos infirmités, méconnu, humilié. Toutes ces contrariétés apparentes devaient se concilier dans la personne du Messie, comme elles se sont en effet rencontrées sans contradiction dans la personne de Jésus-Christ. On savait que le Messie naîtrait d’une vierge, de la tribu de Juda, de la race de David, dans la bourgade de Bethléem ; qu’il demeurerait éternellement, que sa venue serait cachée, qu’il était le grand prophète promis dans la loi, qu’il était fils et Seigneur de David, qu’il devait faire de grands miracles, qu’il rétablirait toutes choses, qu’il mourrait et ressusciterait, que sa venue serait précédée par celle d’Élie, qu’une preuve de sa venue était la guérison donnée aux lépreux la vie rendue aux morts, l’Évangile annoncé aux pauvres ; qu’il ne détruirait pas la Loi, mais qu’il la perfectionnerait, qu’il serait une pierre d’achoppement, contre laquelle plusieurs se briseraient, qu’il souffrirait une infinité de contradictions ; que de son temps, l’idolâtrie et l’impiété seraient bannies, et que les peuples étrangers viendraient en foule se ranger sous sa discipline.
Lorsque Jésus-Christ parut ces idées étaient encore communes parmi les Juifs. Le Sauveur en appelle à eux-mêmes, et leur demande si ce ne sont pas là les caractères du Messie, et s’ils n’en voient pas l’accomplissement en sa personne. Les Évangélistes ont soin de les leur faire remarquer, pour prouver que Jésus-Christ est le Christ qu’ils attendent. Ils leur citent les prophéties dont ils convenaient alors, et qu’ils contestent aujourd’hui au Messie. On voit dans les premiers Pères de l’Église, et dans les plus anciens auteurs juifs, qu’au commencement du christianisme, ils ne s’étaient point encore avisés de révoquer en doute plusieurs ; prophéties qui, l’aveu de leurs pères devaient s’entenre du Messie. Ce n’est que dans la suite des temps, que, voulant parer les coups que nous leur portions par leurs propres Écritures, ils ont commencé à nier que les passages que nous leur alléguions, dussent s’entendre du Messie. Après quoi, ils se sont formé de nouveaux systèmes et de nouvelles idées sur la venue du Christ.
Les uns, comme le fameux Hillel, que les Juifs font vivre avant Jésus-Christ, soutiennent qu’en vain on attend la venue du Messie ; qu’il est déjà venu en la personne du roi Ézéchias. D’autres croient que la créance de la venue du Messie n’est point un article foi, et que celui qui nie ce dogme, ne fait qu’une petite brèche à la Loi ; il coupe seulement une branche de l’arbre, sans toucher à la racine. C’est ce que disait le juif Joseph Albo dans la conférence tenue en Espagne en présence de l’antipape Benoît 13. Buxtorf dit que la plupart des rabbins d’aujourd’hui croient que le Messie est venu depuis longtemps ; mais qu’il demeure caché dans quelque endroit du monde, à cause des péchés des Juifs, qui l’empêchent de se manifester. Jarchi avance que les anciens Hébreux ont cru que le Messie était né le jour de la dernière destruction de Jérusalem par les Romains. Quelques-uns lui assignent pour demeure le Paradis terrestre ; d’autres, la ville de Rome, où les Talmudistes tiennent qu’il est caché parmi les lépreux et les malades, à la porte de la ville, attendant qu’Elfe le vienne manifester aux hommes.
D’autres en grand nombre croient qu’il n’est point encore venu : mais ils sont étrangement partagés entre eux sur le temps et les circonstances de sa venue. Les uns l’attendent à la fin du sixième millenaire. Ils font naître Jésus-Christ en 3761. Ajoutez à cette somme celle de 1717, il résultera celle de 5478, et par conséquent ils auraient encore cinq cent vingt-deux ans à attendre. Iiimchi, qui vivait au douzième siècle, croyait la venue du Messie très-prochaine. On consulta David, petit-fils de Maimonides, qui avait été consulté sur la venue du Messie ; mais il n’en sut rien dire de raisonnable. Maimonides prétendait avoir reçu de ses ancêtres certaines prophéties, d’où il tirait que la prophétie serait rendue à Israël après autant de temps qu’il s’en était passé depuis le commencement du monde, jusqu’à Balaam. Or Balaam, selon lui, avait prophétisé en 2486. En doublant ce nombre, on trouvait le rétablissement de la prophétie en 4976, c’est-à-dire, l’an de Jésus-Christ 1316. Ce qui s’est aussi trouvé faux. Enfin quelques-uns ont fixé la fin de leurs malheurs en 1492, d’autres, en 1598, d’autres, en 1600, d’autres, encore plus tard. Enfin, las de tant de variations, ils ont prononcé anathème contre ceux qui supputeraient les années de la venue du Messie.
Pour concilier les prophéties qui paraissent opposées, quelques-uns ont inventé une nouvelle hypothèse de deux Messies, qui doivent se succéder l’un à l’autre : l’un, dans l’humiliation, dans la pauvreté et dans les souffrances ; et l’autre dans l’éclat, dans la gloire et dans l’abondance : l’un et l’autre simple homme. Le premier doit sortir de la tribu de Joseph, et de la famille d’Éphraïm. Il aura pour père Huziel, et sera appelé Néhémie. Il paraîtra à la tête d’une armée composée des tribus d’Éphraïm et de Manassé, de Benjamin, et d’une partie de celle de Gad, et fera la guerre aux Iduméens, c’est ainsi qu’ils appellent les Chrétiens et les Romains, dont il détruira l’empire, et ramènera les Juifs comme en triomphe à Jérusalem.
Le second Messie naîtra de la race de David, rendra la vie au premier Messie, rassemblera tout Israël, ceux qui sont morts, rétablira le temple de Jérusalem, et régnera sur tout le monde. Il épousera plusieurs femmes, et aura plusieurs fils, qui lui succéderont après sa mort ; car il mourra comme un autre homme. On peut voir sur ce sujet deux Dissertations du P. Charles-Joseph Imbonalus, imprimées à la fin du cinquième tome de la Bibliothèque Rabbinique, sur la venue du Messie ; et ce que Bartolocci a ramassé sur le même sujet, dans le premier tome de sa Bibliothèque Rabbinique ; et ce qu’on en lit dans le quatrième tome de l’Histoire des Juifs de M. Basnage, édition de Paris ; et enfin notre Dissertation sur les Caractères du Messie selon les Juifs, imprimée au commencement de notre Comrnentaire sur Jérémie.
Faux Messie.
Jésus-Christ, dans l’Évangile, avertit ses disciples qu’il s’élèvera de faux prophètes et de faux Messies (Matthieu 24.24 Marc 13.22) qu’ils feront des signes et des prodiges capables d’induire à erreur, s’il est possible même les élus. L’événement n’a que trop vérifié cette prédiction. On a vu parmi les Juifs presque dans tous les siècles des faux prophètes et des faux Christs, qui ont réussi à tromper plusieurs personnes. Il en parut dès le temps de Jésus-Christ. Simon le Magicien se faisait considérer à Samarie comme la vertu de Dieu (Actes 8.9). Barchochébas, au siècle suivant, attira par ses impostures sur la nation des Juifs la plus terrible persécution qu’ils aient jamais soufferte. Voyez son article, et ce que nous avons rapporté sous le nom imposteur.
Au cinquième siècle, vers l’an 434, il parut dans l’île de Candie un faux Messie, nommé Moïse, qui se disait être l’ancien législateur des Juifs descendu du ciel pour procurer aux Juifs de cette île une glorieuse délivrance, en les faisant passer au travers de la mer pour rentrer dans la Terre promise. Les Juifs de Candie furent assez fous pour le croire ; plusieurs se jetèrent dans la mer, dans l’espérance qu’elle s’ouvrirait pour leur donner passage. Il y en eut un grand nombre de noyés, on retira les autres comme on put ; on chercha l’imposteur pour le punir ; mais ; il avait disparu ; ce qui fit soupçonner que ce pouvait être un démon qui avait pris la forme d’un homme pour séduire les Juifs.
Au siècle suivant il parut dans la Palestine un faux Messie, nommé Julien ; il se donnait pour un conquérant et promettait à ses sectateurs de les délivrer par la voie des armes de l’oppression des chrétiens. Les Juifs,. séduits par ses promesses, prirent les armes et égorgèrent plusieurs chrétiens. L’empereur Justinien envoya des troupes à leur secours ; Julien fut pris et exécuté à mort, et son parti dissipé.
En 714, un Juif nommé Serenus promit aux Juifs espagnols de les conduire en Palestine, où il devait établir son empire : plusieurs crurent le nouveau Messie, quittent leur patrie et leurs biens, et se mirent à le suivre. Mais ils s’aperçurent bientôt de sa fourbe, et eurent tout le loisir de se repentir de leur vaine crédulité.
Le douzième siècle fut fécond en ces sortes d’imposteurs. Il en parut un en France, qui attira à ses sectateurs un rude châtiment de la part du roi Louis le Jeune. On ignore le nom et la patrie de ce séducteur ; il fut mis à mort par ceux qui le prirent. Il parut vers 1137. Il en parut un autre en Perse l’année suivante ; l’armée qu’il assembla se trouva assez nombreuse pour oser présenter la bataille au roi de Perse. Ce prince força les Juifs de ses états d’obliger cet homme à mettre bas les armes ; le faux Messie répondit que le succès de ses entreprises lui était garant de l’avenir, qu’ils ne craignissent rien. Toutefois, à la fin, il promit de quitter les armes, si on lui remboursait les frais de la guerre. Le roi accepta ce parti ; mais à peine l’imposteur eut désarmé, que le roi obligea les Juifs à lui rembourser ce qu’il avait délivré.
On vit dans le même siècle jusqu’à sept ou huit faux Messies, tant en Espagne qu’en Arabie, en Perse en Moravie ; on dit que celui qui parut en Moravie, avait le secret de se rendre invisible quand il voulait, et de fasciner les yeux de ceux qui le suivaient. Un autre, nommé David Al-roï, était un magicien, qui, à la faveur de quelques faux miracles, trompa grand nombre de Juifs, auxquels il fit prendre les armes. Le roi, étonné de la rapidité de ses conquêtes, et de la multitude de ses sectateurs, lui ordonna de se rendre à la cour, avec promesse, s’il pouvait prouver qu’il fût le vrai Messie, de se soumettre à lui. David se présenta au roi, on le mit en prison, il en sortit, on le poursuivit, il disparut, on entendit sa voix, mais on ne vit rien. Le roi se mit à la tête de son armée pour l’atteindre, il arriva sur le bord du fleuve Goran, et l’entendit qui criait : Ô fous ! mais on ne le vit point ; un moment après on l’aperçut qui, avec son manteau, partageait les eaux du fleuve et le passait ; l’armée le suivit ; mais elle ne le trouva plus. Le roi écrivit aux Juifs de ses États de lui livrer David, sous peine d’être massacrés sans quartier. Zachée, chef de la captivité, écrivit à l’imposteur de se livrer pour sauver sa nation, mais il s’en moqua. Toutefois à la fin, le beau-père de David, gagné par une grande somme d’argent, l’attira chez lui l’enivra, et lui coupa la tête.
Au commencement du seizième siècle, les Juifs de Médie et de Perse, éblouis par la valeur et le succès prompt et rapide des conquêtes d’Ismaël Sophi, chef de la maison qui règne aujourd’hui en Perse, s’imaginèrent qu’il pouvait être le Messie ; mais ce prince, bon musulman, méprisa leurs honneurs, et n’eut pour eux que de l’éloignement. Il mourut en 1523.
Jacques Ziéglerne, qui mourut en 1559, annonçait hautement la venue du Messie. Il soutenait qu’il était né depuis quatorze ans, qu’il l’avait vu à Strasbourg ; il gardait une épée et un sceptre pour les lui mettre en main, lorsqu’il serait en âge de combattre. Il devait alors détruire l’Antechrist et l’empire dit Turc ; étendre sa monarchie jusqu’au bout du monde ; assembler un concile à Constance qui durerait douze ans, et dans lequel tous les différends de la religion seraient terminés. Le Messie ne parut point, et on reconnut l’imposture. Un autre visionnaire, nommé Ziéglerne, parut en Hollande en 1624, et promit un Messie qu’il avait vu, et qui n’attendait que la conversion du cœur des Juifs, pour se manifester.
Tant d’impostures et de mauvais succès n’ont pu encore guérir l’entêtement des Juifs sur le sujet du prétendu Messie qu’ils attendent. Un homme de leur nation, né à Alep, au dernier siècle, nommé Zabatii-Tzévi, entreprit, vers l’an 1666, de se faire reconnaître pour le Messie. Il forma ce dessein de bonne heure, et apprit ce qui lui serait nécessaire pour jouer un si grand rôle. Il prêchait dans les champs devant les Turcs, qui se raillaient de lui, pendant que ses disciples l’admiraient. Il se vanta de s’élever sur les nues, comme l’avait prédit Isaïe (Isaïe 14.14) ; et ayant demandé à ses disciples s’ils ne l’avaient pas vu en l’air, blâma l’aveuglement de ceux qui eurent sincérité de lui dire que non. Il fut cité devant les chefs de la synagogue de Smyrne, où il était alors, et il fut condamné à mort ; mais personne ne voulant exécuter sa sentence, on se contenta de le bannir.
Tzévi se maria trois fois, et ne consomma point ses mariages ; après avoir parcouru la Grèce, il vint à Alexandrie, et de là à Gaze, où il trouva un Juif nommé Nathan-Lévi, ou Benjamin, à qui il persuada de faire le personnage du prophète Élie qui devait précéder le Messie. Ils vinrent Jérusalem : Nathan montra Tzévi comme celui qu’on attendait. Une partie des Juifs du pays se laissa surprendre ; mais les sages s’élevèrent contre lui, et l’anathématisèrent. Il se retira à Constantinople,.et de là à Smyrne, où Nathan-Lévi lui envoya quatre ambassadeurs qui le reconnurent pour le Messie. Cette ambassade imposa au peuple, et même à une partie des, docteurs ; on le reconnut pour roi, et chacun lui porta des présents, afin qu’il pût soutenir sa dignité. En vain les plus sensés s’opposèrent à ces nouveautés ; on prononça contre Tzévi jusqu’à deux sentences de mort ; il ne s’en mit pas en peine, parce qu’il savait qu’on n’oserait les exécuter. Il alla trouver le cadi de Smyrne, et se mit sous sa protection ; le peuple ne parlait que de Tzévi. Il se fit dresser un trône et un à son épouse ; il s’appelait le roi des rois d’Israël, et Joseph Azévi son frère, le roi des rois de Juda. Il fit effacer de la lithurgie le nom de l’empereur Othoman pour y faire mettre le sien. Avant que de commencer la conquête de cet empire, il en partagea les charges et les emplois à ses favoris.
Il partit pour Constantinople. Le grand seigneur, informé de son départ, donna ordre au visir de l’arrêter prisonnier, et de lui faire donner quantité de coups de bâton. Il fut arrêté ; on lui demanda pourquoi il avait pris le nom de roi, il répondit que les Juifs l’y avaient contraint. Le visir le fit mettre en prison aux Dardanelles. Les Juifs crurent que c’était par impuissance que l’on avait épargné Tzévi. On gagna le gouverneur à force de présents, et on combla l’imposteur de toutes sortes d’honneurs dans sa prison. Cependant le grand seigneur fit venir Tzévi à Andrinople, et commanda qu’on le perçât d’un trait et d’une épée, pour voir s’il était invulnérable. Tzévi aima mieux se faire mahométan que de s’exposer à la mort. Telle fut la fin de cette fameuse scène.