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Medecine
Dictionnaire encyclopédique de la Bible de Augustin Calmet
Bost

Jésus, fils de Sirach (Ecclésiaste 38.1-3) attribue l’invention de la médecine à Dieu même : Honorez le médecin, à cause du besoin que vous en avez ; car c’est le Très-Haut qui l’a créé. C’est de Dieu que vient toute guérison. L’Écriture ne nous parle pas de médecins avant le temps du patriarche Joseph. Elle dit qu’il ordonna à ses serviteurs (Genèse 1.2) les médecins d’Égypte d’embaumer le corps de son père Jacob. Ces médecins se mêlaient d’embaumer les corps morts et de guérir les vivants. L’art de la médecine était très-ancien dans l’Égypte. On en attribuait l’invention à Thaut ou à Hermès, ou à Osiris ou à Isis ; et quelques savants ont cru que Moïse, ayant été instruit de toute la science des Égyptiens (Actes 7.22), il savait aussi les principaux secrets de la médecine. On prétend même le prouver par ce qu’il ordonna dans la Loi touchant la lèpre et touchant les incommodités ordinaires des femmes (Lévitique 12 à Lévitique 15) ; touchant les animaux purs et impurs, l’adoucissement des eaux de Mara, etc.

On ne voit guère que les Hébreux aient eu communément des médecins, surtout pour les maladies internes : mais pour les plaies, les fractures, les meurtrissures, ils avaient des médecins qui savaient bander les plaies et y appliquer certains médicaments, comme ta résine, le baume, la graisse, les huiles. Je suis accablé d’afflictions, dit Jérémie (Jérémie 8.22), à cause de la meurtrissure de la fille de mon peuple. N’y a-t-il point de résine à Galaad, ou manquez-vous de médecins ? Et pourquoi la blessure de la fille de mon peuple n’est-elle pas fermée ? Et ailleurs (Jérémie 46.11) : Montez à Galaad, fille d’Égypte, et achetez-y de la résine. Mais en vain vous amassez des remèdes ; votre plaie ne guérira point. Et Ézéchiel (Ézéchiel 30.21) J’ai brisé le bras de Pharaon, roi d’Égypte, et il n’a point été enveloppé pour étre guéri ; il n’a point été lié de linges, ni enveloppé de bandes, pour s’affermir ; il ne pourra jamais manier l’épée.

Mais dans les maux qui ne paraissaient point au dehors, comme les fièvres, la goutte, les douleurs d’entrailles, la peste, les douleurs de tête, on ne parlait ni de remèdes, ni de médecins. Asa, étant attaqué de la goutte aux pieds (1 Rois 15.23 2 Chroniques 16.12), et s’étant adressé aux médecins, on lui eu fait un reproche, comme d’une action contraire à la confiance qu’il devait avoir au Seigneur. Ézéchias, ayant un abcès dont il devait mourir (2 Rois 20.7 Isaïe 38.21), en est guéri par Isaïe, qui y applique un cataplasme de figues. On ne connaissait aucuns remèdes à la lèpre et aux incommodités qui sont des suites de l’incontinence, et qui ne sont que trop connues dans l’Écriture (Proverbes 5.11). Job, étant frappé d’une maladie terrible, on ne parle point d’employer l’art des médecins. On regarde son infirmité comme un coup de la main de Dieu. Ses amis en raisonnent suivant leurs préjugés, et prétendent prouver que c’est une juste peine de ses péchés passés.

Le peu, d’usage que l’on avait de la médecine, et la persuasion où l’on était que les maladies étaient des effets de la colère de Dieu, causés par les mauvais esprits, exécuteurs de sa vengeance, faisaient que dans les maladies extraordinaires on s’adressait ou aux devins, aux magiciens, aux enchanteurs, ou aux faux dieux des païens, qui étaient en réputation de rendre des oracles et de prédire l’avenir ; ou enfin aux prophètes du Seigneur, pour recevoir d’eux la guérison, ou du moins pour savoir si l’on relèverait de sa maladie. Voyez maladie. Ochosias, roi d’Israël, s’étant laissé tomber de la plate-forme qui servait de toit à sa maison, envoie consulter le faux dieu Béelsébub à Acçaron, ville des Philistins (2 Rois 1.2-3). Jérémie (Jérémie 8.17) parle des enchantements qu’on employait contre la morsure des animaux venimeux. J’enverrai contre eux des serpents dangereux, contre la morsure desquels les charmes ne feront rien. Hazael, roi de Syrie, fait consulter le prophète Élisée sur sa maladie (2 Rois 8.7). Naaman le Syrien vient dans les terres d’Israël pour obtenir d’Élisée la guérison de sa lèpre (2 Rois 5.5-6). Du temps que notre Seigneur parut dans la Palestine, il y avait sans doute des médecins dans le pays : mais il paraît que les peuples s’en servaient peu et y avaient peu de confiance. On apportait au Sauveur et à ses apôtres une infinité de malades de tous les endroits du pays.

Les auteurs juifs parlent des médecins d’une manière qui ne leur est nullement honorable : Le meilleur des médecins, disent-ils, mérite l’enfer, et le plus juste des bouchers est le compagnon d’Amalech. Le médecin tue plusieurs personnes par son ignorance, qu’il pourrait guérir par son art ; il laisse périr plusieurs pauvres qu’il pourrait soulager par ses médicaments ; il permet à plusieurs une nourriture trop forte, qui les fait mourir ; il en éloigne d’autres de la confiance qu’ils devraient mettre en Dieu, en la mettant dans leur art. Ils disent comme par manière d’imprécation : Que celui qui pèche contre son Créateur puisse tomber entre les mains du médecin ! Enfin ils disent : Oh ! que le meilleur des médecins aille en enfer, car il vit splendidement : il ne craint point la maladie, il ne brise point son cœur devant Dieu, et il tue le pauvre, en lui refusant son secours.

Encore que l’Écriture ne parle pas expressément de médecin ni de médecine avant le temps du patriarche Joseph, qui commanda à ses médecins d’embaumer le corps de Jacob, son père, on n’en doit pas conclure que l’art de la médecine soit nouveau dans le monde. Adam, qui avait reçu une connaissance si parfaite et si étendue des choses naturelles, de la force des simples, des vertus des sucs, des liqueurs et des métaux, ne manqua pas sans doute de cultiver et de perfectionner cette connaissance, depuis qu’il se vit condamné à la maladie et à la mort par un arrêt irrévocable. Le besoin où il se trouva de réparer ses forces et de conserver sa santé le mit dans la nécessité de recourir aux remèdes naturels, et par conséquent à celle d’en étudier la nature, les effets et les propriétés.

Une science si utile ne demeura pas ensevelie dans l’oubli, Adam l’enseigna à ses enfants ; et l’on doit croire que ceux-ci la cultivèrent et la transmirent à la postérité. Les anciens parlent très-avantageusement de la otannaissance que les Égyptiens avaient de la médecine. Homère dit que les Égyptiens sont les plus habiles médecins du monde, et que chacun d’eux est médecin. C’est sans doute une exagération. Mais Hérodote avoue que tout est plein de médecins en ce pays-là, parce que chaque partie du corps et chaque maladie a son médecin ; les uns se bornent aux maux d’yeux, les autres aux maux de dents, et d’autres aux maux de tete. Diodore de Sicile remarque que ces peuples avaient certains livres sacrés qui renfermaient les préceptes de la médecine usités dans le pays ll n’était pas permis, en traitant les malades, de s’éloigner de ces préceptes ; si on réussissait à guérir, à la bonne heure ; sinon, on ne pouvait faire aucun reproche au médecin, pourvu qu’il eût suivi les règles de son art. Mais s’il s’en éloignait, il était puni de mort, quand même il aurait réussi à guérir.

Moïse avait étudié toutes les sciences d’Egvpte (Actes 7.22). Il y avait sans doute appris la médecine comme tout le reste. Ce qu’il dit de la lèpre, de la manière de la connaître, de la discerner, de la guérir, ou du moins de juger si elle était commencée, invétérée et incurable, ou si en pouvait espérer de la guérir, marque une assez grande connaissance de cette maladie. On croit que le bois qu’il jeta dans l’eau à Mara, pour adoucir une source, ou un puits amer (Ecclésiaste 38.4-5) ; que le serpent d’airain qu’il éleva dans le désert, pour guérir ceux qui avaient été mordus des serpents (Nombres 21.8-9), étaient des secrets d’une médecine cachée et mystérieuse. La distinction qu’il fait des animaux purs et impurs, et des défauts des prêtres qui les excluaient du ministère sacré, et quantité d’autres remarques que l’on voit dans ses livres sur certaines incommodités des hommes et des femmes, marque assez qu’il n’ignorait pas les secrets de la physique. Saint Clément d’Alexandrie dit expressément que Moïse apprit la médecine auprès des plus savants maures de l’Égypte.

Je ne voudrais pourtant pas assurer que les anciens médecins de l’Égypte s’appliquassent aux maladies internes, comme la fièvre, et tant d’autres incommodités qui sont des suites du dérangement du sang ou des humeurs. Il est certain, que les plus fameux médecins de la Grèce, Chiron, Machaon, Podalyre, Pœon, Esculape même, n’étaient que de bons chirurgiens ; leur art n’aboutissait qu’à guérir les blessures, comme le remarque Pline. Celse remarque que Podalyre et Machaon, fils d’Esculape, qui accompagnèrent le roi Agamemnon à la guerre de Troie, ne furent jamais employés contre la peste, ni contre les maladies internes, mais seulement pour guérir les blessures.

La médecine des Hébreux n’était peut-être pas plus parfaite : Salomon, qui savait si parfaitement les secrets de la nature, et la vertu des simples ; qui avait écrit sur tous les animaux, les oiseaux et les poissons, et qui avait composé des traités sur les arbres et sur les plantes, depuis le cèdre du Liban jusqu’à l’hysope (1 Rois 4.33) ; ce prince si éclairé aurait pu nous donner de grands éclaircissements sur cette matière, si Dieu avait permis que ses ouvrages parvinssent jusqu’à nous. Josèphe dit que Salomon avait reçu la vertu de chasser les démons, et de guérir les maux qu’ils font aux hommes ; qu’il avait composé des charmes contre les maladies, et des formules d’exorcismes pour chasser les mauvais esprits des corps des possédés, et pour empêcher qu’ils n’y revinssent plus. Il ajoute que les Juifs de son temps se servaient encore beaucoup de ces remèdes. Un Juif nommé Eléazar guérit plusieurs possédés en présence de Vespasien, de ses deux fils, et de plusieurs officiers et soldats.

Il mettait sous la narine du possédé un anneau dans lequel était enchâssée une racine enseignée par Salomon. En même temps il prononçait le nom de ce prince, et les paroles qu’il avait prescrites : le démoniaque tombait par terre, et le démon ne retournait plus dans son corps ; et pour preuve de la vertu et de la force de son art, le même juif faisait mettre un bassin plein d’eau à quelque distance du possédé, et commandant au démon de sortir, il lui disait de renverser ce vase, en même temps le vase était renversé, et le possédé se trouvait parfaitement guéri.

Le même Josèphe parle d’une racine merveilleuse nommée Baaras, qui produisait l’effet dont il parle ici, et c’était peut-être de celle-là même qui était enchâssée dans l’anneau d’Eléazar. Ce ne sont pas les seuls exemples de guérisons par des remèdes superstitieux, qu’on trouve employés par les anciens Hébreux. L’Écriture parle souvent des charmes employés dans les morsures des serpents et des enchantements dont on se servait pour endormir ou pour enchanter ces animaux, et les empêcher de nuire. Voyez (Jérémie 8.17 ; Job : 40.25 ; Psaumes 52.5) ; (Ecclésiaste 12.13). Voyez aussi notre Dissertation sur les enchantements des serpents à la tête des Psaumes.

Les anciens Grecs avaient les mêmes usages. Pindare assure qu’Esculape guérissait toutes sortes de fièvres, d’ulcères, de blessures, de douleurs par de doux enchantements, par des potions adoucissantes, par des remèdes topiques et extérieurs, ou enfin par des incisions. Homère raconte qu’on arrêta par des enchantements le sang qui coulait de la plaie d’Ulysse. Caton nous a conservé certains vers dont on se servait pour guérir un membre disloqué. Platon dit que les sages-femmes d’Athènes avaient le secret, par le moyen de certaines drogues et decertains charmes, de faire enfanter promptement et aisément les femmes qui étaient en travail.

Les Hébreux n’étaient ni moins curieux, ni moins superstitieux que les autres peuples. Chez eux les charmes, les enchantements, les arts curieux, les talismans, les phylactères, le son des instruments fut employé pour guérir ou soulager les malades, ou pour se préserver contre les morsures des serpents et les fascinations. Les gens de Saül font venir un joueur d’instruments pour soulager leur maître agité du démon. Les Juifs attribuaient à Béelsebub les miracles que faisait Jésus-Christ. Nous avons vu l’exemple du juif Eléazar qui délivrait les possédés par l’odeur d’une racine, et par certaines paroles. L’ange Raphael chassa le démon par la fumée du foie d’un poisson. À Dieu ne plaise que je confonde ce dernier exemple avec ceux de la vaine curiosité, ou de la superstition des Juifs ; je reconnais que celui-ci est miraculeux, ou du moins que la manière dont il agit sur le démon, nous est inconnue. On peut voir notre Dissertation sur la médecine des Hébreux, à la tête du Commentaire sur l’Ecclésiastique, et l’article maladie.

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