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Sœur de Moïse et d’Aaron, et fille d’Amram et de Jocabed, vint au monde environ dix ou douze ans avant son frère Moïse, vers l’an du monde 2424, avant Jésus-Christ 1576, avant l’ère vulgaire 1580. Elle devait avoir dix ou douze ans lorsque Moïse fut exposé sur le bord du Nil, puisque Marie se trouva là, et s’offrit à la fille de Pharaon pour aller chercher une nourrice à cet enfant, qui était son frère (Exode 2.4-10). La princesse ayant agréé ses offres, Marie courut ellercher sa propre mère, à qui l’on donna le jeune Moïse pour le nourrir. On croit que Marie épousa Hur, de la tribu de Juda ; mais on ne voit pas qu’elle en ait eu des enfants. Ce Hur est celui qui monta avec Moïse et Aaron sur la montagne, et qui soutenait les mains de Moïse pendant que Josué combattait les Amalécites (Exode 16.10-11).
Marie fut éclairée des lumières surnaturelles de la prophétie, ainsi qu’elle l’insinue elle-même, en disant (Nombres 12.2) : Le Seigneur n’a-t-il parlé qu’à Moïse ? Ne nous a-t-il pas aussi parlé ? Après le passage de la mer Rouge, Marie se mit à la tête des chœurs et des danses des femmes, et entonna avec elles le cantique (Exode 15.20) : Cantemus Domino ; gloriose enim magnificatus est, etc., pendant que Moïse le chantait dans un autre chœur avec les hommes. Lorsque Séphora, femme de Moïse, fut arrivée dans le camp d’Israël, Marie et Aaron curent une dispute avec elle, et ils parlèrent contre Moïse, en disant (Nombres 12.1-3) : Le Seigneur n’a-t-il parlé que par le seul Moïse ? Et ne nous a-t-il pas aussi parlé comme à lui ? Ce que le Seigneur ayant entendu, il dit à Moïse, à Aaron et à Marie : Allez vous trois seulement au tabernacle de l’alliance. Et quand ils y furent, le Seigneur descendit dans la colonne de nuée, et se tenant à la porte du tabernacle, il dit à Aaron et à Marie : S’il se trouve parmi vous un prophète du Seigneur, je lui apparaîtrai en vision, ou je lui parlerai en songe : mais il n’en sera pas ainsi de Moïse, mon serviteur ; car je lui parle bouche à bouche, et il voit le Seigneur clairement, et non sous des énigmes et des figures. Pourquoi donc n’avez-vous pas craint de parler contre lui ? Alors le Seigneur se retira, et Marie parut tout à coup couverte de lèpre comme de la neige. Aaron, l’ayant vue en cet état, dit à Moïse : Seigneur, je vous prie, ne faites pas tomber sur nous cette peine, et que celle-ci ne soit pas comme un cadavre, ou comme un avorton dont la moitié de la chair est consumée avant qu’il sorte du sein de sa mère. Vous voyez que la lèpre lui a mangé déjà la moitié du corps.
Alors Moïse cria au Seigneur, et le Seigneur lui répondit : Si son père lui avait craché au visage, n’aurait-elle pas dû demeurer au moins sept jours couverte de confusion ? Qu’elle demeure donc sept jours hors du camp, et après cela on la fera revenir. Ainsi Marie fut obligée de demeurer sept jours hors du camp, et le peuple demeura au même lieu jusqu’à ce qu’elle fût rappelée. On ne sait aucune particularité de la vie de Marie, jusqu’à sa mort, arrivée dans le premier mois de la quarantième année après la sortie l’Égypte. Elle mourut au campement de Cadès, dans le désert de Sin (Nombres 20.1). Le peuple fit son deuil, elle fut enterrée au même lieu (Voyez à la tête du 1er volume, le Calendrier des Juifs, au 10 de nisan. Josèphe dit qu’elle fut enterrée somptueusement, et aux dépens du public, et que l’on fit son deuil pendant un mois, Saint Grégoire de Nysse et saint Ambroise ont cru qu’elle avait conservé une virginité perpétuelle. Nous avons dit plus haut que Josèphe lui donne Hur pour mari. Plusieurs anciens et plusieurs nouveaux commentateurs expliquent de Marie, de Moïse et d’Aaron, ce qui est dit dans Zacharie (Zacharie 11.8) : J’ai fait mourir trois pasteurs en un mois, et mon cœur s’est resserré à leur égard, parce que leur âme m’a été infidèle. Eusèbe dit que l’on montrait eneore de son temps le tombeau de Marie à Cadès.
Marie la Vierge, fille de Joachim et d’Anne, de la tribu de Juda, épousa Joseph, de la même tribu. L’Écriture ne nous dit rien de ses parents, elle ne nous apprend pas même leurs noms, à moins que Héli, dont parle saint Luc (Luc 3.23), ne soit le même que Joachim. Tout ce que l’on dit de la naissance de Marie et de ses parents, ne se trouve que dans des écrits apocryphes, mais qui sont très-anciens, ainsi que nous l’avons montré ci-devant sur l’article de Joachim, et plus au long dans notre dissertation, où nous tâchons de concilier saint Matthieu avec saint Luc, sur la généalogie du Sauveur. Marie était de la race royale de David, aussi bien que Joseph, son époux ; et elle était aussi alliée à la race d’Aaron, puisque sainte Élisabeth, femme de Zacharie, était sa cousine (Luc 1.5-36).
Marie fit de bonne heure le vœu de chasteté, et s’engagea à une virginité perpétuelle. Les livres apocryphes (Protev de Jacques) disent qu’elle fut consacrée au Seigneur et offerte au temple dès sa plus tendre jeunesse, et que les prêtres lui donnèrent pour époux Joseph, qui était un saint et vénérable vieillard, que la Providence désigna à cet effet par un miracle, la verge qu’il portait ordinairement ayant verdi et fleuri, comme fit autrefois celle d’Aaron. Il épousa Marie, non pour vivre avec elle dans l’usage ordinaire du mariage et pour avoir des enfants, mais simplement pour être le gardien de sa virginité. Quoique ces circonstances ne puissent pas passer pour certaines, toutefois la résolution que Marie avait prise de garder la continence, même dans le mariage, ne peut être révoquée en doute, puisque sa virginité est attestée par l’Évangile, et qu’elle-même, parlant à l’ange qui lui annonçait qu’elle deviendrait mère d’un fils, lui déclare qu’elle ne connaît point d’homme (Luc 1.34), c’est-à-dire, qu’elle vivait en continence avec son mari. Aussi Joseph, ayant aperçu sa grossesse, fut surpris d’étonnement, et résolut de la répudier, sans éclat toutefois, et sans employer les formalités ordinaires. C’est qu’il savait la résolution réciproque qu’ils avaient prise l’un et l’autre de vivre en continence dans le mariage.
La Vierge étant donc fiancée (Matthieu 1.18), ou si l’on veut, mariée avec Joseph, l’ange Gabriel vint lui annoncer qu’elle deviendrait mère du Messie (Luc 1.26-27). Marie lui demanda comment cela se ferait, puisqu’elle ne connaissait point d’homme ; mais l’ange lui répondit que le Saint-Esprit descendrait en elle, et que la vertu du Très-Haut la couvrirait de son ombre ; en sorte qu’elle concevrait sans avoir commerce avec aucun homme ; et pour confirmer ce qu’il lui disait, et qu’il n’y a rien d’impossible à Dieu, il ajouta qu’Élisabeth, sa cousine, qui était vieille et stérile, était alors dans le sixième mois de sa grossesse. Marie répondit : Je suis la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole ; et aussitôt elle conçut, par l’opération du Saint-Esprit, le Fils de Dieu, vrai Emmanuel, c’est-à-dire, Dieu avec nous. Peu de temps après, elle partit pour aller à Hébron [Voyez Jean–Baptiste, addition], dans les montagnes de Juda, afin de visiter sa cousine Élisabeth. Aussitôt qu’Élisabeth eut entendu la voix de Marie, qui la saluait, son enfant, le jeune Jean-Baptiste, tressaillit dans son sein ; elle fut remplie du Saint-Esprit et elle s’écria : Vous êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni. Et d’où me vient ce bonheur, que la Mère de mon Seigneur vienne vers moi ? Car votre voix n’a pas plutôt frappé mes oreilles, que mon enfant a tressailli de joie dans mon sein. Vous êtes bienheureuse d’avoir cru aux paroles du Seigneur ; car tout ce qui vous a été dit de sa part sera accompli. Alors Marie, pénétrée de reconnaissance et de lumières surnaturelles, loua Dieu, en disant : Mon âme glorifie le Soigneur, et mon esprit est ravi de joie en Dieu mon Sauveur ; et le reste, ainsi qu’il est rapporté dans le cantique Magnificat.
Marie demeura avec Élisabeth environ trois mois, et elle s’en retourna ensuite à la maison. Lorsqu’elle fut prête d’accoucher, on publia un édit de César Auguste, qui ordonnait que tous les sujets de l’empire allassent se faire enregistrer chacun dans sa ville. Ainsi Joseph et Marie, qui étaient tous deux de la famille de David, se rendirent dans la ville de Bethléem, d’où leur famille était originaire. Or, pendant qu’ils étaient en ce lieu, le temps auquel Marie devait accoucher s’accomplit, et elle enfanta son Fils premier-né ; elle l’emmaillotta elle-même et le coucha dans la crèche de la maison ou de la caverne où ils s’étaient retirés, car ils n’avaient pu trouver de place dans l’hôtellerie publique, à cause de l’affluence du peuple qui se trouva alors à Bethléem ; ou bien, ils avaient été obligés de se retirer dans l’étable de l’hôtellerie, n’ayant pu trouver de lieu plus commode, à cause de la foule des étrangers. Les Pères grecs mettent ordinairement la naissance de Jésus-Christ dans une caverne. Saint Justin et Eusèbe la placent hors de la ville, mais à son voisinage ; et saint Jérôme dit qu’elle était à l’extrémité de la ville, vers le midi. On croit communément que la Vierge enfanta Jésus la nuit qui suivit leur arrivée à Bethléem, et que ce fut le 25 décembre. Telle est la très-ancienne tradition de l’Église. Je ne parle point ici des prétendus miracles rapportés dans le faux Évangile de l’Enfance du Sauveur, autrement appelé l’Évangile de saint Thomas. Ces sortes de livres ne méritent qu’un souverain mépris. Les Pères enseignent que Jésus-Christ sortit du sein de sa très-sainte Mère sans rompre le sceau de sa virginité ; qu’elle enfanta sans douleurs et sans aucun secours de sage-femme, parce qu’elle avait conçu sans concupiscence, et que ni elle ni le fruit qu’elle portait n’avaient aucune part à la malédiction prononcée contre Adam ni contre Ève.
Dans ce même temps, les anges avertirent les pasteurs qui étaient à la campagne près de Bethléem, et ils vinrent pendant la nuit même trouver Joseph et Marie, et l’enfant qui était couché dans la crèche, et ils lui rendirent leurs devoirs et leurs adorations. Or, Marie conservait toutes ces choses, et les repassait dans son cœur (Luc 2.19). Peu de jours après, les mages vinrent d’Orient (Matthieu 2.8-11) et apportèrent à Jésus des présents mystérieux, de l’or, de l’encens et de la myrrhe ; après quoi, étant avertis par un ange qui leur apparut en songe, ils s’en retournèrent dans leur pays par un autre chemin que celui par où ils étaient venus. Or, le temps de la purification de Marie étant arrivé, c’est-à-dire, quarante jours après la naissance de Jésus, Marie alla à Jérusalem (Luc 2.22) pour y présenter son Fils au temple, et pour y offrir le sacrifice qui était porté par la loi pour la purification d’une femme après ses couches.
Il y avait alors à Jérusalem un homme, nommé Siméon, qui était rempli du Saint-Esprit, et qui avait reçu une assurance secrète qu’il ne mourrait point qu’il n’eût vu le Christ du Seigneur ll vint donc au temple par le mouvement de l’Esprit de Dieu, et ayant pris le petit Jésus entre ses bras, il bénit le Seigneur, et s’adressant à Marie, il lui dit ; Cet enfant est pour la ruine et pour la résurrection de plusieurs dans Israël, et pour étre en butte à la contradiction des hommes, jusque-ld que votre dtne même sera percée comme par une épée, afin que les pensées cachées dans le cœur de plusieurs soient découvertes.
Après cela, comme Joseph et Marie se disposaient à s’en retourner à Nazareth, leur patrie (Matthieu 2.13-14), l’ange du Seigneur apparut à Joseph, et lui dit en songe de se retirer en Égypte avec la mère et l’enfant, parce que Hérode avait dessein de faire périr Jésus. Joseph obéit et demeura en Égypte jusqu’a la mort d’Hérode. L’ancienne tradition des Orientaux est que la Vierge et saint Joseph s’arrêtèrent à Hermopolis et on montre encore, entre le Caire et Héliopolis, une fontaine et un jardin de baume, dans un lieu appelé Matara, où l’on prétend que la sainte Vierge s’est arrêtée et qu’elle a lavé dans cette fontaine les langes de son Fils. Ce lieu est encore à présent en vénération dans l’Égypte. [Voyez Héliopolis]. Après la mort d’Hérode, Joseph et Marie revinrent à Nazareth, n’osant pas aller à Bethléem parce qu’elle était du royaume d’Archélaüs, fils et successeur du grand Hérode.
Marie et Joseph allaient tous les ans à Jérusalem à la fête de Pâque (Luc 2.41-42), et lorsque Jésus fut âgé de douze ans, ils l’y menèrent avec eux. Et lorsque les jours de la fête furent passés, ils s’en retournèrent ; mais l’enfant Jésus demeura à Jérusarem sans qu’ils s’en aperçussent, et pensant qu’il serait avec quelques-uns de ceux de leur compagnie, ils marchèrent durant un jour. Ensuite, ne l’ayant pas trouvé parmi ceuxde leurconnaissance, ils s’en retournèrent à Jérusalem pour l’y rechercher. Trois jours après, ils le trouvérent dans le temple, assis au milieu des docteurs, les écoutant et les interrogeant. Lorsqu’ils le virent, ils furent remplis d’étonnement, et sa Mère lui dit : Mon Fils, pourquoi avez-vous agi ainsi avec nous ? Voilà votre père et moi qui vous cherchions étant tout affligés. Jésus leur dit : Pourquoi est-ce que vous me cherchiez ? Ne saviez-vous pas qu’il faut que je sois occupé à ce qui regarde le service de mon Père (Luc 2.49) ? Il revint ensuite avec eux à Nazareth, et il leur était soumis. Or, sa Mère conservait dans son cœur toutes ces choses. L’Évangile ne parle plus de la Vierge jusqu’aux noces de Cana, où elle se trouva avec Jésus.
Ce fut la trente-troisième année de Jésus-Christ, trentième de l’ère vulgaire, que le Sauveur, ayant résolu de se manifester au monde, alla au baptême de saint Jean, de là dans le désert, puis à Cana de Galilée, où il fut convié aux noces avec sa Mère et ses disciples (Jean 2.1-3). Le vin venant à manquer, la Mère de Jésus lui dit : Ils n’ont point de vin. Jésus lui répondit : Qu’y a-t-il de commun entre vous et moi ? Mon heure n’est point encore venue. Saint Chrysostome et ceux qui ont accoutumé de le suivre dans ses explications, croient que la sainte Vierge avait eu dans cette occasion quelque mouvement de vanité, et qu’elle avait été tentée du désir de se voir relevée par les miracles de son Fils ; et que c’est ce qui lui attira cette réponse du Sauveur, qui paraît un peu dure. Mais les autres Pères et les commentateurs attribuent ce que dit la sainte Vierge à sa charité et à sa compassion envers ces pauvres gens ; et les paroles du Sauveur, ils les attribuent, non à Jésus comme homme, mais à Jésus comme Dieu. En cette qualité, il dit à Marie : Je n’ai rien de commun avec vous ; je sais quand je dois faire éclater ma puissance ; ce n’est point à vous à me prescrire le temps de faire des miracles.
Or, il y avait là six grandes cruches de pierre. Jésus les fit remplir d’eau jusqu’au haut, et il dit aux serviteurs d’en puiser et d’en porter au maître d’hôtel. Le maître d’hôtel en goûta et trouva que c’était un excellent vin : et ce fut là le premier miracle qu’il fit au commencement de sa prédication. Après cela il alla à Capharnaüm avec sa Mère, ses frères, c’est-à-dire, ses parents et ses disciples ; et il semble que dès lors la sainte Vierge y fit sa principale demeure. Toutefois, saint Épiphane croit qu’elle le suivit partout durant le temps de sa prédication ; mais nous ne trouvons pas que les évangélistes en fassent mention, lorsqu’ils parlent des saintes femmes qui le suivaient pour subvenir à ses besoins. Un jour que Jésus-Christ était dans la maison à Capharnaüm, il s’assembla autour de lui une si grande foule de peuple, que ni lui, ni ses disciples n’avaient pas le loisir de manger (Marc 3.20-21). Cela fit courir le bruit qu’il était tombé en défaillance. Les termes grecs peuvent marquer qu’il était devenu furieux, ou qu’il avait perdu l’esprit ; et la Vulgate lit : Dicebant enim quoniam in furorem versus est. La Mère de Jésus et ses frères vinrent se présenter pour le tirer de la foule. Ce n’était pas eux sans doute qui jugeaient si mal de Jésus, mais le peuple ignorant ou les Pharisiens qui disaient au même endroit qu’il était possédé du démon. La Vierge et les frères ou les parents de Jésus vinrent donc pour voir ce qui avait donné lien à ce bruit qui s’était répandu. On avertit Jésus qu’ils étaient là et qu’ils le demandaient ; mais il leur répondit : Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? Et regardant ceux qui étaient autour de lui, il dit : Voici ma mère et mes frères, car quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est ma mère, ma sœur et mon frère.
La Vierge fut à Jérusalem à la dernière pâque qu’y fit Jésus-Christ. Elle y vit tout ce qui se passa contre lui, elle le suivit au Calvaire, elle demeura au pied de sa croix avec un courage digne de la Mère d’un Dieu. Jésus, ayant donc vu sa Mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait ; dit à sa Mère (Jean 11.26-27) : Femme, voilà votre fils. Puis il dit au disciple : Voilà votre mère. Et depuis cette heure-là le disciple la prit chez lui. Nous ne doutons pas que notre Sauveur n’ait apparu à sa très-sainte Mère aussitôt après sa résurrection, et qu’elle n’ait été la première ou toute des premières à qui il donna cette consolation. Elle se trouva avec les apôtres à son ascension, et elle demeura avec eux dans Jérusalem (Actes 1.14), attendant la venue du Saint-Esprit. Après cela, elle demeura dans la maison de saint Jean l’Évangéliste, et ce saint apôtre prit soin d’elle comme de sa propre mère. On croit qu’il la mena avec lui à Éphèse, où elle mourut dans une extréme vieillesse. On a une lettre du concile oecuménique d’Éphèse, qui prouve qu’on croyait, au cinquième siècle, qu’elle y était enterrée.
Ce sentiment n’était pas toutefois si universel, qu’on ne voie dans le même siècle des auteurs qui croyaient que la Vierge était morte et enterrée à Jérusalem. L’empereur Marcien et Pulchérie, étant en peine de trouver le corps de la sainte Vierge, pour le mettre dans l’église des Blaquernes à Constantinople, s’adressèrent à Juvénal, alors évêque de Jérusalem, qui leur dit que son tombeau était à Gethsémani, près de Jérusalem, et que Marcien fit apporter ce tombeau à Constantinople. On ajoute que la figure du-corps de la Vierge était gravée sur la pierre, et que ce n’était pas un ouvrage de la main des hommes. Depuis ce temps, on a continué de montrer le tombeau de la sainte Vierge à Gethsémani, dans une église magnifique dédiée à son nom ; et ou l’y montre encore aujourd’hui. On dit que les apôtres étant dispersés dans les diverses parties du monde, pour travailler à la prédication de l’Évangile, tout d’un coup ils furent tous miraculeusement transportés à Jérusalem, afin qu’ils pussent assister au trépas de la glorieuse Vierge. Après sa mort, ils ensevelirent son corps dans la vallée de Gethsémani, où l’on ouït pendant trois jours entiers des concerts des esprits célestes. Au bout de trois jours, ce concert ayant cessé, et saint Thomas, qui n’avait pas assisté à sa mort, étant arrivé à Jérusalem, et ayant souhaité de voir ce saint corps, les apôtres ouvrirent son tombeau, mais ne l’ayant pas trouvé, ils jugèrent que Dieu l’avait voulu honorer de l’immortalité, par une résurrection anticipée, qui précédât celle de tous les hommes à la fin des siècles. Mais on ne doit pas dissimuler que ces sortes de traditions sont très-incertaines, pour n’en rien dire de plus.
Quelques-uns ont cru que la sainte Vierge avait fini sa vie par le martyre, fondés sur ces paroles du vieillard Siméon (Luc 2.35) : Votre âme sera percée comme d’un glaive : mais on l’explique ordinairement de la douleur qu’elle souffrit à la vue du supplice de son Fils, n’y ayant aucune histoire qui nous parle de son martyre. Saint Épiphane déclare qu’il ne peut pas dire si elle est morte ou si elle est demeurée immortelle ; si elle a été enterrée, ou non : qu’en un mot personne ne sait quelle a été sa fin mais qu’il ne doute point que si elle est morte, sa mort n’ait été heureuse. Le sentiment de l’Église aujourd’hui est qu’elle est morte, mais on est partagé sur la question de savoir si elle est ressuscitée on si elle attend la résurrection générale àÉphèse, ou à Jérusalem, ou en quelque autre lieu. On peut voir sur ce sujet Florentius dans ses notes sur l’ancien Martyrologe de saint Jérôme, Baronius sur l’an de Jésus-Christ 48, le P.Thomassin dans son traité des Fêtes, M. Joli, chantre et chanoine de Notre-Dame de Paris, dans ses dissertations pour Usuard, M. de Tillemont, Histoire Eccles tome 1 notes 13, 11, 15, 16 et 17, sur la sainte Vierge.
Quant à l’âge auquel elle est morte, et à l’année précise de sa mort, il est inutile de se fatiguer à les rechercher, puisqu’on n’en peut rien dire que de douteux, et qu’on ne peut les fixer qu’au hasard. Nicéphore Calliste et ceux qui l’ont suivi ne donnent aucune preuve de ce qu’ils avancent sur cela, et ne méritent de leur chef aucune créance. Je ne parle pas non plus du portrait que ce même auteur nous a fait de la sainte Vierge, en disant qu’elle était d’une taille médiocre, ou, selon quelques-uns, un peu au-dessus de la médiocre ; que son teint était de la couleur du froment, ses cheveux blonds, les yeux vifs, la prunelle tirant sur le jaune, et à-peu-près de la couleur d’une olive, les sourcils noirs, et en demi-cercle, le nez assez long, les lèvres vermeilles, les doigts et les mains grandes, l’air simple, modeste, gravé ; les habits propres, sans faste et sans ostentation, et de la couleur naturelle de la laine. On a prétendu que saint Luc avait fait son portrait, et on en montre en plusieurs endroits que l’on assure avoir été pris sur la peinture que saint Luc en avait faite : mais les anciens ne nous ont point appris que saint Luc ait été peintre, ni qu’il ait peint la sainte Vierge. Nicéphore Calliste, auteur du quatorzième siècle, est le premier qui en ait parlé d’une manière bien expresse : mais Théodore, lecteur de l’Église de Constantinople, qui vivait au sixième siècle, raconte qu’Eudocie envoya de Jérusalem à Constantinople à l’impératrice Pulchérie une image de la sainte Vierge, peinte par saint Luc. Il est certain que ce saint évangéliste nous a appris plusieurs particularités de la vie de la sainte Vierge, qu’il est malaisé qu’il ait apprises d’autres que d’elle-même ; cc qui fait juger qu’il avait eu l’avantage de la connaître, et d’avoir même eu part à sa confidente.
On montre quelques lettres de la sainte Vierge à saint Ignace le martyr, et de saint Ignace à la sainte Vierge. Saint Bernard les croyait véritables : mais à présent personne ne doute qu’elles ne soient supposées. On fait le même jugement des lettres prétendues de la Vierge à ceux de Messine et à ceux de Florence, que l’on prétend qu’elle écrivit de Jérusalem en hébreu, que saint Paul traduisit en grec, au moins celle au peuple de Messine, et que Constantin Lascaris mit en latin.
Je n’entre point ici dans la discussion du culte et des fêtes de la Vierge ; du temps auquel elles ont été instituées, de l’objet que l’Église s’y propose ; cette matière n’est point de mon sujet : elle regarde ceux qui composent les Vies dés saints.
Les Juifs, ennemis du Sauveur, ont débité contre elle plusieurs faussetés dans leur libelle intitulé, Toledos Jesu, ou Vie de Jésus-Christ. Ils disent que Marie était une coiffeuse, épouse d’un nommé Johanan, qui, s’étant laissé séduire par un nommé Pandère, en eut un fils nommé Josua, ou Jésus : que Pandère, ou Panthère s’étant sauvé à Babylone, Marie demeura chargée de son fils. Akiba se transporta à Nazareth pour s’instruire de la naissance de Jésus, qui dès ses plus tendres années se distinguait à l’école : il tira d’elle qu’elle était coupable d’adultère. À son retour, on arrêta Jésus, on le rasa et on lava sa tête avec une eau qui empêche les cheveux de croître ; de là vient que ses disciples se rasent la tête. Ils veulent marquer les prêtres et les religieux qui portent une couronne. Ils ajoutent qu’à la mort de Marie on lui dressa un monument superbe avec une inscription à Jérusalem ; ce qui coûta la vie à cent chrétiens, parents de Jésus, qui se signalèrent dans cette occasion. Voilà les fables que les Juifs publient contre la sainte Vierge.
Les mahométans, au contraire, ont pour elle des sentiments d’estime et de respect, qu’on aurait peine à croire dans des gens qui sont hors de la voie de la vérité et du salut. Mais ils ne demeurent pas dans les bornes de la vérité et de la sobriété : ils ajoutent plusieurs particularités fabuleuses à ce que nous savons de Marie. Ils disent, par exemple, qu’Anne, mère de Marie, et épouse d’Amram, étant enceinte d’elle, voua au Seigneur ce qu’elle portait dans son sein, sans savoir si c’était un mâle ou une fille : que Dieu donna à l’enfant le nom de Marie : qu’Anne donna cette enfant à garder au prêtre Zacharie, qui l’enferma dans une des chambres du temple, dont la porte était si haute, qu’il y fallait monter par une échelle, et dont il portait toujours la clef sur lui.
Zacharie lui rendait souvent visite, et il ne le faisait jamais qu’il ne trouvât auprès d’elle les plus excellents fruits de la Palestine, et toujours à contre-saison, ce qui l’obligeait à lui demander d’où lui venaient de si beaux fruits ? À quoi Marie répondait : Tout ce que vous voyez vient de la part de Dieu, qui pourvoit de toutes choses ceux qu’il lui plaît, sans compte et sans nombre.
Pour la pureté de la sainte Vierge dans sa naissance et dans la conception du Verbe, sur sa virginité avant et après l’enfantement, ils en parlent d’une manière qui devrait faire honte à plusieurs chrétiens. Ils disent que l’ange Gabriel, ayant été envoyé à Marie pour lui annoncer la naissance de Jésus-Christ, lui dit : Ô Marie ! Dieu vous a élue, purifiée et très-particulièrement choisie entre toutes les femmes du monde. Ô Marie ! soumettez-vous à votre Seigneur, prosternez-vous et adorez-le avec toutes les créatures qui l’adorent. Voici un grand secret que je vous révèle : Dieu vous annonce son Verbe, dont le nom sera le Christ, ou le Messie Jésus, qui sera votre fils, très-digne de respect en ce monde et en l’autre.
Abulfarage écrit, dans ses Dynasties, que la tradition des chrétiens d’Orient était que la sainte Vierge n’était âgée que de treize ans lorsqu’elle enfanta Jésus-Christ, et qu’elle n’en vécut que cinquante et un. Quelques musulmans attribuent faussement aux chrétiens de reconnaître cette sainte Vierge pour la troisième personne de la sainte Trinité ; ce qui vient de ce que les chrétiens orientaux lui donnent le nom de Al-Seidai, qui signifie la Dame, et qu’entre les Pères grecs saint Cyrille la nomme le supplément ou le complément de la très-sainte Trinité. Mais d’autres mahométans nous purgent de cette calomnie.
Marie dont les reliques se conservent à Véroli dans la campagne de Rome, était la mère de Jacques et de Jean ; elle s’appelait non Marie, mais Salomé, quoique communément on lui donne aussi le nom de Marie, mère de Jacques et de Jean ; mais saint Matthieu (Matthieu 27.56), la nomme simplement la mère des fils de Zébédée. Et saint Marc (Marc 15.40), l’appelle Salomé. Elle était donc épouse de Zébédée, et mère de saint Jacques et de saint Jean. C’est ce que M. de Tillemont avait déjà remarqué, et ce qui m’a été confirmé par M. Nicolas Aloysius, par sa lettre écrite de Rome au mois de janvier 1726, où il dit qu’il a eu occasion de s’instruire à fond sur ce sujet, ayant examiné tous les monuments de l’église de Véroli. [Voyez Marie Salomé].
Mère de Jean-Marc, disciple des apôtres. Elle avait une maison dans Jérusalem, où l’on croit que les apôtres se retirèrent après l’Ascension, et où ils reçurent le Saint-Esprit. Cette maison était sur le mont Sion. Saint Épiphane dit qu’elle échappa à la ruine entière de Jérusalem par Tite, et qu’elle fut changée en une église fort célèbre, et qui subsista pendant plusieurs siècles. Après l’emprisonnement de saint Pierre (Actes 12.5-6), les fidèles, assemblés dans cette maison, y priaient avec instance ; et Pierre, délivré par le ministère d’un ange, vint frapper à la porte de cette maison. On ne sait aucune particularité de la vie de Marie, mère de Jean-Marc. Voyez ci-devant Jean-Marc.
Elle portait le nom de Cléophas, dit saint Jérôme, ou à cause de son père, ou à cause de sa famille, ou pour quelque autre raison qui ne nous est pas connue. D’autres croient, avec plus de fondement, qu’elle était épouse de Cléophas et mère le saint Jacques le Mineur et de saint Siméon, frères du Seigneur. Ces derniers auteurs prennent Marie, mère de Jacques, et Marie de Cléophas, pour la même personne. Saint Jean lui donne le nom de Marie de Cléophas, et les autres évangélistes celui de Marie, mère de Jacques. Cléophas et Alphée sont la même personne, comme saint Jacques, fils de Marie de Cléophas, est le même que saint Jacques, fils d’Alphée. Dans la langue hébraïque, Alphée et Cléophas ne diffèrent que dans la manière dont les Grecs ont écrit et prononcé ces deux noms. Cléophas peut venir de l’hébreu cheleph, qui signifie changer ; comme qui dirait, le changeur, l’inconstant ; ou de la ville de Cheleph, marquée dans Josué (Josué 19.31), et qui était frontière de Nephtali dans la Galilée. Cléophas ou Alphée pouvait être originaire de celle ville. [D’autres font venir ce nom du syriaque cepha ou kepha, qui signifie roc, pierre, et qui devient le nom que Notre-Seigneur donna à Simon, fils de Jean, lorsqu’il le fit le fondement et le chef de l’Église].
Pour revenir à Marie de Cléophas, nous ne savons que peu de particularités de sa vie. On tient qu’elle était sœur de la sainte Vierge, et qu’elle fut mère de Jacques le Mineur, de José, Siméon et de Jude, qui sont nommés dans l’Évangile (Matthieu 13.55 ; 27.56 Marc 6.3) les frères de Jésus-Christ, c’est-à-dire, ses cousins germains. Elle crut de bonne heure à Jésus-Christ, et elle l’accompagna dans ses voyages, pour le servir. Elle se trouva à la dernière Pâque et à la mort du Sauveur ; elle le suivit au Calvaire, et durant la passion, elle était avec la Vierge au pied de la croix (Jean 19.26). Elle fut aussi présente à sa sépulture, et prépara dès le vendredi des parfums pour l’embaumer (Luc 23.57) : mais étant allée à son tombeau le dimanche, de très-grand matin, avec quelques autres femmes, elles y apprirent de la bouche des anges qu’il était ressuscité, et en furent porter la nouvelle aux apôtres (d). En chemin Jésus leur apparut, et elles lui embrassèrent les pieds, en l’adorant (Matthieu 28.9). On ne sait pas l’année de la mort de sainte Marie de Cléophas : mais les Grecs font le 8 d’avril mémoire des saintes femmes qui portèrent le parfum pour embaumer le corps du Sauveur, et ils prétendent avoir leurs corps à Constantinople dans une église de la sainte Vierge, bâtie par Justin II. Le Martyrologe romain marque la fête de sainte Marie de Cléophas le 9 d’avril, et il met la translation de son corps dans la ville de Véroli dans la campagne de Rome, au 25 de mai. D’autres prétendent qu’elle est dans une petite ville de Provence appelée les Trois-Maries, le bord du Rhône et de la mer. [Voyez Marthe, addition].
Fille de Marie de Cléophas, dont nous venons de parler, et sœur de saint Jacques le Mineur et des autres qui sont appelés dans l’Écriture frères du Seigneur, était cousine germaine de Jésus-Christ selon la chair, et nièce de la très-sainte Vierge. Elle s’appelait proprement Salomé, et c’est sans fondement qu’on lui donne le nom de Marie, qui est celui de sa mère.
D’autres prétendent que Salomé était fille de saint Joseph, époux de la Vierge ; et c’est le sentiment des Grecs modernes, qui est fondé sur le témoignage de S. Épiphane. Voyez Salomé.
Le Martyrologe romain donne le nom de Marie Salomé à la mère de saint Jacques le Majeur. On ne sait sur quel fondement, car on ne trouve ni dans l’Évangile, ni dans aucun bon auteur, qu’elle s’appelât Marie mais on sait certainement qu’elle s’appelait Salomé. Comparez S. Matthieu (Matthieu 27.56), avec S. Marc (Marc 15.40), et voyez Origène sur S. Matthieu, page 206, c, et les autres interprètes. Voyez ci-après l’article de Salome, [et ci-dessus l’article de Marie, qui précède celui de Marie, mère de Jean-Marc].
Femme chrétienne, dont parle saint Paul dans son Épître aux Romains (Romains 15.16), et dont il dit qu’elle a beaucoup travaillé pour la foi et pour l’Église de Rome. Elle était en cette ville au commencement de l’an 58. On ne sait rien de certain ni sur ses actions, ni sur sa mort.
Que l’on a si mal à propos confondue avec la femme pécheresse dont parle saint Luc (Luc 7.37-39), et dont il ne nous dit pas le nom, mais qui est probablement Marie-Madeleine, dont nous parlerons incontinent. Marie, sœur de Marthe et de Lazare, demeurait avec son frère et sa sœur à Béthanie, village près de Jérusalem. Jésus-Christ avait une affection particulière pour cette famille, et on voit par l’Évangile qu’il se retirait souvent dans leur maison avec ses disciples. Un jour, et peut-être la première fois que Jésus y alla (Luc 10.38-43), Marthe l’ayant reçu avec beaucoup d’affection, et s’empressant à lui faire la meilleure chère qu’elle pourrait, Marie, sa sœur, se tenant aux pieds de Jésus, tranquillement sa parole : mais arthe dit à Jésus :
Seigneur, considérez-vous point que ma sœur me lisse servir toute seule ? Dites-lui donc qu’elle m’aide. Mais Jésus lui répondit que Marie avait choisi la meilleure part, qui ne lui serait point ravie.
Quelque temps après, Lazare, leur frère, étant tombé malade, ses sœurs en avertirent Jésus (Jean 11.1-45) : mais Jésus ne partit que lorsqu’il fut mort. Il arriva à Béthanie, et d’abord Marthe vint au-devant de lui, et lui dit que s’il n’eût pas été absent, Lazare ne serait pas mort. Jésus lui promit qu’il le ressusciterait. Il fit ensuite avertir Marie qu’il était là. Marie y accourut aussitôt, et fit à Jésus la même plainte qu’avait faite Marthe. Il leur demanda où il était enterré : on l’y conduisit ; il frémit, il pleura, il pria son Père ; puis ayant crié à haute voix : Lazare, sortez dehors le mort sortit vivant, et Jésus’le rendit à ses sœurs. Après cela, il se retira du voisinage de Jérusalem, et n’y revint que quelques jours avant la Pâque (Jean 12.1-3). Six jours avant cette solennité, Jésus vint à Béthanie avec ses disciples, et on l’invita à souper chez Simon le Lépreux. Marthe servait, et le Lazare était un de ceux qui étaient à table. Marie, ayant pris une livre de parfum de nard d’épi, qui est le plus précieux de tous ceux de cette espèce (voyez ci-après Nard), le répandit sur la tête et sur les pieds de Jésus. Elle essuya ses pieds de ses cheveux, et toute la maison fut remplie de l’odeur de ce parfum. Judas Iscariote en murmura ; mais Jésus prit la défense de Marie, et dit que par cette action elle avait prévenu son embaumement, et avait en quelque sorte annoncé sa sépulture et sa mort prochaine. Depuis ce temps, l’Écriture ne nous dit plus rien de Marthe et de Marie : mais ceux qui confondent Marie, sœur de Marthe, avec Marie-Madeleine, disent que la première assista à la mort et au supplice du Sauveur, et qu’elle alla au tombeau pour l’embaumer. L’Ordre romain et un Nicéphore cité par M. Cotelier disent que Marie et Marthe allèrent au tombeau du Sauveur, pour l’embaumer mais nous ne trouvons point cela dans les auteurs sacrés.
Les anciens Latins et les Grecs modernes croient que Marie et Marthe sont demeurées à Jérusalem et y sont mortes. Divers martyrologes anciens y marquent leur fête le 19 de janvier. Flodoard, qui vivait en 920, dit que, de son temps, on voyait le corps de sainte Madeleine qu’il confondait avec Marie, sœur de Lazare. Les Grecs font sa fête le 18 de mars, à cause des parfums qu’elle répandit ce jour-là sur Jésus-Christ. Bardilon, abbé de Leuze, apporta, dit-on, de Jérusalem à Vezelay, le corps de sainte Madeleine, vers l’an 920, et, dans les douzième et treizième siècles on venait de tous côtés à Vezelay pour y honorer ses reliques. Mais la créance la plus commune aujourd’hui, et qui était commencée dès l’an 1254, est que le corps de sainte Madeleine, qu’on a confondu depuis longtemps avec Marie, sœur de Lazare, est dans l’église des Jacobins de Saint-Maximin, au diocèse d’Aix en Provence : tradition dont l’origine est très-incertaine (Voyez Marthe, addition). On peut voir sur cela le Père Alexandre, dominicain, dans sa dissertation sur la Madeleine,. Histoire Eccl., t. 2 ; M. de Tille : Iront, dans le second tome de ses Mémoires, page 30 et suivants, et dans les notes sur sainte Marie-Madeleine, page 520 et suivants ; M. de Lannoy, dans son Traité de la venue de Marie-Madeleine, de Marthe et de Lazare, en Provence ; et les autres qui ont traité la question s’il y a eu trois Maries. [Voyez Lazare et Marthe].
Que la plupart confondent très-mal à propos avec Marie, sœur de Marthe et de Lazare, était apparemment cette pécheresse dont parle saint Luc (Luc 7.36, 37) et suivants, dont il ne dit pas le nom. Mais voici quelques circonstances qui peuvent faire croire que c’est la même qu’il nomme Marie-Madeleine au chapitre 8.2, et dont il dit que Jésus avait chassé sept démons. Jésus, ayant guéri le fils de la veuve de Nam, entra dans la ville et y fut invité à manger par un pharisien, nommé Simon. Lorsqu’il fut à table, une femme de mauvaise vie vint dans la maison, avec un vase d’albâtre, plein d’huile de parfum ; et se tenant debout, derrière Jésus et à ses pieds, car il était couché sur un lit de table à l’antique, elle répandit son parfum sur ses pieds, les baisa, les arrosa de ses larmes, et les essuya de ses cheveux. Le pharisien l’ayant considérée, dit en lui-même : Si cet homme était prophète, il saurait qui est celle qui le touche, et que c’est une femme de mauvaise vie. Alors Jésus, qui voyait le fond de son cœur, lui dit : Un créancier avait deux débiteurs, dont l’un lui devait cinq cents deniers, et l’autre cinquante. Comme ils n’avaient pas de quoi payer, il leur remit à tous deux leurs dettes. Lequel des deux l’aimera donc davantage ? Simon répondit : Je crois que c’est celui à qui il a remis une plus grande somme.
Après cela, Jésus, relevant tout ce que cette femme venait de faire pour lui, ajouta : Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu’elle a beaucoup aimé (Luc 7.47) ; mais celui à qui on remet moins, aime moins. Alors il dit à cette femme : Vos péchés vous sont remis. Au chapitre suivant, saint Luc dit que Jésus, allant de ville en ville, prêchait l’Évangile, accompagné de ses douze apôtres, et qu’il y avait aussi quelques femmes qui avaient été délivrées des malins esprits, et guéries de leurs maladies’ entre lesquelles était Marie, surnommée Madeleine, dont sept démons étaient sortis. J’avoue que cela ne prouve pris démonstrativement que la femme pèche-risse soit Marie-Magdeleine ; mais c’est là tout ce que l’un a pour soutenir ce sentiment. Ainsi, sans prétendre que ce ne soit qu’une seule personne, après avoir rapporté ce qui regarde la pécheresse, nous allons dire ce que l’on sait de Marie-Magdeleine.
Marie-Magdeleine tirait son surnom ou du bourg de Magdala, situé dans la Galilée, au delà du Jourdain, pas loin de Gainala, apparemment le même qui est marqué dans saint Matthieu (Matthieu 15.39), selon le Grec, au lieu que le Grec lit Magedan ; ou de Magdolos, ville située au deçà du Jourdain, au pied du mont Carmel, qui est la même que Megiddo, marquée dans Josué (Josué 17.11 ; 2 Rois 9.27 ; 23.29). [Voyez Magdalel, etc].
Les rabbins parlent d’une Marie-Madeleine, femme du rabbin Papus, fils de Juda, et d’une autre Marie Madeleine, femme de Hamchuna, père du Nazaréen, laquelle fut surnommée Magdala, ou Madeleine, non à cause de sa patrie, mais à cause de sa profession de coiffeuse ou de friseuse, comme si l’on voulait marquer, par ce terme, qui signifie une tour, que Madeleine, en frisant et en coiffant les femmes, leur bâtissait en quelque sorte des tours sur la tête.
Ligtfoot croit que c’est de cette Marie-Madeleine dont parlent saint Luc et les autres évangélistes, et que cet auteur confond avec Marie, sœur de Lazare. Madeleine est nommée, dans les évangélistes, parmi les femmes qui suivaient le Sauveur, pour le servir, suivant l’usage des Juifs. Saint Luc (Luc 7.2l) et saint Marc (Marc 16.9) remarquent que cette femme avait été délivrée de sept démons par Jésus-Christ, ce que quelques-uns entendent à la lettre ; mais d’autres l’entendent des crimes et des désordres de sa vie passée, dont Jésus-Christ l’avait tirée. D’autres tiennent qu’elle a toujours vécu dans la virginité, et par conséquent ils la distinguent de la pécheresse de saint Luc, et ne peuvent entendre les sept démons qui la possédaient que d’une possession réelle et effective, qui n’est point incompatible avec la sainteté. Elle suivit Jésus-Christ au dernier voyage qu’il fit de Galilée à Jérusalem, et elle se trouva au pied de la croix avec la sainte Vierge (Jean 19.25 Marc 15.47). Elle demeura sur le Calvaire jusqu’à la mort du Sauveur, et elle le vit mettre dans le tombeau ; après quoi elle s’en retourna à Jérusalem, pour acheter et pour préparer des parfums, afin qu’elle le pût embaumer, après le repos du sabbat, qui allait commencer.
Elle demeura dans la ville pendant tout le jour du sabbat, et le dimanche, de très-grand matin, elle alla au sépulcre avec Marie, mère de Jacques, et Salomé (Marc 16.1-2 Luc 24.1-2). En chemin, elles se disaient l’une à l’autre :
Qui nous ôtera la pierre qui ferme le tombeau ? Alors elles sentirent un grand tremblement de terre ; c’était la marque de la résurrection de Jésus-Christ. Étant arrivées à son tombeau, elles virent deux anges qui leur annoncèrent que Jésus était ressuscité. Aussitôt Marie-Madeleine courut à Jérusalem, pour dire cette bonne nouvelle aux apôtres, et en même temps elle revint au sépulcre. Pierre et Jean y vinrent aussi et furent témoins que le corps n’y était plus lis s’en retournèrent ; mais Marie resta, et s’étant penchée, pour voir dans l’intérieur du sépilcre, elle y vit deux anges assis, l’un à la tête et l’autre au pied du tombeau. Ils lui dirent : Pourquoi pleurez-vous ? Elle répondit : On a emporté mon Seigneur, et je ne sais où on l’a mis. En même temps, s’étant tournée, elle vit Jésus, sous la forme d’un jardinier, qui lui demanda ce qu’elle cherchait. Elle répondit : Seigneur, si c’est vous qui avez pris mon maitre, dites-le-moi, afin que je l’emporte. Jésus lui dit : Marie ! et aussitôt elle le reconnut et se jeta à ses pieds, pour les baiser ; mais Jésus lui dit : Ne me touchez point ; car je ne vais pas encore à mon Père ; comme s’il voulait dire : Vous aurez le loisir de me voir. Allez trouver mes frères, nies apôtres, et dites-leur que je vais monter à mon Dieu et à leur Dieu, et à mon Père et à leur Père (Matthieu 2_ :5 Marc 16.6 Jean 20.11-17). Ainsi Marie eut le bonheur de voir le Sauveur la première de toutes, après sa résurrection.
Elle revint donc à Jérusalem, et elle dit aux apôtres qu’elle avait vu le Seigneur, qu’elle lui avait parlé, et leur raconta ce qu’il lui avait dit ; mais les apôtres ne la crurent pas d’abord, jusqu’à ce que cette nouvelle se confirmât par quantité d’autres témoignages. Voilà ce que l’Evaligile nous dit de sainte Marie-Madeleine, différente de Marie, sœur de Marthe, qu’on a aussi très-souvent appelée de ce nom ; car l’histoire prétendue de Marie-Madeleine, que l’on dit avoir été écrite en hébreu par sainte Marcelle, servante de sainte Marthe, regarde Marie, sœur de Marthe ; et d’ailleurs c’est une pièce absolument fabuleuse.
Saint Modeste, archevêque de Constantinople au septième siècle, dit que Marie-Madeleine, de laquelle Jésus avait chassé sept démons, alla à Éphèse après la mort de la sainte Vierge, et qu’elle demeura toujours auprès de saint Jean, tant qu’elle vécut. Cet auteur dit qu’elle y finit sa vie par le martyre.On en avait alors les Actes, mais on ne les connaît plus aujourd’hui. Le commentaire sur saint Marc, attribué à saint Jérôme, dit que Marie-Madeleine était veuve. Saint Grégoire de Tours, de même que saint Modeste, dont nous venons de rapporter le témoignage, dit que son tombeau était à Éphèse et qu’il n’était pas encore ouvert. On y révérait encore ses reliques, en 745, lorsque saint yillebeaud y y passa. Les Menées des Grecs marquent qu’elle y est morte et qu’elle y est enterrée. L’empereur Léon le Sage, qui commença à régner en 886, fit apporter ses reliques d’Éphèse à Constantinople. Codin, qui parle de cette translation, l’entend de Marie, sœur de Lazare ; mais Cédrène l’entend de la Madeleine.
Fille d’Eléazar, de race très-considérable, s’étant retirée à Jérusalem avec son mari et son fils, qui était encore enfant, au commencement de la guerre des Juifs contre les Romains, y fut enfermée lorsque le siège de la ville fut formé. Son mari ayant été tué dans une sortie, et les Zélés, qui commettaient impunément dans la ville toutes sortes de crimes, lui ayant ravi tout-ce qu’elle avait, elle passa quelques jours sans prendre aucune nourriture : mais enfin, pressée par la Faim et transportée par le désespoir, elle tua son fils, le fit cuire et en mangea une partie. Peu de temps après, les Zélés, attirés par l’odeur de cette viande, entrèrent dans sa maison et lui demandèrent où était ce qu’elle avait fait cuire. Elle leur montra quelques membres de son enfant, et les leur offrit, pour les manger, leur disant avec insulte qu’ils n’étaient pas plus délicatsqu’une femme, ni plus tendres qu’une mère. [Voyez Anthropophagie].